3. Le maintien des dispositions relatives au temps de guerre
a) Un principe imparable
Le
présent projet de loi ne modifie pas les dispositions applicables en
temps de guerre : le choix du statu quo est motivé par
l'impératif de survie de la collectivité nationale qui, dans ces
circonstances exceptionnelles, doit l'emporter sur toute autre
considération. Il peut, en effet, être admis que la
répression des infractions, dès lors qu'elle est une
nécessité de la défense nationale, puisse s'effectuer, le
cas échéant, selon les règles dérogeant au droit
commun.
. En temps de guerre sont donc " immédiatement
établis " (article 699 du code de procédure pénale)
les
tribunaux des forces armées
visés par les articles 24
à 58 du code de justice militaire. Les tribunaux permanents des forces
armées, supprimés en 1982 pour le temps de paix, sont
remplacés, pour le temps de guerre, par :
- les
tribunaux territoriaux des forces armées,
dont le ressort
s'étend, sur le
territoire de la République,
à une
ou plusieurs régions militaires ou circonscriptions militaires
d'outre-mer, et qui comporte un président et un magistrat assesseur
issus de l'ordre judiciaire, et trois juges militaires ;
- les
tribunaux militaires aux armées,
établis
en
dehors du territoire de la République
quand les forces
françaises stationnent ou opèrent à l'étranger, et
composés d'un président (magistrat du corps judiciaire
mobilisé ou magistrat militaire) et de quatre juges militaires.
. L'application des dispositions du code de justice militaire relatives au
temps de guerre
excède très largement
,
en
réalité, le cas
-fort heureusement exceptionnel- de la
déclaration de guerre
,
prévue par l'article 35 de la
Constitution et autorisée par le Parlement.
Les articles 699-1 et 700 du code de procédure pénale
autorisent, en effet, l'application des dispositions du code de justice
militaire relatives au temps de guerre dans les cas suivants :
- état de siège (décrété en conseil des
ministres, mais prorogé au-delà de douze jours par le Parlement),
- état d'urgence déclaré (loi n° 55-385 du 3 avril
1955),
- mobilisation (décrétée en conseil des ministres),
- mise en garde (décrétée en conseil des
ministres) : cette mesure est destinée, selon l'ordonnance du 7
janvier 1959 portant organisation générale de la défense
(article 3), à "
assurer la liberté d'action du
gouvernement, à diminuer la vulnérabilité des populations
ou des équipements principaux et à garantir la
sécurité des opérations de mobilisation ou de mise en
oeuvre des forces militaires
".
On constate donc que, à l'exception de la déclaration de
guerre, qui relève du Parlement, les dispositions du code de justice
militaire pour le temps de guerre peuvent être
" activées " par
décret
. Il s'agit là
d'une faculté reconnue à l'exécutif : en effet,
l'article 699-1 du code de procédure pénale dispose que, en cas
de mobilisation ou de mise en garde, un décret en conseil des ministres,
pris sur rapport du Garde des Sceaux, peut rendre applicables les dispositions
du code de justice militaire relatives au temps de guerre. L'article 700 du
code de procédure pénale permet l'adoption, en conseil des
ministres et sur rapport du Garde des Sceaux, d'un décret
établissant les tribunaux territoriaux des forces armées
(compétents sur le territoire national).
b) Une formulation contestable
Votre
rapporteur regrette que le présent projet de loi ne s'appuie pas, en ce
qui concerne la loi pénale militaire applicable en temps de guerre, sur
un texte clair et construit, au lieu de se référer à de
précédentes versions de la loi pénale militaire.
En effet, l'article 52 du projet de loi, tel qu'il est proposé par le
gouvernement, renvoie :
- au code de justice militaire dans la version issue de la loi du 21 juillet
1982, c'est-à-dire dans sa version actuelle, sans qu'il soit tenu compte
de la loi en préparation,
- au code de procédure pénale en vigueur avant l'application de
la loi du 4 janvier 1993.
Si donc devait un jour survenir l'une des hypothèses justifiant
l'application des dispositions du code de justice militaire valables pour le
temps de guerre, il serait nécessaire de recourir à des
versions éventuellement anciennes du code de justice militaire et du
code de procédure pénale, aux dépens, compte tenu des
renvois multiples effectués entre des législations
d'époque différente, qui caractérisent le droit
pénal militaire, de la lisibilité de la loi applicable.
La formule retenue dans le cadre de la préparation du présent
projet de loi contraste de manière particulièrement malheureuse
avec l'effort de réécriture accompli, y compris pour les
dispositions du temps de guerre, par les auteurs du projet qui devait devenir
la loi du 21 juillet 1982.