N° 93
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME IV
TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION PROFESSIONNELLE
Par M. Louis SOUVET et Mme Annick BOCANDÉ,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Jean-Pierre Vial, Guy Vissac.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
18
)
(1999-2000).
Lois de finances.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mardi 23 novembre, sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président,
la commission a
procédé à
l'audition de Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité et à
l'audition
de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et
à la formation professionnelle
sur les crédits
consacrés au travail et à l'emploi
dans le
projet de loi
de finances pour 2000.
Dans son propos liminaire,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité
, a déclaré appliquer, depuis trois ans, la
même stratégie à la construction du budget de l'emploi et
de la solidarité : mettre ce budget au service des priorités
que sont la croissance solidaire, le développement de l'emploi et la
lutte contre le chômage et les exclusions ; traduire ces
priorités en choix budgétaires clairs au moyen d'importants
redéploiements de crédits.
Mme Martine Aubry
a indiqué que le budget de son
ministère, selon sa nouvelle structure, s'élèverait
à 213 milliards de francs en 2000, en hausse de 3,9 % par
rapport à 1999. Elle a observé que ce budget ne comportait plus
les crédits de la ristourne dégressive, désormais
portés par le fonds de la réforme de cotisations sociales, mais
comprenait la subvention de 7 milliards de francs au fonds de financement
de la couverture maladie universelle (CMU). Elle a précisé que le
calcul du taux de progression de 3,9 % prenait en compte le coût
net, pour l'Etat, de la CMU, c'est-à-dire la subvention inscrite au
budget de la solidarité et le produit de droits sur les tabacs
affectés à la caisse nationale d'assurance maladie,
diminués de l'économie réalisée sur la dotation
générale de décentralisation.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
précisé que les crédits du seul budget de l'emploi
s'élèveraient à 122 milliards de francs en 2000, en
hausse de 2,7 milliards de francs par rapport à 1999. Elle a
souligné que depuis trois ans ce budget était passé, en
structure 2000, de 111,4 milliards de francs à 122 milliards
de francs, en observant que cette augmentation nette de 10,7 milliards de
francs correspondait en fait à 37,2 milliards de francs de
dépenses supplémentaires et à 26,5 milliards de
francs d'économies ou d'ajustements à la baisse. Elle a
considéré que ces modifications en profondeur reflétaient
les quatre priorités de la stratégie pour l'emploi du
Gouvernement, à savoir l'émergence de réformes
structurelles destinées à développer l'emploi, le
recentrage des dispositifs traditionnels au service des publics en
difficulté, la recherche systématique de l'efficacité des
aides publiques, et enfin le renforcement du service public de l'emploi.
Revenant sur chacune de ces priorités, elle a estimé tout d'abord
qu'il était nécessaire d'accompagner la croissance par la mise en
place de nouvelles politiques structurelles de développement de l'emploi
comme la politique de réduction de la durée du travail, la
création d'activités nouvelles pour les jeunes et
l'allégement des charges qui pèsent sur le coût du travail.
Elle a considéré que ces politiques prenaient désormais
une place déterminante, d'une part dans le budget de l'emploi, le
financement des emplois-jeunes et de la loi du 11 juin 1996 dite loi de
Robien représentant 28,3 milliards de francs de crédits, et,
d'autre part, dans le projet de loi de financement de la sécurité
sociale, où les aides incitatives et pérennes aux 35 heures
et les allégements de charges sur les bas et moyens salaires devraient
mobiliser à terme 105 milliards de francs.
Evoquant les emplois-jeunes,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de
la solidarité,
a déclaré que le bilan à la fin
octobre était de 217.550 postes créés pour
203.200 embauches effectives. Elle a observé que la dotation de
21,03 milliards de francs pour 2000, en hausse de 7,4 milliards de francs par
rapport 1999, correspondait à un objectif de 320.000 emplois
créés à la fin de l'année 2000. Elle a
estimé en conséquence que les objectifs du programme
étaient tenus, tant en qualité qu'en quantité. Elle a
insisté sur l'utilité sociale des activités
créées, la professionnalisation des nouveaux métiers et
les perspectives de pérennisation de nouveaux emplois au-delà de
la période de cinq ans pendant laquelle ils bénéficient de
l'aide de l'Etat.
Mme Martine Aubry
a observé que la réduction de la
durée du travail et l'allégement des charges sociales
étaient désormais liés, comme l'illustrait la
création du fonds de financement de la réforme des cotisations
sociales. Elle a estimé que la création de ce fonds aurait pour
conséquence d'améliorer la transparence financière
à travers une meilleure identification des dépenses et
l'affectation des recettes pérennes. Elle a souligné qu'il
permettrait de clarifier les transferts financiers entre l'Etat et les
régimes de sécurité sociale et de renforcer le
contrôle démocratique, à travers la remise, à son
conseil de surveillance ainsi qu'au Parlement, d'un rapport annuel
établi sur une base contradictoire et paritaire. Elle a
déclaré que le financement de ce fonds était assuré
en 2000.
Mme Martine Aubry
a considéré que la réduction du
temps de travail avait déjà permis la création ou la
préservation de 134.000 emplois. Elle a observé qu'en 2000
cette forte contribution au développement de l'emploi se poursuivrait et
s'amplifierait avec la baisse du coût du travail non qualifié.
Evoquant le deuxième axe de la stratégie de l'emploi du
Gouvernement,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité,
a estimé nécessaire la poursuite du
recentrage des outils traditionnels de la politique de l'emploi sur les publics
les plus en difficulté, comme le prévoyaient la loi sur la lutte
contre les exclusions et le plan national d'action pour l'emploi.
Elle a évoqué le développement du programme " nouveau
départ ", le contrat emploi consolidé de cinq ans en
accès direct, le programme trajet d'accès à l'emploi
(TRACE), les contrats de qualification pour adulte, le dispositif d'aide
à la création d'entreprise (EDEN), ainsi que l'insertion par
l'économique.
Elle a également cité le recentrage des outils traditionnels que
sont les contrats emploi-solidarité (CES), les contrats
initiative-emploi (CIE), les stages d'insertion et de formation à
l'emploi (SIFE) sur les publics prioritaires et l'augmentation des moyens du
service public de l'emploi, destinée à assurer l'accompagnement
individualisé des parcours de retour à l'emploi.
Elle a observé qu'en trois ans, de 1997 à fin 2000,
300.000 places auront été dégagées dans les
dispositifs ciblés d'aide à l'emploi, dont 180.000 pour des
publics très prioritaires. Elle a considéré que cette
démarche permettait également de lutter contre les
discriminations envers les handicapés, les discriminations raciales, et
de renforcer l'égalité entre les hommes et les femmes.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
indiqué que la proportion des publics prioritaires (chômeurs de
longue durée âgés, bénéficiaires des minima
sociaux et handicapés) en contrats emploi-solidarité était
passée de 55 % en 1997 à 78 % en août 1999, et
que la proportion des chômeurs de plus de deux ans en contrats
initiative-emploi avait été portée de 30,7 à
41,3 % sur la même période.
Elle a estimé que cette évolution serait confirmée en 2000
alors que les flux d'entrées dans les mesures classiques poursuivraient
leur ajustement à la baisse. Elle a constaté, à cet
égard, que les 360.000 entrées en contrats
emploi-solidarité prévues en 2000 marqueraient un retrait de
30.000 entrées par rapport aux prévisions pour 1999. Elle a
observé une tendance similaire pour les contrats initiative-emploi et
les stages du fonds national de l'emploi, qui devraient chacun
représenter 150.000 entrées, contre respectivement 180.000
et 175.000 en 1999.
Le ministre a souligné que le nombre de contrats emploi consolidé
resterait élevé en 2000 avec 60.000 entrées,
conformément au rythme prévu par le programme de lutte contre les
exclusions. Il a estimé que le programme TRACE, qui avait
enregistré, à ce jour, 33.000 entrées, devrait,
à partir de 2000, atteindre l'objectif de 60.000 parcours
accompagnés par an.
Il a observé que le secteur de l'insertion par l'économique
bénéficiait à nouveau d'un effort substantiel à
travers une hausse de 22 % des crédits à 910 millions
de francs.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
ensuite évoqué la troisième orientation stratégique
de ce budget, le renforcement de l'efficacité des dispositifs. Elle a
observé que les aides à l'emploi avaient fait l'objet d'une
révision progressive et profonde pour limiter les effets d'aubaine et
les effets pervers. Elle a cité la suppression d'abattements de
cotisations sociales pour les salariés en temps partiel annualisé
en l'absence d'accord d'entreprise, le plafonnement au salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC) de l'exonération de cotisations
sociales pour l'embauche d'un premier salarié, et la proratisation des
allégements de charges sociales pour les salariés à temps
partiel.
Elle a considéré que le recentrage des CES et des CIE sur les
publics les plus éloignés de l'emploi avait permis, depuis trois
ans, de dégager des économies substantielles, tout en maintenant
l'offre de places pour les personnes en réelle difficulté.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
estimé que les préretraites constituaient une autre source
importante d'économie pour le budget de l'emploi. Elle a rappelé
ses efforts pour subordonner la contribution de l'Etat à un resserrement
des conditions d'entrée dans les dispositifs et à un
accroissement de la participation des entreprises, à travers notamment
le doublement de la contribution Delalande.
Elle a précisé que le fonds national pour l'emploi participerait
toutefois au financement du nouveau dispositif de préretraite au profit
des salariés qui ont subi des conditions de travail
particulièrement pénibles. Elle a indiqué qu'en
conséquence, la dotation de 4,15 milliards de francs de l'allocation
spéciale du FNE diminuait moins en 2000 qu'elle ne l'avait fait en 1999
par rapport à 1998.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
enfin évoqué la quatrième orientation stratégique
de la politique de l'emploi, le renforcement des moyens du service public de
l'emploi. Elle a souligné que les services du ministère
bénéficieraient, pour l'année 2000, de 130 emplois
budgétaires supplémentaires, affectés principalement aux
sections de l'inspection du travail. Elle a évoqué les
importantes mesures de requalification d'emploi et de revalorisation
indemnitaire prévues afin d'améliorer la situation
immédiate et les perspectives de carrière des agents. Elle a
indiqué que le plan de transformation d'emploi de la catégorie C
serait amplifié, 365 emplois d'agents étant transformés en
autant d'adjoints administratifs.
Elle a observé que le processus de résorption de l'emploi
précaire se poursuivrait grâce à la création
d'emplois budgétaires. Elle a souligné que l'enveloppe
indemnitaire augmentait une nouvelle fois de 27,8 millions de francs.
Elle a déclaré que l'année 2000 marquerait la refonte du
statut de l'inspection du travail, afin que les déroulements de
carrière soient plus conformes à l'importance et la
diversification des missions de ce corps. Elle a également
évoqué la création d'un statut d'emploi pour les
directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle.
Mme Martine Aubry
a estimé que l'Association nationale pour la
formation professionnelle des adultes (AFPA) devrait bénéficier
des moyens conformes au troisième contrat de progrès signé
avec l'Etat le 28 juin 1999. A cet égard, elle a observé que
la subvention de cette association augmentait de 5 %, à
4,3 milliards de francs, comme l'exigeait l'évolution de ces
prestations dans le cadre du service intégré mis en place avec
l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE). Elle a précisé que la
subvention de l'Etat à l'ANPE augmenterait en 2000 de 10,3 %,
à 6,36 milliards de francs, ce qui devrait permettre un renfort de
500 agents supplémentaires au titre de la troisième tranche du
programme de renforcement des effectifs de l'agence portant sur
2.500 postes au total. Elle a rappelé que l'ANPE avait pour
objectif, en 2000, d'accompagner 1,1 million demandeurs d'emplois dans
leur démarche de nouveau départ.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et
à la formation professionnelle,
a déclaré que le
projet de budget de la formation professionnelle s'élèverait en
2000 à 33,9 milliards de francs, soit un niveau de crédit
quasiment identique à 1999.
Elle a fait part de sa détermination à maintenir l'effort de
l'Etat en matière de contrats d'apprentissage et de qualification. Elle
a observé que le nombre d'entrées en apprentissage serait
maintenu en 2000 au niveau de 1999, soit 220.000, et que celui des
entrées en contrats de qualification serait porté à
125.000 au lieu de 120.000 en 1999. Elle a considéré que l'effort
budgétaire de l'Etat pour l'alternance s'élèverait
à 12 milliards de francs, soit un tiers du budget de la formation
professionnelle. Elle a déclaré que la progression du nombre des
contrats était confirmée au cours des neuf premiers mois de
l'année 1999 par rapport à la même période de
l'année 1998, les entrées en contrats d'apprentissage ayant
augmenté de 2,2 % et celles en contrats de qualification de
1,8 %. Elle a considéré que cette évolution
constituait une réponse aux interrogations relatives à une baisse
possible du nombre de contrats formulées l'année dernière
à la suite du recentrage des aides à l'embauche sur les jeunes
les moins qualifiés.
Elle a précisé que le transfert de 500 millions de francs
opéré en 2000 du comité paritaire du congé
individuel de formation (COPACIF) serait affecté, via un fonds de
concours, à la couverture des aides à l'embauche relatives au
contrat d'apprentissage.
Mme Nicole Péry
a considéré que le transfert
à l'ANPE des crédits relatifs aux centres
interministériels de bilan de compétences (CIBC) ne remettait pas
en cause la qualité des prestations de ces organismes, mais devrait
permettre de construire un nouveau partenariat au service de l'orientation des
demandeurs d'emploi en association avec l'ANPE. Elle a considéré
que, d'un point de vue financier, le soutien de l'Etat aux CIBC ne s'en
trouverait pas modifié.
Evoquant l'augmentation des moyens de l'AFPA, elle a considéré
que le deuxième contrat de progrès couvrant la période
1999-2003 avait pour objet d'accroître la performance et
l'efficacité des actions de cette association. À cet
égard, elle a cité notamment sa mission de service public
auprès des demandeurs d'emploi et les objectifs qui lui avaient
été assignés par le plan national d'action pour l'emploi
(PNAE).
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et
à la formation professionnelle,
a considéré que l'AFPA
devrait, à l'issue de la réforme de la formation professionnelle
à venir, se voir confier un rôle concernant la validation des
acquis professionnels. Elle a estimé que ces nouvelles missions
justifiaient l'augmentation de 5 % des crédits affectés
à l'association, qui devraient atteindre, pour 2000, 206,9 millions
de francs.
Mme Nicole Péry
a évoqué enfin, le calendrier de la
mise en oeuvre de la réforme de la formation professionnelle. Elle a
précisé que des dispositions législatives et
réglementaires seraient prises dès l'année 2000 concernant
la professionnalisation des jeunes et l'élargissement de la validation
des acquis. Elle a observé toutefois que l'essentiel de la
réforme, concernant la mise en place d'un droit individuel à la
formation transférable et garanti collectivement, ne trouverait sa
traduction législative qu'en 2001.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits du travail et de
l'emploi,
a observé que le fonds de financement des cotisations
patronales de sécurité sociale créé par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000 devrait
bénéficier d'une contribution de l'Etat de 4,3 milliards de
francs correspondant, selon le Gouvernement, au " recyclage " des 35
heures pour le budget ; il a souhaité savoir si ces
4,3 milliards correspondaient bien aux crédits inscrits à
l'article 10 du chapitre 44-77. Dans l'affirmative, il a souhaité savoir
si le libellé de ce chapitre (exonération de cotisations sociales
au titre de l'incitation à la réduction du temps de travail
prévue par la loi du 13 juin 1998) ne gagnerait pas à
être modifié dès lors qu'il s'agissait en fait d'une
subvention au fonds de financement. Il a également souhaité
savoir si cette contribution était susceptible d'être
abondée -et à quelle hauteur- par les reports de crédits
non consommés en 1999.
Evoquant les délais d'examen du projet de loi relatif à la
réduction négociée du temps de travail, notamment celui
nécessaire à son examen par le Conseil constitutionnel, il a
souhaité savoir si cette loi serait promulguée avant la fin de
l'année. Dans le cas contraire, il s'est interrogé sur
l'état du droit applicable au 1
er
janvier 2000 au regard
notamment de l'article premier de la loi du 13 juin 1998 qui dispose que
" la durée légale du travail effectif des salariés
est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du
1
er
janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de
vingt salariés ".
Après avoir rappelé que le cap des 200.000 emplois-jeunes avait
été franchi cet été, et que le Gouvernement se
fixait un objectif de 320.000 emplois-jeunes fin 2000, il a souhaité
connaître quelles étaient les raisons qui expliquaient le retard
par rapport à l'objectif affiché de 350.000 emplois dans le
secteur non marchand. Il a également souhaité savoir si le projet
de 350.000 emplois-jeunes dans le secteur marchand était
définitivement abandonné.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de la
formation professionnelle,
a demandé quelles avaient
été les réactions des partenaires sociaux au contenu des
projets de réforme de la formation professionnelle du
Gouvernement (Livre blanc, rapport de M. Lindeberg, propositions de la
ministre), et notamment quels étaient les points d'accord et de
désaccord.
Elle a souhaité connaître l'état de développement de
l'apprentissage pour les formations d'un niveau supérieur. Elle a
demandé si la création de licences professionnelles dans
l'enseignement supérieur ne risquait pas d'amoindrir le
développement de l'apprentissage pour ces formations qualifiées.
Enfin,
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis des crédits de
la formation professionnelle,
a souhaité obtenir des
éléments chiffrés concernant l'apprentissage dans le
secteur public, en particulier, pour les collectivités locales.
En réponse à M. Louis Souvet,
Mme Martine Aubry, ministre
de l'emploi et de la solidarité,
a confirmé que les
4,3 milliards de francs inscrits à l'article 10 du chapitre 44-77
correspondaient bien à la subvention de l'Etat au fonds de financement
des cotisations patronales de sécurité sociale. Elle a
constaté que le libellé de l'article ne correspondait
effectivement pas à la nature exacte de l'emploi des crédits, et
qu'il mériterait d'être modifié à l'avenir. Elle a
indiqué qu'il n'était pas possible de déterminer
aujourd'hui le montant des crédits de 1999 qui pourraient être
reportés, car le rythme de consommation de ces crédits
s'accélérait.
Elle a déclaré que le Gouvernement s'était attaché
à tenir les délais afin que la loi relative à la
réduction négociée du temps de travail soit applicable au
1
er
janvier 2000, compte tenu du délai nécessaire
à son examen par le Conseil constitutionnel. Si tel n'était pas
le cas, l'amendement que le Gouvernement comptait déposer à
l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture du projet de loi relatif
à la réduction négociée du temps de travail,
trouverait à s'appliquer. Cet amendement prévoit en effet qu'en
cas de non-promulgation de la loi au 1
er
janvier 2000, celle-ci
entrerait en vigueur le premier jour du mois suivant la date de la promulgation.
Elle a estimé qu'entre le 1
er
janvier 2000 et la date de la
promulgation de la loi, le code du travail s'appliquerait. Le principe d'une
durée légale de travail fixée à 35 heures
resterait acquis en application de la loi du 13 juin 1998, mais le mode de
calcul des heures supplémentaires ne serait pas modifié pour les
entreprises jusqu'à l'entrée en vigueur de la seconde loi.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité
, a
rappelé que le nombre d'emplois-jeunes devrait atteindre 320.000 en
2000. Elle a estimé que le délai dans la montée en
puissance du dispositif s'expliquait par le souci d'assurer la
professionnalisation des emplois créés ; elle a
souligné que l'emploi des jeunes dans le secteur marchand avait
dépassé le chiffre des 350.000 postes depuis deux ans, comme
l'illustrait la baisse de 23 % du taux de chômage des jeunes. Elle a
jugé que l'insertion professionnelle des jeunes passait par l'alternance
et a cité le contrat initiative-emploi et l'allocation de remplacement
par l'emploi qui favorisait l'arrivée de jeunes sur le marché du
travail. Elle a rappelé que 42 % des emplois occupés par des
jeunes faisaient l'objet d'une aide de l'Etat.
En réponse aux questions de Mme Annick Bocandé, rapporteur pour
avis des crédits de la formation professionnelle,
Mme Nicole
Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la
formation professionnelle,
a rappelé les quatre axes de la
réforme du système de formation : la professionnalisation
des formations en alternance, la meilleure prise en compte de
l'expérience professionnelle acquise, le développement d'un droit
individuel à la formation transférable et garanti collectivement,
et la clarification du rôle des acteurs de la formation professionnelle.
Evoquant les réunions bilatérales organisées avec
l'ensemble des acteurs de la formation, elle a estimé que le consensus
était plus évident sur le diagnostic que sur les propositions de
réforme. Elle a constaté que le renforcement de la transparence
et de l'efficacité des dispositifs s'avérait délicat,
évoquant en particulier le nécessaire approfondissement de la
relation entre les entreprises et les centres de formation d'apprentis (CFA),
ainsi que la réduction souhaitable du nombre des organismes collecteurs.
Elle a appelé de ses voeux une meilleure visibilité des
coûts de la formation dans les CFA, de telle sorte que la concertation
entre les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage et les conseils
régionaux soit plus efficace.
Elle a observé que l'extension de la validation des acquis
professionnels était attendue par tous les acteurs de la formation
professionnelle. Elle a considéré qu'il s'agissait là d'un
sujet complexe, en remarquant que les difficultés se situaient
plutôt du côté des ministères dits
" valideurs ".
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et
à la formation professionnelle,
a estimé que les principaux
points de désaccord portaient sur la définition d'un droit
individuel à la formation, comme en témoigne l'ajournement d'une
première réunion sur ce thème à la demande de
certaines organisations patronales. Elle a souhaité pouvoir
dépasser la situation de blocage actuelle en évoquant sa
proposition d'une nouvelle réunion du travail où serait
convié l'ensemble des partenaires sociaux.
Elle a rappelé que l'ouverture progressive de l'apprentissage à
tous les niveaux de diplômes de l'enseignement technologique, introduite
en juillet 1987, s'était accélérée depuis 1993.
Elle a observé que les formations conduisant à un diplôme
ou à un titre homologué de niveau égal ou supérieur
au baccalauréat concernaient en 1998 24 % des entrées en
apprentissage. A contrario, elle a noté que les formations conduisant
à un diplôme ou à un titre homologué du niveau du
certificat d'aptitude professionnelle ou du brevet d'enseignement professionnel
poursuivaient leur baisse relative pour revenir à 73 %. Elle a
souligné que ces pourcentages s'établissaient respectivement
à 9 % et 91 % en 1992.
Elle a remarqué que ce constat avait conduit le Gouvernement à
recentrer les aides forfaitaires à l'embauche afin de limiter cette
évolution.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et
à la formation professionnelle,
a déclaré que la
création des licences professionnelles n'entrerait pas en concurrence
avec l'apprentissage au niveau supérieur. Elle a estimé que ces
nouvelles licences avaient, avant tout, pour objectif d'améliorer
l'insertion des jeunes ayant suivi un cycle de formation dans l'enseignement
supérieur court (diplôme universitaire et technologique, brevet de
technicien supérieur ou diplôme d'études universitaires
générales). Elle a considéré qu'il était
apparu préférable d'offrir aux jeunes la possibilité de
suivre une année supplémentaire d'études conduisant
à une insertion professionnelle immédiate, plutôt que de
les inciter à poursuivre des études longues lorsque les deux
années passées à l'université n'avaient pas
été concluantes.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et
à la formation professionnelle,
a rappelé que l'apprentissage
dans le secteur public, non industriel et commercial, avait été
introduit à titre expérimental en juillet 1992 et
pérennisé en octobre 1997. Elle a déclaré que le
nombre de contrats d'apprentissage dans le secteur public avait
progressé de 12 % de 1997 à 1998, pour toucher 2.454 jeunes.
Elle a observé une augmentation de 10,8 % sur les dix premiers mois
de 1999 par rapport à la même période de 1998. Tout en
soulignant l'absence d'informations statistiques précises, elle a
estimé que l'essentiel des contrats d'apprentissage dans le secteur
public non industriel et commercial était le fait des conseils
régionaux, des conseils généraux et des communes.
M. Charles Descours,
se référant à un article
publié par un grand hebdomadaire, a demandé au ministre s'il
était exact que certains agents de l'ANPE avaient reçu des
instructions leur demandant de favoriser les radiations de certains demandeurs
d'emploi des listes du chômage.
M. Alain Gournac
a fait part de son étonnement devant la baisse
du taux de chômage publiée par le Gouvernement, alors que le
nombre de sorties du chômage pour reprise d'emploi était en
diminution. Rappelant que le nombre de procédures de radiation des
listes du chômage avait progressé de 43,3 % en deux ans, il a
interrogé le ministre sur l'existence d'éventuelles instructions
données aux agents de l'ANPE pour augmenter les radiations et favoriser
le basculement des demandeurs d'emplois des listes du chômage vers la
catégorie " stagiaires ", qui n'est pas prise en compte dans
les statistiques du chômage.
Mme Annick Bocandé
a évoqué des difficultés
d'application de la réduction du temps de travail dans le secteur
médico-social, des personnels soumis à des conventions
collectives bénéficiant des trente-cinq heures pouvant être
mis à disposition des départements par convention et être
appelés à travailler au côté de fonctionnaires qui
n'en bénéficient pas. Elle a demandé au ministre comment
résoudre ces difficultés d'application qui ne favorisent pas de
bonnes relations du travail.
M. André Jourdain
a interrogé le ministre sur le versement
de l'Etat au fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales et l'évaluation du produit de la taxation des heures
supplémentaires. Il a rappelé que, l'an dernier, Mme Nicole
Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle,
avait annoncé un grand projet de loi sur la formation professionnelle et
observé que ce projet semblait repoussé à plus tard.
M. Philippe Nogrix
a interrogé le ministre sur l'application des
accords sur la réduction du temps de travail dans le secteur
médico-social pour les établissements ayant conclu un accord
lorsque celui-ci n'était pas encore agréé.
M. Guy Fischer
, évoquant la situation des jeunes
aides-éducateurs recrutés sous le régime des
emplois-jeunes, a demandé au ministre comment serait assurée la
pérennisation de leur emploi.
M. Roland Huguet
a affirmé que dans le Pas-de-Calais, le taux de
chômage avait décru de 5 % entre les mois de septembre 1998
et septembre 1999. Il a estimé souhaitable, malgré cette
amélioration, de ne pas interrompre les programmes de la politique de
l'emploi tels que les emplois-jeunes et a demandé au ministre si leur
durée ne pourrait pas être porté à 7 ans.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a affirmé qu'il suffisait de
siéger dans les commissions locales d'insertion (CLI) pour constater que
les sorties du RMI vers l'emploi étaient désormais beaucoup plus
fréquentes et rapides qu'auparavant et a attribué ce
progrès aux effets de la politique conduite par le Gouvernement.
Elle a toutefois constaté que la situation des femmes sur le
marché de l'emploi devait encore être améliorée.
Evoquant la formation professionnelle, elle a demandé au ministre si
l'évaluation et la validation des acquis seraient placées sous la
responsabilité des branches professionnelles ou des pouvoirs publics.
Elle a enfin souligné la nécessité de renforcer les moyens
de l'inspection du travail.
En réponse aux différents intervenants,
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité,
a déclaré
que l'enquête réalisée par l'hebdomadaire " Le
Point " ne comportait aucun élément précis. Elle a
rappelé les chiffres de l'évolution du chômage : une
diminution de 442.000 du nombre de demandeurs d'emploi de
catégorie 1 depuis janvier 1997, une diminution de 325.000 du
nombre de demandeurs d'emploi de catégorie 1 + 6 et une
diminution de 350.000 du nombre de chômeurs au sens du bureau
international du travail (BIT).
Elle a évoqué également le nombre de créations
d'emplois qui atteignait en 1998 265.000 dans le secteur marchand et 100.000
dans le secteur non marchand. Elle a évoqué les chiffres du
premier semestre 1999, qui s'élevaient à 235.000 emplois
créés dans le secteur marchand et à 70.000 dans le secteur
non marchand. Elle a constaté que les Français avaient bien la
conviction que le chômage baissait et continuerait à baisser.
Elle a rappelé qu'elle n'intervenait pas dans la rédaction des
communiqués publiant les statistiques du chômage, lesquels
étaient préparés par la direction de l'animation, de la
recherche, des études et des statistiques (DARES). Elle a
confirmé qu'aucune directive n'avait été donnée
à l'ANPE concernant l'évolution des radiations. Elle a
estimé que l'évolution de ces dernières variait de
manière importante d'un mois à l'autre et était difficile
à interpréter compte tenu du fait que nombre de radiations
faisaient suite à des reprises d'emplois non signalés. Elle a
considéré que la baisse du nombre de sortie du chômage
s'expliquait par une baisse préalable du nombre des entrées. Elle
a constaté, au total, que les conclusions de l'enquête
réalisée par cet hebdomadaire ne correspondaient pas à la
réalité.
Par ailleurs,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité,
a souligné que, si le Gouvernement continuait
à aider les publics les plus en difficulté, le nombre des stages
effectués depuis trois ans avait plutôt baissé.
Evoquant le programme trajet d'accès à l'emploi (TRACE), elle a
souligné que le Gouvernement avait ralenti sa montée en
puissance, afin de s'assurer qu'il profite effectivement aux publics les plus
en difficulté.
Pour ce qui est de la réduction du temps de travail (RTT) dans le
secteur social et médico-social, elle a annoncé que
l'Assemblée nationale examinerait un amendement en nouvelle lecture du
projet de loi, permettant de ne pas appliquer les majorations d'heures
supplémentaires lorsqu'un accord a été signé et est
en instance d'agrément.
Elle a enfin estimé que les 7 milliards de francs relatifs au
produit de la contribution de 10 % relative à la taxation des
heures supplémentaires comprises entre la 35
e
et la
39
e
heure dans le cadre de la loi sur la réduction
négociée du temps de travail avaient été
calculés en considérant que 5,68 millions de salariés
ne seraient pas couverts par un accord 35 heures d'ici fin 2000 et que
leur rémunération horaire moyenne était de 76,92 francs.
M. André Vézinhet
a partagé les propos de M. Roland
Huguet sur la nécessité de maintenir les programmes en faveur de
l'emploi des jeunes. Il a interrogé le ministre sur les projets de M.
Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie, tendant à instituer une licence
professionnelle ainsi que sur l'accueil des adultes handicapés.
Enfin,
M. Philippe Nogrix
a rappelé qu'en loi de finances pour
1999, il avait été prévu que 500 millions de francs
seraient prélevés sur l'association de gestion du fonds des
formations en alternance (AGEFAL) et qu'une concertation devait être
organisée pour en décider l'utilisation. Il a demandé au
ministre de lui indiquer comment ces 500 millions de francs avaient
été utilisés.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et
à la formation professionnelle,
a précisé qu'elle
avait tenu à ce que la réforme de la formation professionnelle
soit bien un élément majeur d'amélioration du dialogue
social. Elle a plaidé en faveur d'une mise en place progressive de la
réforme, en précisant que des mesures à caractère
législatif seraient proposées dans le prochain projet de loi
portant diverses mesures d'ordre social sur les dossiers qui ne posaient pas de
problème ; en revanche, elle a indiqué que sur les questions
qui soulevaient des débats auprès des partenaires sociaux, elle
avait proposé des expérimentations qui seraient conduites sous
forme de contractualisation dans cinq régions.
Concernant la validation des acquis, elle a souligné que celle-ci ne
pouvait être assurée que par un jury présentant toutes les
garanties d'indépendance et qu'elle ne devait pas être confondue
avec la phase d'accompagnement de la personne au cours de sa formation
réalisé notamment par l'ANPE, l'AFPA ou les missions locales.
Elle a précisé que le financement de la troisième
année de licence professionnelle serait assuré par
l'éducation nationale.
S'agissant du prélèvement de 500 millions de francs
opéré sur les fonds de l'Association de gestion du fonds des
formations en alternance (AGEFAL) en 1999, elle s'est engagée à
apporter des précisions sur les modalités d'utilisation de ces
fonds, tout en rappelant que le Gouvernement précédent avait,
pour sa part, prélevé 1,5 milliard de francs avant 1999 et
qu'elle avait accepté un amendement de M. Jacques Barrot à
l'Assemblée nationale, précisant que le prélèvement
de 1999 avait un caractère exceptionnel.