INTRODUCTION : DES COLLECTIVITÉS MARQUÉES PAR LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE ET LE CHÔMAGE DES JEUNES
Mesdames, Messieurs,
Votre nouveau rapporteur pour avis tient tout d'abord à rendre hommage
à notre ancien collègue François Blaizot qui examinait
précédemment les crédits des départements
d'outre-mer au nom de votre commission des Lois.
Le présent avis est consacré aux crédits alloués
par le projet de loi de finances pour 1999 aux départements d'outre-mer
et aux deux collectivités territoriales d'outre-mer à statut
particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les crédits
alloués aux territoires d'outre-mer faisant pour leur part l'objet d'un
autre avis de votre commission des Lois, présenté par notre
collègue Jean-Jacques Hyest.
A la différence des territoires d'outre-mer, qui ont une
" organisation particulière "
prévue par
l'article 74 de la Constitution, les quatre départements
d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion) sont en
principe soumis aux dispositions de droit commun applicables en
métropole, en application du principe dit de
" l'assimilation
législative "
; toutefois, conformément à
l'article 73 de la Constitution, leur régime législatif et
leur organisation administrative peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation
nécessitées par leur situation particulière. Les lois sont
donc applicables de plein droit dans ces départements, ainsi que dans la
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon qui constituait un
département avant 1985 ; en revanche, leur application dans les
territoires d'outre-mer ou dans la collectivité territoriale de Mayotte
nécessite une disposition expresse d'extension, en application du
principe dit de
" spécialité
législative "
(sauf pour ce qui concerne les lois dites
" de souveraineté "
).
En matière budgétaire, les départements et
collectivités territoriales d'outre-mer, de même que les
territoires d'outre-mer, bénéficient non seulement des
crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, mais
également des contributions de l'ensemble des autres ministères,
l'effort budgétaire interministériel global en faveur de ces
départements et collectivités s'élevant à un peu
plus de 40 milliards de francs pour 1999.
Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, qui participe à cet
effort à hauteur de quatre milliards et demi de francs, a pour sa part
un rôle spécifique d'intervention en faveur du
développement économique et social des départements
d'outre-mer, qui complète ses missions traditionnelles d'adaptation des
textes juridiques applicables outre-mer, de coordination de la gestion des
fonctionnaires affectés outre-mer et de suivi des évolutions
institutionnelles ou statutaires. Ainsi, l'action en faveur de l'emploi et
l'aide au logement constituent aujourd'hui les deux grandes priorités de
son budget.
*
*
*
Avant
d'aborder la présentation des crédits consacrés aux
départements d'outre-mer, il n'est pas inutile de rappeler
brièvement quelques données générales concernant la
situation économique et sociale de ces départements.
Peuplés de 1,7 million d'habitants
1(
*
)
, les DOM connaissent une
démographie dynamique : en ordre de grandeur, l'accroissement
naturel est deux fois plus élevé qu'en métropole à
la Martinique, trois fois plus à la Guadeloupe, quatre fois plus
à La Réunion et six fois plus en Guyane. La jeunesse de la
population induit des besoins importants en termes d'équipements
publics, notamment en matière de scolarité.
L'activité économique repose largement sur un petit nombre de
productions naturelles traditionnelles (banane, filière canne à
sucre - rhum, pêche à Saint-Pierre et Miquelon, ylang-ylang et
vanille à Mayotte...) et surtout sur le tourisme. Les échanges
commerciaux sont marqués par une forte dépendance
vis-à-vis de la métropole et par un taux de couverture des
échanges extérieurs très faible.
Une croissance économique plus rapide qu'en métropole a
favorisé un mouvement de rattrapage progressif du niveau de vie de la
métropole ; ainsi, le revenu disponible brut des ménages par
habitant atteignait 57 % du revenu moyen de la métropole en 1993
contre 37,1 % seulement en 1970.
Les DOM bénéficient également de transferts publics
importants, le montant des transferts nets étant évalué
à 33,6 milliards de francs en 1996
2(
*
)
(dont 18 milliards de francs de
transferts de l'Etat et 15,6 milliards de francs de transferts sociaux).
Cependant, le taux de chômage est très élevé dans
l'ensemble de ces départements (soit en 1997, 27,8 % en Guadeloupe,
27,2 % en Martinique, 21,4 % en Guyane et 42,8 % à la
Réunion, contre 12,2 % en métropole). Ce chômage
important frappe tout particulièrement les jeunes ; environ un
jeune sur deux est au chômage, ce qui menace gravement la cohésion
sociale.
La situation économique des DOM reste néanmoins très
attractive pour les populations des pays environnants, beaucoup plus
pauvres ; à titre d'exemple, en 1994, le PNB par habitant
atteignait 11.108 $ en Martinique mais seulement 1.320 $ en
République dominicaine et 1.420 $ en Jamaïque, 9.402 $ en
Guyane mais seulement 530 $ au Guyana, 9.597 $ à la
Réunion mais seulement 230 $ à Madagascar. Ces très
forts écarts de niveaux de vie constituent évidemment une forte
incitation à l'immigration clandestine qui pose un problème
particulièrement aigu dans les DOM comme on le verra dans la suite du
présent avis.
*
*
*
Après avoir analysé, au-delà des dotations
propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les incidences
prévisibles des contributions des ministères de
l'intérieur et de la justice, votre commission des Lois concentrera ses
observations sur les efforts encore nécessaires pour améliorer
l'exercice des missions régaliennes de l'Etat : sécurité,
justice, maîtrise de l'immigration....
Le présent avis évoquera en outre quelques questions
d'actualité concernant notamment les perspectives d'évolutions
statutaires.
I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX DÉPARTEMENTS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER
Seul
l'" Etat récapitulatif de l'effort budgétaire et financier
consacré aux départements et collectivités territoriales
d'outre-mer " (" jaune " présenté en annexe du
projet de loi de finances) permet d'appréhender dans leur
globalité les moyens budgétaires consacrés d'une part, aux
départements d'outre-mer et d'autre part, aux collectivités
territoriales d'outre-mer à statut particulier de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
En effet, l'ensemble des ministères contribuent à l'effort
financier en faveur de l'outre-mer et les crédits du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer ne représentent que 11 % des moyens
budgétaires alloués aux départements et
collectivités territoriales d'outre-mer pour 1999, qui atteignent un
montant total d'un peu plus de 40,4 milliards de francs (dépenses
ordinaires et crédits de paiement).
Au total, l'évolution de l'effort budgétaire global en faveur de
ces départements et collectivités apparaît
contrastée :
faible progression des moyens de paiement
(+ 3,6 %), mais
légère régression des
autorisations de programme
(- 3,9 %) par rapport à 1998.
Il apparaît regrettable que la diminution des autorisations de programme,
constatée depuis 1997, se poursuive en 1998, au risque de compromettre
l'effort d'investissement nécessaire dans les départements
d'outre-mer au cours des années à venir.
Au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer, le présent avis présenté par votre commission
des Lois s'attachera également à analyser les incidences
prévisibles des contributions des ministères de
l'intérieur et de la justice.
Les deux tableaux suivants retracent l'évolution prévisionnelle
des moyens de paiement et des autorisations de programme de ces
différents ministères destinés aux départements
d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Moyens
de paiement destinés aux DOM, à Mayotte et à
Saint-Pierre-et-Miquelon
(dépenses ordinaires et crédits
de paiement)
|
1998 |
1999 |
|
||
|
Montant |
Part du total |
Montant |
Part du total |
Evolution en % |
Ensemble des ministères dont : |
38.998,179 |
(100 %) |
40.410,912 |
(100 %) |
+ 3,62 % |
- Outre-mer |
4.146,757 |
10,63 % |
4.559,179 |
11,28 % |
+ 9,95 % |
- Intérieur et Décentralisation |
8.883,494 |
22,78 % |
8.993,188 |
22,25 % |
+ 1,23 % |
- Justice |
672,540 |
1,72 % |
845,359 |
2,09 % |
+25,70 % |
(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)
Autorisations de programme destinées aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
|
1998 |
1999 |
|
||
|
Montant |
Part du total |
Montant |
Part du total |
Evolution en % |
Ensemble des ministères dont : |
4.767,445 |
(100 %) |
4.582,131 |
(100 %) |
- 3,88 % |
- Outre-mer |
1.339,521 |
28,10 % |
1.335,920 |
29,15 % |
- 0,27 % |
- Intérieur et Décentralisation |
942,031 |
19,76 % |
941,511 |
20,55 % |
-0,06 % |
- Justice |
72,068 |
1,5 % |
40,450 |
0,88 % |
-43,87 % |
(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)
1. Une progression marquée des dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer
Les
dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer en faveur des
départements et collectivités territoriales d'outre-mer
connaissent une progression marquée en ce qui concerne les moyens de
paiement (+ 9,95 %) ; en revanche, les autorisations de
programme stagnent (- 0,27 %).
La part du budget de l'outre-mer dans l'ensemble des moyens de paiement
affectés aux DOM, qui avait déjà été
renforcée l'an dernier, continue de s'accroître, passant de
10,63 % à 11,28 %
3(
*
)
.
Cette progression du budget de l'outre-mer consacrée aux DOM est
très largement destinée au renforcement des moyens de la
politique en faveur de l'emploi et du soutien au logement social, qui
constituent les deux grandes priorités du secrétariat d'Etat
à l'outre-mer.
Ainsi, les dotations du
Fonds pour l'emploi dans les départements
d'outre-mer
(
FEDOM
), qui représentent le tiers du budget du
secrétariat d'Etat, atteignent un montant total de 1,8 milliard de
francs, en progression de 6,4 % par rapport à 1998
4(
*
)
.
Ces dotations devraient permettre de financer 56.500 " solutions
nouvelles d'insertion " (contre 48.500 prévues en loi de
finances initiale pour 1998) dont 34.000 contrats
emploi-solidarité, 15.000 contrats d'insertion par
l'activité et 7.000 contrats d'accès à l'emploi.
Elles sont également destinées à financer la poursuite de
la mise en oeuvre des emplois jeunes, la création d'au moins
3.500 nouveaux emplois jeunes étant prévue pour
l'année prochaine, s'ajoutant aux 5.500 déjà
créés.
D'autre part, les crédits de paiement de la
ligne budgétaire
unique
d'aide au logement
(
LBU
)
,
d'un montant total de
897,4 millions de francs pour 1999, connaissent une forte augmentation
(+ 57,8 % par rapport à 1998). Ces crédits devraient
permettre d'aider le financement de 19.100 logements, dont
11.800 constructions neuves et 7.300 réhabilitations au titre
de la résorption de l'habitat insalubre.
Outre, les dotations du FEDOM et de la LBU, la
créance de
proratisation du RMI
5(
*
)
,
fixée à 815 millions de francs pour 1999, permettra
d'abonder les crédits du logement à hauteur des trois quarts et
ceux de l'emploi à hauteur d'un quart.
Ces actions d'insertion seront enfin complétées par les moyens
destinés au
service militaire adapté
(soit
350 millions de francs pour 1999) qui à la suite de la
réforme du service national fera désormais appel au
volontariat ; la création de 394 postes de volontaires est
à ce titre prévue dans le projet de loi de finances pour 1999.
Par ailleurs, les moyens de paiement du
Fonds d'investissement des
départements d'outre-mer
(
FIDOM
) (section
générale), d'un montant de 198,75 millions de francs pour
1999, en nette diminution par rapport à 1998 (- 14,5 %),
devraient cependant permettre le respect des engagements de l'Etat
résultant des contrats de plan avec les DOM et avec la
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que de la
convention signée avec la collectivité territoriale de Mayotte.
En revanche, la
section décentralisée
du FIDOM
,
mise en extinction progressive depuis trois ans, n'est plus du tout
dotée pour 1999, alors que comme votre commission des Lois l'avait
souligné les années précédentes, un retard
important avait été pris pour l'inscription des crédits de
paiement par rapport aux autorisations de programme antérieures, retard
qui risque donc de ne pas pouvoir être résorbé.
Enfin, il est à noter que
l'effort d'investissement
se poursuivra
en Guyane
, avec une dotation particulière de 18,32 millions
de francs de crédits de paiement destinée aux infrastructures et
notamment aux aménagements routiers et que des crédits sont
ouverts pour financer la
réorganisation
des
services de la
préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon
grâce à la
rénovation d'un bâtiment, à hauteur de 3,2 millions
d'autorisations de programme et de 1,9 million de francs de crédits
de paiement.
Dans le cadre d'un effort général de maîtrise des
dépenses de l'Etat, la commission des Finances vous a proposé
d'adopter des amendements tendant à une réduction forfaitaire des
crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer
destinés aux moyens des services (titre III) et aux interventions
publiques (titre IV)
6(
*
)
; votre commission des Lois
approuve ces propositions.
2. Une stabilité de la contribution du ministère de l'intérieur et une progression des crédits du ministère de la justice
Les
crédits de paiement et autorisations de programme provenant des
ministères de l'intérieur et de la
décentralisation
, qui représentent environ un
cinquième de l'effort financier global de l'Etat en faveur des DOM,
restent stables. On rappellera que ces crédits correspondent pour
l'essentiel aux prélèvements sur recettes des dotations
bénéficiant aux collectivités locales : dotation globale
de fonctionnement (DGF), dotation de développement rural (DDR), fonds
national de péréquation (FNP), fonds de compensation pour la taxe
sur la valeur ajoutée (FCTVA), dotation spéciale instituteurs
(DSI).
S'y ajoutent les autres dotations aux collectivités locales qui figurent
au budget du ministère de l'intérieur : dotation
générale de décentralisation (DGD), dotation
régionale d'équipement scolaire (DRES), dotation
départementale d'équipement des collèges (DDEC), dotation
globale d'équipement (DGE), ainsi que le financement d'un programme
exceptionnel de mise en sécurité et de construction
d'établissements scolaires du premier degré en Guyane.
En ce qui concerne la contribution du
ministère de la justice
, on
constate une progression sensible des moyens de paiement (+ 25,7 %),
d'un montant de 88,5 millions de francs pour 1999 ; il convient
néanmoins de souligner que les autorisations de programme, qui avaient
déjà enregistré une forte baisse l'an dernier, reculent
à nouveau de près de 44 %.
Les crédits consacrés à la justice dans les DOM devraient
permettre la poursuite du renforcement des effectifs des juridictions et des
services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui
s'accroîtront de 15 personnes au total en 1999.
Ils sont en outre destinés à la poursuite d'un
important
programme d'investissements immobiliers
:
- en ce qui concerne les
services judiciaires
, des constructions neuves
doivent être entreprises en Martinique à Fort-de-France, avec un
nouveau palais de justice en projet, au Lamentin avec un tribunal d'instance
à reconstruire et à Basse-Terre où le palais de justice
doit être agrandi ; des rénovations sont en outre
prévues à La Réunion, au palais de justice de Saint-Denis,
et à Mayotte, pour la modernisation de l'état civil ;
- s'agissant de
l'administration pénitentiaire
, après la
mise en service en 1998 du centre pénitentiaire de
Remiré-Montjoly en Guyane, des travaux de renforcement de la
sécurité au centre pénitentiaire de Baie Mahault en
Guadeloupe ont été effectués tandis que des
opérations de rénovation concernent le centre de détention
Le Port et l'ancien centre agricole de la Plaine des Galets à La
Réunion ainsi que la maison d'arrêt de Basse-Terre en
Guadeloupe.
II. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER L'EXERCICE DES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT
Dans les
départements d'outre-mer, peut-être plus encore qu'en
métropole, une priorité doit être donnée au
renforcement des moyens destinés à l'exercice des missions
régaliennes de l'Etat.
En effet, les résultats constatés en matière de
sécurité, de justice ou encore de contrôle de l'immigration
sont loin d'être satisfaisants.
Tel est notamment le constat établi en Guyane par
M. Jean-François Merle, inspecteur général de
l'agriculture, au titre d'une mission de réflexion qui lui a
été confiée par le Gouvernement ; son
rapport
7(
*
)
souligne ainsi
que : "
Les griefs exprimés vis-à-vis de l'Etat
concernent essentiellement ses fonctions régaliennes :
contrôle de l'immigration, sécurité et ordre publics,
contrôle de légalité
".
1. Une stabilisation de la délinquance à un niveau élevé
Le taux
moyen de criminalité dans les DOM a légèrement
décru en 1997, s'établissant à un niveau proche de la
moyenne nationale (soit 59,62 pour 1.000 habitants, contre 59,97 en
métropole) ; cependant les départements de la
Guadeloupe
et de la
Guyane
conservent des taux largement supérieurs à
la moyenne nationale (soit respectivement 67,6 â et
153,49 â).
Si le nombre global des crimes et délits constatés tend donc
à reculer, il n'en est en revanche pas de même de
la
délinquance de voie publique
qui pour l'ensemble des DOM
a
progressé
en moyenne de 1,87 % en 1997 et
de 15,28 % au
cours des cinq dernières années
.
En outre, les infractions à la législation sur les
stupéfiants ont progressé en moyenne de 11,55 % dans les DOM
en 1997, en raison d'une forte augmentation en Guadeloupe (+ 44,39 %)
et en Martinique (+ 31,24 %).
D'une manière générale, les statistiques doivent
d'ailleurs, comme en métropole, être interprétées
avec prudence, compte tenu de découragement croissant des victimes
dissuadées de porter plainte par le taux réduit
d'élucidation et le nombre élevé des classements sans
suite, même lorsque l'auteur de l'infraction est identifié.
De plus, l'évolution de la délinquance présente des
spécificités marquées dans chacun des départements.
• La
Guadeloupe
connaît un niveau élevé
d'insécurité qui continue à s'accroître.
Le nombre global de crimes et délits y a augmenté de 12,87 %
en 1997, cette augmentation atteignant 27,97 % pour les seuls crimes et
délits contre les personnes, qui se sont accrus de 75,4 % au cours
des cinq dernières années.
Le taux de criminalité pour 1.000 habitants a progressé de
6,45 % au cours des cinq dernières années ; en 1997, il
a été supérieur de 7,63 % à celui de la
métropole (67,60 â contre 59,97 â).
• En
Martinique
, où ce taux, de 48,86 â, est
inférieur à celui de la métropole, le nombre total des
crimes et délits est en recul depuis plusieurs années et a
baissé de 7 % en 1997 ; toutefois, le nombre des crimes et
délits contre les personnes connaît une évolution
inverse : il s'est accru de 6 % au cours de cette année et de
26,95 % au cours des cinq dernières années.
• En
Guyane
, le nombre total des crimes et délits a
également baissé en 1997, de 14,16 %, mais le taux de
criminalité, quoiqu'en diminution, reste le plus élevé des
départements de France avec 153,49 â, ce qui s'explique
toutefois par le nombre très élevé des délits
à la police des étrangers qui représentent à eux
seuls près de la moitié des infractions constatées en
Guyane.
Le nombre des crimes et délits contre les personnes s'est
néanmoins accru de 15,9 % en 1997 et de 22,4 % au cours des
cinq dernières années.
Le rapport précité de M. Jean-François Merle a
d'ailleurs souligné que le développement rapide des formes
violentes de la criminalité et de la délinquance
générait un sentiment croissant d'insécurité dans
ce département.
• Enfin, à
La Réunion
, le nombre total des crimes
et des délits a baissé de 5,24 % en 1997 et le taux de
criminalité (42,92 â) se situe sensiblement en dessous de
celui de la métropole. Toutefois, le nombre des crimes et délits
contre les personnes s'est accru de 33,45 % au cours des cinq
dernières années alors que la délinquance de voie publique
progressait de 18,60 %.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, a indiqué devant l'Assemblée nationale que devant la
montée du sentiment d'insécurité, il avait
décidé de renforcer les effectifs de police en Guyane, en
Martinique et à La Réunion et de créer de nouveaux postes
d' " adjoints de sécurité " (89 de ces emplois
jeunes du ministère de l'Intérieur ont déjà
été créés).
S'agissant plus particulièrement de la Guyane, le ministre a en outre
précisé au cours de son audition devant votre commission des Lois
qu'à la suite du rapport établi par M. Jean-François
Merle, des mesures avaient été prises afin de renforcer la
sécurité dans ce département : signature d'un contrat
local de sécurité, mise en place d'une brigade d'intervention
à Cayenne, accroissement des effectifs de la gendarmerie.
2. Une activité soutenue des juridictions
Comme
celles de métropole,
les juridictions des départements
d'outre-mer doivent faire face à une importante augmentation des flux de
contentieux, supérieure à la moyenne nationale,
en
particulier en matière civile.
Entre 1992 et 1996
8(
*
)
, le nombre
d'affaires civiles nouvelles s'est accru de 17,9 % à la cour
d'appel de
Fort-de-France
, et de respectivement 26,98 % et 70,95 %
dans les tribunaux de grande instance de Fort-de-France et de Cayenne.
En
Guadeloupe
, ce nombre a progressé sur la même
période de 1,67 % seulement à la cour d'appel de Basse-Terre
mais de 21,16 % au tribunal de grande instance de Pointe à Pitre.
A
La Réunion
, l'augmentation du flux d'affaires civiles nouvelles
sur cette même période a été particulièrement
forte : + 60,43 % à la cour d'appel, + 61,79 %
au tribunal de grande instance de Saint-Denis et + 99,79 % au
tribunal de grande instance de Saint-Pierre.
Les
délais moyens de traitement des affaires civiles
restent
néanmoins légèrement inférieurs à la moyenne
nationale pour les cours d'appel qui s'établit à
15,8 mois : 13,7 mois à la cour d'appel de Fort-de-France,
11,1 mois à la cour d'appel de Basse-Terre et 12,2 mois
à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion. En revanche, ces
délais dépassent nettement la moyenne nationale dans certains
tribunaux de grande instance : 11,7 mois au tribunal de grande
instance de Fort-de-France et 11,4 mois au tribunal de grande instance de
Pointe-à-Pitre, contre une moyenne nationale de 9 mois.
Confrontées à la progression de leur activité, les
juridictions des départements d'outre-mer ont certes pu
bénéficier d'un
renforcement substantiel des effectifs de
magistrats et de fonctionnaires
qu'il est prévu -rappelons-le- de
poursuivre en 1999, puisque ceux-ci devraient encore recevoir le renfort de
15 personnes ; mais on dénombrait encore quatre vacances de postes
de magistrats au 1
er
septembre 1998.
Les efforts devront donc être poursuivis en vue d'une meilleure
répartition des moyens pour faire face à la progression des
flux.
3. La persistance d'une surpopulation carcérale
En
dépit de la mise en service récente de nouveaux
établissements pénitentiaires, on constate encore la persistance
d'une surpopulation carcérale dans les départements
d'outre-mer : au 1er juillet 1998 le nombre de détenus dans
les établissements pénitentiaires s'élevait à
2.718 personnes pour une capacité de 2.144 places, soit un
taux d'occupation de 127 % contre 114,8 % en moyenne en
métropole.
• Aux
Antilles
, malgré la mise en service fin 1996 de deux
nouveaux établissements (Ducos et Baie Mahault), les taux d'occupation
sont encore de 109 % en Martinique et 120 % en Guadeloupe.
• En
Guyane
, l'ouverture du nouvel établissement de
Remiré-Montjoly a permis de ramener le taux d'occupation à
87 % et a donc mis fin à une surpopulation carcérale qui
atteignait le niveau record de 279 % en 1997.
• En revanche, à
La Réunion
, où la
population pénale est en constante augmentation, le taux d'occupation
s'élève à 169 %. Un projet de construction d'un
nouvel établissement pénitentiaire destiné à
remplacer la maison d'arrêt de Saint-Denis, particulièrement
vétuste, est actuellement à l'étude, mais la
réalisation du nouvel établissement ne devrait pas intervenir
avant 2002.
4. Le problème aigu du contrôle de l'immigration
Les
départements d'outre-mer sont dans leur ensemble confrontés
à une importante immigration irrégulière, qui s'explique
largement par l'effet d'attraction suscité par des niveaux de vie et de
protection sociale considérablement plus élevés que dans
les Etats environnants.
Ce problème revêt une acuité particulière aux
Antilles, notamment à Saint-Martin, en Guyane et à Mayotte.
• La
Guadeloupe
et la
Martinique
subissent une forte
immigration clandestine en provenance des îles voisines de l'arc
caraïbe qui connaissent de graves difficultés économiques et
parfois des tensions politiques (Haïti, Sainte-Lucie, la Dominique,
Saint-Domingue...).
En Martinique, la population étrangère est au nombre d'environ
7.000 personnes dont 1.000 seraient en situation
irrégulière ; 194 mesures de reconduite à la
frontière y ont été exécutées en 1997, ainsi
que 36 mesures d'expulsion.
En Guadeloupe, les étrangers en situation irrégulière
représentent 50 % de la population étrangère au
total, soit un peu plus de 20.000 personnes ; 932 mesures de
reconduite à la frontière ont été
exécutées en 1998 (dont 358 à Saint-Martin) ainsi que
66 mesures d'expulsion.
A
Saint-Martin
, le contrôle de l'immigration
irrégulière est particulièrement difficile, voire
impossible, en raison de l'absence de frontière
matérialisée entre la partie française et la partie
néerlandaise et de la localisation de l'aéroport international
dans cette dernière zone.
Pour une population totale estimée à 35.000 habitants en
1997, la partie française de Saint-Martin compterait
11.300 étrangers en situation régulière et plus de
5.000 en situation irrégulière. Cette situation est à
l'origine de nombreuses difficultés économiques et sociales pour
cette commune.
L'accord franco-néerlandais du 17 mai 1994 relatif au
contrôle des personnes dans les aéroports de Saint-Martin,
ratifié par la France en 1995, aurait dû faciliter
l'éloignement des étrangers en situation
irrégulière. Cependant, faute de ratification par le Royaume des
Pays-Bas, cet accord n'est toujours pas appliqué à ce jour.
• La
Guyane
est également confrontée à une
forte poussée migratoire en provenance des pays voisins (Brésil,
Guyana, Surinam, Haïti).
Pour une population estimée à 155.000 habitants en 1997, on
dénombrerait 37.000 étrangers en situation
régulière, auxquels s'ajouteraient environ 30.000 personnes
en situation irrégulière.
Dans la forêt amazonienne, les longues frontières fluviales avec
le Surinam et le Brésil, sont à la fois facilement franchissables
par les candidats à l'immigration et difficilement contrôlables
par les forces de police ou de gendarmerie.
Des dispositions ont cependant été prises pour tenter de parvenir
à un contrôle plus efficace des flux migratoires :
- l'effectif total de la DICCILEC a été porté à
119 agents et les effectifs de gendarmerie ont été
renforcés ;
- un centre de rétention a été construit en 1996
près de l'aéroport de Rochambeau ;
- un dispositif de surveillance et de contrôle spécifique (plans
" Alizé bis " et " Galerne ") a été
mis en place sur les fleuves Maroni et Oyapock, comportant des patrouilles
fluviales et une surveillance des rives.
Ces mesures ont permis de procéder à 8.366 reconduites
à la frontière ainsi qu'à 1.407 refoulements en 1997,
le nombre des reconduites ayant cependant été moins
élevé qu'en 1996 où il avait dépassé les dix
mille.
En outre, compte tenu de la situation particulière de ce
département, la loi n° 98-349 du 11 mai 1998
relative à l'entrée et au séjour des étranges et au
droit d'asile a prévu un dispositif dérogatoire spécifique
pour la Guyane (de même d'ailleurs que pour la commune de
Saint-Martin) ; ainsi le caractère non suspensif des recours contre
les arrêtés de reconduite à la frontière y a
été maintenu et les dispositions relatives au
rétablissement des commissions du titre de séjour n'y seront pas
appliquées pendant une période de cinq ans.
Enfin, il est à noter que la France cherche à développer
une politique de coopération régionale sur le problème de
l'immigration clandestine ; ainsi que l'a indiqué
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, devant votre commission des Lois, la mise en oeuvre prochaine
d'une " carte transfrontalière ", par voie d'accord
bilatéral entre le Brésil et la France, devrait permettre de
favoriser un meilleur contrôle des mouvements des populations riveraines
du fleuve Oyapock qui pratiquent traditionnellement des échanges d'une
rive à l'autre.
• La collectivité territoriale de
Mayotte
est pour sa part
confrontée à une immigration très importante en provenance
des îles composant la République fédérale islamique
des Comores qui n'ont pas le même niveau de développement
économique, ce problème s'étant d'ailleurs aggravé
depuis les événements survenus dans l'île d'Anjouan, qui a
proclamé son indépendance et souhaité son rattachement
à la France.
Sur une population totale d'environ 130.000 habitants, les Comoriens
présents à Mayotte seraient au nombre de 20.000 dont au moins
10.000 clandestins ; ils représentent 75 % de la
population étrangère en situation régulière dont 60
% d'Anjouanais.
Les coûts directs et indirects de l'immigration irrégulière
à Mayotte, liés notamment à ses incidences en
matière de santé, de scolarité ou de travail clandestin,
sont évalués à au moins 50 millions de francs par an
pour l'Etat et la collectivité territoriale.
Le rétablissement depuis 1995 de l'obligation du visa préalable
pour les ressortissants comoriens se rendant à Mayotte a cependant
permis un meilleur contrôle des mouvements migratoires. Le Gouvernement
n'entend pas revenir sur cette mesure, même si un assouplissement de la
procédure de délivrance du visa a été mis à
l'étude à la demande des autorités comoriennes.
Par ailleurs, le renforcement des moyens de surveillance des côtes a
permis de procéder à 5.863 reconduites à la
frontière en 1997 contre 3.945 en 1996.
En outre, un décret n° 97-561 du 27 mai 1997 a
précisé les modalités d'application de sanctions
administratives à l'égard des étrangers sans titre de
travail à Mayotte.
5. La question récurrente des surrémunérations des fonctionnaires
Par
ailleurs, un autre problème reste pendant s'agissant du fonctionnement
des services de l'Etat ; c'est celui qui est posé par le
régime de surrémunérations des fonctionnaires, dont le
coût est particulièrement élevé alors que sa
justification n'apparaît plus aussi évidente aujourd'hui
qu'à l'origine de sa mise en place.
Les fonctionnaires de l'Etat en service dans les DOM bénéficient
en effet d'une
rémunération majorée
instituée par un ensemble de dispositions législatives et
réglementaires, dont l'application a été étendue
à la fonction publique territoriale ou hospitalière et même
fréquemment aux personnels des organismes parapublics.
Le traitement servi aux fonctionnaires en poste outre-mer est ainsi
affecté d'un coefficient multiplicateur (sauf à Mayotte) qui,
fixé à 40 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane,
atteint
53 % à la Réunion
(et 65 % à
Saint-Pierre-et-Miquelon). Vient en outre s'ajouter à cette majoration,
le cas échéant, le versement d'une indemnité
d'éloignement lorsqu'un déplacement réel du fonctionnaire
a été occasionné.
Dans certaines collectivités d'outre-mer, les retraites publiques sont
également bonifiées, à un taux fixé à
35 % à La Réunion et à Mayotte et à 40 %
à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le coût de ces diverses majorations est évalué à
plus de quatre milliards de francs par an
pour les seuls
fonctionnaires de l'Etat.
Pour ce qui concerne plus particulièrement
La Réunion
, le
rapport établi en juillet 1996 par M. Bernard Pêcheur au
nom de l'Observatoire des prix et des revenus de La Réunion avait
chiffré à près de trois milliards de francs le
coût des majorations diverses de traitements publics en 1995.
Votre commission des Lois avait déjà souligné, les
années précédentes, le coût exorbitant de ce
régime de surrémunérations des fonctionnaires dans les
départements d'outre-mer et tout particulièrement à La
Réunion, ainsi que les effets pervers qu'il peut induire sur le
développement économique de ces départements.
Cependant, aucune décision n'ayant jusqu'à présent
été prise par le Gouvernement sur ce sujet, le problème
des surrémunérations des fonctionnaires reste aujourd'hui
posé.
III. LES ADAPTATIONS RÉCENTES DU DROIT NATIONAL ET COMMUNAUTAIRE ET LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTIONS STATUTAIRES
1. La poursuite des adaptations législatives : les ordonnances prises en application de la loi d'habilitation du 6 mars 1998
En 1998,
la modernisation du droit applicable dans les départements et
collectivités territoriales d'outre-mer s'est poursuivie sur le
fondement de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant
habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Ainsi, 15 des 20 ordonnances prises en application de cette loi concernent
les départements d'outre-mer ou les collectivités territoriales
de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte ; les projets de loi de
ratification correspondants viennent d'être déposés
à l'Assemblée nationale
9(
*
)
.
Quatre de ces ordonnances intéressent l'ensemble des départements
d'outre-mer (ainsi que l'une ou les deux collectivités à statut
particulier) :
- l'ordonnance n° 98-521 du 24 juin 1998 portant
extension et adaptation de règles acoustiques et thermiques en
matière de construction dans les départements d'outre-mer, de
règles de sécurité et d'accessibilité des
bâtiments dans la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon et du régime de l'épargne logement en
Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française et modifiant
le code de la construction et de l'habitation ;
- l'ordonnance n° 98-522 du 24 juin 1998 portant
actualisation et adaptation du droit du travail dans les territoires,
collectivités territoriales et départements d'outre-mer ;
- l'ordonnance n° 98-731 du 20 août 1998 portant
adaptation aux départements d'outre-mer, à la
Nouvelle-Calédonie et à la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires
sanitaires et sociales ;
- l'ordonnance n° 98-774 du 2 septembre 1998 portant
extension et adaptation aux départements, collectivités et
territoires d'outre-mer de dispositions concernant le droit civil, le droit
commercial et certaines activités libérales.
Une autre ordonnance ne concerne que la Guadeloupe et la Martinique ; il
s'agit de l'ordonnance n° 98-524 du 24 juin 1998 portant
dispositions relatives à la déclaration périodique entre
les départements de la Guadeloupe et de la Martinique.
Deux ordonnances traitent de problèmes spécifiques à la
Guyane :
- l'ordonnance n° 98-580 du 8 juillet 1998 relative au
délai de déclaration des naissances en Guyane ;
- l'ordonnance n° 98-777 du 2 septembre 1998 portant
dispositions particulières aux cessions à titre gratuit des
terres appartenant au domaine privé de l'Etat en Guyane et modifiant le
code du domaine de l'Etat (partie législative).
Quatre autres ordonnances intéressent les collectivités
territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais non les
départements d'outre-mer :
- l'ordonnance n° 98-525 du 24 juin 1998 relative
à la modernisation des codes des douanes et au contrôle des
transferts financiers avec l'étranger dans les territoires d'outre-mer
et les collectivités territoriales de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- l'ordonnance n° 98-728 du 20 août 1998 portant
actualisation et adaptation de certaines dispositions de droit pénal et
de procédure pénale dans les territoires d'outre-mer et les
collectivités territoriales de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- l'ordonnance n° 98-729 du 20 août 1998
relative à l'organisation juridictionnelle dans les territoires
d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- l'ordonnance n° 98-775 du 2 septembre 1998 relative
au régime des activités financières dans les territoires
d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Enfin, quatre ordonnances concernent spécifiquement la
collectivité territoriale de Mayotte :
- l'ordonnance n° 98-520 du 24 juin 1998 relative
à l'action foncière, aux offices d'intervention économique
dans le secteur de l'agriculture et de la pêche et à l'aide au
logement dans la collectivité territoriale de Mayotte ;
- l'ordonnance n° 98-526 du 24 juin 1998
réglementant l'urbanisme commercial dans la collectivité
territoriale de Mayotte ;
- l'ordonnance n° 98-730 du 20 août 1998 portant
actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans les
territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte ;
- l'ordonnance n° 98-732 du 20 août 1998 relative
à l'application de l'article 21-13 du code civil à Mayotte.
Par ailleurs, deux lois récentes ont modifié le droit applicable
aux départements d'outre-mer, à savoir la loi n° 98-297
du 21 avril 1998 portant extension partielle et adaptation du code
minier aux départements d'outre-mer et la loi n° 98-565 du
8 juillet 1998 relative à la partie législative du
livre VI (nouveau) du code rural (titre VIII).
2. L'évolution de la situation des DOM au regard du droit communautaire : l'avancée du traité d'Amsterdam
Les
départements d'outre-mer français bénéficient
largement de leur intégration au sein de l'Union européenne.
En effet, ils reçoivent des dotations substantielles au titre des fonds
structurels, à hauteur de plus de deux milliards de francs par an. Ils
bénéficient également de programmes communautaires
spécifiques, notamment le programme POSEIDOM (programme d'options
spécifiques à l'éloignement et à
l'insularité des DOM), mis en place depuis 1989 sur la base des
dispositions de l'article 227-2 du traité de Rome qui
prévoyait dans son dernier alinéa que les institutions
communautaires veilleraient
" à permettre le
développement économique et social de ces
régions "
.
Cependant, la politique spécifique de l'Union européenne à
l'égard de ces départements s'est trouvée
fragilisée, depuis quelques années, par une interprétation
restrictive des dispositions de cet article par la jurisprudence de la Cour de
justice des communautés européennes.
Aussi le Gouvernement français a-t-il cherché à consolider
le
" statut "
communautaire des départements
d'outre-mer au cours des négociations préalables au traité
d'Amsterdam.
Ces efforts ont trouvé une issue positive puisque les Etats membres de
l'Union européenne ont désormais reconnu, dans le cadre du nouvel
article 299-2 du traité d'Amsterdam
, les handicaps
structurels qui frappent les
" régions
ultrapériphériques "
(c'est-à-dire les DOM
français, ainsi que les Açores, Madère et les Iles
Canaries) et ont donné au Conseil des ministres européen la
possibilité d'adopter à la majorité qualifiée des
mesures spécifiques, et éventuellement dérogatoires au
reste du traité, en faveur de ces régions, sur le fondement de ce
même article 299-2.
La possibilité de mettre en oeuvre des politiques spécifiques en
faveur des DOM se trouve ainsi explicitement consacrée au sein
même du traité, ces politiques pouvant intervenir dans de nombreux
domaines, y compris en matière commerciale, douanière ou fiscale,
sans toutefois
" nuire à l'intégrité et à
la cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le
marché intérieur et les politiques communes "
.
Sur la base de ces nouvelles dispositions, le Gouvernement français
entend maintenant demander à la Commission européenne la
définition d'une nouvelle politique de l'Union européenne
à l'égard des régions ultrapériphériques. A
cette fin, un accord est intervenu en vue de l'organisation d'une
" rencontre partenariale "
entre la Commission, les Etats
membres concernés et les régions ultrapériphériques
dès que le traité d'Amsterdam aura été
ratifié.
Le nouvel article 299-2 du traité ne concerne que les DOM et non
les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de
Mayotte qui bénéficient pour leur part, sur la base du statut des
" pays et territoires d'outre-mer associés à l'Union
européenne "
(PTOM), d'un nouveau régime d'aide au
développement décidé par le Conseil des ministres
européen du 24 novembre 1997 et entré en vigueur le
30 novembre 1997.
3. Les perspectives d'évolutions statutaires
De
nombreux élus des départements et des collectivités
territoriales d'outre-mer souhaitent aujourd'hui des évolutions du
statut de ces départements ou collectivités.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, s'est déclaré ouvert à des perspectives
d'évolution différenciée du statut de chaque
département ou collectivité d'outre-mer ; il a cependant
souhaité se prononcer sur des propositions précises et, pour ce
qui concerne les départements d'outre-mer, maintenir le cadre de
l'article 73 de la Constitution
qui permet de prévoir les
mesures d'adaptation nécessitées par la situation
particulière de ces départements.
Sur ce dernier point, le Gouvernement rejoint la position du Président
de la République qui, s'exprimant à l'occasion de son
déplacement en Guyane, le 23 novembre 1997, a
déclaré :
" Il faut exploiter davantage toute la
souplesse qu'offre la Constitution et notamment son article 73, qui a
prévu la possibilité d'adapter aux réalités des
départements d'outre-mer, grâce à des mesures
particulières, le régime législatif et l'organisation
administrative "
.
Si diverses propositions ont été formulées en vue
d'évolutions du statut des différents départements et
collectivités territoriales d'outre-mer, c'est cependant à
Mayotte, où une consultation de la population est prévue d'ici
l'an 2000, que la réflexion sur l'évolution statutaire est
aujourd'hui la plus avancée.
a) Les perspectives d'évolution de la collectivité territoriale de Mayotte : vers une départementalisation ?
A
Mayotte, qui contrairement aux autres îles des Comores
10(
*
)
a souhaité en 1974 rester au
sein de la République française, le statut actuel de la
collectivité territoriale, issu de la loi du
24 décembre 1976, avait été conçu comme
provisoire.
Les élus de l'île souhaitent une évolution de ce statut
vers celui d'un département d'outre-mer.
Dans la perspective de l'organisation d'une consultation de la population
mahoraise sur son avenir statutaire d'ici la fin du siècle,
conformément aux engagements du Président de la République
et du Premier ministre, deux groupes de travail complémentaires ont
été mis en place en 1996, l'un à Paris sous la
présidence de M. le Préfet Bonnelle et l'autre à
Mayotte, coordonné par M. le Préfet Boisadam ; ces deux
groupes de travail ont rendu leur rapport de synthèse cette année.
Celui-ci évoque cinq pistes de réflexion possibles en vue d'une
évolution progressive du statut permettant de prendre en compte les
particularismes économiques, sociaux et culturels d'une île
fortement marquée par l'Islam, dont la grande majorité de la
population relève du
" statut personnel "
au sens de
l'article 75 de la Constitution et non du statut civil de droit commun.
Hormis la possibilité de création d'un nouveau statut particulier
de collectivité territoriale
" à vocation
départementale "
et l'hypothèse d'une évolution
vers un statut de territoire d'outre-mer, trois variantes sont
étudiées en vue d'une départementalisation, avec cependant
des interrogations quant à leur constitutionnalité :
- la création de deux collectivités territoriales distinctes
(région et département) avec une assemblée unique
élue selon le modèle départemental ;
- la dévolution au conseil général des
compétences régionales ;
- enfin, la création d'un département d'outre-mer avec le
maintien parallèle d'une collectivité territoriale
" sui
generis "
qui exercerait les compétences actuelles du conseil
général ne relevant pas des compétences
départementales, ainsi que les compétences régionales de
droit commun, ces deux collectivités étant dotées
d'institutions communes.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, a confirmé devant l'Assemblée nationale, comme
devant votre commission des Lois, que les Mahorais seraient consultés
sur un projet d'évolution statutaire d'ici l'an 2000,
déclarant que l'objectif du Gouvernement était de parvenir
" à un projet qui enracine Mayotte dans notre République,
en donnant une plus grande responsabilité à ses
représentants dans la gestion des affaires locales "
.
b) Les propositions de " bidépartementalisation " de La Réunion
A La
Réunion, s'est manifesté le souci d'une réorganisation
administrative permettant de remédier au déséquilibre
entre le Nord et le Sud du département, les centres de décision
étant actuellement concentrés autour de la ville chef-lieu de
Saint-Denis au Nord de l'île.
Cette réorganisation pourrait passer par une division en deux
départements ; des propositions de loi ont été
déposées en ce sens à l'Assemblée
nationale
11(
*
)
.
L'examen de ces propositions ne pourra cependant pas éluder le risque
d'un alourdissement des structures administratives et le coût de la
création éventuelle d'un second département en termes de
dépenses publiques.
c) Les interrogations sur l'évolution des autres départements d'outre-mer
Des
réflexions sont également en cours concernant l'avenir des autres
départements d'outre-mer.
Eu égard aux inconvénients du système actuel de la
région monodépartementale, où le conseil régional
et le conseil général se trouvent superposés sur un
même territoire, certains élus s'interrogent sur la
possibilité de mettre en place une assemblée unique ; cette
position est cependant loin de faire l'unanimité. Des demandes se font
également jour en vue de parvenir à une plus grande autonomie.
En particulier, en Guadeloupe, les élus des Iles du Nord
(Saint-Barthélémy et Saint-Martin) souhaitent une adaptation du
droit applicable afin de parvenir à une meilleure prise en compte des
spécificités de ces deux îles. Des propositions de loi ont
été déposées en ce sens, au Sénat et
à l'Assemblée nationale
12(
*
)
. Lors du débat
budgétaire du 23 octobre dernier, M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a déclaré que
" le Gouvernement est prêt à en discuter, dès lors
qu'auront été pesées toutes les conséquences des
demandes d'évolution et que celles-ci (...) n'ont pas pour objet
exclusif de créer, au sein de la République, des zones de
non-droit fiscal "
.
Plus généralement, M. Jean-Jack Queyranne a
annoncé devant votre commission des Lois que le Premier ministre
nommerait prochainement, sur sa proposition, deux parlementaires en mission,
élus des départements d'outre-mer, qui devraient lui faire des
propositions concernant la répartition des compétences entre les
différentes collectivités locales ainsi que d'éventuels
transferts de compétences de la part de l'Etat, en vue de
l'approfondissement de la décentralisation dans ces départements.
Le ministre a en outre annoncé la présentation au cours de
l'année prochaine d'un projet de loi d'orientation sur les
départements d'outre-mer qui devrait être discuté par le
Parlement à l'automne 1999 et qui comprendrait trois volets : un premier
volet concernant le développement économique et social et
appelé à se substituer aux dispositions de la " loi
Perben " venant à expiration en mars 2000, un deuxième volet
consacré à l'approfondissement de la décentralisation et
un troisième volet destiné à permettre une meilleure
insertion des départements d'outre-mer dans leur environnement culturel
et régional.
Enfin, interrogé par votre rapporteur pour avis sur les mesures prises
pour favoriser les investissements privés indispensables au
développement économique et à la lutte contre le
chômage dans ces départements, M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a précisé que des
amendements adoptés par l'Assemblée nationale sur les
propositions de M. Didier Migaud, rapporteur général, avec
l'approbation du Gouvernement, tendaient à proroger jusqu'en 2005 le
régime de défiscalisation des investissements
réalisés outre-mer instauré par la " loi Pons ",
en modifiant toutefois la procédure d'agrément des
investissements défiscalisés qui s'appliquerait désormais
dès le premier franc et non plus seulement au dessus d'un million de
francs.
*
*
*
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le projet de budget du secrétariat à l'outre-mer pour 1999, ramenés aux montants proposés par la commission des Finances.