III. LES PERSPECTIVES DU RÉGIME DES EXPLOITANTS AGRICOLES : L'AUTONOMIE ET LA MODERNISATION DE LA MSA SONT NÉCESSAIRES
A. L'INTÉGRATION PROTECTRICE DU BUDGET ANNEXE DANS LA LOI DE FINANCEMENT EST POSSIBLE
1. Le BAPSA est un héritage historique
Le BAPSA
a été créé par l'article 58 de la loi de finances
pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959). Il est régi
par les articles 1003-1 à 1003-7 du code rural.
En raison de la structure démographique très défavorable
du monde agricole, le régime des exploitants agricoles est l'un des
régimes de sécurité sociale qui dépend le plus de
la solidarité des autres régimes et du contribuable. Le BAPSA
n'est pas un cas unique ; plusieurs régimes spéciaux
bénéficient de subventions d'équilibre, sans faire pour
autant l'objet d'un budget annexe : SNCF, marins, mineurs...
L'existence d'un budget annexe donne au monde agricole l'assurance que ce
budget sera toujours équilibré comptablement et que le budget
général assurera -en dernier ressort- cet équilibre.
Il apparaît à l'analyse que le statut de budget annexe n'est pas
-en lui-même- source d'équilibre systématique.
L'exécution du BAPSA peut révéler un excédent ou un
déficit (art. 1003-6 du code rural). Un fonds de roulement existe.
Le BAPSA et le droit budgétaire
Le
système des budgets annexes est un cadre juridique (art. 20 à 22
de l'ordonnance de 1959) créé pour les services de l'Etat
producteurs de biens et services marchands.
Un régime de sécurité sociale financé par des
prélèvements obligatoires, des transferts et des subventions
diverses n'est pas un service de l'Etat producteur de services marchands.
La loi de finances pour 1995 comportait une disposition visant à faire
prendre en charge les majorations de retraites pour enfants par le Fonds de
solidarité vieillesse (FSV) dans les deux régimes où elles
ne l'étaient pas encore : celui des fonctionnaires et celui des
exploitants agricoles. Le Conseil constitutionnel a censuré l'article
dans sa décision 94-351 DC du 29 décembre 1994, en vertu du
principe de l'universalité budgétaire. Le seul fait de
présenter dans le BAPSA la dépense et le remboursement par le FSV
lui est apparu contraire à ce principe, comme il l'a
précisé par la décision 95-369 DC du 28 décembre
1995.
Certaines lignes actuelles du BAPSA ne respectent pas le principe
d'universalité, comme la ligne 70-51
" Remboursement de
l'allocation aux adultes handicapés "
(par le budget
général) ou la ligne 70-53
" Contribution de la
CNAF ".
2. L'articulation du BAPSA et de la loi de financement de la sécurité sociale est difficile
Depuis
la création par la loi organique du 22 juillet 1996 des lois de
financement de la sécurité sociale, il est permis de s'interroger
sur le bien-fondé de maintenir le cadre comptable du BAPSA. Il faut
rappeler toutefois que cette question avait été
éludée lors de la discussion de la loi organique.
Il faut reconnaître que le projet de BAPSA pour 1998 a donné des
arguments de poids aux partisans d'une intégration du BAPSA dans la loi
de financement. En effet, l'articulation du BAPSA et de la loi de financement
s'est avérée impossible.
Le projet de BAPSA pour 1998 a été construit " à
droit constant ", sans tenir compte de la poursuite du basculement des
cotisations sociales maladie sur la CSG et de la mise sous condition de
ressources des allocations familiales proposés par le projet de loi de
financement.
Le calendrier d'élaboration des deux projets (le projet de BAPSA
étant élaboré plus tôt que le projet de loi de
financement) n'est pas seul en cause. Lors de la discussion budgétaire
1998, un amendement de coordination a été nécessaire pour
mettre en conformité la loi de finances avec la loi de financement.
La suppression du BAPSA n'est pas, pour autant, possible actuellement. La loi
de financement de la sécurité sociale donne des informations
incomplètes sur le régime des exploitants agricoles, tandis que
le BAPSA ne donne pas davantage l'ensemble des informations nécessaires.
La lecture comparée du fascicule budgétaire (" bleu ")
BAPSA et des comptes prévisionnels du régime des exploitants
agricoles présentés en annexe du projet de loi de financement
laisse apparaître une différence de présentation. Le BAPSA
est, en effet, plus détaillé, notamment en ce qui concerne les
recettes ; l'annexe de la loi de financement les regroupe par
catégories, alors que le BAPSA permet d'identifier chacune des
cotisations ou des impositions.
La loi de financement permet d'apprécier les frais de gestion du
régime, son action sanitaire et sociale, d'apprécier les
majorations de retraite pour âge prises en charge par le FSV. Le BAPSA
permet de connaître non seulement le détail des recettes, mais
également les prestations familiales agricoles et les recettes
correspondantes.
Une analyse approfondie du régime des exploitants agricoles suppose
ainsi de combiner les informations fournies par le cadre comptable du BAPSA et
le cadre comptable des lois de financement.
3. L'autonomie du régime agricole ne doit pas être remise en cause
La Cour
des comptes a consacré à la protection sociale agricole en 1996
le chapitre VI de son rapport 1996. Certaines orientations de son rapport ont
pu laisser croire qu'elle remettait en cause l'existence même du
régime.
S'interroger sur l'existence d'un budget annexe -qui n'est qu'un cadre
comptable- ne conduit pas à remettre en cause les
spécificités du régime agricole.
A bien des égards, le régime agricole, dans son aspect
multirisques, est bien plus satisfaisant que l'organisation cloisonnée
par branches du régime général. Les assujettis du
régime agricole ont le plus souvent un interlocuteur unique. Le lien de
proximité -quasi inexistant dans le régime général-
est ainsi assuré. La gestion décentralisée du
régime, par les caisses de mutualité sociale agricole, est un
atout.
Un autre argument utilisé pour défendre le BAPSA est celui de la
compétence. Son intégration dans la loi de financement serait
considérée comme portant atteinte à l'unité
d'action du ministère de l'Agriculture vis-à-vis du monde
agricole. La réponse apportée à votre rapporteur, dans le
cadre du traditionnel questionnaire budgétaire est claire :
" Le fait que le BAPSA demeure un budget annexe permet au
ministère de l'agriculture d'en assurer la parfaite maîtrise, et
de pouvoir ainsi seul mettre en oeuvre la politique sociale à
l'égard des exploitants, et de disposer d'une information directe sur
l'exécution de ce budget, la qualité de cette information
étant également précieuse pour le Parlement. "
Votre rapporteur estime qu'un système de protection sociale pour les
agriculteurs doit dépendre à l'évidence du
ministère de l'agriculture. Mais l'intégration du BAPSA dans la
loi de financement n'est nullement contradictoire avec ce maintien de
compétence. Un certain nombre de régimes publics et
spéciaux -et au premier rang desquels le régime des
fonctionnaires de l'Etat- sont ainsi " couverts " par la loi de
financement, sans que le ministère des affaires sociales soit
réellement " compétent " sur leur sort.
En conséquence, la suppression éventuelle du BAPSA
nécessite une modification préalable de la loi organique du 22
juillet 1996, afin que le Parlement dispose -dans un cadre unique- de
l'ensemble des informations qui lui sont données actuellement dans deux
cadres comptables.
Votre rapporteur est ainsi en accord avec les orientations
dégagées par M. Charles Descours, rapporteur pour les
équilibres financiers généraux et l'assurance maladie du
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1999
4(
*
)
: "
Une
intégration du BAPSA dans la loi de financement semblerait logique (...)
sous trois conditions : 1. Assurer le même niveau
d'informations ; 2. Etre préparée en concertation avec
le monde agricole ; 3. Garantir l'autonomie du régime
agricole
".
B. LA QUESTION DES RETRAITES RESTE CENTRALE
1. L'effort d'amélioration doit être poursuivi
Le
montant minimal des retraites agricoles n'atteint pas encore le minimum
vieillesse. Il convient de rappeler que leur montant apparaissait acceptable il
y a encore vingt-cinq ans, en raison de différents
éléments, qui ont connu une évolution importante.
1- Les retraites étaient, de manière
générale, d'un niveau très faible
: les
disparités apparaissaient moins importantes entre les agriculteurs et le
reste de la population.
Force est de constater que les conditions de vie des retraités ont
considérablement progressé au cours des vingt dernières
années. Le revenu moyen d'un retraité est désormais
équivalent à celui d'un actif. Dès lors, les retraites
agricoles apparaissent les seules à être très basses.
2- Les exploitants agricoles continuaient à travailler le plus
longtemps possible
.
L'abaissement de l'âge de la retraite dans le régime
général a eu un effet indirect. Les exploitants agricoles
arrivant à l'âge de 60-65 ans au début des années
quatre-vingt-dix n'ont pas souhaité rester en activité,
contrairement aux générations précédentes.
3- Les solidarités familiales jouaient un rôle plus
important
.
Du fait de l'évolution de la société, même en milieu
rural, ces solidarités -sans bien sûr s'effacer- jouent un
rôle moins important.
4- Les agriculteurs, comme l'ensemble des non-salariés,
pouvaient bénéficier de la vente de leur exploitation.
Cette vente représentait un pécule important, permettant de
pallier la faiblesse des retraites. Mais la vente de ces exploitations, en
raison de la diminution du nombre d'exploitants, n'est plus possible. Les
artisans et les commerçants sont d'ailleurs dans une situation peu
différente.
Ces évolutions expliquent la volonté affichée depuis 1993
par les gouvernements de relever le niveau minimum des retraites agricoles. Le
Gouvernement actuel a annoncé un " plan pluriannuel "
correspondant la législature (1997-2002). Comme le projet de loi
d'orientation agricole ne contenait aucune disposition relative à un
échéancier de revalorisation des retraites agricoles, un
amendement a été voté par l'Assemblée nationale,
à l'occasion de la discussion en première lecture du projet de
loi d'orientation agricole.
Le
rapport sur les retraites agricoles prévu par le projet de loi
d'orientation agricole adopté par l'Assemblée nationale en
première lecture
Article 1
er
ter (nouveau)
" Le Gouvernement déposera, avant le 31 mars
1999, un
rapport décrivant, catégorie par catégorie,
l'évolution qu'il compte imprimer aux retraites agricoles au cours de la
période du 30 juin 1997 au 30 juin 2002. Un développement
particulier sera consacré aux mesures envisagées, au cours de
cette période avec un effort plus important à son début,
pour revaloriser les plus faibles pensions. "
La réduction importante de la subvention d'équilibre du budget de
l'Etat montre qu'il existe des marges en 1999, qui ne seront peut-être
pas disponibles l'an prochain. L'effort aurait pu ainsi être plus
important.
L'objectif d'amener les retraites les plus basses au minimum vieillesse, pour
les agriculteurs ayant cotisé 150 trimestres, apparaît un
impératif. Le montant minimal pour les chefs d'exploitation est
désormais de 3.000,00 francs, à comparer aux 3.470,00 francs par
mois du minimum vieillesse pour une personne seule.
Le coût de cet objectif serait de 3,5 milliards de francs (en sus de
la revalorisation prévue pour 1999). Il s'agit d'un coût brut,
puisque -par définition- les versements du FSV seraient fortement
réduits.
Cet objectif pourrait être atteint en 2002, si l'effort annuel
constaté depuis 1994 se poursuit au même rythme.
Au-delà, l'objectif généreux de parvenir à des
pensions égales à 75 % du SMIC pose des problèmes de
principe.
Tout d'abord, sur les 2,1 millions bénéficiaires d'une pension de
retraite agricole au 1
er
janvier 1997, seules 622.000 personnes
avaient validé 150 trimestres ou plus en tant que
non-salariés agricoles (carrière complète) et 265.000 de
130 (32 années et demie) à 149 trimestres. Plus d'1,2 million de
personnes touchent ainsi une retraite du régime agricole, alors que,
soit elles n'ont que marginalement ou brièvement exercé une
activité agricole et perçoivent une pension d'un autre
régime (les " polypensionnés "), soit elles ont
travaillé toute leur vie et exclusivement dans l'agriculture, mais n'ont
commencé à cotiser que très tardivement : il en est
ainsi, aujourd'hui, des veuves et des conjointes les plus âgées.
Un polypensionné du régime agricole ne reçoit de ce
régime que 29 % du montant global de ses avantages vieillesse.
Améliorer la situation de l'ensemble des personnes ayant moins de
32,5 années de cotisations reviendrait à donner des
avantages indus aux polypensionnés.
Le " ciblage " de mesures favorables aux titulaires de très
faibles pensions de retraite agricole, et ne touchant pas d'autres avantages
vieillesse, est difficile à mettre en oeuvre.
L'objectif de pensions égales à 75 % du SMIC ne pourrait
ainsi s'appliquer qu'aux chefs d'exploitation ayant validé cent
cinquante trimestres. Mais cet objectif reviendrait à verser des
pensions de retraite nettement supérieures à celles de
salariés ayant cotisé sur un revenu équivalant au SMIC. Un
nombre important de retraités agricoles bénéficierait
d'une retraite à un montant supérieur à leurs revenus
d'activité. De manière générale, la
détermination d'un minimum de retraite fixé par rapport au SMIC
soulève un problème qui concerne l'ensemble des régimes
sociaux.
Votre rapporteur est favorable à l'objectif de relever les retraites
agricoles les plus basses au montant du minimum vieillesse. Il constate que
l'objectif consistant à parvenir à 75 % du SMIC pose des
problèmes qui dépassent largement le cadre du seul régime
agricole.
2. La MSA s'est prononcée en faveur du principe d'un régime complémentaire obligatoire
a) Un régime complémentaire obligatoire semble possible
A
l'occasion d'un colloque du 12 octobre 1998 sur les retraites agricoles,
organisé à l'Assemblée nationale, Mme Jeannette Gros,
présidente de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole
(CCMSA), s'est prononcée pour le principe d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire.
Le rapport démographique du régime (cotisants/retraités)
ne devrait guère se dégrader au cours des vingt prochaines
années (il devrait passer de 0,4 à 0,37), contrairement aux
rapports démographiques prévus dans le régime
général et les régimes spéciaux. En effet, le
nombre de retraités agricoles devrait diminuer dans les dix prochaines
années.
Evolution du nombre de retraités agricoles
|
1977 |
1987 |
1997 |
2007 |
en million |
1,8 |
1,8 |
2,1 |
1,8 |
Cette
période de stabilisation démographique semble favorable à
l'instauration d'un régime complémentaire obligatoire de retraite
par répartition.
L'Etat et la CCMSA devraient prévoir le principe d'une expertise de
faisabilité, notamment financière. En effet, les charges pesant
sur les agriculteurs étant importantes, il serait difficile de
prévoir un financement professionnel supplémentaire de grande
ampleur.
Les différents régimes complémentaires
créés, chez les salariés comme chez les
non-salariés (CANCAVA et ORGANIC), reposent, en effet, sur le seul
effort des futurs bénéficiaires. S'il était
décidé d'en faire bénéficier les personnes
déjà retraitées, l'Etat pourrait contribuer à la
constitution du régime et à son financement,.
Des dispositions fiscales, dans le cadre d'une remise à plat de la
fiscalité agricole, grande absente du projet de loi d'orientation
agricole, serait sans doute souhaitables. Par ailleurs, la MSA pourrait dans
les années à venir -par des efforts de gestion soutenus- baisser
les taux complémentaires.
La création d'un régime complémentaire obligatoire peut
contrarier la mise en place de dispositifs individuels. Le succès des
contrats COREVA a montré que ces mécanismes répondent
à une véritable demande des agriculteurs.
b) L'expérience des contrats COREVA montre qu'il existe une véritable attente des agriculteurs
Les contrats COREVA
A la
suite du décret du 26 novembre 1990, la MSA avait créé un
régime de retraite complémentaire facultative par capitalisation
(contrats de complément de retraite volontaire agricole, dits contrats
COREVA). Entre 1990 et 1996, 116.000 agriculteurs ont souscrit de tels contrats.
Après avoir saisi la Cour de Justice des Communautés
Européennes (CJCE) par la voie de la question préjudicielle, le
Conseil d'Etat, par un arrêt du 8 novembre 1996, a annulé la
majeure partie du décret du 26 novembre 1990. La CJCE avait en effet
considéré qu'un régime de base ne peut pas gérer
des contrats facultatifs qui relèvent de la concurrence. Le
législateur, par l'article 55 de la loi n° 97-1051 du 18
novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures
maritimes a remédié aux inconvénients de cette annulation,
en prévoyant un transfert des contrats COREVA vers les acteurs du
marché. Une garantie intégrale des droits acquis par les
adhérents de COREVA jusqu'au 31 décembre 1996 est ainsi
assurée.
Les opérations de transfert des droits à rente acquis dans le
cadre des contrats COREVA se terminent. Pour les adhérents qui ont
choisi un assureur avant le 30 juin 1998, le transfert s'est
déroulé selon des modalités fixées par la CCMSA et
les assureurs concernés. Ces opérations ont pris plus de temps
que prévu, la MSA ayant pris le soin de procéder à des
vérifications afin que les titulaires de contrats ne soient pas
lésés. Pour les adhérents n'ayant pas choisi d'assureur
avant le 30 juin 1998, le ministère des finances désigne un
organisme vers lequel les droits sont automatiquement transférés.
Avec les contrats COREVA, la MSA avait voulu instituer, par le même
instrument, le deuxième étage (régime
complémentaire) et le troisième étage (régime
d'épargne individuelle du type épargne-retraite). La gestion de
ces contrats COREVA par la MSA présentait un grand nombre d'avantages,
dont le premier était l'existence d'un interlocuteur unique.
Un régime de retraite complémentaire obligatoire par
répartition semble être la seule solution pour que la MSA soit
partie prenante
. La création de ce régime n'est pas exclusive
d'un effort individuel des agriculteurs. Il faut toutefois préciser que
la très grande majorité des produits financiers présents
sur le marché ne semble pas correspondre à leurs
besoins.
3. Le financement du régime des exploitants agricoles apparaît plus que jamais difficile
L'effort contributif des exploitants agricoles ne peut être augmenté. Le " ratio démographique " -c'est-à-dire le rapport cotisants actifs/bénéficiaires (retraités titulaires de droits propres de plus de 65 ans)- s'est dégradé de manière impressionnante depuis une vingtaine d'années :
Années |
1980 |
1985 |
1990 |
1995 |
1997 |
Ratio démographique |
1,24 |
1,05 |
0,73 |
0,48 |
0,44 |
D'autres ressources du BAPSA peuvent connaître une évolution négative. La compensation démographique sera ainsi affectée par la dégradation de la situation des régimes de retraite. Or, le BAPSA est le seul régime à bénéficier de la compensation généralisée du risque maladie et reçoit 52 % des transferts issus de la compensation généralisée vieillesse.
La compensation généralisée du risque vieillesse en 1996
|
Montant en millions de francs |
Régimes qui reçoivent |
Montant en millions de francs |
Régime général |
22.442,2 |
BAPSA |
24.406,7 |
Fonctionnaires |
12.010,4 |
Salariés agricoles |
13.261,8 |
CNRACL |
9.442,7 |
ORGANIC |
4.396,2 |
CNAVPL |
2.299,3 |
CANSSM |
2.088,1 |
EDF |
761,2 |
CANCAVA |
1.533,1 |
Autres régimes spéciaux |
445,2 |
CAMAVIC |
1.085,8 |
|
|
Autres régimes spéciaux |
629,2 |
Source : Commission des comptes de la
sécurité
sociale
La suppression, par le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, de la " recette " C3S limite encore
davantage les ressources disponibles.
Afin d'assurer le financement du BAPSA dans les prochaines années, il
apparaît ainsi inéluctable de relever le montant de TVA
affectée ou d'augmenter le montant de la subvention d'équilibre
du budget général.
C. LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE DOIT POURSUIVRE SA MODERNISATION, TOUT EN PRÉSERVANT SON AUTONOMIE
1. La mutualité sociale agricole de Corse est un cas exceptionnel
La caisse de mutualité sociale agricole de Corse a fait l'objet d'une analyse approfondie en 1998, sous l'impulsion du rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Charles de Courson, qui a procédé à un contrôle sur place et sur pièces (17-19 juin 1998).
Les constats de la mission de Courson
L'affiliation à la MSA est réalisée sur
des
documents peu fiables.
L'assiette des cotisations des exploitants est manifestement inférieure
à la réalité des revenus.
Le taux de recouvrement des cotisations est désastreux : le taux de
recouvrement des cotisations agricoles (exploitants et salariés) durant
l'exercice d'émission a été de 38 % en 1997, contre 90 %
pour les cotisations du régime général (URSSAF) et 70 %
pour les impôts directs.
La dette sociale agricole est supérieure à 900 millions de
francs, soit trois fois le revenu agricole de l'île.
Le nombre de titulaires de pensions d'invalidité et de l'allocation aux
adultes handicapés est trois à quatre fois plus important
à la moyenne nationale.
L'existence des polypathologies donnant droit à l'exonération du
ticket modérateur est six à huit fois plus importante.
La Caisse est elle-même totalement désorganisée :
ratio de gestion catastrophique, sureffectif, absentéisme impressionnant.
Le rapport d'information publié par M. Charles de Courson
5(
*
)
ne s'est pas contenté de poser
un diagnostic, mais a formulé des propositions. La mise en place d'un
plan social lui est parue nécessaire, afin de permettre la cessation des
exploitations non viables.
Votre rapporteur constate que la MSA de Corse a failli là où
d'autres institutions ont failli.
Un arrêté du 16 septembre 1998 a retiré l'agrément
au directeur de la Caisse.
Un arrêté du 30 septembre 1998 a suspendu le conseil
d'administration de la MSA de Corse et a nommé un administrateur
provisoire, M. Georges Dorion, inspecteur général des affaires
sociales honoraire.
2. La politique de redressement de la caisse centrale porte déjà ses fruits
a) L'installation d'une nouvelle équipe
La
découverte par la Cour des comptes d'irrégularités graves
dans la gestion de la caisse centrale de mutualité sociale agricole a
conduit le ministre de l'agriculture à suspendre, le 7 juillet
1997, le précédent conseil d'administration et à nommer un
administrateur provisoire pour six mois, M. Christian Barbusiaux.
Une première convention d'objectifs et de gestion, en application de
l'article 1002-4 du code rural, a été conclue le 30 juillet 1997
entre l'Etat et la CCMSA. Cette convention a défini, pour les
années 1997 à 1999, les objectifs prioritaires de la MSA dans les
domaines clés que sont la qualité du service rendu, la
participation aux actions de maîtrise médicalisée des
dépenses d'assurance-maladie, la gestion administrative des caisses, la
prévention et l'action sanitaire et sociale des caisses. Elle a
également mis l'accent -à la suite du rapport de la Cour des
comptes- sur la nécessité de la mise en place ou du renforcement
du service de contrôle spécialisé dans les domaines de
l'assujettissement aux régimes sociaux, de la vérification de
l'assiette des cotisations sociales et de la lutte contre le travail
dissimulé.
Un nouveau conseil d'administration, élu en décembre 1997, et qui
a porté à sa tête Mme Jeannette Gros, s'appuie
désormais sur une nouvelle équipe dirigeante, animée par
M. Daniel Lenoir.
Un avenant n° 1 du 5 décembre 1997 à la convention
d'objectifs et de gestion comporte des dispositions particulières au
fonctionnement de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole.
Ces dispositions prévoient le retour à l'équilibre
financier en trois ans, l'évolution des structures liées à
la caisse centrale de la mutualité sociale agricole et organisent les
relations avec les autorités de tutelle.
Le redressement de la Caisse centrale apparaît en bonne voie. Son retour
à l'équilibre financier en l'an 2000 est possible. D'ores et
déjà, une économie substantielle de 15 millions de
francs a été réalisée sur le budget de 1998,
grâce à une maîtrise des charges de fonctionnement. Cet
effort important devra être poursuivi dans les années qui viennent.
Un rapport annuel d'exécution de la convention d'objectifs et de gestion
a été transmis au ministre de l'agriculture le 14 septembre 1998.
L'adoption d'un nouveau règlement intérieur a permis au Conseil
d'administration de retrouver la plénitude de ses pouvoirs.
b) L'adoption d'une nouvelle convention d'objectifs et de gestion
L'Etat
et la CCMSA s'apprêtent à conclure une nouvelle convention
d'objectifs et de gestion pour la période 1999/2001. Un projet a
été présenté de manière très
détaillée aux représentants des caisses de MSA, aux
différents partenaires (organisations professionnelles agricoles,
organismes de protection sociale) à l'occasion de l'Assemblée
générale de la CCMSA du 4 novembre 1998, réunissant
présidents, administrateurs et délégués élus
de toute la France (près de 450 participants).
Cette nouvelle convention d'objectifs et de gestion vise à assurer une
meilleure couverture sociale des ressortissants, à garantir les
conditions favorables à leur santé, à développer
l'action sanitaire et sociale, à améliorer le recouvrement des
cotisations et, dans le cadre d'une ouverture internationale, à partager
les expériences et le savoir-faire.
Elle vise également une meilleure efficacité du service aux
ressortissants du régime agricole avec un engagement de qualité
vis-à-vis d'eux tout en mobilisant les compétences internes et en
modernisant la gestion des caisses de MSA.
La grande nouveauté sera sa déclinaison en contrats d'objectifs,
conclus entre la CCMSA et chacune des caisses départementales, avant le
31 juillet 1999.
Une évaluation de la mise en oeuvre de la convention d'objectifs et de
gestion sera effectuée à la fin de l'année 1999.
3. Les dépenses de gestion sont maîtrisées
Ces
dépenses comprennent les charges administratives, les dépenses
d'action sanitaire et sociale et les frais de contrôle médical.
La comparaison avec les dépenses de gestion du régime
général est délicate pour deux raisons :
- les caisses effectuent à la fois le paiement des diverses
prestations et le recouvrement des cotisations pour l'ensemble des
salariés et des non-salariés agricoles ;
- la politique d'action sanitaire et sociale des caisses est
centrée sur les besoins de la population agricole, passant davantage par
l'intervention de personnels spécialisés que par l'attribution de
prestations en espèces.
Après avoir augmenté de + 4,2 % en 1997, la progression
des dépenses ralentirait en 1998 à + 1,5 %. Les budgets
1999 devraient continuer à s'inscrire dans une perspective de
maîtrise des dépenses.
4. La mutualité sociale agricole fait preuve d'innovation en matière de politique de santé
La MSA a
proposé les deux premiers réseaux de soins expérimentaux
agréés par la commission Soubie, utilisant avec dynamisme les
possibilités ouvertes par l'ordonnance du 24 avril 1996 relative
à la maîtrise des dépenses de soins.
La CCMSA et la confédération nationale des syndicats dentaires
(CNSD), en collaboration avec des organismes d'assurance maladie
complémentaire ont élaboré
un dispositif
expérimental de prévention et de soins dentaires :
" prophylaxie et soins dentaires chez l'enfant
"
. Ce
projet a été approuvé le 17 mars 1998 par le conseil
d'orientation des filières et réseaux de soins
expérimentaux (" commission Soubie ") et a reçu
l'agrément du ministère de l'emploi et de la solidarité
par un arrêté du 3 septembre 1998.
Ce projet qui vise à empêcher ou à retarder l'apparition de
la maladie carieuse par la technique du " scellement des sillons "
sur les dents de 6 ans et de 12 ans, devrait débuter dès le
1
er
janvier 1999.
La mutualité sociale agricole a également proposé
un
réseau gérontologique
, qui a pour objet de permettre le
maintien à domicile, le plus longtemps possible, dans des conditions
sanitaires et sociales optimales, au plus grand nombre de personnes
âgées dépendantes (30 % des personnes
âgées de plus de 60 ans habitent dans des communes rurales souvent
isolées).
Ce projet a reçu un avis favorable de la commission Soubie le
6 octobre 1998.
Votre commission ne peut que se féliciter de ce dynamisme,
contrastant avec l'inertie du Gouvernement en la matière,
dénoncée par notre excellent collègue M. Charles
Descours à l'occasion de son rapport sur le projet de loi de financement
de la sécurité sociale en 1999
6(
*
)
, alors que l'ordonnance du
24 avril 1996 vise à expérimenter de nouveaux modes
d'exercice de la médecine libérale, à la fois pour
améliorer les soins et en diminuer les coûts.
5. Le développement d'une politique contractuelle ne peut réussir que si la tutelle reste " stratégique "
A
l'occasion de la discussion par l'Assemblée nationale, en
première lecture, du projet de loi d'orientation agricole, pas moins de
cinq articles supplémentaires relatifs à la mutualité
sociale agricole ont été ajoutés à l'initiative du
Gouvernement, créant un chapitre V intitulé
" Du
fonctionnement des organismes de mutualité sociale agricole "
au titre II relatif aux exploitations et aux personnes.
Sur la forme, cette insertion de dernière minute, dans un projet qui a
été longuement préparé, est tout à fait
critiquable. La Cour des comptes avait consacré des
développements précis aux errements de la caisse centrale dans
son rapport de septembre 1997. Le référé adressé le
5 novembre 1997 au ministre de l'agriculture faisait le point sur les
insuffisances de la tutelle. En conséquence, il est étonnant de
ne pas avoir prévu de telles dispositions dans le projet de loi initial,
déposé le 10 juin 1998.
Sur le fond, un des articles additionnels apparaît, au premier abord, peu
cohérent avec la volonté par ailleurs affirmée de rendre
la tutelle plus " stratégique " ; cet article tendrait, en
effet, à instituer un commissaire du Gouvernement auprès de la
Caisse centrale, assistant aux séances de l'assemblée
générale et du conseil d'administration.
Cette disposition semble particulièrement maladroite. Elle va à
l'encontre de la responsabilisation des dirigeants d'un régime de
protection sociale et d'investir encore davantage les exploitants agricoles
dans la gestion de leur régime, à travers la nouvelle convention
d'objectifs et de gestion. L'expérience des entreprises publiques montre
d'ailleurs que la présence de représentants de l'Etat dans un
conseil d'administration n'est en aucune façon une garantie.
La transmission préalable de l'ordre du jour et des documents mis en
discussion -qui se pratique déjà- suffirait amplement.
Votre commission aura certainement l'occasion, dans le cadre de son avis au
projet de loi d'orientation agricole, d'affiner ses analyses.
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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Affaires sociales a émis, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption du projet de BAPSA pour 1999.