III. LA MISE EN OEUVRE DES RÉFORMES DE LA SÉCURITÉ CIVILE
L'urbanisation et l'apparition de nouveaux risques
technologiques
ont peu à peu modifié l'image traditionnelle du pompier
rattaché à sa commune. Les 9.000 interventions quotidiennes
des sapeurs-pompiers concernent un domaine qui tend à s'élargir
(incendies : 9,5 % ; accidents de la route :
11,4 % ; secours à victimes : 35,3 % ;
interventions diverses : 23,5 %...). Les moyens financiers des
communes sont inégaux et les régimes de travail de
sapeurs-pompiers assez différents d'un lieu à l'autre.
Cette situation, ainsi que la nécessité de remédier
à une crise du volontariat a conduit à l'adoption, avec
l'approbation du Sénat, de deux lois du 3 mai 1996 sur la
sécurité civile :
- la loi n° 96-369 relative aux services d'incendie et de secours ;
- la loi n° 96-370 relative au développement du volontariat dans
les corps de sapeurs-pompiers.
Si la plupart des dispositions de ces lois sont mises en oeuvre, après
la publication parfois difficile des textes d'application nécessaires,
certaines d'entre elles se sont heurtées à des obstacles qui
devront être surmontés.
1. La réorganisation des services d'incendie et de secours
La
loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de
secours
prévoit l'harmonisation, dans un délai de cinq ans,
de l'organisation territoriale des services d'incendie et de secours,
destinée à leur permettre de faire face avec une
efficacité accrue à l'accroissement de leurs activités et
à la diversification des risques auxquels ils sont désormais
confrontés.
La réforme transforme les services départementaux d'incendie et
de secours en établissements publics communs à l'ensemble des
collectivités territoriales et des établissements publics de
coopération intercommunale concernés dans le département.
Le nouvel établissement public est administré par un conseil
d'administration, composé de membres représentant les
différentes collectivités et établissements
concernés, compte tenu notamment de leurs contributions
financières, à qui il appartient d'élire son
président.
Son budget est alimenté par des contributions financières de ces
collectivités et établissements, fixées par une
délibération du conseil d'administration prise à la
majorité des deux tiers ou à défaut suivant des
règles définies par la loi.
Le SDIS a désormais des compétences élargies à la
gestion de l'ensemble des matériels nécessaires aux missions des
services d'incendie et de secours, ainsi que des personnels regroupés au
sein du corps départemental de sapeurs-pompiers.
Les transferts de personnels et de biens au SDIS doivent faire l'objet de
conventions conclues au cas par cas au niveau local.
Toutefois, la réforme ne s'applique pas aux services d'incendie et de
secours de Paris, des départements de la " petite couronne "
et de Marseille, qui conservent leurs statuts particuliers.
Six décrets d'application de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ont
été publiés :
• Le
décret n° 96-1005 du 22 novembre 1996
relatif à l'installation des
premiers conseils d'administration
des nouveaux établissements publics, fixant les modalités
d'évaluation financière des dépenses engagées au
cours des dernières années par les collectivités et
établissements concernés, afin de fixer la répartition des
sièges au sein du conseil d'administration du SDIS.
Il fixe les règles relatives à l'élection des
représentants de ces collectivités et des sapeurs-pompiers.
La totalité des conseils d'administration des SDIS est désormais
constituée.
•
Le
décret n° 96-1171 du 26 décembre
1996
relatif aux
transferts de personnels et de biens
a, pour sa
part, précisé les procédures de règlement des
litiges qui pourraient intervenir au cours de l'élaboration des
conventions de transfert. La loi a prévu un délai de 5 ans
à compter de son entrée en vigueur pour la réalisation de
ces transferts qui sont, dans la plupart des départements, en cours de
négociation.
•
Le
décret n° 97-279 du 24 mars 1997
relatif aux
commissions administratives paritaires et aux comités
techniques paritaires
des sapeurs-pompiers professionnels, tirant les
conséquences du regroupement de l'ensemble des sapeurs-pompiers
professionnels au sein des corps départementaux.
A l'heure actuelle, la grande majorité des commissions et
comités paritaires est installée.
•
Le
décret n° 1225 du 26 décembre
1997
relatif à
l'organisation des services d'incendie et de
secours
qui remplace entièrement les dispositions du décret
du 6 mai 1988 afin de tirer les conséquences de la nouvelle organisation
définie par la loi du 3 mai 1996.
Ce texte applique notamment les dispositions législatives concernant les
contributions financières des collectivités au budget du SDIS, en
l'absence de délibération du conseil d'administration prise
à la majorité des deux tiers.
• Le
décret n° 98-298 du 20 avril 1998
modifiant
certaines
dispositions statutaires relatives aux sapeurs-pompiers
professionnels.
• Le
décret n° 98-442 du 5 juin 1998
fixant le
cadre de référence du
régime indemnitaire des
sapeurs-pompiers professionnels.
Ce texte, qui simplifie le régime indemnitaire, fait des
sapeurs-pompiers professionnels les derniers fonctionnaires territoriaux
à bénéficier de la réforme des régimes
indemnitaires entreprise dans la fonction publique territoriale. L'application
du régime indemnitaire se traduira par une augmentation de la masse
salariale des sapeurs-pompiers professionnels d'environ 5 %.
En revanche, le décret du 5 juin 1998 précité ne
comporte pas les dispositions prévues par la loi et concernant le
régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels.
La question de l'harmonisation des régimes de travail des
sapeurs-pompiers professionnels (nombre de gardes en particulier) à la
suite de leur regroupement au sein de corps départementaux, a
donné lieu à des discussions délicates entre les
différentes parties concernées et a provoqué des
mouvements de grève administrative.
Aucun accord n'ayant pu être dégagé entre employeurs et
salariés, le ministre de l'Intérieur a considéré
qu'il ne pouvait revenir à l'Etat d'arrêter unilatéralement
le régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels.
Observant
que la durée du travail dans la fonction publique territoriale relevait
du principe de libre administration,
il a estimé qu'il appartiendrait
aux autorités d'emploi de prendre les décisions utiles
.
Enfin,
un décret
sur les modalités particulières
d'organisation et de fonctionnement du service territorial d'incendie et de
secours de Saint-Pierre-et-Miquelon
reste encore en
préparation
.
2. Le développement du volontariat
La
loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du
volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers
a pour sa part
apporté aux quelques 200 000 sapeurs-pompiers volontaires -qui
constituent la charpente de l'organisation de la sécurité civile
en France- le statut législatif dont ils étaient jusque là
dépourvus.
Ce " statut " a cherché à répondre à la
crise qui affecte le volontariat depuis quelques années : insuffisance
du recrutement et diminution de la durée moyenne d'engagement, alors
même que les interventions à assurer sont de plus en plus
nombreuses et diversifiées.
• La loi consacre le droit des sapeurs-pompiers volontaires
à bénéficier d'autorisations d'absence pour participer
à des missions opérationnelles ou à des activités
de formation et les fait bénéficier d'un certain nombre de
mesures protectrices. En contrepartie, des compensations financières
sont prévues en faveur des employeurs.
• Par ailleurs, la loi reconnaît le droit des sapeurs-pompiers
volontaires à recevoir, en dédommagement des services rendus
à la collectivité, des vacations horaires.
Dans le souci de concrétiser la reconnaissance de la Nation pour les
services rendus par les sapeurs-pompiers volontaires, la loi a également
prévu la généralisation du versement d'une allocation de
vétérance à tout ancien sapeur-pompier volontaire dont
l'engagement a pris fin lorsqu'il a atteint la limite d'âge de son grade
après avoir effectué au moins 20 ans de services. La loi a
prévu l'entrée en vigueur de cette disposition le 1er janvier
1998.
Le texte a, en outre, amélioré le régime de protection
sociale des sapeurs-pompiers volontaires institué par la loi n°
91-1389 du 31 décembre 1991.
Plusieurs textes d'application de cette loi ont été
publiés :
•
Le
décret n° 96-772 du 4 septembre 1996
a créé un observatoire national et des observatoires
départementaux du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers.
L'observatoire national a été installé le 8 septembre 1997.
•
Le
décret n° 96-1004 du 22 novembre 1996
relatif aux vacations horaires des sapeurs-pompiers volontaires (fixées
entre 41,92 F et 63,06 F, suivant les grades, par un
arrêté du
17 mars 1998
).
•
Un
arrêté du 9 avril 1998
portant
organisation du comité consultatif départemental des
sapeurs-pompiers volontaires.
• Un
arrêté du 17 mars 1998
fixant à
1.927,86 F la part forfaitaire de l'allocation de vétérance.
En revanche,
la part variable de cette allocation
, prévue par le
même texte à compter du 1
er
janvier 1998,
ne peut
être versée, faute de parution du décret d'application
prévu pour en définir les critères de calcul
" compte tenu des services accomplis, y compris en formation, par le
sapeur-pompier volontaire "
.
Les difficultés proviennent d'un désaccord entre les parties
concernées sur les solutions à retenir ainsi que sur une
réticence des sapeurs-pompiers volontaires à participer au
financement de cette part variable de l'allocation de vétérance,
comme cela est prévu par la loi.
Une proposition de loi
2(
*
)
tendant à assouplir les conditions d'attribution de cette prestation et
à réviser son financement a été adoptée par
la commission des Lois le 24 novembre et devrait être
examinée prochainement par le Sénat.
Enfin,
demeure en instance un décret
prévu par la loi du 3
mai 1996
pour préciser les conditions d'indexation de l'allocation ou
de la rente d'invalidité
attribuée au sapeur-pompier
volontaire atteint d'une infirmité définitive, par
référence aux revenus qu'il tirait antérieurement de son
activité professionnelle.
3. Vers un débat sur le financement de la sécurité civile ?
Les
réformes de la sécurité civile ne pourront pas être
financièrement neutres pour les collectivités territoriales.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre de l'Intérieur par
intérim, a déclaré, lors de la discussion du budget de son
ministère à l'Assemblée nationale le
5 novembre 1998, que la départementalisation n'avait pas
entraîné de hausse mécanique des dépenses, notant
toutefois que
" certains départements devront consentir un
effort financier plus important que d'autres pour se mettre à
niveau "
.
Il admettait cependant que les dispositions statutaires et indemnitaires
adoptées en conséquence de cette réforme ou
résultant de la loi sur les sapeurs-pompiers volontaires induiront des
augmentations de charges.
Ainsi, on a relevé que le nouveau régime indemnitaire des
sapeurs-pompiers professionnels entraînerait une progression de 5 %
de la masse salariale, répartie de manière variable selon les
départements.
La généralisation de l'allocation de vétérance
devait entraîner une charge financière nouvelle pour les
collectivités, évaluée à 38 millions de francs
lors de l'examen de la loi du 3 mai 1996.
L'adoption éventuelle de la proposition de loi concernant cette
prestation entraînerait une dépense supplémentaire
de 36 millions de francs.
Votre rapporteur a souligné la charge financière résultant
des opérations de secours des personnes pratiquant des activités
sportives
" à risques "
.
Les collectivités territoriales, certes sensibles à
l'amélioration de l'efficacité de la sécurité
civile, sont en droit de se demander si elles devront indéfiniment
supporter les conséquences financières de décisions prises
par l'Etat.
Le ministre de l'Intérieur a indiqué, lors du débat
budgétaire à l'Assemblée nationale, qu'il était
prêt à engager une réflexion portant sur la recherche de
moyens financiers supplémentaires.
En tout état de cause, un débat sur le financement de la
sécurité civile mériterait d'être engagé.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a porté une appréciation positive sur les crédits affectés à la sécurité civile pour 1999.