B. LA RÉFORME EN COURS DOIT ÊTRE POURSUIVIE
1. Une réforme significative des aides à l'investissement locatif social
a) Une succession de réformes peu concluantes depuis 1996
Depuis
1996, les aides à l'investissement locatif social ont été
régulièrement réformées. Cela n'a pourtant pas
permis une relance de la construction. Bien au contraire, ces réformes
n'ont fait que complexifier plus encore le dispositif existant.
Le 1
er
octobre 1996, l'aide à la construction de logements
sociaux a été modifiée par
application du taux
réduit de TVA
à 5,5 % aux opérations
financées par un PLA. Ce taux réduit de TVA a été
étendu aux PLA acquisition-amélioration (PLA-A-A) à
compter du 1
er
janvier 1998, ces derniers continuant à
bénéficier d'une subvention.
Créés le 1
er
janvier 1998, les
PLA à loyer
minoré
(PLA-LM) -anciennement dénommé PLA à
financement très social (PLA-TS)- ont été conçus
pour rendre les logements locatifs sociaux accessibles aux ménages
défavorisés. Les PLA-LM peuvent financer des constructions neuves
ou des opérations d'acquisition-amélioration. La subvention dont
bénéficient les PLA-LM en complément d'une TVA à
taux réduit à 5,5 % permet de louer les logements à
des niveaux de loyers dont le plafond ne doit pas dépasser 80 % du
loyer maximum PLA. Le plafond de ressources des locataires à
l'entrée dans les lieux est limité à 60 % de celui du
PLA neuf.
Créés le 1
er
janvier 1998, les
PLA
d'intégration sociale
(PLA-I) sont destinés à des
ménages cumulant des ressources faibles (mêmes plafonds de
ressources que les PLA-LM) et des difficultés sociales. Ces PLA
bénéficient d'une subvention majorée ainsi que d'un taux
de TVA réduit à 5,5 %.
Les
PLA " construction-démolition "
(PLA-CD),
également créés en janvier 1998, visent à permettre
le relogement des ménages occupant des logements sociaux destinés
à être démolis. Ces PLA bénéficient d'une
subvention en complément d'un taux réduit de TVA à
5,5 %.
Parallèlement, pour répondre à une demande des organismes
HLM, étaient mis en place les
PLA
" expérimentaux "
. Ceux-ci constituaient un premier pas
vers une unification des produits, en regroupant les caractéristiques du
PLA et du PLA-LM : le loyer plafond ne devait pas dépasser
90 % du loyer PLA.
Aussi, l'an passé, le Gouvernement avait-il considéré
que, "
en ce qui concerne les logements sociaux, la réforme de
leur financement peut désormais être considéré comme
achevée
"
5(
*
)
.
Votre commission ne partageait pas ce point de vue. Elle estimait au contraire
urgent de réformer en profondeur les aides à l'investissement
locatif social.
Elle proposait alors d'explorer trois pistes de
réforme :
- la diminution du coût de la ressource ;
- la simplification des aides ;
- une plus grande décentralisation du financement du logement
social.
b) Une nouvelle réforme intervenue en cours d'année
Revenant
sur ses positions, le 21 juillet 1999, le Gouvernement a annoncé une
importante réforme du financement du logement social.
Celle-ci a deux principaux volets.
•
La diminution du coût de la ressource et de la dette
Cette diminution proviendra de trois mesures :
- le coût de la dette des HLM bénéficiera d'une baisse
des taux de 0,75 %, ce qui représente une aide actuarielle
d'environ 25 milliards de francs, en contrepartie de la baisse de
0,75 % du taux du livret A ;
- le taux du réaménagement de 120 milliards de francs
d'anciens prêts au logement social sera abaissé à
3,8 %, contre 5,7 % précédemment en moyenne, ce qui
correspond à une aide actuarielle d'environ 20 milliards de
francs ;
- l'allongement à 50 ans de la durée des prêts
pour le foncier et l'acquisition-amélioration, particulièrement
dans les zones de tension foncière contre 32 ans
précédemment. Cette mesure vise à relancer les
opérations là où les besoins sont les plus importants et
correspond à une subvention de 2 % à 4 % du coût
des opérations.
•
La simplification des aides
En construction neuve et en acquisition-amélioration, le PLA de droit
commun et le PLA-LM sont fusionnés en un produit unique,
dénommé
prêt locatif à usage social
(PLUS)
6(
*
)
, permettant une plus
grande mixité sociale. Les principales caractéristiques des
opérations sont :
- une subvention de 5 % dans le neuf et de 10 % dans les
opérations d'acquisition-amélioration ;
- le maintien d'un taux de TVA réduit à 5,5 % ;
- un taux du prêt de 3,45 %, au lieu de 4,3 % ;
- une modification des plafonds de loyers et des plafonds de ressources.
L'ancien et le nouveau dispositif coexisteront à titre transitoire
jusqu'à la fin de l'année 1999. En 2000, seuls seront maintenus
le PLUS, le PLA-I et le PLA-CD.
Les caractéristiques du PLUS
Subvention |
5 % en neuf (pouvant être portée à 6,5 % par dérogation) |
|
10 % en acquisition-réhabilitation |
Taux du prêt |
3,45 % |
Durée |
32 ans (50 ans pour la part foncière ou la part acquisition) |
Plafonds de loyer |
90 % du plafond PLA pour 90 % des logements |
|
120 % du plafond PLA pour 10 % des logements |
Plafonds de ressources |
90 % du plafond PLA pour 90 % des logements |
|
120 % du plafond PLA pour 10 % des logements |
En
contrepartie de ces mesures, le Gouvernement a demandé aux organismes
HLM un
gel des loyers pratiqués pendant deux ans
et attend une
relance de la construction locative sociale à hauteur de 15 à
20.000 logements supplémentaires dès 2000.
Votre commission ne peut que se féliciter de ces mesures. Elle
observe d'ailleurs qu'elles correspondent aux propositions qu'elle avait
formulées l'an passé.
L'unification des produits PLA dans le PLUS devrait notamment favoriser une
plus grande mixité sociale et permettre d'améliorer
l'équilibre financier des opérations.
2. Une réforme à approfondir
La
réforme annoncée en juillet dernier a été
plutôt bien accueillie par l'ensemble des parties prenantes au logement
social. Il n'en reste pas moins que son succès n'est pas garanti.
Votre commission estime alors qu'elle doit s'accompagner d'autres mesures, mais
aussi de certains correctifs.
a) Revenir sur certaines insuffisances du PLUS
Il est
d'ores et déjà possible de relever certaines insuffisances du
nouveau PLUS.
D'une part, les collectivités locales n'auront pas, en l'état
actuel de la réglementation, accès au PLUS, ce qui ne sera pas
sans poser de problèmes, notamment pour les montages de petites
opérations de logement social en milieu rural.
D'autre part, il n'est pas sûr que la mise en place du PLUS règle
définitivement la question de l'équilibre financier des
opérations de construction. Déjà le contexte a
évolué. On constate depuis quelques mois un nombre accru d'appels
d'offres infructueux, soit que les entreprises n'y répondent pas, soit
que les prix du bâtiment aient très significativement
augmenté. De plus, le fait de retenir pour les loyers 90 % des
loyers plafonds antérieurs rendra l'équilibre plus difficile
à atteindre. En outre, le PLUS laissera à la charge directe des
organismes 5 % du coût de la construction, ce qui rend alors
nécessaire soit un financement sur fonds propres, soit une contribution
des collectivités locales.
Enfin, votre rapporteur partage la crainte souvent exprimée que les
ressources du 1 % logement soient moins utilisées en faveur du
logement social. Il craint ainsi que les retards rencontrés dans la
signature de la convention entre l'UNFOHLM et l'UESL ne témoigne de ces
difficultés.
b) Renforcer la décentralisation
Ayant
été entendue par le Gouvernement sur deux des trois
réformes qu'elle avait proposées, votre commission s'en tiendra
à rappeler sa troisième proposition.
"
Il importe donc de développer une
" territorialisation " de la politique du logement social. Plus
à l'écoute du terrain, les acteurs locaux sont les plus à
même de définir les besoins en matière de logement social
et les produits les plus adaptés.
On pourrait donc imaginer une
nouvelle forme de
contractualisation entre l'Etat et les acteurs
locaux permettant à ceux-ci, avec l'accord du préfet, de
définir les paramètres des produits -et notamment des PLA- en
fonction du contexte local.
"
Votre commission considère que l'examen du prochain projet
de loi relatif à l'habitat et à l'urbanisme devrait être
l'occasion de valider dans la loi les expériences locales les plus
innovantes et de permettre une plus grande souplesse des aides à
l'investissement locatif social, dans le cadre d'une contractualisation locale
plus étendue et plus approfondie.
7(
*
)
"
Mais il est à craindre que votre commission soit moins entendue sur ce
point. Répondant à une question que lui avait posée votre
rapporteur lors de son audition par la commission des affaires
économiques du Sénat, le secrétaire d'Etat au logement a
laissé entendre que le futur projet de loi " Urbanisme, habitat,
déplacements " pourrait inclure une obligation de construction de
logements sociaux au niveau local.
Votre commission ne partage pas une telle démarche. Elle
considère en effet qu'une logique incitative est
préférable.
c) Corriger certaines aberrations fiscales
La
fiscalité locale applicable aux logements sociaux n'est pas sans poser
de problèmes.
La valeur locative cadastrale, qui constitue la base de la taxe d'habitation et
de la taxe foncière sur les propriétés bâties, est
calculée en fonction de valeurs qui ont été fixées
en 1971 et qui sont aujourd'hui désuètes. C'est tout
particulièrement dommageable pour les logements HLM qui, pour la
plupart, voient leur valeur locative surévaluée. Dès lors,
les locataires et les organismes HLM doivent s'acquitter d'impôts locaux
supérieurs à ceux qui seraient normalement exigibles si l'on
prenait en compte l'état actuel du parc.
Cette situation est particulièrement déstabilisante, tant pour
les locataires qui ont par définition des ressources modestes que pour
les organismes dont on connaît les difficultés financières.
M. Louis Besson précisait d'ailleurs récemment que "
en
moins de dix ans, le poids du foncier bâti sur les coûts des HLM a
presque quadruplé
"
8(
*
)
.
Deux solutions sont alors envisageables pour échapper à cette
contradiction.
Soit le Gouvernement effectue une révision des valeurs cadastrales. Mais
celle-ci est sans cesse reportée.
Soit l'administration fiscale prend en compte les demandes de réexamen
à la baisse de la valeur locative des logements sociaux. Mais ces
demandes restent sans réponse, en violation manifeste de la loi.
Votre rapporteur estime indispensable d'avancer sur ce sujet dans les meilleurs
délais, faute de quoi on peut douter que les mesures annoncées en
faveur du logement social puissent jouer à plein.
Il semble d'ailleurs que le Gouvenement ait enfin pris conscience de cette
difficulté. Interrogé par votre rapporteur à ce sujet le 9
novembre dernier, il avait évoqué l'intérêt d'une
réflexion sur la mise en place d'un fonds de péréquation
de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Le 10
novembre, il a à nouveau abordé cette question à
l'Assemblée nationale, lors du débat en commission élargie.
"
Nous explorons la piste d'un correctif pour la taxe sur le foncier
bâti, comme il en existe un pour la taxe professionnelle. Le foncier
bâti est aujourd'hui la seule taxe locale qui n'ait pas de correctif
(...). Il n'y a plus que le foncier bâti qui soit payé
" plein pot " par tout le monde, et sur des bases injustes. Nous
étudions donc la possibilité d'un correctif, que nous
négocierons avec le ministère de l'intérieur et le
ministère des finances. Il serait d'autant plus justifié que les
communes qui ont beaucoup de logements sociaux sont souvent celles où le
foncier bâti est le plus élevé
. "
Le logement des plus défavorisés : un simple budget de continuité
Comme
l'observe le Haut comité pour le logement des personnes
défavorisées
9(
*
)
,
"
malgré la prise de conscience collective des évolutions
de société et la multiplication des " outils " mis en
place pour s'y ajuster, on ne peut que constater la persistance
" enkystée " de l'exclusion et la montée de la
précarisation
".
Votre commission considère que cette prégnance du " mal
logement " résulte pour partie d'une mobilisation budgétaire
imparfaite.