C. UNE QUESTION TOUJOURS AUSSI DOULOUREUSE
1. Des " mal logés " toujours aussi nombreux
Votre
commission s'était l'an passé inquiétée des
difficultés à évaluer le nombre de " mal
logés ". Force est de constater que l'information statistique ne
s'est guère améliorée depuis.
Il n'existe pas en effet d'évaluation nationale exhaustive du nombre de
personnes privées de domicile. L'INSEE prévoit de réaliser
durant l'hiver 2000-2001 une enquête nationale qui devrait permettre pour
la première fois un chiffrage fiable du nombre de sans-abri en zone
urbaine.
Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées
a cependant cherché à actualiser les données disponibles
en se fondant sur l'enquête logement 1996 de l'INSEE. Il aboutit à
une
population de 730.000 personnes sans perspective d'accès
à court terme à un habitat autonome
.
Ces 730.000 personnes se répartissent entre :
- 35.000 personnes en centre d'accueil ou en centre
d'hébergement ;
- 550.000 personnes (dont 50.000 enfants) habitant dans des hôtels,
des meublés ou qui sont sous-locataires ;
- 100.000 personnes hébergées par des tiers ;
- 45.000 personnes en " abri de fortune ".
A ces 730.000 personnes, il faut également ajouter les quelque 300.000
ménages en situation d'impayé de loyers, dont les deux-tiers sont
locataires dans le parc social. Ces ménages comptent environ 1 million
de personnes, dont 350.000 enfants. Leurs perspectives de maintien dans le
logement apparaissent alors souvent précaires.
2. Une offre de logements toujours insuffisante
A l'effort important qui a permis une augmentation sensible de l'offre de logement en faveur des plus défavorisés, s'oppose la persistance d'un " marché des taudis ".
a) Un effort significatif d'accroissement de l'offre de logements
Les
politiques successives, menées en faveur des populations
défavorisées depuis 1990, ont permis l'émergence d'un parc
d'hébergement d'urgence et de logements d'insertion destinés
à l'accueil de ces personnes défavorisées.
C'est ainsi qu'au cours des années 1990-1998, l'offre
supplémentaire en matière d'hébergement d'urgence ou de
logements d'insertion est estimée à environ 150.000 places au
logement.
L'offre de logements en faveur des plus démunis 1990-1998
|
Logements |
Places d'hébergement |
PLA-I/PLA-TS |
90.608 |
|
ANAH |
|
|
Programmes sociaux thématiques |
29.150 |
|
Anah " social " |
6.078 |
|
Primes de remise sur le marché |
7.826 |
|
Ligne d'urgence |
|
|
juin 1993 à juin 1995 |
|
5.000 |
juillet 1995 à décembre 1996 (plan d'urgence) |
|
7.580 |
janvier 1997 à décembre 1998 |
601 |
2.371 |
Total |
134.263 |
14.951 |
Source : secrétariat d'Etat au logement
D'autres structures, non comptabilisées dans le tableau ci-dessus,
concourent aussi à l'hébergement des personnes
défavorisées. C'est le cas :
- des résidences sociales (environ 8.000 logements ou
chambres) ;
- des centres d'hébergement et de réadaptation sociale
(environ 30.000 places) ;
- des centres d'accueil (environ 10.000 places) ;
- des chambres ou logements loués aux associations logeant à
titre temporaire des personnes défavorisées et
bénéficiant à ce titre de l'ALT (environ 25.000 places).
Il n'en reste pas moins que cette offre reste bien inférieure
à la demande.
Votre commission a déjà souligné l'année
passée l'insuffisance de l'offre. Elle avait alors estimé que
cette insuffisance tenait avant tout à l'insuffisance de logements
d'insertion. Certes, on constate un manque de place pour l'hébergement
d'urgence. Mais celui-ci tient avant tout à une inadaptation de l'offre.
C'est en effet souvent l'hébergement d'urgence qui est sollicité
par les familles simplement confrontées à des difficultés
financières au risque de les précariser davantage en l'absence de
logements d'insertion qui seraient pour elles mieux adaptés. C'est donc
la faiblesse du nombre de logements d'insertion qui explique la forte pression
sur les logements d'urgence.
Logements d'urgence et logements d'insertion
Les
dénominations de "
logements d'urgence
" et de
"
logements d'insertion
" ne correspondent ni à de
nouveaux produits financiers, ni à des produits physiques
spécifiques.
•
Les logements d'urgence
sont destinés à
accueillir des personnes ou des familles sans domicile fixe ou brutalement
confrontées à une absence de logement. Ils doivent leur permettre
de séjourner, selon les cas, quelques semaines ou quelques mois dans un
véritable logement meublé pour répondre aux besoins
essentiels des familles. Ce court séjour doit être
complété par un accompagnement social, voire sanitaire, de nature
à permettre la définition d'un projet d'insertion.
Ces logements ont généralement le statut de meublé ou de
résidence sociale. Il peut s'agir de logements mis à disposition
par l'Etat, par les entreprises publiques ou par d'autres partenaires.
•
Les logements d'insertion
ont vocation à recevoir,
pour quelques mois ou quelques semestres, des ménages ayant besoin d'un
accompagnement social pour retrouver une situation et un logement plus stables.
Ces logements pourront notamment servir à faciliter la sortie
d'hébergements collectifs ou de logements d'urgence.
Sauf dans le cas des résidences sociales dans lesquelles les occupants
disposent d'un titre de résident, les logements d'insertion sont en
général loués à une association, à un centre
communal d'action sociale (CCAS) ou à un organisme intermédiaire
ayant en charge de les sous-louer.
Dans les deux types de logement, une offre de relogement définitif,
correspondant aux besoins et aux possibilités des familles, doit
être proposée aux locataires dans un délai qui est fonction
du projet d'insertion préalablement défini et de
l'évolution de la situation familiale.
Le 28 octobre 1999, M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a
annoncé un plan de création, à l'horizon 2003, de quelque
10.000 résidences sociales en Ile-de-France, regroupées dans 150
à 200 structures "
dont la taille et les caractéristiques
seront largement fonction des opportunités immobilières et des
projets associatifs
".
Créées en 1994, à mi-chemin entre le foyer
d'hébergement et le logement social de droit commun, les
résidences sociales devront, dans ce plan, répondre à deux
objectifs :
- reloger les personnes contraintes de vivre dans des taudis ou des
hôtels meublés, parfois dangereux ou insalubres ;
- assurer l'hébergement des personnes se retrouvant dans des
situations très diverses, de la femme isolée, avec ou sans
enfant, en rupture familiale, à l'apprenti éloigné pour
des raisons professionnelles du domicile de ses parents.
Votre commission ne peut que partager cette préoccupation, même si
elle observe que ce plan ne se traduira pas par un effort budgétaire
supplémentaire.
b) La persistance préoccupante d'un " marché des taudis "
L'enquête logement de 1996 a montré que
1,6 million de personnes vivent dans des logements auxquels manque le
confort sanitaire de base. Cela représente 934.000 logements, soit plus
de 3 % du parc total.
Or, comme l'a constaté un récent rapport de l'Inspection
générale de l'équipement
10(
*
)
, ces logements peuvent constituer un
véritable " marché des taudis " destiné à
héberger les plus démunis.
"
Ce " marché des taudis " est en partie un
marché " noir " clandestin, difficile à réguler
par nature et abritant des locataires étrangers, fragiles, en situation
plus ou moins régulière. Mais ce marché locatif est aussi
un marché officiel, dont les bailleurs sont connus, les baux de location
convenables, les allocations logement perçues
régulièrement et légalement, marché d'où les
agences immobilières ne sont pas absentes. Dans tous les cas, c'est un
marché hautement rentable car les valeurs immobilières de ces
sous-logements sont très basses. Les loyers des logements anciens
inconfortables ont augmenté de 97 % entre 1984 et 1996, pour
83 % sur le marché libre, 72 % pour les HLM et 28 % pour
le coût de la vie.
"
Cette situation est d'autant plus choquante que la collectivité
participe à sa prospérité. Ainsi, l'octroi de l'allocation
de logement n'est pas subordonné à des conditions de
salubrité, mais à de simples " conditions de confort "
fixées au lendemain de la guerre qui sont excessivement peu
exigeantes : il suffit d'avoir un moyen de chauffage, une prise d'eau, un
moyen d'évacuation des eaux usés et un WC qui peut se situer sur
le pallier.
Votre commission ne peut que souhaiter que le prochain projet de loi relatif
à l'urbanisme, l'habitat et les déplacements moralise cette
situation inacceptable.
Elle observe cependant qu'il faudra légiférer avec la plus
extrême prudence pour que la nécessaire moralisation ne se
traduise pas par une situation aussi grave qui serait l'exclusion du logement
des personnes vivant dans ces taudis.