C. LE SOUTIEN DE L'ÉTAT À L'AIDE À L'INNOVATION S'EST ACCRU, MAIS RESTE ENCORE TROP TIMIDE
1. L'articulation des aides financières
La
politique d'aide financière aux entreprises innovantes porte sur
l'ensemble du processus d'innovation, de la conception à la
préindustrialisation, et s'adresse à tout le tissu
industriel ; il vise à favoriser plus spécifiquement les
PME-PMI et les jeunes entreprises de haute technologie : " start
up " et " spin off ".
Compte tenu du large spectre des actions incitatives, les interventions du
ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie (MENRT), du ministère de l'économie, des finances et
de l'industrie (MEFI) et de l'agence nationale de valorisation de la recherche
(ANVAR) se complètent.
Les aides incitatives du MEFI
sont pour l'essentiel consenties sous la
forme d'avances remboursables forfaitaires, et s'adressent plus
particulièrement aux projets formulés par des groupes
industriels, leurs filiales ou des consortiums d'entreprises pouvant comporter
des PME-PMI.
Les voies de financement sont notamment celles de l'initiative EUREKA, celles
de l'appel à propositions " technologies clés " qui
s'est substituée, en juillet 1997, à la procédure des
grands projets innovants (GPI) et celles des réseaux de recherche et
d'innovations technologiques (PREDIT, RNRT, RMNT).
Les aides de l'ANVAR
-de même nature que celles du MEFI- sont
accordées au travers des mêmes procédures conjointes
(EUREKA, appels à propositions, réseaux), mais s'adressent
uniquement aux PME-PMI de moins de 500 personnes pouvant présenter des
bilans financiers favorables sur les trois dernières années. Les
jeunes entreprises de haute technologie, et les filiales consolidées de
groupes industriels sont exclues de fait. Les entités de 500 à
2 000 personnes font néanmoins l'objet d'une concertation au
cas par cas entre le MEFI et l'ANVAR, notamment pour les filiales de groupes
industriels, sur des critères d'autonomie de gestion et de
répartition du capital.
- Les projets, susceptibles seulement d'identifier un marché et
d'évaluer son volume à terme sont traités par
les
procédures du MENRT
. Le dispositif mis en place est prioritairement
orienté vers le développement de produits et services
fondés sur de nouvelles technologies dans une logique de demande, pour
satisfaire des besoins économiques à moyen terme, et vers la
création et la croissance d'entreprises innovantes.
Compte tenu du risque d'échec inhérent aux projets encore
éloignés du marché, les aides directes sont consenties par
voie de subventions dont le taux est régulé en fonction de la
taille des entités industrielles porteuses de projet et du risque
technologique de non-aboutissement.
Une coordination entre les deux ministères et l'ANVAR permet d'assurer
le relais entre la phase amont des projets financés par le Fonds de la
recherche technologique (octroi d'une subvention au titre du FRT) et ayant
abouti à une preuve de faisabilité, et la phase aval de
préindustrialisation aidée soit au titre des " technologies
clés " soit par l'ANVAR (avances remboursables).
2. Les aides financières du MENRT
a) Les réseaux et l'initiative EUREKA
•
Les réseaux de recherche et d'innovation technologiques
Pour développer une recherche technologique de pointe orientée
principalement vers la création et le développement d'entreprises
innovantes, les laboratoires publics et privés sont encouragés
à travailler en réseaux thématiques de recherche et
d'innovations technologiques.
Sur un domaine technologique bien défini, chaque réseau doit,
dans une logique de réponse à la demande socio-économique,
identifier les problèmes technologiques, faire émerger des
projets de recherche appropriés, qui peuvent conduire à de
nouveaux produits et services et participer ainsi à la création
et à la croissance d'entreprises innovantes.
Les réseaux ont pour première ressource la mutualisation des
moyens des équipes de recherche publiques et privées qui y
participent. Les projets qu'ils suscitent peuvent également
bénéficier de financements incitatifs de différents
ministères, principalement du FRT en ce qui concerne le ministère
chargé de la recherche, mais éventuellement aussi du Fonds
national pour la science.
Les thèmes retenus correspondent aux axes prioritaires de la recherche
définis par le gouvernement, en particulier les sciences du vivant et
les différents aspects des technologies de l'information et de la
communication. Des réseaux sur les piles à combustibles,
transport, génie civil et urbain, existent également.
•
L'initiative EUREKA
Outre le financement des réseaux de recherche technologique, le FRT
permet de soutenir des projets spontanés au moyen de l'initiative EUREKA.
Initiative franco-allemande, lancée en 1985, EUREKA s'adressait à
l'origine essentiellement à la grande industrie mais elle a su s'ouvrir
aux PME. Aujourd'hui, la moitié des projets émanent de cette
catégorie d'entreprises. L'initiative EUREKA est originale par son
dispositif administratif qui procède majoritairement par appels
d'offres, par son caractère de procédure ouverte d'initiative
industrielle et par son exigence de coopération entre entreprises
européennes. Une étude, menée par l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en
réponse aux demandes convergentes des commissions sénatoriales
des affaires culturelles, et des affaires économiques, ainsi que du
groupe RDSE, est en cours sur cette initiative
b) Le concours national de création d'entreprises technologiques innovantes
En 1999,
le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie a décidé de mener une action d'impulsion
exceptionnelle en faveur de la création d'entreprises technologiques
innovantes par le biais d'un concours national disposant de moyens incitatifs
nouveaux.
Le concours était ouvert à toute personne physique
résidant en France, indépendamment de sa nationalité, son
statut ou sa situation professionnelle, et dont le projet portait sur la
création d'une entreprise innovante s'appuyant sur une recherche
technologique. Les projets devaient prévoir la création d'une
entreprise indépendante, installée sur le territoire national
dont le capital devait être détenu majoritairement par des
personnes physiques, dont 20 % par le candidat lui-même. Les
Français résidant à l'étranger et les
ressortissants de l'Union européenne dont le projet répondait aux
mêmes conditions pouvaient également participer au concours.
Deux types de projets pouvaient être présentés : les
projets " en émergence ", au stade de l'idée ou de la
préfiguration, nécessitant d'être approfondis aux plans
technologique, organisationnel, industriel, commercial, juridique ou financier,
et les projets " création-développement ",
déjà élaborés sur le fond et se situant juste en
amont de la création d'entreprise.
Le concours a été lancé officiellement le 8 mars 1999. A
partir de propositions élaborées par les jurys régionaux
dans le cadre d'une gestion déconcentrée s'appuyant sur l'ANVAR
et les DRRT, le jury national s'est réuni le 21 juin afin
d'arrêter la liste des lauréats : soit 79 " en
création-développement " et 165 " en
émergence ", qui se partagent les 100 millions de francs de prix
prévus par le MENRT.
Les lauréats au titre des projets " en émergence "
recevront un soutien financier pour la maturation de leur projet, d'un montant
maximum de 300 000 francs. Les entreprises créées au
titre des projets " création-développement " recevront
une subvention d'un montant maximum de 3 millions de francs,
destinée à financer jusqu'à 35 % de leur coût
de développement.
c) Incubation et capital-amorçage des entreprises technologiques
Le
ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie et le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie ont lancé un appel à projets doté de 200
millions de francs vers les établissements d'enseignement
supérieur, les organismes de recherche, les professionnels de
l'accompagnement des entreprises et les professionnels du capital-risque afin
d'encourager la création d'entreprises technologiques innovantes
susceptibles de valoriser le potentiel de recherche des laboratoires publics.
Cet appel à projets vise à susciter la mise en place de nouvelles
structures d'incubation émanant d'établissements d'enseignement
supérieur ou de recherche. Le soutien du ministère s'est
dirigé vers les projets nouveaux organisés en partenariat entre
plusieurs établissements et bénéficiant du concours des
collectivités locales.
Un " incubateur d'entreprises innovantes " est un lieu d'accueil et
d'accompagnement de porteurs de projets de création d'entreprises
innovantes ; il leur offre un appui en matière de formation, de
conseil et de financement, et les héberge jusqu'à ce qu'ils
trouvent leur place dans une pépinière d'entreprises ou des
locaux industriels.
La partie " amorçage " vise à apporter aux
établissements d'enseignement supérieur et de recherche une
avance en capital qui leur permettra de constituer, avec des partenaires
publics et privés, des fonds destinés à investir dans des
entreprises en création.
Le comité d'engagement s'est réuni pour la première fois
le 30 juin et a proposé un soutien à 7 des 38 projets
d'incubateurs aujourd'hui déclarés. D'autres réunions de
ce comité sont prévues pour le début de l'an prochain.
d) Capital-risque et FCPI
L'Etat a
confié 600 millions de francs à la Caisse des dépôts
et consignations pour encourager la constitution de fonds de capital-risque qui
financent les stades ultérieurs de développement des entreprises.
Ce montant est abondé par la banque européenne d'investissements
(BEI) à hauteur de 300 millions de francs. Le MENRT participe au
comité de gestion de ces crédits.
Bénéficiant d'avantages fiscaux pour les particuliers qui y
souscrivent (avantages améliorés par un amendement du
Sénat adopté sur proposition de M. René
Trégouët et votre rapporteur), les fonds communs de placement dans
l'innovation (FCPI) ont pour vocation d'investir 60 % de leurs fonds dans
des entreprises innovantes. Le caractère innovant d'une entreprise est
évalué par l'ANVAR.
A ce jour, 8 établissements financiers ont créé des
FCPI : les Banques populaires, ABN Amro, le Groupe Pinatton, CDC, le
groupe CIC, Axa et la Société générale. D'autres
FCPI ont été créés en dehors des groupes
financiers, comme Innova-France.
e) Le crédit d'impôt recherche
Le
crédit d'impôt recherche (CIR) est une mesure fiscale d'ordre
général qui contribue à promouvoir une recherche
compétitive et concourt à offrir un environnement stable à
l'innovation technologique des entreprises françaises. Il permet une
réduction de l'impôt sur les sociétés,
représentant 50 % de l'accroissement en volume de leur effort de
recherche et développement par rapport à la moyenne des deux
années précédentes.
C'est un dispositif qui s'adresse spécifiquement aux PME. Les
entreprises de moins de 100 millions de francs obtiennent près de
30 % du crédit d'impôts, alors qu'elles ne réalisent
que 11 % de la recherche-développement. Ces entreprises
représentent 69 % des entreprises du crédit
d'impôt-recherche.
Le CIR a été reconduit en 1999, avec des améliorations et
une forte orientation envers les entreprises innovantes. Ainsi, les entreprises
qui sont sorties du dispositif peuvent en bénéficier de nouveau
et le CIR est restitué immédiatement aux jeunes entreprises
innovantes.
f) Le bilan de ces mesures
L'effet
induit par ces diverses mesures en faveur du développement de la
recherche industrielle en France devrait être mesuré, ainsi que
l'état de la mobilité des chercheurs.
Ce second aspect a fait l'objet d'une étude du Centre de sociologie de
l'innovation de l'école des Mines de Paris, qui fournit des indications
précieuses, bien que partielles.