Projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'assemblée nationale, TOME VIII - Recherche scientifique et technique
LAFFITTE (Pierre)
AVIS 90-TOME VIII (1999-2000) - commission des affaires culturelles
Tableau comparatif au format Acrobat ( 1 30 Ko )Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. UN BUDGET STABLE QUI PERMET UN MAINTIEN GLOBAL DES MOYENS DE LA RECHERCHE PUBLIQUE FRANÇAISE
-
II. UN SOUTIEN ENCORE INSUFFISANT DE L'ÉTAT ET DES
RÉGIONS AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES
- A. LE MODÈLE BAVAROIS
- B. EN FRANCE, L'ÉTAT NE SOUTIENT PAS ASSEZ LES EFFORTS DES RÉGIONS EN FAVEUR DES INNOVATIONS ET DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
- C. LE SOUTIEN DE L'ÉTAT À L'AIDE À L'INNOVATION S'EST ACCRU, MAIS RESTE ENCORE TROP TIMIDE
- D. LES CAPACITÉS DE RECHERCHE DE L'INRIA DOIVENT ÊTRE RENFORCÉES
- III. LA PLACE DE LA RECHERCHE FRANÇAISE DOIT ÊTRE NETTEMENT AFFIRMÉE DANS LE DOMAINE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, ET DANS CELUI DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
- IV. UNE MEILLEURE COORDINATION À TROUVER AVEC NOS PARTENAIRES EUROPÉENS
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 90
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VIII
RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
Par M. Pierre LAFFITTE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel Charzat, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
17
)
(1999-2000).
Lois de finances
.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le budget civil de recherche et de développement (BCRD) qui retrace
l'ensemble des crédits affectés par l'Etat à la recherche
civile, s'établira en 2000 à 54,646 milliards de francs en
dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression
de 1,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999.
Comme chaque année, votre rapporteur s'attachera à
apprécier l'opportunité des choix gouvernementaux que traduit le
projet de budget pour 2000.
En 1998, le gouvernement avait exprimé la volonté de
redéfinir les orientations de la politique de la recherche, en tenant
compte des nouveaux mécanismes de la croissance économique
fortement liés à l'innovation, ce qui correspond à une
nécessité que votre rapporteur n'a cessé de souligner au
fil des ans.
L'année 1999 a donc été l'occasion pour le Parlement
d'examiner la loi sur l'innovation et la recherche, définitivement
adoptée le 30 juin dernier, grâce à l'impulsion
déterminante du Sénat.
Cette adoption laissait augurer de perspectives conformes aux priorités
soulignées par ce texte dans le projet de loi de finances pour 2000.
Elles n'ont qu'été abordées à cette occasion.
Souhaitons que les budgets ultérieurs permettent d'en concrétiser
toutes les virtualités.
I. UN BUDGET STABLE QUI PERMET UN MAINTIEN GLOBAL DES MOYENS DE LA RECHERCHE PUBLIQUE FRANÇAISE
Le
budget civil de recherche et de développement (BCRD) pour 2000
s'élève à 54,646 milliards de francs en dépenses
ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 1,3 %
par rapport à 1999.
Cette croissance de 1,3 % correspond globalement à un maintien
des moyens financiers de la recherche ;
elle est comparable à
la progression des dépenses civiles de l'Etat (+1,2 %). Votre rapporteur
note qu'elle est inférieure à l'augmentation du produit
intérieur brut, estimée aux environs de 2,5 % pour 2000.
Alors que les années 1998 et 1999 avaient été
marquées par la création de 500 postes de chercheurs et de 234
d'ITA, le projet de loi de finances pour 2000 ne prévoit pas de
créations d'emplois de chercheurs, mais permet l'ouverture de
18 nouveaux postes d'ITA (ingénieurs, techniciens, administratifs).
Certes, les départs naturels (retraite, mobilité) de personnels
permettront d'assurer en 2000, sans création d'emploi, un recrutement
d'environ 3 % des effectifs suffisant pour en permettre la
stabilité et le rajeunissement des personnels.
On peut regretter que le nécessaire accroissement de la mobilité
des chercheurs, et l'ouverture de postes d'accueil temporaires en nombre accru
dans divers organismes de recherche ne soient pas traduits dans le projet de
budget, malgré la volonté affichée du ministre de
privilégier des secteurs stratégiques pour notre avenir comme les
technologies de l'information grâce à des dispositifs d'accueil
souples. Malheureusement, les termes de l'ordonnance de 1959 portant loi
organique relative aux lois de finances, repris d'ailleurs dans le
Règlement du Sénat, sont formels : aucun amendement à
une loi de finances tendant à accroître une dépense ne peut
être présenté.
Votre rapporteur ne peut donc que suggérer ce type de
redéploiements, particulièrement au sein de l'INRIA et du RNRT.
A. UN MAINTIEN DES CRÉDITS
L'évolution des différents crédits
contribuant
à la composition du BCRD pour 2000 est retracée dans le tableau
suivant :
On relève que les différents apports à la croissance
globale de 1,3 % sont en évolution contrastée, et que les
établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) notamment,
enregistrent une régression de leurs moyens, tant de fonctionnement
qu'en capital.
S'agissant de l'ensemble des crédits affectés à la
recherche française, qu'ils soient d'origine publique ou privée,
le tableau suivant en récapitule l'évolution de 1981 à
1998.
La
dépense nationale de recherche et développement en
France
regroupe en effet l'ensemble des financements affectés
à la recherche.
FINANCEMENT DE LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT EN FRANCE
|
1981 |
1986 |
1991 |
1994 (3) |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 (e) |
Financement DNRD |
62 600 |
113 015 |
162 842 |
177 074 |
180 082 |
184 266 |
183 542 |
187 935 |
Part de la DNRD dans le PIB (%) |
1,98 |
2,23 |
2,40 |
2,40 |
2,36 |
2,34 |
2,26 |
2,22 |
Taux de croissance annuel moyen en volume (2) (%) |
5,1 |
4,3 |
4,4 |
- 1,6 |
0,5 |
0,8 |
- 1,4 |
1,7 |
Financement par les administrations (1) |
36 100 |
64 472 |
86 871 |
88 730 |
89 520 |
89 987 |
87 561 |
87 145 |
Financement par les entreprises |
26 500 |
48 543 |
75 971 |
88 344 |
91 282 |
94 279 |
95 981 |
100 790 |
Financement par les administrations/DNRD (%) |
57,7 |
57,0 |
53,3 |
50,1 |
49,5 |
48,8 |
47,7 |
46,4 |
(1)
Administrations publiques et privées (Etat, enseignement
supérieur et institutions sans but lucratif)
(2) Evalué sur la base de l'évolution du prix du PIB et, de 1971
à 1991, calculé par période de cinq ans
(3) Des changements méthodologiques ont eu lieu en 1992,
entraînant une rupture de série
(e) Estimation
Source : Ministère de l'Education nationale, de la recherche et de
la technologie
Ces chiffres illustrent l'évolution de la part de la recherche, tant
publique que privée, en montants absolus et en pourcentage.
Votre rapporteur note que l'augmentation continue de la recherche industrielle
rapproche la France des pays les plus développés en la
matière.
B. UNE STABILITÉ DE L'EMPLOI SCIENTIFIQUE
Après deux années 1998 et 1999 marquées
par des
créations d'emplois (500 créations d'emplois de chercheurs, 234
créations d'emplois d'ITA), le projet de loi de finances pour 2000
marque une pause qui devrait être compensée par une augmentation
des départs naturels dans les organismes publics de recherche.
Dans la plupart des établissements, ces départs naturels
devraient permettre d'assurer en 2000 un volume de recrutements suffisant pour
atteindre, sans création d'emploi, le taux de 3 % correspondant au
renouvellement normal des générations. Au-delà de ces
3 %, les capacités de recrutement seront mobilisées pour
l'accueil de chercheurs venant d'autres institutions et notamment des
universités.
Deux mesures de transformations d'emplois de chercheurs permettront la
promotion de 20 chargés de recherche aux grades supérieurs
(IRD : 15 ; CEMAGREF : 5).
Dix-huit emplois d'ITA sont créés en 2000, ce qui permettra la
poursuite de l'apurement progressif de certaines situations à l'INRIA
(résorption de l'emploi précaire de longue durée) et
à l'IRD (contrainte juridictionnelle de titularisation de contractuels
locaux dans les territoires d'outre-mer), ainsi que le renforcement de la
technicité des équipes (4 ingénieurs) et du soutien
logistique (2 techniciens) dans les secteurs des nouvelles technologies de
l'information et de la communication de l'INRIA et des sciences du vivant
à l'IRD (1 ingénieur).
Une mesure de transformation de 30 emplois d'ITA en chercheurs permet à
l'INRA de consolider son potentiel de recherche scientifique au sein des
écoles vétérinaires.
Les perspectives de départs sur les 15 prochaines années sont
recensées, par EPST et EPIC, dans le tableau suivant.
Les départs pour limite d'âge sont estimés à environ
22 000 pour les EPST, soit un renouvellement de 50 % des emplois
inscrits aux budgets de ces établissements pour 2000 (3,4 % en
moyenne annuelle).
POUR CHACUN DES INSTITUTS DE RECHERCHE
|
Effectif budgétaire LFI 2000 |
Départs chercheurs |
Départs ITA |
|
Taux de départ annuel moyen (ETP), à effectif budgétaire constant |
|
|
|
|
|
|
nombre |
% |
INRA |
8 533 |
692 |
3 129 |
3 821 |
254,7 |
3,0 |
CEMAGREF |
612 |
25 |
183 |
208 |
13,9 |
2,3 |
INRETS |
414 |
56 |
85 |
141 |
9,4 |
2,3 |
LCPC |
574 |
78 |
119 |
197 |
13,1 |
2,3 |
INRIA |
766 |
35 |
77 |
112 |
7,5 |
1,0 |
CNRS et Instituts |
26 345 |
6 460 |
8 810 |
15 270 |
1 018,0 |
3,9 |
INSERM |
5 008 |
895 |
881 |
1 776 |
118,4 |
2,4 |
IRD |
1 635 |
355 |
253 |
608 |
40,5 |
2,5 |
INED |
163 |
18 |
27 |
45 |
3,0 |
1,8 |
Total |
44 050 |
8 614 |
13 564 |
22 178 |
1 478,5 |
3,4 |
|
Effectif autorité LFI 2000 |
Départs cadres |
Départs non cadres |
|
Taux de départ annuel moyen (ETP), à effectif budgétaire constant |
|
|
|
|
|
|
Nombre |
% |
ADEME |
143 |
18 |
5 |
23 |
1,5 |
1,1 |
BRGM |
895 |
241 |
153 |
394 |
26,3 |
2,9 |
CIRAD |
1 812 |
316 |
218 |
534 |
35,6 |
2,0 |
IFREMER |
1 345 |
277 |
158 |
435 |
29,0 |
2,2 |
TOTAL |
4 195 |
854 |
534 |
1 386 |
92,4 |
2,2 |
Source : ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
EMPLOIS INSCRITS AU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000ORGANISMES DE RECHERCHE
EPST |
Chercheurs |
ITA |
TOTAL |
LFI 1999 - emplois inscrits aux budgets des EPST |
17 316 |
26 696 |
44 012 |
LFI 1999 - répartition de la réserve d'emplois |
11 |
9 |
20 |
PLF 2000 - créations d'emplois |
- |
18 |
18 |
PLF 2000 - transformations d'emplois (ITA > chercheurs) |
30 |
- 30 |
0 |
PLF 2000 : emplois inscrits aux budgets des organismes |
17 357 |
26 693 |
44 050 |
EPIC et fondations |
Cadres |
Non-cadres |
TOTAL |
LFI 1999 - Tableau des emplois autorisés |
3 537 |
4 130 |
7 667 |
PLF 2000 - créations d'emplois |
- |
- |
0 |
PLF 2000 - transferts d'emplois |
- |
- |
0 |
PLF 2000 : emplois inscrits aux budgets des organismes |
3 537 |
4 130 |
7 667 |
Source : idem
Ces évolutions sont globalement acceptables.
C. UNE MOBILITÉ ENCORE RESTREINTE DES PERSONNELS DE RECHERCHE
En revanche, la mobilité des chercheurs, essentielle pour dynamiser l'innovation, qui reste la grande faiblesse de notre développement industriel, demeure largement insuffisante. On en trouvera la confirmation dans le tableau suivant :
MOBILITÉ DES PERSONNELS SCIENTIFIQUES
DANS LES
GRANDS
ORGANISMES DE RECHERCHE
Une nette impulsion en faveur de la mobilité des différents
personnels de recherche
-car pour être féconde, cette
mobilité doit aussi englober les ingénieurs, ainsi que les
personnels techniques et administratifs, regroupés sous le sigle
" ITA "- doit être donnée car cette mobilité n'a
pas atteint, loin s'en faut, son niveau optimal.
Cette évolution dans le déroulement des carrières des
personnels scientifiques
, que ce soit entre recherche publique et
privée, entre ces secteurs et les universités, ou encore entre
recherche et industrie,
est souhaitée, sans relâche depuis
quinze ans, par votre rapporteur. Développer le réseau des
entreprises innovantes par le savoir-faire des chercheurs
, avoir une vision
plus précise des difficultés concrètes auxquelles se
heurtent parfois la valorisation des découvertes est indispensable dans
l'économie moderne nécessaire à la dynamique de la France
en Europe, et de l'Europe dans le monde.
M. Claude Allègre a le mérite d'en avoir souligné
l'opportunité et d'avoir commencé à traduire en actes ces
orientations, et notamment dans le cadre de la loi sur l'innovation, en faveur
de laquelle le Sénat s'est engagé de façon quasi-unanime.
Bien sûr, il subsiste des résistances de nature diverse :
- le poids des habitudes,
- la méfiance réciproque entre une recherche fondamentale
" désintéressée " et une valorisation
technologique qui doit intégrer les contraintes du marché ;
-
l'inadaptation des procédures budgétaires, qui ne
permettent pas toujours de rémunérer correctement les personnels
en mobilité ;
- le manque de souplesse dans la gestion des postes d'accueil.
Ce n'est donc qu'à moyen terme que l'impact des impulsions actuelles
pourra être apprécié et, comme l'espère votre
rapporteur, aboutir à une meilleure compréhension
réciproque des secteurs de la recherche, de l'innovation et du monde
économique.
II. UN SOUTIEN ENCORE INSUFFISANT DE L'ÉTAT ET DES RÉGIONS AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES
La
commission des affaires culturelles a beaucoup oeuvré pour que la
loi
sur l'innovation
ait pu être définitivement adoptée par
le Parlement à la fin du mois de juin dernier, en étant
approuvée par le Sénat à une quasi unanimité.
Nous espérions alors que cette
adoption serait le prélude
à une opération majeure de ferme soutien aux entreprises
innovantes
, qui se traduirait en termes budgétaires dans le projet
de loi de finances pour 2000.
Or nous sommes loin du compte
. Certes, les décrets d'application
de la loi devraient, selon la promesse du ministre faite devant la commission,
être tous parus d'ici la fin de l'année. Les incubateurs
d'entreprises recevront 200 millions de francs en 2000, et les fonds de
capital-risque, 600 millions de francs. Mais, sachant que les sommes
affectées au soutien de la recherche dans les grandes entreprises ont
régressé, du fait de la volonté du ministre, de
3 milliards de francs en 1997 à 1,4 milliard de francs dans le
projet de loi de finances pour 2000, il semble que les sommes ainsi
dégagées auraient pu être consacrées plus fortement
à l'innovation.
On notera à cet égard qu'après l'investissement initial,
de l'ordre de quelques millions par " start up ", des sommes
nettement plus élevées sont nécessaires. Ces sommes
peuvent être dégagées, aux États-Unis, grâce
à l'action des " business angels " et d'un système
dynamique de capital-risques proche des sociétés innovantes qui
les soutiennent dans leur gestion.
Ces " anges des affaires " sont des investisseurs privés qui
soutiennent, dès leur introduction en bourse, les entreprises innovantes
naissantes. Ce phénomène, qui traduit le fort goût pour le
risque et le développement de nouvelles entreprises qui constituent l'un
des moteurs de la réussite économique américaine, est
appuyé sur des dispositions fiscales très favorables, qui
valorisent les gains et atténuent les pertes. Depuis des années,
votre rapporteur évoque ce point. Lors du débat sur la loi sur
l'innovation, il a proposé des mesures fiscales qui auraient permis de
mobiliser des milliards de francs, sans coût pour l'Etat, pour permettre
aux épargnants d'investir les plus-values dans des " start
up ", et de payer l'impôt sur les plus-values après un bref
délai, ou au moment du désinvestissement.
A. LE MODÈLE BAVAROIS
Notre
pays pourrait évidemment s'inspirer de certains exemples
européens, comme celui du Land de Bavière, qui valorise
activement les nouvelles technologies de l'information et de la communication
(NTIC) depuis plusieurs années.
En effet, sous l'impulsion de son ministre-président Edmund Staueber, la
Bavière consacrera 2,65 milliards de DM (soit 8,87 milliards de
francs
1(
*
)
) en 2000 pour une " offensive en
faveur des hautes technologies ", qui succédera à la
réussite des programmes antérieurs : " Bavière
en ligne " et " Bavière innovations ". Cet effort du Land
de Bavière s'ajoute aux efforts fédéraux ; le
Bad-Würtemberg et Berlin ont des stratégies qui vont dans le
même sens.
Cette troisième phase de l'" Offensive Zukunft Bayern - OZB "
(" programme offensif de réalisation de la Bavière ")
porte sur les hautes technologies. Les sommes ainsi dégagées sont
réparties comme suit :
OFFENSIVE AVENIR BAVIÈRE (OZB) III - " OFFENSIVE
HIGH-TECH "
UTILISATION DU PRODUIT DES PRIVATISATIONS PROVENANT DE LA RÉDUCTION
DE LA PARTICIPATION ÉTATIQUE À LA " V.I.A.G. " SA
B. EN FRANCE, L'ÉTAT NE SOUTIENT PAS ASSEZ LES EFFORTS DES RÉGIONS EN FAVEUR DES INNOVATIONS ET DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
En
regard, les dépenses des régions françaises
affectées à l'innovation et aux nouvelles technologies sont
tellement réduites que le ministère lui-même n'a pu en
fournir une évaluation.
Sur l'ensemble des aides de l'Etat apportées aux régions dans le
cadre des prochains contrats de plan, récapitulées ci-dessous,
quel montant sera-t-il affecté aux actions en faveur de la
recherche ?
•
Répartition de l'aide de l'Etat par région
Ce tableau indique pour chaque région le total de ces aides pour la
période à venir, suivi du montant par habitant :
Source : Bulletin quotidien du 23.11.99
Il ne semble pas que les chiffres avancés dans le cadre des contrats de
plan Etat-régions actuellement en discussion soient d'un ordre de
grandeur comparable à l'exemple bavarois. Pourtant, la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur a développé un vaste programme
en matière de recherche et d'innovation, mais c'est la quote-part de
l'Etat qui n'est pas à la hauteur des besoins.
Le ministère ne dispose d'ailleurs à cet égard, de
façon significative, que de quelques éléments
chiffrés portant sur l'emploi scientifique dans les régions qui
remontent à 1997. Ainsi indique-t-il qu'en France
métropolitaine
2(
*
)
les
75 574 " Équivalents temps plein
recherche "
3(
*
)
de la fonction publique
répertoriés en 1997 (dans les universités, et les
établissements publics de recherche) sont assez inégalement
répartis sur le territoire. En dehors de l'Ile-de-France, qui regroupe
38 % des " Équivalents temps plein recherche ", il existe
trois catégories de régions. La première, qui correspond
aux régions du sud de la France, comprend les quatre régions dont
les effectifs sont les plus importants : Rhône-Alpes (11 %),
PACA (8 %), Midi-Pyrénées (7 %) et Languedoc-Roussillon
(5 %). Une deuxième catégorie (dont la distance avec Paris
est entre 300 et 500 km) comprend, par ordre d'importance
décroissante : Bretagne (4 %), Aquitaine, Alsace et Lorraine
(3 %). Les onze autres régions, enfin représentent au total
14 % des effectifs.
Cette répartition régionale est décrite dans le tableau
suivant :
RÉPARTITION RÉGIONALE DES PERSONNELS DE RECHERCHE EN 1997 4( * )
Source : ministère de l'Education nationale, de la recherche et
de la technologie
C. LE SOUTIEN DE L'ÉTAT À L'AIDE À L'INNOVATION S'EST ACCRU, MAIS RESTE ENCORE TROP TIMIDE
1. L'articulation des aides financières
La
politique d'aide financière aux entreprises innovantes porte sur
l'ensemble du processus d'innovation, de la conception à la
préindustrialisation, et s'adresse à tout le tissu
industriel ; il vise à favoriser plus spécifiquement les
PME-PMI et les jeunes entreprises de haute technologie : " start
up " et " spin off ".
Compte tenu du large spectre des actions incitatives, les interventions du
ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie (MENRT), du ministère de l'économie, des finances et
de l'industrie (MEFI) et de l'agence nationale de valorisation de la recherche
(ANVAR) se complètent.
Les aides incitatives du MEFI
sont pour l'essentiel consenties sous la
forme d'avances remboursables forfaitaires, et s'adressent plus
particulièrement aux projets formulés par des groupes
industriels, leurs filiales ou des consortiums d'entreprises pouvant comporter
des PME-PMI.
Les voies de financement sont notamment celles de l'initiative EUREKA, celles
de l'appel à propositions " technologies clés " qui
s'est substituée, en juillet 1997, à la procédure des
grands projets innovants (GPI) et celles des réseaux de recherche et
d'innovations technologiques (PREDIT, RNRT, RMNT).
Les aides de l'ANVAR
-de même nature que celles du MEFI- sont
accordées au travers des mêmes procédures conjointes
(EUREKA, appels à propositions, réseaux), mais s'adressent
uniquement aux PME-PMI de moins de 500 personnes pouvant présenter des
bilans financiers favorables sur les trois dernières années. Les
jeunes entreprises de haute technologie, et les filiales consolidées de
groupes industriels sont exclues de fait. Les entités de 500 à
2 000 personnes font néanmoins l'objet d'une concertation au
cas par cas entre le MEFI et l'ANVAR, notamment pour les filiales de groupes
industriels, sur des critères d'autonomie de gestion et de
répartition du capital.
- Les projets, susceptibles seulement d'identifier un marché et
d'évaluer son volume à terme sont traités par
les
procédures du MENRT
. Le dispositif mis en place est prioritairement
orienté vers le développement de produits et services
fondés sur de nouvelles technologies dans une logique de demande, pour
satisfaire des besoins économiques à moyen terme, et vers la
création et la croissance d'entreprises innovantes.
Compte tenu du risque d'échec inhérent aux projets encore
éloignés du marché, les aides directes sont consenties par
voie de subventions dont le taux est régulé en fonction de la
taille des entités industrielles porteuses de projet et du risque
technologique de non-aboutissement.
Une coordination entre les deux ministères et l'ANVAR permet d'assurer
le relais entre la phase amont des projets financés par le Fonds de la
recherche technologique (octroi d'une subvention au titre du FRT) et ayant
abouti à une preuve de faisabilité, et la phase aval de
préindustrialisation aidée soit au titre des " technologies
clés " soit par l'ANVAR (avances remboursables).
2. Les aides financières du MENRT
a) Les réseaux et l'initiative EUREKA
•
Les réseaux de recherche et d'innovation technologiques
Pour développer une recherche technologique de pointe orientée
principalement vers la création et le développement d'entreprises
innovantes, les laboratoires publics et privés sont encouragés
à travailler en réseaux thématiques de recherche et
d'innovations technologiques.
Sur un domaine technologique bien défini, chaque réseau doit,
dans une logique de réponse à la demande socio-économique,
identifier les problèmes technologiques, faire émerger des
projets de recherche appropriés, qui peuvent conduire à de
nouveaux produits et services et participer ainsi à la création
et à la croissance d'entreprises innovantes.
Les réseaux ont pour première ressource la mutualisation des
moyens des équipes de recherche publiques et privées qui y
participent. Les projets qu'ils suscitent peuvent également
bénéficier de financements incitatifs de différents
ministères, principalement du FRT en ce qui concerne le ministère
chargé de la recherche, mais éventuellement aussi du Fonds
national pour la science.
Les thèmes retenus correspondent aux axes prioritaires de la recherche
définis par le gouvernement, en particulier les sciences du vivant et
les différents aspects des technologies de l'information et de la
communication. Des réseaux sur les piles à combustibles,
transport, génie civil et urbain, existent également.
•
L'initiative EUREKA
Outre le financement des réseaux de recherche technologique, le FRT
permet de soutenir des projets spontanés au moyen de l'initiative EUREKA.
Initiative franco-allemande, lancée en 1985, EUREKA s'adressait à
l'origine essentiellement à la grande industrie mais elle a su s'ouvrir
aux PME. Aujourd'hui, la moitié des projets émanent de cette
catégorie d'entreprises. L'initiative EUREKA est originale par son
dispositif administratif qui procède majoritairement par appels
d'offres, par son caractère de procédure ouverte d'initiative
industrielle et par son exigence de coopération entre entreprises
européennes. Une étude, menée par l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en
réponse aux demandes convergentes des commissions sénatoriales
des affaires culturelles, et des affaires économiques, ainsi que du
groupe RDSE, est en cours sur cette initiative
b) Le concours national de création d'entreprises technologiques innovantes
En 1999,
le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie a décidé de mener une action d'impulsion
exceptionnelle en faveur de la création d'entreprises technologiques
innovantes par le biais d'un concours national disposant de moyens incitatifs
nouveaux.
Le concours était ouvert à toute personne physique
résidant en France, indépendamment de sa nationalité, son
statut ou sa situation professionnelle, et dont le projet portait sur la
création d'une entreprise innovante s'appuyant sur une recherche
technologique. Les projets devaient prévoir la création d'une
entreprise indépendante, installée sur le territoire national
dont le capital devait être détenu majoritairement par des
personnes physiques, dont 20 % par le candidat lui-même. Les
Français résidant à l'étranger et les
ressortissants de l'Union européenne dont le projet répondait aux
mêmes conditions pouvaient également participer au concours.
Deux types de projets pouvaient être présentés : les
projets " en émergence ", au stade de l'idée ou de la
préfiguration, nécessitant d'être approfondis aux plans
technologique, organisationnel, industriel, commercial, juridique ou financier,
et les projets " création-développement ",
déjà élaborés sur le fond et se situant juste en
amont de la création d'entreprise.
Le concours a été lancé officiellement le 8 mars 1999. A
partir de propositions élaborées par les jurys régionaux
dans le cadre d'une gestion déconcentrée s'appuyant sur l'ANVAR
et les DRRT, le jury national s'est réuni le 21 juin afin
d'arrêter la liste des lauréats : soit 79 " en
création-développement " et 165 " en
émergence ", qui se partagent les 100 millions de francs de prix
prévus par le MENRT.
Les lauréats au titre des projets " en émergence "
recevront un soutien financier pour la maturation de leur projet, d'un montant
maximum de 300 000 francs. Les entreprises créées au
titre des projets " création-développement " recevront
une subvention d'un montant maximum de 3 millions de francs,
destinée à financer jusqu'à 35 % de leur coût
de développement.
c) Incubation et capital-amorçage des entreprises technologiques
Le
ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie et le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie ont lancé un appel à projets doté de 200
millions de francs vers les établissements d'enseignement
supérieur, les organismes de recherche, les professionnels de
l'accompagnement des entreprises et les professionnels du capital-risque afin
d'encourager la création d'entreprises technologiques innovantes
susceptibles de valoriser le potentiel de recherche des laboratoires publics.
Cet appel à projets vise à susciter la mise en place de nouvelles
structures d'incubation émanant d'établissements d'enseignement
supérieur ou de recherche. Le soutien du ministère s'est
dirigé vers les projets nouveaux organisés en partenariat entre
plusieurs établissements et bénéficiant du concours des
collectivités locales.
Un " incubateur d'entreprises innovantes " est un lieu d'accueil et
d'accompagnement de porteurs de projets de création d'entreprises
innovantes ; il leur offre un appui en matière de formation, de
conseil et de financement, et les héberge jusqu'à ce qu'ils
trouvent leur place dans une pépinière d'entreprises ou des
locaux industriels.
La partie " amorçage " vise à apporter aux
établissements d'enseignement supérieur et de recherche une
avance en capital qui leur permettra de constituer, avec des partenaires
publics et privés, des fonds destinés à investir dans des
entreprises en création.
Le comité d'engagement s'est réuni pour la première fois
le 30 juin et a proposé un soutien à 7 des 38 projets
d'incubateurs aujourd'hui déclarés. D'autres réunions de
ce comité sont prévues pour le début de l'an prochain.
d) Capital-risque et FCPI
L'Etat a
confié 600 millions de francs à la Caisse des dépôts
et consignations pour encourager la constitution de fonds de capital-risque qui
financent les stades ultérieurs de développement des entreprises.
Ce montant est abondé par la banque européenne d'investissements
(BEI) à hauteur de 300 millions de francs. Le MENRT participe au
comité de gestion de ces crédits.
Bénéficiant d'avantages fiscaux pour les particuliers qui y
souscrivent (avantages améliorés par un amendement du
Sénat adopté sur proposition de M. René
Trégouët et votre rapporteur), les fonds communs de placement dans
l'innovation (FCPI) ont pour vocation d'investir 60 % de leurs fonds dans
des entreprises innovantes. Le caractère innovant d'une entreprise est
évalué par l'ANVAR.
A ce jour, 8 établissements financiers ont créé des
FCPI : les Banques populaires, ABN Amro, le Groupe Pinatton, CDC, le
groupe CIC, Axa et la Société générale. D'autres
FCPI ont été créés en dehors des groupes
financiers, comme Innova-France.
e) Le crédit d'impôt recherche
Le
crédit d'impôt recherche (CIR) est une mesure fiscale d'ordre
général qui contribue à promouvoir une recherche
compétitive et concourt à offrir un environnement stable à
l'innovation technologique des entreprises françaises. Il permet une
réduction de l'impôt sur les sociétés,
représentant 50 % de l'accroissement en volume de leur effort de
recherche et développement par rapport à la moyenne des deux
années précédentes.
C'est un dispositif qui s'adresse spécifiquement aux PME. Les
entreprises de moins de 100 millions de francs obtiennent près de
30 % du crédit d'impôts, alors qu'elles ne réalisent
que 11 % de la recherche-développement. Ces entreprises
représentent 69 % des entreprises du crédit
d'impôt-recherche.
Le CIR a été reconduit en 1999, avec des améliorations et
une forte orientation envers les entreprises innovantes. Ainsi, les entreprises
qui sont sorties du dispositif peuvent en bénéficier de nouveau
et le CIR est restitué immédiatement aux jeunes entreprises
innovantes.
f) Le bilan de ces mesures
L'effet
induit par ces diverses mesures en faveur du développement de la
recherche industrielle en France devrait être mesuré, ainsi que
l'état de la mobilité des chercheurs.
Ce second aspect a fait l'objet d'une étude du Centre de sociologie de
l'innovation de l'école des Mines de Paris, qui fournit des indications
précieuses, bien que partielles.
D. LES CAPACITÉS DE RECHERCHE DE L'INRIA DOIVENT ÊTRE RENFORCÉES
L'institut national de recherche en informatique et en
automatique
(INRIA) a déjà acquis des résultats qui démontrent
sa capacité à innover dans un secteur prioritaire.
Il
conviendrait
, à tout le moins,
de prévoir, à
crédits constants, la possibilité de créer une
cinquantaine de contrats à durée déterminée pour
accueillir de jeunes chercheurs,
qui permettraient à l'INRIA de
renforcer son action déjà remarquable dans le domaine de la
création d'entreprises innovantes par ses chercheurs et de ses
ingénieurs.
Cet institut jouit d'une haute estime dans les milieux
scientifiques internationaux, et les entreprises qu'il a suscitées
correspondent à de très nombreux emplois créés.
L'engagement de l'INRIA pour favoriser les créations de
sociétés de technologie s'est renforcé depuis deux ans.
L'institut soutient désormais les créateurs d'entreprise par des
bourses post-doctorales et par l'activité d'incubateur de sa nouvelle
filiale INRIA-Transfert. L'INRIA a aussi joué un rôle pour la
constitution de la société I-Source Gestion, qui gère le
premier fonds d'amorçage français, consacré au secteur des
sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC).
Cet engagement s'est concrétisé durant l'année 1998 et les
premiers mois de 1999. Cinq sociétés de technologie issues de
l'INRIA ont été créées en 1998 : Realviz,
Gene-IT, Liquid Market, Saphir Control et Novadis Services. Deux autres
sociétés ont été créées en
1999 : Polyspace Technologies et Trusted Logic, deux autres, enfin, sont
en cours de création. Les sociétés créées
interviennent sur des marchés comme l'image de synthèse
numérique pour la vidéo, la certification de logiciels pour les
cartes à puces, la constitution de catalogues pour le commerce
électronique ou le traitement de séquences de génomes. Le
savoir-faire de plusieurs d'entre elles est issu de recherches très
théoriques, dont on ne percevait pas toujours le potentiel qui leur
permet aujourd'hui de se lancer sur le marché : ces
créations d'entreprises fournissent donc plusieurs exemples de la
vitesse à laquelle s'effectuent les percées technologiques dans
le domaine des STIC, INRIA-Transfert, incubateur consacré aux
sociétés innovantes s'appuyant sur les sciences et technologies
de l'information et de la communication (STIC).
Les sociétés créées par l'INRIA représentent
un nombre d'emplois très supérieur à la totalité du
personnel de l'INRIA.
Accompagnant l'essor économique des technologies de l'information et de
la communication, cette reprise de la création de sociétés
de technologies utilisent et justifient la mise en place par l'INRIA de deux
outils :
- I-Source, le premier fonds national de capital risque consacré
à l'amorçage et au démarrage de sociétés de
technologie à fort potentiel de croissance.
Créée en 1998, la société INRIA-Transfert au
capital de 86,5 millions de francs et filiale à 100 % de l'INRIA a
une double vocation : être un acteur de la constitution de fonds
d'amorçage dans les STIC, et être la structure de
référence pour l'incubation de projets de sociétés
innovantes dans les technologies de l'information à forte dominante
logicielle.
Sur le volet amorçage, INRIA-Transfert est l'actionnaire de
référence de la société I-Source Gestion qui vient
d'être constituée.
S'agissant de l'incubation, l'activité essentielle est la mise en
réseau, c'est-à-dire la constitution d'un réseau de
professionnels sur lesquels INRIA-Transfert s'appuie pour détecter,
expertiser et consolider les projets de création avec pour objectif de
les faire naître dans un délai de moins d'un an. C'est donc une
structure d'aide aux individus, les porteurs de projets, dans la phase
antérieure à la création de la société
elle-même. INRIA-Transfert apporte son concours à l'expertise
scientifique des projets ainsi qu'à la réalisation d'un
financement ou d'une étude de marché.
En 1998 et 1999, INRIA-Transfert a participé à la création
de sociétés issues de l'INRIA et aussi de sociétés
issues d'autres organismes. INRIA-Transfert encourage les créations de
sociétés qui s'appuient sur des technologies logicielles
innovantes.
INRIA-Transfert se propose d'élaborer un cahier des charges qui
recensera les passages obligés pour une création d'entreprise.
L'économie de certaines démarches peut être
réalisée en fonction du profil des créateurs et du
degré de maturation du projet. Ce cahier pourra comporter la formation
au management d'entreprise, la recherche de clients, le développement
des fonctionnalités d'un produit. Enfin, l'incubateur thématique
INRIA-Transfert s'inscrit de manière complémentaire à la
démarche de créations d'incubateurs géographiques dans
différents pôles universitaires français dont
l'émergence est favorisée par la nouvelle politique
gouvernementale. L'objectif est d'atteindre un flux annuel de 15 projets
de création d'entreprise en incubation.
Le premier instrument de financement, I-Source, est un fonds commun de
placement à risques, d'un montant de 100 millions de francs et d'une
durée de 10 ans. Ces fonds proviennent de souscription du secteur
public (INRIA-Transfert, Caisse des dépôts et consignations), et
du secteur privé (institutionnels, notamment AXA et
sociétés de capital risque).
La gestion de ce fonds a été confiée à la
société I-Source Gestion, société anonyme à
directoire et conseil de surveillance, au capital de 0,75 million de francs,
dont les actionnaires sont INRIA-Transfert (34 %),
ASSUR-Investissements-Groupe AXA (33 %) et CDC-PME-Groupe CDC (33 %).
I-Source Gestion développe une démarche de
" co-entreprise " avec les porteurs de projet qu'elle
sélectionne. I-Source Gestion travaille avec les porteurs de projet
à la formalisation de leur stratégie d'entreprise, à la
définition des projets d'objectifs à atteindre, et à la
finalisation du plan de financement.
Le montant moyen envisagé des interventions d'I-Source Gestion est de
l'ordre de 3 millions de francs. La sélection des projets est rigoureuse.
Opérationnel depuis le 15 février 1999 (date de l'agrément
accordé par la COB), le fonds a réalisé 5 investissements
avant l'été 1999 ; deux autres sont en cours de finalisation.
Le premier projet abouti ayant bénéficié de l'aide du
financement d'I-Source Gestion est la société Polyspace
Technologies, spécialisée dans le développement et la
commercialisation d'environnements de vérification et de validation de
logiciels temps réel embarqués. Cette société a
été créée à l'initiative d'un chercheur de
l'INRIA-Rocquencourt.
Au-delà de l'institut, la dynamique est bien engagée en
France : les liens entre investisseurs, gestionnaires, entrepreneurs,
" business angels ", technologues et chercheurs se renforcent, les
financements sont disponibles, les expériences se partagent, les
réseaux se tissent. L'INRIA, avec son incubateur INRIA-Transfert, son
" club des start-up " se développe.
Pour appuyer l'action de l'INRIA dans un domaine qui a été
reconnu comme étant prioritaire lors du CIRST du 1
er
juin
1999, le gouvernement a porté la subvention en dépenses
ordinaires et en autorisations de programme à 514,1 millions de
francs, soit une progression de 3,6 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 1999.
Il s'agit là de la plus forte croissance accordée aux subventions
des organismes de recherche, dans un contexte de stabilisation de la
dépense de l'Etat et de progression de 2 % du BCRD (DO + AP).
Avec l'attribution, au titre de la réserve d'emplois de 1999, de deux
emplois de chercheurs et de 6 emplois d'ingénieurs, ce sont au total 19
attributions nouvelles qui sont inscrites au tableau des emplois, ce qui
traduit certes un soutien de l'Etat à la croissance de l'INRIA et de ses
activités.
Mais ce soutien est bien mince au regard des 44 050 emplois
prévus pour les EPST dans le projet de loi de finances pour 2000, et des
1 478 départs à la retraite annuels prévus l'an
prochain pour ces seuls organismes de recherche.
On discerne donc mal la priorité accordée aux NTIC. Certes, votre
rapporteur connaît les rigidités, les difficultés de
gestion et la puissance des groupes de pression.
La volonté démontrée par le CNRS, par exemple, de se
renouveler est illustrée notamment par les solutions positives offertes
aux chercheurs des centres de Bagneux et de Grenoble du CENT.
Mais une politique volontariste de recherche doit être affichée,
et réalisée lorsqu'elle correspond à une priorité
nationale reconnue.
III. LA PLACE DE LA RECHERCHE FRANÇAISE DOIT ÊTRE NETTEMENT AFFIRMÉE DANS LE DOMAINE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, ET DANS CELUI DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
A. LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
L'état de l'utilisation de ce réseau à
l'heure
actuelle dans notre pays a été dressé par le
ministère de l'économie et des finances à la fin du mois
d'octobre dernier, en réponse à une question écrite de
notre collègue Jean-Pierre Raffarin :
Le développement d'Internet et des nouvelles technologies de
l'information et de la communication (NTIC), et plus globalement de la
société de l'information, représente des enjeux
considérables pour notre pays. L'analyse de la situation de la France
par rapport au développement de la société de
l'information ne saurait se réduire au nombre de serveurs Web par
milliers d'habitants ou au nombre d'utilisateurs d'Internet, mais doit prendre
en compte des aspects diversifiés : utilisation des NTIC par les
services publics (enseignement, santé, administrations) et les
entreprises, développement du commerce électronique,
créations de valeur et d'emplois par les entreprises industrielles et de
services du secteur des NTIC en France, etc. En ce qui le concerne, le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a
décidé de publier un tableau de bord de l'innovation, qui
comporte différents indicateurs qui permettront de mesurer le
développement des NTIC en France : chiffres d'affaires des secteurs
liés aux TIC, création d'entreprises et fonds levés sur le
nouveau marché, nombre d'internautes, etc. Tout en disposant d'atouts
certains, comme la qualité de son tissu industriel (secteur des
télécommunications, services informatiques, semi-conducteurs,
carte à puce, etc.) et de recherche, la qualité de ses
réseaux de télécommunications ou l'expérience
acquise grâce au Minitel, la France a tardé à prendre
résolument le virage des nouvelles technologies de l'information et de
la communication, en comparaison des pays les plus avancés. C'est
pourquoi le Gouvernement a adopté en janvier 1998 un " Programme
d'action gouvernemental pour la société de l'information ".
Un comité interministériel s'est réuni le 19 janvier
dernier pour examiner l'état d'avancement de ce programme, qui
représente un effort budgétaire évalué à 5,7
milliards de francs sur deux ans, dont 2,1 milliards en 1998 et
3,6 milliards en 1999. Le comité a pu constater qu'une très
large majorité des mesures préconisées ont
été mises en place au cours de l'année passée, et a
permis de fixer les priorités pour 1999. Le bilan complet des mesures
prises est diffusé sur le site internet dédié au PAGSI,
www.internet.gouv.fr. Des réalisations significatives peuvent
déjà être constatées. Ainsi, par exemple : le nombre
d'internautes a considérablement augmenté : entre 4 et 6 millions
de Français utilisent Internet aujourd'hui selon les différentes
études.
L'objectif est de 10 millions d'internautes avant la fin 2000. En un an, le
nombre d'établissements connectés à l'Internet est
passé pour les lycées de moins de 40 % à 85 %, pour les
collèges de 20 % à 55 %. La modernisation de services publics
s'est déjà traduite par certaines réalisations
opérationnelles : diffusion gratuite des principaux rapports
administratifs et parlementaires, ouverture du portail administratif
Admifrance, mise en ligne de 300 formulaires couvrant 50 % du volume des
procédures, lancement des services à distance comme le paiement
des impôts ou l'accomplissement de certaines formalités ; la
télé-déclaration et le télépaiement de la
TVA pour toutes les entreprises seront opérationnels au premier
trimestre 2000. L'innovation industrielle et technologique a été
fortement favorisée, en particulier par le développement du
capital-risque (création d'un fonds de 600 millions de francs,
porté à 900 millions de francs), par la reconduction et
l'élargissement en loi de finances pour 1999 des mesures fiscales
adoptées en loi de finances 1998 en vue de favoriser l'initiative en
matière de création d'entreprises. Les technologies de
l'information et de la communication sont une priorité marquée
des crédits de recherche et de développement industriels
(lancement d'un programme " Société de l'information " de 300 MF
par le secrétariat d'Etat à l'industrie, comportant un volet
important dédié au développement des outils de production
audiovisuelle et multimédia ; lancement du Réseau national de la
recherche en télécommunications doté de 260 MF en 1998).
Par ailleurs, des expérimentations de nouvelles technologies de
télécommunications et audiovisuelles (télévision
numérique terrestre) ont été lancées et les
infrastructures de télécommunications pour la recherche et
l'enseignement (réseau RENATER 2 à 155 MBits) sont
renforcées afin de faire face aux besoins croissants de communication.
Le Gouvernement a décidé la libéralisation de la
cryptologie et, dans l'attente des dispositions législatives
correspondantes, le seuil de la cryptologie dont l'utilisation est libre a
été relevé de 40 bits à 128 bits. A la suite de la
remise au Gouvernement du rapport du Conseil d'Etat sur le cadre juridique
d'Internet, des travaux ont été engagés au niveau
interministériel sur ce thème. Afin de mettre en place un cadre
juridique clair et stable, le Premier ministre a annoncé, le 26
août dernier, que le Gouvernement présentera au Parlement au
début de l'année 2000 un projet de loi sur la
société de l'information. Ce texte sera préparé par
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avec le
secrétaire d'Etat à l'industrie, et en étroite liaison
avec le ministre de la justice et la ministre de la culture et de la
communication. Un tel cadre, qui permettra de renforcer la confiance des
acteurs sur Internet, est nécessaire pour accompagner le
développement du commerce électronique et de la
société de l'information. Par ailleurs, la France participe
activement aux travaux concernant les différentes propositions de
directives européennes sur le sujet, notamment celles sur la signature
électronique et sur les aspects juridiques du commerce
électronique. Le Premier ministre a également annoncé
qu'un comité interministériel pour la société de
l'information qui pourrait se tenir à la fin de l'année sera
consacré au développement de la deuxième
génération de l'Internet. La France rattrape son retard en
matière d'utilisation des technologies de l'information et de la
communication et rejoint progressivement les pays développés les
plus avancés dans ce domaine. Pour y parvenir, il est cependant
nécessaire de poursuivre les efforts dans le cadre des orientations
fixées par le programme d'action gouvernemental.
Votre rapporteur craint, cependant, que cette réponse pèche par
excès d'optimisme. Le chiffre des dépenses évoqué
par le programme d'action gouvernemental, 5,7 milliards de francs en deux
ans pour la France, doit être comparé à celui qui est
consacré par le seul Land de Bavière au profit du programme
national allemand pour la seule année 2000 (8,87 milliards de
francs). De même, RENATER 2 n'est qu'un réseau à 155
mégabits, alors que des liaisons d'un niveau de plusieurs gigabits sont
fréquentes en Californie : on constate, par cet exemple, que nous
ne rattrapons pas notre retard.
Votre rapporteur a appelé l'attention du ministre de l'industrie par une
récente question orale, formulée le 2 novembre dernier, sur
l'urgence du dépôt d'un texte législatif
réglementant les modalités de la signature électronique,
sans pouvoir obtenir d'engagement du gouvernement sur la date envisagée
pour le nécessaire débat, ce qu'il regrette.
Votre rapporteur a également déposé au mois d'octobre,
conjointement avec MM. Cabanel et Trégouët, une proposition de loi
tendant à généraliser dans l'administration l'usage
d'Internet, et des logiciels libres, pour que les services publics et les
collectivités territoriales soient un moteur dans l'utilisation des
NTIC. Le débat ouvert sur ce point sur le forum de discussion
présent au sein du site " web " du Sénat
démontre éloquemment, par son succès, que le sujet est
d'actualité et qu'il convient donc de réagir rapidement.
B. UN FLÉCHISSEMENT DE LA BONNE POSITION DE LA FRANCE EN MATIÈRE DE RECHERCHES EN TÉLÉCOMUNICATIONS
L'avance
dont a longtemps bénéficié notre pays dans le secteur des
télécommunication est largement redevable aux travaux du CNET.
Or, la privatisation de France Télécom a conduit cette entreprise
à réorienter une grande part de ses travaux vers des objectifs de
rentabilité à court terme, ce qui est légitime.
Mais
l'Etat doit impérativement remédier aux conséquences
entraînées par cette nouvelle politique
, qui a fermé
aux chercheurs français les centres de Bagneux, Grenoble, Rennes et
Sophia-Antipolis. Le ministre s'était engagé à ce que les
équipes du CNET soient intégrées, si besoin était,
dans d'autres structures, grâce à des
conventions de
coopérations avec Alcatel et le CNRS
. Ceci a été
réalisé notamment pour les équipes du CNET de la
région parisienne ; pour les équipes du CNET de Grenoble, c'est
grâce à une coopération entre le CNRS et le LETI (organisme
dépendant du CEA) que cette intégration s'est
opérée. Or, aucun financement spécifique n'a
été dégagé pour répondre à cette
évidente priorité.
Quant au
RNRT, le réseau national de la recherche en
télécommunications,
votre rapporteur réitère
les remarques exprimées les années précédentes :
le réseau devrait être doté de 2 milliards de francs par
an pour disposer de moyens comparables à ceux dont disposait l'ancien
CNET
, avec les contrats externes de la direction générale des
télécommunications d'il y a quelques années.
1. Les crédits affectés au RNRT
En 1999,
100 millions de francs d'autorisations de programme venant du ministère
chargé de la recherche ont été réservés sur
le FRT pour le soutien de projets de recherche proposés dans le cadre du
réseau national de recherche en télécommunications. Au
ministère de l'industrie, 250 millions de francs d'autorisations de
programme ont été engagés pour le financement de projets
de recherche du RNRT ; d'autre part, le programme
" Société de l'Information " dispose d'une enveloppe
budgétaire de 350 millions de francs ; enfin, l'ANVAR a
consacré 35 millions de francs d'aides remboursables pour des projets
en télécommunications portés par des PME.
Les 29 projets labellisés par le RNRT en juillet 1998 ont
démarré en 1999 avec le soutien des ministères
chargés de la recherche ou des télécommunications (montant
des autorisations de programme : 210 millions de francs).
En 2000, le soutien à la recherche en sciences et technologies de
l'information est considéré comme une priorité par le
ministère de la recherche, qui prévoit la création d'un
nouveau réseau en technologies logicielles.
2. Les missions du RNRT
Les
télécommunications doivent être considérées
comme un secteur stratégique pour la France, car elles présentent
un potentiel de création d'emplois important : en 1997, le
marché intérieur s'élevait à 210 milliards de
francs avec une croissance annuelle de 4,4 %.
En 1997, le gouvernement a commencé à coordonner les
différents pôles de compétence nationaux de la recherche en
télécommunications au sein d'un réseau national de
recherche en télécommunications (RNRT), et a décidé
de créer pour cinq ans un comité d'orientation de la recherche en
télécommunications regroupant l'ensemble des acteurs
impliqués (scientifiques, industriels, opérateurs).
La création du Réseau nationale de recherche en
télécommunications répond à deux objectifs :
- dynamiser l'innovation en favorisant la confrontation entre les
avancées technologiques et les besoins du marché, et en
facilitant le transfert technologique vers les entreprises ;
- accompagner l'ouverture des marchés à la concurrence et
l'évolution du rôle du CENT dans la recherche publique.
Le RNRT offre ainsi à la recherche en amont en
télécommunications un espace ouvert, créé pour
inciter les laboratoires publics, les grands groupes et les PME à se
mobiliser et à coopérer autour de priorités
définies, pour conduire des projets avec le soutien des pouvoirs publics.
En favorisant l'émergence de produits et services nouveaux, le RNRT
participe au développement de la société de l'information.
Pour ses différentes actions, le RNRT s'est appuyé sur les
nouveaux outils de communication comme les sites internet ou le courrier
électronique. Le RNRT s'intéresse à l'avenir de l'internet
(haut débit, qualité garantie, accès à tous les
citoyens), aux prochaines générations de téléphones
mobiles multimédias, aux constellations de satellites et à la
convergence de l'audiovisuel, des télécommunications et de
l'informatique.
Le RNRT est un élément du programme d'action
gouvernemental : " Préparer l'entrée de la France dans
la société de l'information ", présenté par le
Premier ministre en 1998.
3. Organisation du RNRT
Le RNRT
est dirigé par un comité d'orientation, un bureau exécutif
et cinq commissions thématiques. Le président du comité
d'orientation, ses membres et ceux du bureau exécutif sont nommés
par les ministres chargés de la recherche et des
télécommunications. Le RNRT regroupe des représentants des
principaux acteurs des télécommunications (laboratoires publics,
industriels, opérateurs et pouvoirs publics).
Le comité d'orientation, placé sous la présidence de M.
Jean-Pierre Noblanc, définit des priorités pour la recherche
publique, les thèmes des appels à projets du RNRT, labellise les
dossiers qui seront proposés pour financement aux ministères,
effectue chaque année un bilan de l'effort de recherche et propose des
orientations pour le futur.
Le Bureau exécutif prépare les travaux du comité
d'orientation et met en oeuvre ses décisions.
Les cinq commissions thématiques apportent un soutien scientifique au
Bureau exécutif (contribution à l'élaboration des
thèmes de recherche, évaluation puis suivi des projets
coopératifs, veille scientifique et technique) et participent à
l'animation du RNRT.
- Commission 1 : technologies optiques et hertziennes dans le réseau
- Commission 2 : traitement du signal et circuits intégrés
associés
- Commission 3 : architecture des réseaux et systèmes
de télécommunications
- Commission 4 : génie logiciel pour les
télécommunications
- Commission 5 : interaction homme-machine, ergonomie,
acceptabilité des services
4. L'activité du RNRT
Un appel
à projets a été lancé en 1999, selon des
priorités définies pour susciter de nouvelles actions de
recherche coopératives. 40 projets ont été
sélectionnés par le Comité d'orientation comme
étant susceptibles de recevoir un soutien financier des
ministères compétents. Ils viennent s'ajouter aux 57 projets
labellisés en 1998. Par ailleurs, un appel spécifique, conjoint
RNRT-ANVAR et doté de 50 millions de francs a été
lancé fin 1998. Les projets, portés par des PME, sont en cours
d'instruction à l'ANVAR.
Un premier colloque RNRT, organisé les 28 et 29 janvier 1999 à
Sophia Antipolis, a rassemblé près de 350 participants issus
d'horizons divers : laboratoires publics, grands groupes, PME, pouvoirs
publics. Toutes les disciplines qui contribuent au développement des
télécommunications y étaient
représentées : informatique, électronique, ergonomie,
traitement du signal, architecture des réseaux, audiovisuel,
création de services. Il a permis de préparer les thèmes
prioritaires pour 1999, de présenter l'avancement des projets en cours
et d'ouvrir le dialogue au sein de la communauté de recherche en
technologies de l'information.
L'animation du réseau est une des missions importantes du RNRT ;
c'est dans ce cadre que s'inscrit le lancement d'un groupe de travail sur
l'internet du futur, qui vise à éclairer les acteurs du RNRT sur
les sujets porteurs dans le domaine d'internet, et à favoriser
l'émergence de projets coopératifs sur ces thèmes.
5. Budgets 1999 - Perspectives 2000
- budget
RNRT 1999 : 100 millions de francs au ministère chargé de la
recherche et 250 millions de francs au ministère chargé de
l'industrie.
- budget RNRT 2000 : en légère baisse (les projets
labellisés en novembre 1998 ont été financés sur le
budget 1999).
Quant aux dépenses en recherche en télécommunications
engagées par le secteur industriel
, elles constituent une part
substantielle du chiffre d'affaires total de l'industrie des
télécommunications françaises estimé à 65,3
milliards de francs en 1998 ; sur cette somme, le budget consacré
à la R et D est de l'ordre de 18 %, soit environ 11,7
milliards de francs.
Votre rapporteur doit relever que les informations et services transmis par les
réseaux à grand débit ne semblent pas constituer une
priorité pour le RNRT, puisqu'aucune commission spécifique sur ce
thème des services multimédia interactifs, leur
expérimentation et leur promotion, n'a été mise en place.
Votre rapporteur expose ici sa réaction à une consultation sur
le développement des réseaux à hauts débits
impulsée par M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie
.
Le développement des usages des réseaux hauts débits ne
pourra pas se faire si une politique active et décentralisée
n'est pas mise en place en vue de créer et d'expérimenter une
grande variété de services.
Dans mon Rapport sur la France dans la société de l'information,
" un cri d'alarme et une croisade nécessaire "
5(
*
)
enregistré dès le 7 février 1997,
je soulignais ce fait, notamment pages 28 et 29.
Ainsi en matière d'usage de hauts débits en matière
médicale, les trop rares équipes qui s'intéressent
à ceci dans les CHU notamment ne disposent pas de la moindre aide
spécifique, ni en personnel spécialisé, ni en
matériel
permettant l'usage de grands débits ont des
difficultés à obtenir les moyens nécessaires pour une
expérimentation.
Je trouve d'ailleurs que le RNRT devrait disposer de deux milliards de francs
pour cet effort et compte renouveler mes demandes en ce sens lors des
débats budgétaires.
En matière de téléformation professionnelle, il en va de
même pour les multiples initiatives prises de façon
décentralisées par les équipes qui s'investissent pour la
préparation d'une industrie de contenu dans les écoles
d'ingénieurs, de commerce, les IUT, les laboratoires universitaires.
Même les centres spécialisés, tels l'INRIA, qui se
préoccupent de définir une normalisation de protocole TGP/IP de
transmission par voie satellitaire de services à grands débits ne
dispose pas de crédits ad hoc.
Dans le même temps, l'industrie des télécommunications
investit des sommes qui se chiffrent à hauteur de plusieurs centaines
d'euros en Europe pour les infrastructures hauts débits, à juste
titre car dans d'autres continents il en va de même.
Mais notamment aux Etats-Unis, chacun sait que dans le futur, les
services auront une valeur ajoutée de plus de dix fois
supérieure au transport, et de nombreuses mesures sont prises soit
industrielles soit avec l'appui du gouvernement fédéral et des
Etats. L'industrie du multimédia en ce qui concerne le contenu dispose
de moyens considérables.
Préparer l'avenir en Europe pour constituer des services qui sont au
coeur de la politique française, notamment en matière culturelle,
éducative et de santé, mérite que l'on s'y penche avec
sérieux et détermination.
Pourtant cette donnée capitale n'est pas prise en compte et traduite en
terme budgétaire.
Tant qu'une véritable " croisade nécessaire " en faveur
de l'industrie des services à hauts débits en France ne sera pas
mis en place, notre retard ne pourra que s'aggraver.
La position française, rejointe par l'Europe dans les
négociations de l'OMT, sera affaiblie dans le domaine capital du
multimédia, clé de l'autonomie culturelle.
Certes, on peut compter en matière d'édition électronique
sur un certain dynamisme des maisons d'éditions.
Mais on risque fort de ne pas pouvoir motiver les multiples équipes
" d'auteurs de produits multimédia " dans les secteurs
enseignement à distance, services de télémédecine,
nouveaux produits culturels, petites
sociétés innovantes
pour multimédia professionnels, qui pourraient assurer à la
France une position de qualité dans ce domaine dont la croissance
économique sera fulgurante dans les décennies à venir.
On risque aussi, dans ces domaines à grand développement, de
renforcer l'attractivité new-yorkaise ou californienne pour les cerveaux
entreprenants.
Je souhaiterais que ces considérants soient au coeur des auditions que
M. Pierret dans sa lettre du 23 septembre 1999 vous a confiées et dont
vous m'avez fait part le 12 novembre.
IV. UNE MEILLEURE COORDINATION À TROUVER AVEC NOS PARTENAIRES EUROPÉENS
C'est désormais en s'appuyant sur la dimension européenne que la France pourra maintenir son haut niveau de qualification dans de nombreux domaines de recherche comme les télécommunications spatiales. Mais cette coordination doit également s'opérer dans l'ensemble des secteurs réclamant des financements élevés, voire très élevés, comme celui des grands équipements scientifiques.
A. LE CINQUIÈME PROGRAMME COMMUN DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT (PCRD)
Une des
critiques les plus fortes portées, notamment par la France, sur le
contenu du quatrième PCRD (1994-1998) visait la grande dispersion des
ressources financières en de trop nombreux projets.
Cette critique a porté ses fruits, puisque le nombre de programmes
européens a été réduit de 18 à 4 dans le
cinquième PCRD, qui a débuté en 1999.
Il faut relever que les services de la Commission de Bruxelles ont,
semble-t-il, changé d'état d'esprit. Ainsi, la nouvelle Direction
générale de la recherche ne paraît pas dominatrice et
sûre d'elle-même, mais ouvertes aux suggestions.
A cet égard, l'action des ministres de la recherche, en grande partie
à l'initiative de la France, a eu raison d'un certain dogmatisme, ce qui
est un gage de meilleure efficacité. Il semble nécessaire
d'orienter prioritairement, à l'avenir, les actions de recherche de
l'Union européenne sur :
- un renforcement massif des programmes en faveur de la mobilité des
chercheurs ;
- la prise en compte du financement (investissement et fonctionnement) par
l'Union d'une part accrue des grands équipements scientifiques ;
- le respect de la subsidiarité au profit des régions, dont les
actions pourraient concurrencer les programmes touchant les PME ;
1. Le budget
Le programme financier du cinquième PCRD est décrit dans le tableau suivant :
PROGRAMME ET BUDGET ADOPTÉ
POUR L'ENSEMBLE DU
CINQUIÈME PCRD (1998-2002)
Source : Ministère de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie
2. Les programmes
Les
quatre grandes actions qui organisent le budget ont les contenus suivants :
*
Action I. : recherche, développement technologique,
démonstration
, quatre programmes thématiques ont
été retenus :
- qualité de la vie et gestion des ressources du vivant ;
- société de l'information conviviale ;
- croissance compétitive et durable ;
- énergie, environnement et développement durable.
Chacun d'entre eux comprennent trois sous-parties.
Des actions clés
: l'objectif des actions clés est de
mobiliser, dans une approche globale, les ressources de différentes
disciplines, technologies et savoir-faire ainsi que les compétences
d'origines variées.
Des activités de recherche et de développement de technologies
génériques
. Menées dans un nombre limité de
domaines choisis, leur objectif essentiel est d'aider au maintien et au
développement du flux d'idées et de connaissances et de la
capacité technologique dans des domaines de recherche et de technologies
diffusantes.
Des activités de soutien aux infrastructures de recherche.
L'objectif est de promouvoir l'utilisation et l'exploitation optimales des
infrastructures de recherche de la Communauté européenne et de
renforcer la cohérence du tissu de recherche européen.
*
Actions II, III et IV
Ces trois actions visent à :
- confirmer le rôle international de la recherche communautaire ;
- promouvoir l'innovation et encourager la participation des PME ;
- améliorer le potentiel humain de recherche et la base de connaissances
socio-économiques.
Chacun de ces thèmes comprend des activités spécifiques
liées aux objectifs généraux de la politique de la
Communauté en matière de relations extérieures,
d'innovation et de ressources humaines qui ne prennent pas place dans les
thèmes de la première action, ainsi que des activités de
coordination, de soutien et d'encadrement dans le but d'assurer la
cohérence des activités de nature équivalente
menées au titre des thèmes de la première action.
3. Les crédits pour 1999
Les crédits d'engagements prévus en 1999 correspondent à ceux votés par le Parlement européen pour cette même année.
Programmes |
Millions d'euros |
Millions de francs |
Qualité de la vie et gestion des ressources du vivant |
553 |
3 627 |
Société de l'information conviviale |
857 |
5 622 |
Croissance compétitive et durable |
646 |
4 237 |
Énergie, environnement et développement durable |
223 |
1 463 |
Énergie |
223 |
1 463 |
Confirmer le rôle international de la recherche communautaire |
78 |
512 |
Promouvoir l'innovation et encourager la participation des PME |
78 |
512 |
Améliorer le potentiel humain de recherche et la base de connaissances socio-économiques |
293 |
1 922 |
Centre commun de recherche (PCRD) |
189 |
1 240 |
Centre commun de recherche (EURATOM) |
71,8 |
471 |
EURATOM (fission) |
31,2 |
205 |
EURATOM (fusion) |
207 |
1 358 |
Total général |
3 450 |
22 631 |
4. La gestion et la mise en oeuvre
L'approbation de ce cinquième PCRD a été
accompagnée de la mise en place de nouveaux dispositifs d'organisation
et de gestion du programme, qui doivent notablement améliorer son
efficacité par rapport aux précédents PCRD.
* Meilleure implication de la communauté scientifique et des Etats
* Amélioration de la transparence : la commission s'est
engagée à fournir aux Etats, de manière
systématique, l'ensemble des informations sur toutes les propositions
qu'elle recevra.
* Diminution des frais de gestion : à la suite des demandes
réitérées des Etats, le niveau des frais de gestion
accepté par la Commission (6,9 %) est plus faible que le plafond
imposé précédemment par le Conseil (7,8 %).
* Accès des PME : l'accès des PME est favorisé par la
garantie qu'au moins 10 % des budgets des programmes spécifiques
leur seront attribués.
* Points de contact nationaux : la Commission a proposé la mise en
place, par pays et par programmes spécifiques, de points de contacts
nationaux, désignés par les Etats et reconnus par la Commission,
chargés de diffuser l'information, notamment l'annonce des appels
d'offres.
* Propriété industrielle : les contractants ont
désormais l'entière propriété des résultats
des travaux de recherche qu'ils ont menés.
B. L'ENJEU STRATÉGIQUE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS SPATIALES
1. Le développement considérable des technologies spatiales constitue un enjeu géopolitique majeur
De
profondes mutations ont touché le secteur spatial au cours des
dernières années qui en modifient les enjeux stratégiques.
•
Le développement des télécommunications
Alors qu'il était perçu à l'origine comme un mode
d'expression de la puissance stratégique et militaire, l'espace est
devenu aujourd'hui un instrument de domination économique et culturelle.
L'élément déterminant de cette évolution est le
recours de plus en plus fréquent à l'espace pour les
télécommunications et l'audiovisuel grâce aux nouvelles
possibilités techniques offertes par les satellites.
Des progrès technologiques déterminants ont, en effet,
amélioré les performances des satellites, leur permettant de
prendre une place considérable dans les télécommunications
mondiales.
Ces évolutions technologiques ont porté tant sur les satellites
eux-mêmes, dont la masse a été allégée et la
puissance augmentée, que les modes d'acheminement des données
grâce à la numérisation de l'information.
En effet, en matière de diffusion directe de programmes de
télévision, les satellites -en particulier les satellites
géostationnaires- prennent une importance croissante à
côté des moyens de diffusion terrestre, réseaux hertziens
ou réseaux câblés.
Dans le domaine de la téléphonie mobile, les satellites offrent
des multiples services d'ampleur croissante. Ces systèmes, capables
d'offrir des services de téléphonie et transmissions de
données à bas débit, sont proposés par les
premières constellations de satellites à orbite basse ou moyenne,
à l'image de celles mises en oeuvre par Motorola (système
Iridium) et Loral (système Globalstar).
Les difficultés du système IRIDIUM, bien que fortement
financé par le département américain de la défense,
sont connues. Pour Globalstar, la situation reste encore indécise.
Enfin, les constellations de satellites de la seconde génération
permettant d'acheminer des communications interactives multimédia
répondent aux importants besoins liés à l'entrée
dans la société de l'information, avant que les câbles
à fibre optique ne puissent remplacer partout et dans tous les pays les
câbles téléphoniques classiques.
L'ouverture à la concurrence du marché mondial des
télécommunications confère à ces progrès
technologiques une importance économique déterminante, dans un
contexte d'explosion des nouveaux services qui a conduit entre 1990 et 1995
à un doublement des opérations de
télécommunications dans le monde, et d'émergence de
nouveaux marchés, en particulier en Asie et en Amérique latine.
Le marché des télécommunications spatiales devrait en
effet connaître, au cours des années à venir, un
développement considérable.
Selon les estimations de la banque Meryll Lynch, le secteur qui connaîtra
l'augmentation la plus forte sera celui de la diffusion audiovisuelle.
Les abonnés à des services de télévision devraient
en effet être, dans dix ans, 62 millions contre 37 millions
aujourd'hui et le chiffre d'affaires dégagé par ce secteur
devrait passer de 60 milliards à 150 milliards.
Les services multimédia (infrastructure Internet et accès
à Internet), qui n'en sont qu'à leur début, devraient
avoisiner un chiffre d'affaires de 7 milliards de francs d'ici 2002,
contre 600 millions de francs aujourd'hui. La demande en ce domaine est en
très forte croissance, les analyses de marché indiquant que
200 millions d'utilisateurs pourraient en bénéficier
dès 2000, et leur nombre pourrait atteindre 400 à 500 millions en
2005.
Les télécommunications mobiles, secteur encore assez modeste,
représenteraient un chiffre d'affaires de 84 milliards de francs.
Il importe de souligner que, pour ces deux derniers secteurs, l'accroissement
de l'activité résultera, pour partie, de la mise en service des
systèmes satellitaires en orbite basse et, pour autre partie, du grand
développement des services liés aux satellites
géo-stationnaires.
Votre rapporteur estime que ces chiffres sont sous-évalués car
les évolutions seront plus rapides pour les services multimédia
interactifs. A cet égard, il s'inquiète des conséquences
entraînées par le fait que les systèmes de satellites
existants, de caractère international (INMARSAT, EUTELSAT, etc.),
risquent d'être privatisés au profit de groupes qui pourraient
avoir des centres de décision extraeuropéens.
•
Une relative faiblesse des projets français et
européens, à l'exception de Skybridge
Si les européens conservent une position relativement satisfaisante dans
le domaine des satellites géostationnaires, (sous réserve de la
remarque liée à la précarisation possible de certains
d'entre eux) celle-ci apparaît nettement plus fragile en ce qui concerne
les systèmes satellitaires multimédia en orbite basse.
En effet, à côté du projet américain Teledesic,
fortement appuyé par Motorola, Boeing et les programmes de recherche
duale aidés financièrement par le Pentagone, il n'existe qu'un
seul projet européen, le programme Skybridge. La mise en place de ce
programme représente un investissement de l'ordre de 4,2 milliards
de francs, pour un nombre estimé de 20 millions d'utilisateurs.
Ce projet a eu de grandes difficultés à obtenir l'affectation des
fréquences nécessaires lors des débats internationaux au
sein de l'UIT, agence spécialisée chargée de gérer
la répartition des fréquences, du fait de la pression
exercée par les Etats-Unis.
Par ailleurs, son financement, comme sa réalisation technique,
comportent encore de nombreuses incertitudes.
Or, la concurrence est en ce domaine particulièrement vive. Si seul le
projet américain Teledesic subsistait, une menace de monopole mondial se
préciserait cette perspective serait inadmissible et l'OMC devrait y
veiller.
En effet, ayant vocation à couvrir l'ensemble du globe, cette
constellation est composée de 196 satellites qui se caractérisent
par un accès direct à Internet sans passer par une quelconque
station terrestre. Ce programme, du fait de ses caractéristiques
techniques, permettrait de construire un réseau mondial autonome
totalement indépendant des opérateurs nationaux.
Il s'agit d'un domaine qui concerne à terme 50 % du PIB mondial.
L'Europe doit prendre en ce domaine des initiatives alors qu'une
stratégie efficace et déterminée est soutenue par la
puissance publique américaine. En effet, l'essentiel des dépenses
liées aux logiciels du projet Télédesic est financé
par des retombées des programmes militaires, comme ceux liés au
projet de " guerre des étoiles ", même s'il n'existe pas
de financement public direct.
Face à de tels projets, une politique d'expérimentation et de
veille technologique ne peut suffire et une initiative politique forte de la
France au Conseil européen s'impose pour qu'un programme
stratégique doté d'un budget adapté soit mis en place. Il
semble même qu'un programme de recherche stratégique militaire
européen doive être mis en place, puisque l'intégration des
industries d'armement est en cours en Europe.
2. L'effort de recherche consenti en ce domaine reste très insuffisant
Le
rapporteur partage l'avis du ministre sur la nécessaire
réorientation de la politique spatiale française, qui doit
concentrer les moyens budgétaires sur les applications terrestres ; mais
l'effort de recherche français, et surtout européen, demeure
encore notoirement insuffisant.
La mise en oeuvre des nouveaux systèmes de
télécommunications spatiales exige
d'importants programmes de
recherche
, notamment dans le domaine des logiciels, dont le financement ne
peut être assuré par les seuls opérateurs privés.
C. LES ÉQUIPEMENTS SCIENTIFIQUES À VOCATION EUROPÉENNE
La
récente décision du ministre, M. Claude Allègre, de
renoncer à l'édification en France d'un nouveau synchrotron
-équipement destiné à souder les diverses
propriétés des matériaux par l'action d'un rayonnement
spécifique, dit " synchrotron "-, ce qui aboutissait à
l'abandon du projet élaboré à l'échelle nationale,
et dénommé " Soleil ", a fait l'objet de nombreux
commentaires. Ceux-ci portaient surtout sur les espoirs concurrents de
localisation de cet équipement car les régions Ile-de-France,
Nord-Pas de Calais et Provence-Alpes-Côte d'Azur étaient sur les
rangs.
Cette contestation est accentuée par la décision d'opter pour une
solution alternative localisée en Grande-Bretagne (projet
" Diamond ").
Sur le plan des principes, la position du ministre repose sur de solides
arguments et nombre de scientifiques sont favorables à ce que la charge
financière du programme soit partagée ; ce qui a
été contesté tenait aux modalités de la
décision et à son manque de transparence.
Votre rapporteur pense qu'il convient de mettre en perspective l'ensemble de
ces éléments, et c'est d'ailleurs ce qui a conduit le Parlement
à saisir l'office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques d'une étude sur cette question.
Votre rapporteur a, pour sa part, évoqué auprès du nouveau
commissaire européen chargé de la recherche la nécessaire
prise en compte du financement des grands équipements par la Commission
européenne, aux côtés des gouvernements
intéressés.
Le ministère de la recherche rappelle que les grands équipements
scientifiques français sont les suivants : GANIL (Grand
accélérateur national à ions lourds), ORPHEE (flotte
océanographique). Ceux édifiés sur financement bi ou
tri-national sont plus nombreux : JET (Joint european torus), ESO
(European southern observatory), CERN (Centre européen pour la recherche
nucléaire), ESRF (European synchrotron radiation facility), et ILL
(institut Laüe-Langevin).
Le gouvernement annonce souhaiter construire les prochains équipements
dans le cadre de coopérations européennes, pour réaliser
des économies d'échelle, tout en assurant aux chercheurs
français un accès aux équipements les plus performants
dans un environnement scientifique international de haut niveau.
Dans les domaines des sciences de la terre, de l'univers et de l'environnement
existent des agences internationales telles l'ESA (European space agency) ou
des consortiums tels l'ESO (European southern observatory), dans lesquels la
participation de la France s'élève respectivement à
26,75 % et 17,31 %. Ces équipements permettent la mise en
place de programmes scientifiques internationaux comme l'observation de la
terre, ou le retour d'échantillons martiens.
La physique des particules se développe essentiellement en s'appuyant
sur des projets internationaux, en particulier européens, avec une bonne
implication de l'IN2P3 (institut national de physique nucléaire et de
physique des particules). La construction du collisionneur à protons du
CERN de Genève, le Large Hadron Collider (LHC) a été
décidée par les Etats membres du CERN en 1996, sa construction se
terminera en 2005, avec un coût global évalué à 2,5
milliards de francs suisses (10 milliards de francs français environ).
Dans le domaine de la physique nucléaire, la France possède
à Caen un équipement ouvert à la coopération
internationale, le grand accélérateur à ions lourds
(GANIL), qui vient d'être doté d'un dispositif
d'accélération d'ions radioactifs.
Pour les sources de neutrons, il existe deux réacteurs de recherche
permettant des études de physique, de chimie et de biologie :
ORPHEE, situé à Saclay, et le réacteur de l'Institut
Laue-Langevin, situé à Grenoble : ce dernier est commun
à la France, au Royaume-Uni et à l'Allemagne. Ces
réacteurs sont parmi les plus performants au monde, et placent la
recherche française dans une situation privilégiée. Leur
durée de vie est estimée en moyenne entre quinze et vingt ans.
CONCLUSION
Pour
conclure son exposé, votre rapporteur tient à récapituler
les
trois principales priorités qui devraient être retenues
pour l'orientation optimale des recherches en France
, au niveau du
ministère compétent, mais également de la Commission
européenne ainsi que des régions de notre pays.
• La toute première inflexion doit impérativement porter
sur
la création d'entreprises innovantes
; ce rapport a
longuement argumenté l'urgence d'une telle action. La priorité
pour l'innovation affichée par le gouvernement est prise en compte par
le ministère, mais sans que les moyens financiers soient à la
hauteur des objectifs. Il faut espérer que d'autres ministères
auront à coeur de participer largement à cet effort de
construction de l'avenir.
• Le budget européen
consacré à la recherche
doit retenir, pour sa part, comme axes prioritaires d'action :
-
le renforcement des coopérations et le
renforcement de la
mobilité du personnel scientifique ;
- la participation significative aux crédits d'investissement et de
fonctionnement requis par les grands équipements scientifiques ;
- l'appui aux PME et créations d'entreprises innovantes dans le
cadre du PCRD,
et un système décentralisé respectueux
de la subsidiarité organisé au profit du soutien des
régions européennes ;
- un appui aux procédures EURÊKA.
•
Enfin, une action effective doit être entreprise en faveur
des recherches en matière de NTIC et de
télécommunications
, privilégiant les recherches
portant sur la conception et l'expérimentation des usages des
réseaux à grand débit.
• Il faut noter que le problème des contenus à
véhiculer dans les autoroutes de l'information, dès lors que se
multiplient les transmissions à grand débit, est crucial. Aucun
programme important lié à la préparation et
l'expérimentation n'est prévu, sans doute par suite du
caractère interministériel des contenus.
Il s'agit pourtant
d'un problème de société prioritaire, qui conditionne
l'existence d'une nation et de sa culture
.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une séance tenue
mercredi 24 novembre 1999
, la commission a
procédé à l'examen du rapport pour avis
de M. Pierre
Laffitte sur les crédits de la recherche scientifique et technique pour
2000.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Ivan Renar
a évoqué les réserves que lui
inspirait le projet de budget de la recherche, qui ne permet pas la
résorption des nombreux personnels à statut précaire qui
travaillent dans ce secteur. Il a également appelé de ses voeux
l'organisation d'un débat parlermentaire sur la nature du financement
des grands équipements de recherche, ainsi que sur leur implantation.
M. Serge Lagauche
a relevé, pour sa part, que le ministre avait
tenté de faire évoluer des équipes de recherche, qui
manquent parfois de dynamisme, et semblent plus se préoccuper de leur
propre avenir que de celui de la recherche française. Revenant sur
l'exemple de la Bavière cité par M. Pierre Laffitte, il
s'est interrogé sur la possibilité de comparer le budget d'un
land allemand à celui d'une région française, et a
estimé que le financement de la recherche publique relevait davantage de
l'Etat que des régions.
M. Albert Vecten
a estimé que l'évolution de la recherche
française dépendait moins de crédits
supplémentaires que de l'établissement de fortes relations entre
le secteur de la recherche et le développement industriel. Il a
cité en exemple une fondation créée dans son
département pour la valorisation de l'industrie agricole et alimentaire,
qui est restée pour l'instant sans résultat concret. Il a donc
déploré un manque de liaison entre chercheurs, universitaires et
industriels.
M. Jean-Pierre Fourcade
a déploré que le CNRS
" écrase " la recherche française par la masse de ses
crédits et de ses personnels, relevant qu'aucun organisme de ce type
n'existe dans un autre pays européen comparable à la France. Il a
rejoint M. Pierre Laffitte dans son jugement positif sur le rôle de
l'INRIA en matière de créations d'entreprises. Au sujet du projet
" Soleil ", il a rappelé que le conseil régional
d'Ile-de-France avait exprimé sa disponibilité à financer
le tiers de son coût total, estimé à 2 milliards de francs,
et a regretté que cette disponibilité ne soit pas mise à
profit pour la réalisation d'autres équipements de recherche. Il
a également regretté que le projet " Diamond " n'ait
pas fait l'objet d'un débat préalable permettant d'y voir plus
clair sur la meilleure localisation de ce futur synchrotron.
M. Jacques Valade
a également exprimé le souhait que
l'action de l'INRIA soit mieux valorisée. S'agissant des grands
équipements de recherche, il s'est interrogé sur les motifs qui
avaient conduit le ministre Claude Allègre à se rallier au projet
Diamond implanté en Grande-Bretagne, et il a noté que si l'on
pouvait certes admettre le caractère " européen " d'un
tel projet, il ne s'ensuivait pas qu'il ne pouvait pas être
réalisé en France.
M. Ivan Renar
est revenu sur ce sujet en déplorant
également l'absence d'un débat préalable qui aurait permis
d'éclairer les raisons de cette implantation.
Le
président Adrien Gouteyron
a estimé que le débat
budgétaire devrait être l'occasion de poser à nouveau ces
questions au ministre. Il a observé qu'il semblait avoir
été a priori exclu que le futur synchrotron puisse être
réalisé sur l'un des sites possibles en France. Il a
approuvé le rapporteur dans son jugement sur le manque de
cohérence entre la priorité donnée par M. Claude
Allègre à l'innovation et les maigres moyens attribués par
le budget pour 2000 à l'INRIA.
En réponse aux intervenants,
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour
avis,
a apporté les précisions suivantes :
- il s'est félicité que la nouvelle Direction
générale de la recherche de la Commission européenne soit
beaucoup plus ouverte au dialogue que l'ancienne Direction
générale XII à laquelle elle se substitue. Il a
estimé que les dépenses affectées à la recherche
par le budget européen devraient être affectées en
priorité, d'une part à la mobilité des chercheurs entre
les laboratoires et les petites entreprises innovantes au sein de l'Union
européenne et, d'autre part, au financement des grands
équipements de recherche, dont l'Union européenne ne finance
qu'un petit nombre, ce qui est regrettable ;
- abordant le problème posé par l'abandon du projet Soleil, il a
fait valoir qu'au-delà du débat suscité par la
localisation du projet Diamond qui s'y substituera, il faudrait proposer
à l'Union européenne un certain nombre de grands projets, par
exemple en matière de biotechnologies ou de sécurité
alimentaire, dont certains pourraient être localisés en
France ;
- le budget de la recherche pour 2000 comporte, certes, de bonnes orientations
mais il faut regretter qu'elles ne se traduisent pas par un
" souffle " plus marqué, notamment en faveur de la
création de petites entreprises par des chercheurs, domaine dans lequel
la France est en position d'infériorité marquée par
rapport à ses principaux concurrents. Il a également
énuméré d'autres domaines dans lesquels la commission
pourrait inciter à des efforts plus importants, tels la recherche en
matière de télécommunications, l'octroi de moyens
supplémentaires à l'INRIA ou une relance de la recherche duale.
Suivant les propositions du rapporteur pour avis, la commission a
décidé de s'en remettre à la
sagesse du Sénat
pour l'adoption ou le rejet des crédits de la recherche pour
2000.
1
Un DM vaut environ 3,35 FF.
2
Les régions d'outre-mer, dont le poids est faible, sont
exclues des statistiques.
3
Les enseignants-chercheurs de l'Université sont
comptés pour un demi-poste de recherche, les thésards et les
ingénieurs de recherche sont comptés à temps plein.
4
Dernière année disponible
5
Rapport n° 3335 (Assemblée nationale) et
n° 213 (Sénat) - Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques.