N° 69
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME III
AIDE AU DÉVELOPPEMENT
Par Mme Paulette BRISEPIERRE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle,
René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc
Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
et
66
(annexe n°
2
)
(1998-1999).
Lois de finances.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le choix d'un nouvel intitulé pour un avis consacré les
années passées à la coopération cherche à
tenir compte des conséquences de la réforme de notre politique de
coopération et, en particulier, de la fusion des crédits de
l'ancien secrétariat d'Etat à la coopération au sein du
budget du ministère des Affaires étrangères. Il a ainsi
pour double objectif, d'une part, de concentrer l'attention sur le coeur
même de notre coopération -l'aide au développement- et,
d'autre part, d'ouvrir une véritable réflexion sur les
priorités géographiques de notre aide dans la mesure où la
fusion des deux administrations de la Rue Monsieur et du Quai d'Orsay au sein
d'un ensemble unique conduit à fixer des orientations à
l'échelle du monde en développement dans son ensemble.
L'évolution des crédits répond-elle à la
priorité affichée à l'aide au développement ? Telle
est la question essentielle que pose l'analyse du projet de budget pour 1999.
La crédibilité de la réforme engagée apparaît
ici en jeu.
Pour apporter des éléments de réponse, votre rapporteur
analysera d'abord le contexte général dans lequel s'est
déroulée la réforme avant de décrire le nouveau
dispositif retenu par le gouvernement et d'analyser ses conséquences
pour notre coopération -dont l'évolution ne laisse pas de
susciter les plus vives préoccupations.
A la lumière de ces observations, il présentera les dotations des
principaux postes de l'aide au développement au sein du budget du
ministère des Affaires étrangères.
*
* *
I. L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT EN QUESTION
A. UN CONTEXTE MARQUÉ PAR DE PROFONDES MUTATIONS
1. Les éléments du changement
a) Dans le domaine politique, la nécessité de prendre en compte les nouvelles aspirations de nos partenaires des pays en développement
Notre
politique de coopération doit s'adapter aux évolutions
économiques mais aussi politiques de nos partenaires du monde en
développement. A cet égard la crise dans l'Afrique des grands
lacs a cristallisé quelques faits majeurs reflétant des mutations
plus profondes à l'oeuvre non seulement en Afrique mais dans d'autres
régions du monde : un jeu diplomatique commandé par des
intérêts régionaux et l'apparition d'une nouvelle
élite politique.
.
L'Afrique centrale, durable foyer de troubles
Renversements d'alliances, interventions étrangères dans l'ancien
Zaïre, oscillations des diplomaties régionales ... Les
récents événements en Afrique centrale ne se laissent pas
aisément décrypter.
Depuis une décennie, sur une grande partie du continent, le jeu des
alliances s'est organisé autour de deux axes principaux : d'une part, en
Afrique orientale, le clivage entre le Soudan et les ennemis du fondamentalisme
musulman, d'autre part, dans la région des grands lacs, le conflit entre
Hutus et Tutsis. Même si ces deux lignes de partage obéissent
à des ressorts distincts, elles ne sont pas demeurées
étrangères l'une à l'autre grâce au rôle pivot
joué par l'Ouganda. Le président Museveni a en effet
appuyé la rébellion chrétienne dans le sud Soudan, mais il
a également aidé les Tutsis dans la reconquête du Rwanda en
1994, après avoir obtenu leur soutien en 1987 au moment de sa prise de
pouvoir à Kampala.
La solidarité entre Kampala et Kigali, animée en particulier par
une résolution commune à lutter contre les foyers de
résistance hutue représente désormais un
élément déterminant des évolutions
régionales. Elle explique l'appui donné à
Laurent-Désiré Kabila contre le régime du maréchal
Mobutu jugé trop favorable aux Hutus puis l'aide accordée aux
rebelles congolais contre le nouveau président de la République
démocratique du Congo (RDC) au moment où celui-ci a paru
s'émanciper de ses anciens alliés et montrer une certaine
tolérance vis-à-vis des menées de l'opposition hutue sur
le territoire congolais.
La déstabilisation peut-elle gagner, au-delà de la région
des grands lacs, un cercle plus large de pays en particulier en Afrique
centrale francophone ? Tout dépendra beaucoup à cet égard
de l'activité des réseaux d'opposition hutue sur le continent et
surtout de l'éventuelle bienveillance observée par les pays
d'accueil. Un appui trop affiché pourrait leur aliéner
l'hostilité active du Rwanda et de son allié ougandais.
L'analyse des événements inspire une double observation.
.
La primauté des intérêts
régionaux
En premier lieu, le déroulement de la crise dans les grands lacs
obéit avant tout à des intérêts régionaux ;
en conséquence, les grandes puissances n'ont guère de prise ni
sur les acteurs, ni sur l'issue du conflit.
Ainsi, la crise réunit et résume les traits
caractéristiques du nouveau type de conflit de l'après-guerre
froide. Devenus maîtres de leur destin pour le pire -la guerre- les
Africains seront-ils à même d'oeuvrer, par leurs propres moyens,
pour la paix ? Il faut ardemment l'espérer.
.
L'émergence d'une nouvelle élite politique
Cette évolution laisse deviner en filigrane une seconde mutation,
l'apparition d'une
nouvelle élite politique.
Ici aussi l'Afrique
centrale apparaît comme un laboratoire car la situation de crise a
précipité l'arrivée au pouvoir d'hommes qui, à
défaut de paraître tout à fait neufs (Laurent
Désiré Kabila s'était fait connaître dans les
années soixante), avaient été tenus aux marges des cercles
dirigeants. Nombre d'entre eux, du reste, ont connu le maquis et ont pris le
pouvoir -souvent au terme de longues années de lutte armée- sans
le concours d'aucune puissance occidentale.
Au delà de cette expérience commune, ces dirigeants
présentent plusieurs points communs. En premier, lieu ils se
défient de toute forme de paternalisme occidental même s'ils sont
prêts à un dialogue sans concession avec les puissances
étrangères. Ensuite, ils se sont démarqués, dans le
domaine économique, de la phraséologie marxiste et souhaitent
développer les investissements extérieurs. Par ailleurs,
après la vague d'élections dont l'Afrique a été le
théâtre à la suite de la chute du mur de Berlin et la mise
en oeuvre de réformes institutionnelles, la pratique politique de ces
nouveaux responsables marque un net retour au
parti unique.
N'est-ce pas, en effet, à leurs yeux, le meilleur moyen de conjurer le
spectre des divisions ethniques et de forger un nationalisme dans des pays dont
les frontières héritent de l'arbitraire colonial ? Le
nationalisme
constitue en effet le point commun fondamental des nouveaux
régimes et le moyen d'asseoir leur légitimité
auprès des populations.
b) Une croissance économique maintenue en Afrique
Depuis
1995, l'Afrique subsaharienne connaît un taux de croissance annuel de
l'ordre de 4 % (contre 2 % sur la période 1993-1994). En outre, le taux
d'inflation a été ramené de 50 % à 20 % tandis que
le déficit public a diminué de moitié (4,8 % du PIB).
Certes, ce mouvement n'a pas emporté d'un même élan tous
les pays du continent. Certains, notamment en Afrique centrale, sont
demeurés plongés dans la récession. Toutefois, la tendance
générale ne fait guère de doute : elle tranche avec les
deux décennies précédentes marquées par la crise
économique et sociale mais aussi et surtout avec le cycle
récessif dans lequel les autres zones en développement -et au
premier chef, l'Asie- se trouvent enfermées.
La croissance s'explique par la conjugaison de trois facteurs principaux :
- un environnement international plus favorable au cours des dernières
années (relèvement du prix des matières premières
-café, coton, cacao-, croissance européenne et augmentation, en
particulier, de la demande de produits manufacturés textiles bon
marché) ;
- la mise en oeuvre de politiques économiques et financières plus
rigoureuses ;
- l'application -souvent à la demande des bailleurs de fonds
internationaux- de
réformes de structures
destinées
notamment à améliorer la gestion des finances publiques.
.
L'évolution particulièrement favorable des
pays de la zone franc
L'évolution des pays de la zone franc après la dévaluation
de 50 % du franc CFA en janvier 1994, souligne précisément
l'effet fructueux de ces trois éléments combinés.
En effet, la modification des parités n'aurait sans doute
présenté qu'une portée limitée sans une
réduction parallèle de l'inflation. Le gain de
compétitivité permis par la dévaluation s'est ainsi
révélé durable (au contraire, au Ghana comme au Nigeria,
le dérapage des prix intérieurs a effacé les effets
bénéfiques de la dépréciation des devises
nationales). En 1996, le taux de change effectif réel restait en retrait
de 22 % par rapport à celui des années 1984-1985 -dernière
période où le solde courant de la zone franc approchait
l'équilibre.
L'évolution des prix a en effet tiré parti de trois facteurs
distincts : la faible indexation des salaires compte tenu de la rigueur des
politiques salariales publiques et de la pression à la baisse des
revenus induite par le chômage et le secteur informel, le
relèvement modéré des tarifs publics et la progression
limitée des prix vivriers en raison des conditions climatiques
favorables dans les pays sahéliens de la zone.
Par ailleurs, la mesure de dévaluation a également
bénéficié d'un mouvement de
hausse des prix
mondiaux
pour les principaux produits agricoles exportés par les
pays de la zone franc (notamment café, cacao, coton, bois, huile de
palme).
En effet, les prix réels payés aux producteurs ont
dépassé au cours de la campagne 1995-1996 les niveaux atteints
les années passées ; ainsi par rapport à la campagne
1992/1993, la progression pour le café va de 180 % (Côte-d'Ivoire)
à 220 % (Cameroun) pour le cacao, de 10 % (Côte-d'Ivoire) à
45 % (Cameroun) et pour le coton de 10 % (Cameroun) à 30 % (Côte
d'Ivoire).
Les recettes publiques
se sont accrues en conséquence -en
Côte d'Ivoire, les taxes à l'exportation représentent
actuellement 6 % du PIB. Toutefois, les produits miniers (principalement le
pétrole) continuent de représenter 40 % des exportations des pays
de la zone et l'évolution des prix s'est, dans ce domaine,
avérée beaucoup moins favorable.
Grâce à l'augmentation des recettes mais surtout à
une
maîtrise rigoureuse des
dépenses
, les politiques
budgétaires ont permis un redressement sensible du solde primaire
(dépenses hors intérêts de la dette) entre 1993 et 1996
-plus marqué dans les pays de la Communauté économique et
monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) de - 2,6 % du PIB à 6 %-
que pour les pays de l'Union économique et monétaire de l'Afrique
de l'Ouest (UEMOA) -de - 2,9% à 1,7%-.
La
structure des dépenses s'est améliorée
: la part
des salaires a régressé (de 60 % en 1993 à 32 % en 1996)
au profit des investissements sans permettre toutefois de rattraper les retards
pris au cours des années 80 en matière d'
infrastructures
.
Cette évolution se trouve renforcée par la "recomposition
vertueuse" des importations où
la part des biens d'équipement
a progressé
(48 % des importations en provenance de la France en
1996 contre 37 % en 1997), alors même que les achats de biens de
consommation déclinaient.
Enfin, la dévaluation a permis de
rééquilibrer les
revenus entre les zones rurales et les zones urbaines
grâce au
relèvement des prix aux producteurs agricoles (cultures d'exportation et
vivrières) au moment même où les salaires dans les secteurs
privé et public tendaient, dans le meilleur des cas, à stagner
et, plus souvent, à se réduire.
La mise en place d'une politique économique adaptée a permis
ainsi de tirer le meilleur parti de la dévaluation et de poser les bases
d'une croissance équilibrée.
Cette orientation devrait se confirmer en 1998.
.
Incertitudes sur la croissance en Afrique en 1999
Dans ses prévisions sur les perspectives de l'économie mondiale,
le FMI table sur une croissance de 4,7 % en Afrique en 1999 après 3,2 %
en 1997 et 3,7 % en 1998. Pour la première fois, le continent
connaîtra une progression du PIB supérieure à la croissance
moyenne enregistrée en Afrique au cours des vingt dernières
années. Pour la première fois, surtout, il se trouve dans une
situation plus favorable que l'Asie
(6,6 % en 1997, 1,8 % en 1998, 3,9 %
en 1999)
et que l'Amérique latine
(5,1 %, 2,8 %, 2,7 %). La
faible intégration de l'Afrique dans l'économie mondiale et
surtout dans les marchés financiers est devenue un atout dans un
contexte de crise internationale ; il est d'ailleurs significatif que l'Afrique
du Sud, l'économie la plus puissante du continent, ait été
ainsi la seule à avoir pâti de la crise monétaire et de la
contraction des crédits aux pays émergents (les tensions sur les
taux de change en mai et juin derniers ont sérieusement affecté
les réserves de ce pays en devises et conduit à une hausse des
taux d'intérêt).
Par ailleurs, les cours des matières premières ont connu une
évolution contrastée. Les prix du pétrole ont ainsi perdu
plus de 20 % de leur valeur sur le premier semestre 1998 et ont atteint le
niveau le plus bas depuis 10 ans. Ainsi, au Nigeria, premier producteur de
pétrole du continent, la croissance (6,4 % en 1996) ne devrait pas
dépasser 2 % en 1998.
Quant au cours des matières premières non
énergétiques, il devrait également subir le contrecoup du
ralentissement de la demande asiatique. Ainsi, la demande de bois tropicaux
pourrait subir une contraction de 30 à 40 % cette année.
L'Asie achètera, en particulier, moins d'okoumé, une essence
utilisée dans la fabrication du contre-plaqué.
Cependant, les tendances demeurent favorables pour le cacao (+ 8 % en 1998, la
production de la Côte d'Ivoire conservant une place importante sur le
marché avec 1,1 million de tonnes prévu en 1998-1999) et pour le
coton (après les mauvaises récoltes liées à des
phénomènes climatiques et à des catastrophes naturelles
dans les principaux pays producteurs -USA, Chine, Inde).
La croissance pourrait se prolonger en Afrique, en particulier si
l'investissement et la consommation privés prenaient le relais des
exportations comme moteur du développement économique
.
Le taux d'investissement pourrait ainsi atteindre 21,5 % dans la zone franc en
1998 (15 % en 1993 et 18 % en 1995). L'inflation restera sans doute
maîtrisée (2,7 %), condition indispensable pour préserver
les gains de compétitivité.
La conjoncture économique et la désaffection à
l'égard des marchés asiatiques expliquent
l'embellie des
bourses africaines
dont les performances au cours des sept premiers mois de
l'année 1998 dépassent de 18 % celles des autres pays
émergents. La pondération des bourses africaines au sein des
portefeuilles investis dans les pays émergents est d'ailleurs
passée de 6 à 9 %. Toutefois l'Afrique du Sud, en raison de sa
forte liquidité, attire près des ¾ des placements de la
zone. L'inauguration de la bourse régionale des valeurs
mobilières, ouverte aux huit pays de l'UEMOA, à Abidjan le 16
septembre 1998 représente une chance de diversification. Les cotations
ont porté sur 12 sociétés ivoiriennes pour un total de 34
entreprises inscrites sur le marché des actions de cette institution. La
société sénégalaise de
télécommunications Sonatel, récemment privatisée,
est également cotée à la corbeille d'Abidjan depuis
octobre dernier.
c) Les manifestations de la transition démographique
Parmi
ces facteurs de mutation, il est des phénomènes de grande ampleur
et qu'une attention trop concentrée sur l'actualité
immédiate ne permet pas toujours de distinguer. La baisse progressive de
la fécondité en Afrique subsaharienne noire s'inscrit ainsi dans
un mouvement de longue durée dont les effets seront évidemment
décisifs pour l'avenir du continent.
Comme le souligne une récente étude de l'Institut national
d'études démographiques (INED)
l'indice synthétique de
fécondité a baissé de manière significative dans
plusieurs pays
: le nombre d'enfants par femme est ainsi passé entre
le début de la présente décennie de 7,9 % à 5,4 %
au Kenya, de 7,4 à 5,7 % en Côte d'Ivoire, de 6,3 à
5,8 % au Cameroun. Le mouvement s'est avéré plus précoce
et plus accusé en milieu urbain : la scolarisation et le
développement de l'économie monétaire plus poussés
dans les villes favorisent en effet l'adoption de nouveaux comportements comme
le retard du mariage et l'adoption de pratiques contraceptives.
Toutefois, compte tenu de l'inertie propre aux phénomènes
démographiques, la population d'Afrique subsaharienne (570 millions en
1995 sur 6 milliards d'habitants dans le monde) est appelée à
croître encore rapidement pendant plusieurs décennies -en effet,
elle pourrait atteindre, selon les prévisions des Nations unies, 1,8
milliard de personnes en 2 050 sur une population mondiale de 9 milliards. La
fécondité moyenne en Afrique reste encore supérieure aux
taux de l'Asie et de l'Amérique latine : 5,3 enfants par femme contre
2,6.
La situation démographique se caractérise d'ores et
déjà par le poids des jeunes âgés de 15 à 25
ans ; 1,05 milliards de personnes pour l'ensemble des pays en
développement. Aussi l'éducation et l'emploi apparaissent-ils
comme les deux défis essentiels des années à venir.
Entre 1997 et 2010, le taux de croissance annuel de la population active
devrait s'élever à 2,94 %. En conséquence, l'Afrique
devrait créer, d'ici à 2010, près de 9 millions d'emplois
par an pour répondre à cette évolution.
Le taux de
chômage officiel
a doublé en quinze ans dans les zones
urbaines et pourrait atteindre 30 % de la population active à la fin de
la décennie.
2. Le maintien de grandes fragilités
a) Le creusement des inégalités
Le
creusement des inégalités constitue l'une des manifestations les
plus préoccupantes de cette fragilité. Sans doute, comme le
souligne le rapport du Programme des Nations unies pour le développement
publié en septembre 1998, les pays en développement ont
progressé davantage sur le plan du développement humain, au cours
des trente dernières années, que le monde industrialisé
pendant le dernier siècle. Cependant, quelque 80 pays -la plupart
situés en Afrique- disposent d'un revenu par habitant inférieur
de l'ordre de 25 % au niveau atteint au début des années 80
1(
*
)
.
Les inégalités de revenus apparaissent considérables.
Ainsi, 20 % de la population consomment 86 % du total des biens et services.
Plus d'un milliard de personnes ne peuvent satisfaire, avec un revenu
inférieur à 2 dollars par jour, leurs besoins les plus
élémentaires.
Ces disparités ne peuvent que renforcer l'inégalité des
conditions d'accès aux infrastructures de base. Un quart d'habitants des
pays en développement est privé d'un logement correct, un tiers
n'a pas accès à l'eau potable. Par ailleurs, un cinquième
des enfants n'atteint pas la cinquième année de
scolarité.
b) L'extension alarmante de la pandémie du sida
L'accès aux soins
apparaît
particulièrement inégal -situation très
préoccupante au moment où l'espérance de vie
régresse dans de nombreux pays à mesure que s'étend la
pandémie du sida
. Sur les 16 000 nouveaux cas d'infection
quotidiens, 90 % surviennent dans les pays en développement. Du reste,
les deux tiers de toutes les personnes affectées par le virus vivent en
Afrique subsaharienne
2(
*
)
.
Quelque 4 000 contaminations se produisent en moyenne chaque jour dans cette
partie du monde où les taux élevés de fertilité
auraient conduit à la contamination de cinq cent mille enfants
nés de mères séropositives. En Afrique de l'Ouest, les
taux de contamination se sont stabilisés à des niveaux plus bas
qu'en Afrique australe ou orientale, malgré la situation
extrêmement préoccupante de la Côte d'Ivoire et du Nigeria
(dans ce dernier pays, 2,2 millions de personnes seraient
séropositives). Une stratégie volontariste toutefois, il importe
de le souligner, ne reste pas sans effet. Ainsi, en Ouganda, le taux de
contamination a baissé de 5 % par rapport à 1996.
B. LES NOUVEAUX ENJEUX DE L'AIDE PUBLIQUE
1. Au delà de la réduction de l'aide, un doute sur l'efficacité de la politique de développement
a) La baisse des flux financiers
Pour la
troisième année consécutive l'aide publique au
développement a baissé en 1997 -évolution
particulièrement préoccupante au moment même où les
apports de capitaux privés connaissent, après plusieurs
années fastes, en net recul.
.
La réduction des flux de capitaux privés
Après un record de 286 milliards de dollars en 1996, les apports nets de
capitaux privés n'ont pas dépassé 206 milliards de dollars
en 1997. La crise financière en Asie a en effet entraîné un
vaste mouvement de désengagement des banques dans cette région
-que n'a pas compensé une augmentation des prêts au profit de
l'Amérique latine. En 1997 les investissements directs étrangers
vers les pays en développement devraient être davantage encore
affectés par l'extension de la crise.
Le
groupe des pays à faible revenu
a reçu, en 1997, un
total de 22 milliards de dollars principalement concentrés en Chine
et en Inde. Les pays d'Afrique subsaharienne -y compris l'Afrique du Sud- n'ont
reçu que 2 milliards de dollars en investissements directs
étrangers et un montant équivalent en apports bancaires. Les
difficultés des pays les plus pauvres à attirer les flux de
capitaux privés confèrent une place primordiale à l'aide
au développement. Or celle-ci continue de baisser.
.
L'aide au développement
L'Afrique subsaharienne apparaît comme la principale
bénéficiaire de l'aide au développement avec, en moyenne,
27 dollars par habitant en aide et seulement 3 dollars par habitant en
investissements directs étrangers. Pour l'Amérique latine ces
proportions s'établissent respectivement à 13 dollars et 62
dollars.
Ainsi mise en perspective, la baisse de l'aide publique pèse surtout sur
l'économie des pays africains.
Or d'après une étude de l'OCDE,
l'aide publique au
développement
a chuté de 14,2 % en 1997 passant de 55,4
milliards de dollars à 47,6 milliards de dollars
-soit un niveau
inférieur au montant atteint en 1990 (63 milliards de dollars).
L'aide, rapportée au PIB, a ainsi été ramenée de
0,33 % en 1992 à 0,22 % en 1997, le plus bas niveau jamais atteint.
Sans doute les variations monétaires (la baisse des taux de change des
autres monnaies nationales vis-à-vis du dollar expliquent la
moitié de la réduction de l'APD) et les modifications de la liste
des pays bénéficiaires de l'aide permettent-elles de nuancer le
fort infléchissement constaté l'an passé.
Il n'en reste pas moins que la diminution des contributions des principaux
bailleurs de fonds au cours des dernières années constitue un
fait indéniable.
Ainsi l'aide publique au développement française hors territoire
d'outre-mer est passée de 8,931 milliards de francs en 1997 à
8,685 milliards de francs en 1998. Elle ne représente donc plus que 0,36
% du PIB contre 0,40 %.
Les contributions bilatérales représentent plus des trois quarts
de l'aide française. Elles se répartissent entre la
coopération technique et culturelle (45 %), le soutien financier (32 %),
l'aide à l'investissement (16 %). La part consacrée à
l'aide multilatérale (40 % de l'aide totale en 1998) connaît une
certaine
stabilité
depuis une décennie et se
concentre essentiellement sur les versements au bénéfice de la
coopération européenne (60 % de la totalité des concours
multilatéraux).
L'année 1999 devrait, malgré une diminution de l'aide
bilatérale, marquer une légère progression de l'aide
publique grâce à l'augmentation de la contribution
française au Fonds européen de développement (FED). Compte
tenu des perspectives de croissance, l'aide continuera toutefois de
représenter 0,36 % du PIB.
Même si elle stagne à un niveau assez éloigné des
objectifs affichés par le gouvernement, l'aide française se
classe au premier rang des contributions de nos partenaires du groupe des sept
pays les plus industrialisés pour l'aide rapportée au PIB, et au
second rang -derrière le Japon- pour le montant de l'aide en valeur
absolue.
L'effort des Etats-Unis s'est ainsi réduit de 35,5 % -de 9,3 milliards
de dollars à 6,1 milliards de dollars (réduction en partie
explicable par la non prise en compte de l'aide de 2,2 milliards
destinés à Israël dans la catégorie de l'APD). Il ne
représentait plus que 0,08 % du PIB américain en 1997.
Même si sa contribution a diminué de 0,9 %, le Japon reste le
premier pays donateur - 9,3 milliards de dollars contre 9,4 milliards de
dollars en 1996. Seuls quatre pays -le Danemark, la Norvège, la
Suède et les Pays-Bas- ont maintenu leur aide publique au dessus de
l'objectif fixé par l'ONU d'une aide financière de 0,7 % du
PNB.
b) Les nouvelles approches : les exemples américain et européen
La
remise en cause de l'aide au développement va toutefois bien au
delà d'une réduction des contributions des principaux bailleurs
de fonds. Elle touche aux modalités et aux fondements mêmes de
l'aide.
Au risque de passer par pertes et profits les responsabilités et les
prérogatives des Etats, les échanges commerciaux ne
constituent-ils pas le meilleur instrument du développement ?
Certes la question n'a jamais été absente du débat sur
l'aide au développement. L'ancienne apostrophe "trade not aid" comme les
polémiques liées à l'aide "liée" ou
"déliée" en témoignent. Elle apparaît toutefois au
coeur des nouvelles approches de deux acteurs importants de la vie
internationale, les Etats-Unis et l'Union européenne. A cet
égard, elle mérite une attention toute particulière.
.
Les Etats-Unis et l'Afrique
L'Afrique a incontestablement suscité un regain d'intérêt
de la part des Etats-Unis comme l'a souligné la tournée du
président Clinton en mars 1998, la première depuis 20 ans
organisée sur le continent par un chef d'Etat américain.
Toutefois, cette évolution présente une double
caractéristique :
- d'une part, l'attention de Washington apparaît
concentrée sur
quelques régions
(l'endiguement du Soudan et de la Libye au
nord-est, ainsi que sur l'Afrique du Golfe de Guinée et l'Afrique
australe, deux zones où les richesses minières constituent autant
d'enjeux commerciaux) ;
- d'autre part, ce mouvement d'intérêt ne se traduit pas par le
renforcement d'une aide publique qui, au contraire, décroît chaque
année (- 25 % sur la période 1996-1997)
3(
*
)
, mais par la multiplication
d'initiatives fondées sur l'encouragement des échanges.
Ainsi, le projet de loi sur la croissance en Afrique ("Partnership for Economic
grouth and opportunity in Africa") dont l'entrée en vigueur reste encore
subordonnée à l'approbation du Sénat, réunit sous
un cadre commun plusieurs projets antérieurs : suppression des
barrières douanières pour 1 800 produits en provenance
de l'Afrique subsaharienne (mesure contre laquelle certains secteurs
manufacturiers américains ont d'ailleurs manifesté une grande
hostilité) ; incitations à l'investissement privé, soutien
à l'intégration régionale et aux réformes
structurelles ; réduction de la dette.
Lors de son déplacement en Afrique, le président Clinton a du
reste annoncé la création de deux fonds d'investissement, le
premier (500 millions de dollars) destiné à financer la
construction d'infrastructures, le second (150 millions de dollars) permettrait
d'appuyer la création d'entreprises.
Les conditions de financement de ces initiatives apparaissent toutefois bien
incertaines. Du reste le décalage entre les effets d'annonce et un
engagement plutôt parcimonieux n'a pas échappé au
président Mandela qui n'a pas hésité, en présence
du chef d'Etat américain, à critiquer la politique d'aide au
développement des Etats-Unis.
En réalité, les orientations récentes adoptées par
les Etats-Unis sur le continent traduisent avant tout la volonté de
trouver de
nouveaux débouchés
à une économie
américaine confrontée à un important déficit de la
balance commerciale. Dans cette perspective, la confirmation de la croissance
dans plusieurs pays africains confère au continent un
intérêt certain. Les investissements se concentrent sur les
secteurs pétroliers et miniers, pour lesquels la concurrence avec les
entreprises françaises s'est d'ailleurs aiguisée. Ainsi pour le
pétrole, la société Elf-Aquitaine s'est vu contester un
marché par Amoco (Cameroun), Amerada Hers (Gabon), Oxy (Congo), Chevron
(Angola). En République démocratique du Congo, les entreprises
américaines ont rivalisé avec les Sud-Africains pour obtenir des
contrats miniers à la faveur de l'accès au pouvoir de
Laurent-Désiré Kabila. Au second plan des intérêts
stratégiques américains, l'Afrique de l'Ouest retient toutefois
l'attention dans certains domaines : la Guinée (or, diamants), le
Sénégal (or, bauxite) et la Côte d'Ivoire (nickel). Le
transport aérien et surtout les télécommunications ouvrent
par ailleurs de nouveaux et prometteurs champs d'investissement pour
l'industrie américaine.
Entre l'orientation libérale et le maintien du statu quo, existe-t-il
une voie médiane pour réformer l'aide au développement ?
Tel apparaît l'enjeu des négociations sur le nouveau partenariat
entre les Etats membres de l'Union européenne et les pays de la zone
Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) destinés à se
substituer à la convention de Lomé qui arrive à
échéance en l'an 2000.
.
Un nouveau partenariat entre l'Union européenne et les Etats ACP
Il n'est pas inutile de rappeler ici les trois traits principaux de la
convention de Lomé signée en 1975 (à la suite des
conventions de Yaoundé -1963 et 1969) : le rôle dévolu
à la
concertation
dans le cadre d'instances paritaires, la
définition d'une
coopération prévisible et durable
à travers une programmation pluriannuelle de l'aide
, une aide
fondée sur un
régime commercial très avantageux
(liberté d'accès au marché européen sans obligation
de réciprocité pour la quasi totalité des exportations),
ainsi que sur des mécanismes de stabilisation de recettes à
l'exportation et une contribution financière (13,3 milliards
d'écus pour la période 1995-2000 principalement accordés
sous la forme de
dons
)
.
Comme votre rapporteur a déjà eu l'occasion de le rappeler, les
concours communautaires (au total 10 % environ de l'aide publique au
développement) ont revêtu une importance essentielle à
double titre : d'une part ils ont permis à de nombreux projets de se
concrétiser en Afrique et ailleurs ;d'autre part, ils ont
contribué à maintenir des liens privilégiés
tissés par l'histoire et à préserver ainsi l'influence de
la diplomatie européenne.
Force toutefois est de constater le bilan plutôt décevant de
l'aide européenne. La part de l'Afrique subsaharienne dans le commerce
mondial ne dépasse pas 2 %. En outre, les pays ACP ne sont pas vraiment
parvenus à diversifier leurs exportations concentrées encore
à hauteur de 80 % sur les produits primaires.
Par ailleurs, si l'Europe représente 40 % des recettes d'exportations de
la zone ACP, les parts de marché des pays ACP n'ont cessé de se
dégrader au cours des dernières décennies (de 6,7 % en
1986 à 2,8 % en 1994). Au moment même, par un singulier paradoxe,
les exportations des Etats au développement extérieurs à
la zone ACP progressaient davantage que les ventes des Etats ACP (+ 13 % contre
+ 5,7 % sur la période 1986-1992).
Comment expliquer la modestie des résultats d'une aide pourtant
conséquente ?
En premier lieu, le ressort décisif de la croissance reste la
stabilité de l'environnement politique et social et la rigueur de la
gestion. En la matière, l'aide publique ne constitue pas un substitut
aux responsabilités des dirigeants.
Ensuite, l'impact des préférences commerciales accordé par
la Communauté s'est érodé en raison de la
libéralisation des échanges organisée dans le cadre du
GATT d'abord et de l'Organisation mondiale du commerce
(OMC) depuis 1995.
Cependant les
faiblesses inhérentes au dispositif européen
ne peuvent être ignorées : complexité des procédures
d'aide mises en oeuvre, absence d'une vision d'ensemble des problèmes de
développement... En outre, comme l'a souligné une mission de
réflexion conduite à l'initiative du ministre de l'Economie, des
finances et de l'industrie sur l'avenir de la convention de Lomé, la
coopération n'a pas exercé d'effet stimulant sur les
comportements d'investissement productif et de commercialisation. L'orientation
même d'une aide attribuée de façon trop uniforme justifie
ainsi une révision.
Le mandat confié à la Commission
dans le cadre des
négociations ouvertes le 30 septembre 1999 retient quatre grandes
priorités :
- le renforcement du
dialogue politique
- la stimulation de la
croissance
(à travers trois axes d'appui
-soutien aux facteurs de croissance, au développement du secteur
privé, de la compétitivité et de l'emploi, à la
promotion de la coopération régionale)
- la
simplification de l'aide
(création de deux enveloppes, l'une
consacrée aux aides non remboursables gérée par la
Commission, l'autre placée sous le contrôle de la Banque
européenne d'investissement ; mise en place d'une programmation
glissante destinée à donner aux pays qui auront respecté
leurs engagements, un appui supplémentaire)
- une
modification radicale du régime commercial
(période
de transition de cinq ans -2000/2005- pendant laquelle les
préférences non réciproques actuelles seront maintenues,
accords de libéralisation progressive des échanges conclus entre
l'Union européenne et des sous-ensembles ACP.
Ces éléments constituent seulement une base pour les discussions
à venir. D'ores et déjà, ils fixent des
références auxquelles votre rapporteur attache la plus grande
importance :
- le
maintien de la spécificité de nos liens avec la zone
ACP
alors même que certains de nos partenaires européens
défendaient le principe d'une extension de la couverture
géographique de la convention à l'ensemble des pays les moins
avancés (PMA)
- la sauvegarde de la
variété des interventions de la
communauté
dans les pays ACP et notamment la compensation des pertes
à l'exportation des produits de base (reconduite selon des
modalités nouvelles mais tenant compte de la dépendance de
certains pays ACP à l'égard des aléas affectant les
secteurs agricoles et miniers)
- la mise en oeuvre d'une
transition progressive
vers un régime
commercial compatible avec les règles de l'OMC au moment même
où plusieurs pays européens prônaient une mise en
conformité beaucoup plus rapide ; le statu quo observé pendant
une période de cinq ans -pour lequel d'ailleurs une dérogation
devra de nouveau être obtenue auprès de l'OMC- permettra de
prendre en compte la fragilité des économies de la zone ACP ; par
ailleurs la mise en oeuvre des accords de libre échange s'étendra
à compter de 2005 sur une
période allant de 10 à 15
ans
.
La France a par ailleurs obtenu, dans le cadre du mandat confié à
la Commission, le maintien des protocoles sur le sucre, la banane et la viande
bovine dans la perspective d'un examen ultérieur à la
lumière de la mise en place de zones de libre échange UE-ACP.
Enfin la priorité accordée par notre pays à
l'intégration régionale
a été justement
reconnue.
Votre rapporteur appellera l'attention sur deux points qui lui paraissent
fondamentaux :
- l'effort demandé aux pays de la zone ACP dans le cadre de la mise en
oeuvre du libre échange requerra en contrepartie un
soutien financier
sans faille des Quinze
à un moment où les ressources
communautaires seront déjà extrêmement sollicitées
par l'élargissement de l'Union
- si le libre échange doit constituer un objectif, l'ampleur des
ajustements nécessaires suppose une
grande souplesse dans la mise en
oeuvre
(calendrier et produits concernés).
En outre la logique libérale ne peut prévaloir pour tous les
pays, en particulier -l'on songe par exemple à la zone
sahélienne- pour ceux dont les économies trop fragiles ne
résisteraient pas à l'ouverture des frontières. Aussi,
pour votre rapporteur, il est nécessaire de prévoir pour les pays
les moins avancés (PMA), le maintien de
manière durable
du
régime de préférences asymétriques selon le
modèle fixé par la convention de Lomé.
Le lien commerce-développement n'a de pertinence que s'il s'inscrit dans
le cadre d'une
solidarité préservée
. Les
orientations tracées par l'Union européenne ouvrent la voie.
Quels peuvent être à l'échelle de la communauté
internationale les moyens nécessaires pour réaffirmer cette
solidarité sur des principes rénovés ?
2. La nécessité d'un équilibre
a) Une double priorité : la dette et le commerce
.
La promotion du commerce des pays les moins avancés
En octobre 1997, l'OMC a adopté un programme destiné à
aider les pays les moins avancés à
accroître leurs
capacités commerciales
. Dans ce cadre, cinq axes principaux ont
été retenus : l'accroissement des capacités d'exportation
à travers l'augmentation de l'investissement dans les secteurs
productifs, le développement des services de soutien au commerce
(utilisation des technologies de l'information), la mise en place d'un cadre
favorable aux échanges (modernisation des services douaniers), la
formation humaine, la création d'un régime juridique propice au
commerce et à l'investissement.
En 1998, l'OMC, la CNUCED et le centre du commerce international ont
lancé un
Fonds d'affectation spécial commun
pour appuyer
la mise en oeuvre d'un programme intégré d'assistance technique.
Ce programme doté de 10 millions de dollars a pour vocation d'aider les
pays africains à participer plus activement au commerce mondial et
à améliorer la compétitivité de leurs exportations.
Par ailleurs, à Birmingham, en mai dernier, les pays membres du G8 (le
groupe des sept pays les plus industrialisés auquel s'est jointe la
Russie) a souhaité étudier la suppression du système de
l'aide liée. A cette fin, mission est donnée au comité
d'aide au développement de l'OCDE d'élaborer "une recommandation
sur le déliement de l'aide aux pays les moins avancés" pour 1999.
Sans doute faut-il se réjouir, dans ce domaine, d'une
approche
multilatérale
: un déliement de l'aide conduit de
manière unilatérale ne pourrait qu'affecter négativement
les exportations des pays qui en prendraient l'initiative.
Cependant, il ne faut pas l'oublier, la légitimité de l'aide
repose aussi aux yeux de l'opinion publique, sur
l' "effet retour" pour
les entreprises et l'emploi des pays contributeurs
.
.
Le poids de la dette
Malgré les efforts consentis par la communauté internationale, la
charge de la dette continue de peser lourdement sur le développement des
pays du Sud. La dette extérieure de l'Afrique s'élève
ainsi à 315 milliards de dollars à la fin de l'année 1997.
Dans le cadre de l'initiative sur la dette des pays les plus pauvres et les
plus endettés, les pays créanciers du Club de Paris se sont mis
d'accord sur les "termes de Lyon" (les décisions arrêtées
lors du sommet du G7 à Lyon en 1997) qui portent le taux d'annulation de
la dette jusqu'à 80 % pour les pays qui ont mis en oeuvre de
façon continue et satisfaisante une politique d'ajustement et qui ont
besoin, par ailleurs, d'un traitement exceptionnel de leur dette afin de
ramener celle-ci à un niveau supportable.
Ce nouveau traitement appliqué en 1998 au Mozambique, à l'Ouganda
et à la Côte d'Ivoire présente une double
caractéristique :
- pour la dette subventionnée, un rééchelonnement sur 40
ans dont 16 ans de grâce ;
- pour la dette accordée aux conditions du marché,
réduction de 80 % avec remboursement sur 23 ans dont 6 ans de
grâce dans l'hypothèse où l'Etat concerné opte pour
une réduction du capital de la dette, et rééchelonnement
sur 40 ans dont 8 ans de grâce si l'Etat opte pour une réduction
du service de la dette.
b) Une réorganisation du système international ?
Au-delà des réformes centrées sur deux
axes
-endettement, commerce- l'extension de la crise financière a
également souligné la nécessité d'une organisation
plus efficace des relations économiques internationales. Sans doute
l'heure n'est-elle pas encore aux réalisations concrètes mais
à la réflexion et au débat. A titre d'exemple, la CNUCED,
soucieuse de protéger les pays émergents contre les risques de la
spéculation, a suggéré la mise en place à
l'échelle des mouvements de capitaux d'un système de sauvegarde
comparable au dispositif admis par l'OMC en matière d'échanges
commerciaux. Les pays débiteurs dont la monnaie est attaquée
pourraient ainsi décider d'appliquer unilatéralement un moratoire
sur la dette lorsque leurs réserves ou leurs monnaies tombent
en-deçà d'un seuil jugé alarmant. La décision
serait ensuite soumise à un comité indépendant pour
approbation.
D'après la CNUCED, une telle méthode permettrait de limiter les
concours demandés au FMI. Ce n'est là qu'une piste possible parmi
bien d'autres. La nécessité d'ouvrir un vaste chantier de
réflexion ne fait en tout cas guère de doute.