D. QUELQUES INTERROGATIONS SUR CERTAINS ASPECTS DES CRÉDITS DESTINÉS À L'IMMOBILIER
Les
crédits du titre V, affectés aux acquisitions, constructions,
restaurations et aménagements des immeubles diplomatiques, consulaires
et culturels retrouveront, en 1999, un niveau égal à celui que
prévoyait la loi de finances initiale de 1997, soit
251 millions
de francs hors coopération (278,05 millions de francs, rue Monsieur
incluse).
L'essentiel de cette dotation est destinée aux services à
l'étranger
:
- services diplomatiques et consulaires : 190,5 millions de francs,
- établissements d'enseignement : 25 millions de francs,
- instituts et centres culturels : 20 millions de francs,
- services de coopération au développement : 8,5 millions de
francs.
Services de coopération compris, les
crédits affectés
aux services à l'étranger
s'élèveront donc en
1999 à 244 millions de francs (235,5 millions de francs hors
coopération), ce qui représente
87,7 % du titre V du
Ministère des affaires étrangères
rénové.
La politique immobilière du Ministère des affaires
étrangères fait actuellement l'objet d'une réflexion fort
opportune, susceptible de conduire à un
meilleur suivi des
coûts
, et à un
effort de transparence
. A cet effet, le
Ministre des affaires étrangères présidera lui-même
les principales séances du comité de politique
immobilière, au sein duquel seront évoqués les
problèmes d'investissement immobilier. Une réunion du
comité de management, qui désormais suit la gestion du
Département, a ainsi été consacrée, le
9 septembre 1998, sous la présidence du ministre, aux dossiers
d'investissement immobilier en cours.
Le titre V du Quai d'Orsay est caractérisé par :
- des
opérations immobilières de prestige
engageant des
budgets particulièrement importants, et dont la rigidité
obère le financement de projets certes moins coûteux mais
indispensables,
- et
des opérations moins exceptionnelles
(réaménagement de locaux, constructions d'ambassades et de
résidences) dont le coût paraît cependant
élevé.
.
Sur le premier point, le titre V du Ministère des affaires
étrangères est voué à subir le contrecoup du
poids budgétaire des grands projets immobiliers fondés sur des
symboles
au coût particulièrement élevé.
Ainsi le devis relatif à l'ambassade de France à
Berlin
(
325 millions de francs
) pourrait être motivé par des
contraintes techniques fortes, par le coût du terrain, situé dans
le quartier le plus prestigieux de la nouvelle capitale allemande, et par la
superficie des locaux (20 000 m
2
de surfaces totales de
plancher, 9 000
m
2
utiles). On peut toutefois se
demander, comme votre rapporteur le suggérait au début du
présent rapport, si les progrès de la construction
européenne ne justifieraient pas, au contraire, la contraction du format
de nos implantations diplomatiques et commerciales dans ces pays. Il n'est, en
effet, pas exclu que notre ambassade en Allemagne soit surdimensionnée
au regard de ce que pourraient être à l'avenir nos ambassades dans
les pays de l'Union.
On peut aussi se demander si la qualité des
relations franco-allemandes dépend réellement des locaux de notre
chancellerie...
Dans le même esprit, le coût de la nouvelle ambassade de France
à
Pékin
devrait
s'élever à
320
millions de francs
, dont
80 millions de francs pour le seul
terrain
. Le projet comporte la construction de l'ambassade, de la
résidence, d'un établissement scolaire pour 800
élèves et de quelques logements, la superficie totale
étant de 16 500 m
2
utiles. Certes, le budget du
Ministère des affaires étrangères doit tenir compte du
poids très important de la Chine parmi nos partenaires internationaux.
Mais est-il établi que nos parts du marché chinois sont
liées aux moyens investis dans les locaux de notre ambassade à
Pékin ?
Une remarque similaire vaut pour notre ambassade au
Liban
. La
réhabilitation de la
Résidence des Pins
, motivée
par des raisons symboliques bien connues, se traduira par un coût de
quelque 60 millions de francs. A cette facture substantielle s'ajoute le
devis du transfert des services de l'ambassade sur le site de l'Espace des
lettres, qui s'élèverait à 65 millions de francs. Au
total, le coût de réimplantation de l'ambassade de France à
Beyrouth
(ainsi que le consulat général et le poste
d'expansion économique) s'élèvera à un budget
considérable de quelque
125 millions de francs
, qui conduit
à
s'interroger sur le bilan coût-avantage
d'un tel choix.
.
Le coût de certaines
réalisations immobilières
moins exceptionnelles
paraît, lui aussi, très
élevé.
- 17,5 millions de francs seront affectés à la
rénovation
de l'
institut culturel d'Istanbul
(salle de
spectacle, consulat général, institut culturel), qui a
commencé en 1997.
- De même, le coût de l'
aménagement du centre
d'information sur la France contemporaine
à
Mexico
(20 millions de francs) paraît considérable.
- Deux décisions concernant la seule
reconstruction
(hors prix du
terrain)
d'ambassades de France
en Afrique (l'une à
Kigali
pour 16 millions de francs et l'autre à
Kampala
pour
28 millions de francs) suscitent quelques interrogations. Encore le devis
relatif à l'ambassade de France à Kampala a-t-il
été minoré, d'après les informations transmises
à votre rapporteur, par l'utilisation de matériaux locaux
permettant d'éviter de coûteuses importations. Quant au devis de
la reconstruction de l'ambassade de France au Rwanda, il serait justifié
par les contraintes techniques dues à la forte déclivité
du terrain.
On peut espérer que ces dépenses ont été
engagées au terme d'une véritable
réflexion sur
l'évolution de notre réseau diplomatique en Afrique
. Ainsi la
décision tendant à réouvrir, en 1999, l'ambassade de
France à
Kingston
(Jamaïque), fermée en 1996,
conduit-elle à se demander s'il convient de
financer la
reconstruction d'ambassades qui risquent d'être fermées à
brève échéance.
- De même, peut-on s'interroger sur le coût du transfert de notre
ambassade de Lagos à
Abuja, la nouvelle capitale du Nigeria
. Le
devis s'élèverait à
100 millions de francs
,
résidence comprise. Ce projet communautaire, coordonné par la
Commission, illustre les difficultés causées par la lenteur des
prises de décision quant les intérêts d'un aussi grand
nombre de pays doivent être conciliés.
- Enfin, le budget consacré au réaménagement (hors
acquisition) de l'
ambassade de France à Vilnius
(23,7 millions de francs) serait justifié, selon les
informations transmises à votre rapporteur, par la
nécessité de "posséder à Vilnius un instrument de
travail adapté" : chancellerie diplomatique et consulaire, espaces de
réception, poste d'expansion économique, et trois logements. La
décision d'établir la résidence en dehors de la ville a
permis d'alléger le devis par rapport au projet initial, qui comportait
une résidence en centre-ville. L'importance du budget prévu
à Vilnius s'expliquerait par d'importantes contraintes liées :
- à la situation de l'opération en secteur sauvegardé
(centre ville, monument historique),
- à la nécessité d'importer la plupart des
matériaux et produits,
- à la nécessité de faire appel à des entreprises
françaises pour la plupart des travaux, seuls les raccordements aux
réseaux publics (eau, électricité,
téléphone...) ayant pu être confiés aux entreprises
locales.
Le
montant particulièrement élevé de certaines
opérations immobilières
financées par le Quai d'Orsay
serait donc justifié par le
recours à des entreprises
françaises.
Cette formule, en effet, conduit à appliquer
à l'étranger des
tarifs au mètre carré
équivalents à ce que coûteraient les mêmes
opérations en France
.
.
Votre rapporteur n'estime pas trop élevée la dotation
consacrée au titre V du Ministère des affaires
étrangères. Celui-ci possède, en effet, un
patrimoine
immobilier dont le prestige de la France impose un entretien rigoureux et
digne
. De surcroît, la
sécurité
des postes
diplomatiques et consulaires doit faire l'objet d'une attention
particulière, et bénéficier de moyens appropriés.
.
Mais votre rapporteur demeure persuadé qu'
une meilleure
allocation des crédits au sein du titre V devrait imposer une attention
plus grande aux établissements d'enseignement et aux alliances
françaises, dont l'état parfois précaire affecte, lui
aussi, le rayonnement et le prestige de la France.
La même
réflexion vaut pour les locaux de trop nombreux
consulats
,
inadaptés au nombre de demandeurs de visas, et dont la salle d'attente
se situe trop souvent dans la rue, ce qui nuit considérablement à
l'image de notre pays. Il est difficilement admissible que le financement de
projets de prestige conduise à décaler dans le temps la mise en
oeuvre de travaux parfois indispensables à la
sécurité
des élèves des écoles
françaises, voire à la conservation même de certains
bâtiments.
.
L'application des
instructions données par le ministre des
affaires étrangères à la suite du comité de
management du 9 septembre 1998
doit donc être suivie avec
intérêt. Ces instructions visent, en effet, pour l'essentiel :
- à renforcer l'
encadrement financier des investissements
en
procédant à des financements "sous enveloppe",
- à mettre en place, au cas par cas, des dispositifs spécifiques
de
suivi des grands chantiers d'ambassade
,
- à classer les projets d'investissement en fonction de leur
degré de priorité
,
- à
diversifier la composition des jurys par les principaux concours
d'architecture
, afin d'ouvrir ces jurys à une plus grande
variété de représentants de l'administration et des
métiers professionnels,
- et à
élargir le recrutement et le profil des agents du
service de l'équipement.
Votre rapporteur
souscrit à ces différentes orientations
,
tout en déplorant que l'inertie propre aux investissements immobiliers
empêche probablement de constater rapidement les effets de cette gestion
rigoureuse.