II. LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES
Votre
rapporteur a souligné depuis trois ans l'ampleur, trop souvent
méconnue, des changements auxquels se trouve aujourd'hui
confronté le service de santé des armées, qui voit ses
missions prioritairement orientées vers le soutien des opérations
extérieures et procède à une profonde restructuration de
son organisation hospitalière, de plus en plus ouverte sur le secteur
civil, tout en devant remplacer une partie des médecins issus du
contingent qui contribuaient de manière essentielle à son
fonctionnement.
Durant cette phase très délicate de mutation, qui ne se
déroule pas sans difficultés, le service de santé voit
également son mode de financement évoluer, avec une forte
diminution de ses crédits budgétaires et une place accrue des
recettes tirées de l'activité hospitalière.
A. LA PROFESSIONNALISATION ET LA RÉORGANISATION DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES
Votre
rapporteur a effectué une analyse détaillée de la
réorganisation et de la professionnalisation du service de santé
dans le
rapport d'information
en date du 23 juin dernier
effectué au nom de la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées (le service de santé
des armées : les défis de la professionnalisation ;
document Sénat n° 458, 1998-1999). Il se limitera donc à
rappeler très succinctement les grandes lignes de cette analyse.
L'action du service de santé des armées s'inscrit aujourd'hui
dans un contexte à bien des égards très différent
de celui des dernières décennies :
- la suspension du service national va faire disparaître la charge
considérable liée à la sélection et au suivi
médical des appelés tout en privant le service de l'apport
très important fourni par les médecins du contingent,
- les missions du service apparaissent plus que jamais dominées par une
priorité -le soutien médical et chirurgical des forces
projetées- auquel il consacre une part croissante de ses moyens en
personnels et en matériels dans le cadre de nombreuses opérations
extérieures.
1. Des missions désormais centrées sur le soutien sanitaire des forces projetées
Sans
amoindrir les autres fonctions du service de santé des armées
(sélection médicale des engagés, formation et
entraînement, ravitaillement sanitaire, recherche médicale de
défense, secteur hospitalier), le soutien sanitaire des forces
projetées se voit reconnaître une priorité plus
affirmée et a largement conditionné les grands principes de la
réorganisation du service.
Les effectifs, le parc hospitalier et l'ensemble des moyens du service de
santé ont été réorganisés en fonction des
besoins prioritaires du soutien médical et chirurgical des forces
projetées.
Le service de santé constitue de fait une composante essentielle des
opérations extérieures au cours desquelles il a mis en oeuvre,
avec une efficacité et des résultats remarquables, sa conception
du traitement médical et chirurgical au plus près des combats,
grâce à des moyens performants et adaptés aux conditions de
l'engagement qui assurent aux blessés les meilleures conditions de
traitement et de préservation de leurs capacités fonctionnelles.
Cette participation aux opérations extérieures induit cependant
d'importants prélèvements en personnels, souvent
décidés sur préavis très court, qui se ressentent
sur les capacités courantes du service et notamment sur son
activité hospitalière.
2. La bonne marche de la professionnalisation se heurte aux difficultés de recrutement des médecins d'active
Compte
tenu du rôle que jouaient les appelés du contingent pourvus d'une
formation médicale ou paramédicale dans le fonctionnement du
service de santé, la professionnalisation impose une politique de
recrutement de médecins et de personnels paramédicaux civils et
militaires, ainsi que la création d'un corps de chirurgiens dentistes
d'active actuellement inexistant.
En raison de la durée des études médicales, seul un
recrutement immédiat de médecins déjà formés
était de nature à satisfaire les besoins
générés par la disparition du contingent. Ce recrutement
complémentaire se révèle pour le moment très
insuffisant puisqu'en 1998, seuls 15% des postes offerts ont pu être
pourvus. Cette situation inquiétante pourrait, si elle perdure,
fragiliser le service de santé et aggraver dans de notables proportions
un déficit déjà significatif en médecins d'active,
surtout au sein des forces.
L'étroitesse du vivier potentiel semble être la cause essentielle
des résultats décevants de ce recrutement complémentaire
de médecins pourtant indispensable. Outre un effort de communication,
sans doute conviendra-t-il de réfléchir au niveau des soldes de
médecins des armées, particulièrement en début de
carrière, afin de renforcer l'attractivité des postes offerts.
Le fort déficit en personnels civils, lié à des
départs massifs lors des restructurations et à
l'impossibilité de les remplacer en raison des contraintes
imposées au recrutement d'ouvriers et de fonctionnaires, est la seconde
source de difficultés dans la mise en oeuvre de la professionnalisation.
Elle crée, dans les hôpitaux des armées, des situations
tendues auxquelles pourrait seul remédier un nécessaire
assouplissement des conditions d'embauche.
La professionnalisation du service de santé s'accompagnera par ailleurs
d'une importante simplification et rationalisation des statuts des personnels
paramédicaux, l'actuelle mosaïque de statuts disparates
étant à terme remplacée par deux statuts, l'un pour les
militaires et l'autre pour les civils, inspirés de la fonction publique
hospitalière.
3. Une plus large ouverture des hôpitaux des armées au service public
L'ouverture très large des hôpitaux militaires
à
la clientèle civile est apparue indispensable pour soutenir
l'activité en temps de paix du parc hospitalier et pour maintenir
à leur haut niveau de compétence les équipes chirurgicales
du service, soumises à un degré élevé d'exigence
lorsqu'elles interviennent en opérations extérieures.
Cette activité non militaire contribue désormais de
manière prépondérante au financement du service,
puisqu'elle lui apporte près de 60 % de ses ressources
financières, les crédits budgétaires subissant dans le
même temps une érosion importante.
La volonté du service de santé de participer au service public
hospitalier et le rapprochement avec le secteur hospitalier civil contribuent
à maintenir les hôpitaux militaires au meilleur niveau, mais votre
rapporteur estime qu'un point d'équilibre doit être défini
afin de préserver le caractère prioritaire des missions
militaires du service, de même qu'un équilibre devra être
trouvé entre crédits budgétaires et ressources externes,
ces dernières, aléatoires car dépendantes de
l'activité hospitalière, ne pouvant prendre une part trop
importante sans fragiliser le service et briser la cohérence qui a
jusqu'à présent prévalu dans sa réorganisation.