IV. LES PROJETS EN COURS AU NIVEAUX NATIONAL ET COMMUNAUTAIRE
S'appliquant à un cadre général
d'aménagement du territoire, la politique concernant l'espace rural se
réfère à un tissu économique et social où
agriculture, industries agro-alimentaires, sylviculture et industries du bois,
commerce, artisanat, services, petites et moyennes entreprises constituent les
activités principales. Elle vise à permettre un
développement durable des activités qui sont en mesure de
garantir le maintien de la vie économique en milieu rural, à
encourager l'exercice d'activités complémentaires ou nouvelles,
et à assurer la préservation et la mise en valeur du patrimoine
naturel et bâti.
En termes d'actions, la prise en compte des besoins spécifiques de
l'espace rural s'appuie sur plusieurs politiques sectorielles ; elle exige
une programmation cohérente reposant sur des partenariats qui ne peuvent
se manifester et se développer qu'a des échelles territoriales
adaptées.
La recherche d'un meilleur équilibre de l'aménagement du
territoire au profit des espaces ruraux, du rural profond au rural
périurbain, nécessite la mise en oeuvre de solidarités
nationales et européennes.
Sur ce thème, votre rapporteur pour avis tient à souligner le
remarquable rapport de notre collègue
Gérard Larcher
2(
*
)
sur la gestion des espaces
périurbains, et à rappeler les principales propositions de ce
rapport :
- créer un nouveau label : " les terroirs urbains et
paysagers " pour valoriser une volonté politique ;
- édicter des directives territoriales d'aménagement ;
- relancer l'élaboration de schémas directeurs cantonaux ou
d'agglomération ;
- renforcer la stabilité des plans d'occupation des sols ;
- développer le rôle des SAFER dans la lutte contre les
friches et maintenir l'agriculture de façon volontariste ;
- lutter contre l'enrichissement sans cause issu de la vente de terres
agricoles ;
- développer les politiques foncières des
collectivités locales ;
- accroître la stabilité des exploitations agricoles pour
conforter leur vocation économique ;
- créer des établissements publics environnementaux
régionaux.
Les projets de loi en cours d'élaboration ou d'examen, ainsi que la
réforme de la PAC et des fonds structurels concernent au premier chef
l'aménagement rural.
A. AU NIVEAU NATIONAL
1. Le projet de loi d'orientation agricole
Composé de plus de 60 articles, ce texte a pour
ambition, d'une part, de redéfinir les objectifs de la politique
agricole française en consacrant ses fonctions économique,
sociale et environnementale dans le cadre d'un développement durable et
équilibré et, d'autre part, de mettre en oeuvre " des moyens
modernes de gestion de l'intervention publique ".
Il fait suite au projet de loi
3(
*
)
présenté par le
précédent ministre de l'agriculture, M. Philippe Vasseur,
qui souhaitait doter l'agriculture française, pour les vingt prochaines
années, des instruments appropriés pour répondre aux
défis du XXIème siècle en établissant un
nouveau " pacte entre la Nation et ses paysans ".
Le Président de la République avait annoncé, lors du
cinquantenaire de la FNSEA le 14 mars 1996, l'élaboration d'un
projet de loi d'orientation agricole.
Le 19 juin 1997, M. Lionel Jospin, Premier Ministre, avait
souhaité, dans son discours de politique générale,
conduire les travaux nécessaires à l'élaboration d'une loi
d'orientation. M. Louis Le Pensec avait d'ailleurs, à cette
époque, exprimé " son souhait de valoriser le travail
réalisé par les organisations professionnelles, s'inscrivant
ainsi dans une certaine continuité ". Ce texte a été
soumis à concertation avec les professionnels depuis le mois de
septembre 1997. Une chose est en effet d'exposer les indispensables
évolutions de la politique agricole qu'imposent les modifications
profondes de l'environnement international et communautaire, une autre chose
est de leur trouver une traduction législative.
Ayant présenté son avant-projet en janvier 1998, le
Gouvernement a transmis pour avis ce texte au Conseil économique et
social, qui s'est prononcé le 27 mai dernier sur le rapport de
Mme Christiane Lambert. La Commission de la Production et des Echanges a
examiné ce projet de loi en juillet dernier
4(
*
)
. L'Assemblée nationale en a
débattu en octobre.
La Commission des affaires économiques procède actuellement
à des auditions sur ce texte, qui devrait être examiné dans
les semaines à venir par votre Haute Assemblée.
2. Le projet de loi d'aménagement du territoire
Ce texte
a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée
nationale le 29 juillet dernier.
Ayant pour ambition
" de permettre à la France d'être
compétitive dans l'Europe de demain tout en préservant sa
cohésion sociale "
, ce projet de loi marque certaines ruptures
par rapport aux politiques d'aménagement du territoire
précédentes, comme le laissait supposer le CIADT de
décembre 1997.
Saisis de cet avant-projet de loi, les membres du Conseil économique et
social (CES) ont fait part de leurs réserves à Mme Dominique
Voynet au début du mois de juillet dernier.
M. Jean-Claude Bury, membre de la section des économies
régionales et de l'aménagement du territoire et rapporteur de
l'avis, s'est félicité des trois objectifs fondamentaux
assignés à la politique d'aménagement du territoire :
assurer la cohésion économique et sociale, prendre en compte la
qualité de l'environnement et mobiliser toutes les composantes. Mais il
a regretté le " manque de souffle du texte ". Il a
estimé dommageable, notamment que l'avant-projet privilégie
"
l'existant au détriment d'une réflexion sur le contenu
d'une offre renouvelée en fonction de l'évolution des
besoins
". En outre, le CES indique que "
dans un souci de
préservation de l'environnement, certes légitime, l'avant-projet
de loi ne met pas assez l'accent sur le développement économique
et la croissance, nécessaires pour créer massivement des
emplois ".
Le Conseil souligne également la
nécessité d'insister sur "
la péréquation
financière, indispensable au rééquilibrage entre les
régions et entre les territoires
".
Le volet financier du texte est qualifié, en outre, "
d'allusif
et donc imprécis "
. "
Des équipements et des
infrastructures, mais aussi des aides à l'ingénierie et à
la mise en oeuvre des projets de développement restent en effet
nécessaires, particulièrement dans les territoires les plus
défavorisés qui n'ont pas les moyens d'assurer seuls leur
financement
", souligne l'avis.
Le CES critique enfin la suppression du "
schéma national
d'aménagement et de développement du territoire "
, une
disposition majeure de la loi Pasqua qui devait constituer un vaste cadre de la
politique d'aménagement du territoire.
Mais, d'une manière générale, le Conseil regrette que ne
soit plus affirmé avec une force suffisante le rôle de l'Etat,
garant du rééquilibrage des régions. La
référence au cadre européen n'apparaît pas non plus
assez explicite, conclut l'avis du CES.
Composé de 36 articles, le projet de loi apporte une profonde
révision de la loi de février 1995.
Les priorités énoncées sont au nombre de quatre : un
développement régional durable organisé autour du fait
urbain et résolument ouvert sur l'international ; une organisation
solidaire des territoires, construite sur des logiques de partenariat ; la
préservation du cadre de vie (villes " à
l'européenne ", auxquelles les Français sont fortement
attachés, et qualité des campagnes) ; l'association des
Français aux buts poursuivis par la puissance publique, car, selon
Mme Dominique Voynet, jusqu'à maintenant l'aménagement
reste "
une abstraction pour nombre de citoyens "
.
La clé de voûte du nouvel édifice législatif sera
formée de huit éléments, correspondant à autant de
schémas de service collectif, que vont élaborer les
ministères et qui feront ensuite l'objet d'une confrontation avec les
programmes mis au point par chacun des 26 conseils régionaux de
métropole et d'outre-mer. Ils concerneront l'enseignement
supérieur et la recherche, la culture, la santé (en dépit
d'une remarque du Conseil d'Etat, qui a estimé qu'on pouvait s'en passer
puisqu'il existe déjà des schémas régionaux
d'organisation sanitaire et sociale en vertu de la loi hospitalière de
1991), l'information et la communication, les transports de voyageurs et de
marchandises, l'énergie, les espaces naturels et ruraux.
Le schéma national de la loi Pasqua est abandonné et
remplacé par ces documents sectoriels qui devront être
approuvés par décret avant la fin 1999.
La loi consacre officiellement les " pays " dont les préfets
arrêteront les périmètres, et ouvre la voie à la
constitution de contrats d'agglomération, qui pourront inciter à
la création d'établissements publics fonciers. Mais ce point
devra faire l'objet d'ajustements avec la future loi sur
l'intercommunalité.
La seule disposition financière de la loi est la création d'un
fonds de gestion des milieux naturels, destiné à faire
contrepoids au fonds de gestion de l'espace rural qui n'est doté d'aucun
crédit dans le projet de loi de finances pour 1999.
Au vu de ce texte, votre rapporteur pour avis s'interroge sur plusieurs
points :
- il s'étonne, tout d'abord, qu'après un an de
réflexion, le Gouvernement présente un texte aussi
dépourvu d'ambition ;
- il regrette que l'essentiel de ce texte soit surtout de
rééquilibrer le développement de la France en faveur des
zones urbaines faisant ainsi " l'impasse " sur l'espace rural qui
couvre pourtant 80 % du territoire ;
- il considère que ce texte, en évoquant seulement les
espaces naturels fossilisés, d'où l'on exclut toute
présence humaine, génère une France à deux
vitesses, avec l'expansion démesurée des zones urbaines et
l'acceptation d'un processus de dévitalisation du monde rural ;
- il estime que l'abandon du schéma national d'aménagement
provoque un " manque de cohérence des territoires et de
solidarité entre régions " ;
- il regrette que la notion d'aménagement et de
développement du territoire disparaisse au profit d'une vision purement
environnementale, ignorant toute dimension économique du
développement ;
- il se demande comment ce texte pourra s'articuler avec le contrat
territorial d'exploitation proposé dans le projet de loi d'orientation
agricole.
3. La préparation d'une " nouvelle génération " de contrats de plan
La
préparation des prochains contrats de plan Etat-régions va
bientôt entrer dans une phase très active.
M. Jacques Chérèque, ancien ministre, a remis un
rapport à ce sujet à Mme Dominique Voynet. Le dossier
va faire l'objet de nombreuses réunions interministérielles afin
que les préfets de région puissent recevoir un " mandat de
négociations " dès la fin de l'année ou, au plus
tard, début 1999. En 1999, l'Etat et les régions (ainsi que les
autres collectivités concernées) vont négocier, finaliser
et signer ces fameux contrats de plan qui devraient courir sur six ou sept ans
maximum, afin d'être en phase avec la planification européenne
(2000-2005 ou 2006).
Le montant global des 26 contrats de plan Etat-régions
(4 concernant les DOM)
" devrait être de l'ordre de
300 milliards de francs, l'Etat en prenant à sa charge environ le
tiers, les régions et les collectivités territoriales un autre
tiers, le dernier tiers étant abondé par l'Union
européenne "
.
A la différence des contrats de plan en cours (1994-1999), l'accent
devrait être mis davantage sur le développement que sur
l'équipement. En outre, M. Jean-Louis Guigou,
délégué à l'aménagement du territoire et
à l'action rurale, a évoqué l'idée de contrats
à deux étages : " précis " sur une
période de trois ans, et sous forme d'autorisations de programmes
pour le reste.
Signalons par ailleurs l'élaboration dans les mois à venir d'un
projet de loi sur la forêt annoncé par M. Louis Le Pensec
à la suite du rapport de M. Jean-Louis Bianco.
Votre Commission des affaires économiques suivra avec attention
l'évolution de ce dossier.
B. AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE
1. Un projet d'aménagement du territoire communautaire
Au mois
de juin dernier, les ministres de l'aménagement du territoire des Etats
membres ont entériné les 87 pages du " Schéma de
développement de l'espace communautaire " (SDEC).
Ce document examine les grandes tendances démographiques,
environnementales et économiques de l'Union européenne.
M. Richard Caborn, ministre britannique en charge des régions,
de la régénération et de l'aménagement du
territoire a estimé que ce texte pouvait rapprocher les Gouvernements
des citoyens. Jugeant essentiel de garder à l'esprit que l'on s'adresse
au citoyen d'Europe, il a dit espérer que les Etats membres
s'entraideront ainsi par l'échange d'expériences. Le ministre a
noté que le SDEC traitait des vrais problèmes tels que
l'amélioration des transports en Europe, l'équilibre des
intérêts ruraux et urbains et l'utilisation des nouvelles
technologies pour atteindre les régions pauvres ou
périphériques. Il a estimé qu'il ne fallait pas perdre de
vue les résultats concrets que pouvait donner le SDEC pour tous ceux qui
oeuvraient pour un futur aménagement du territoire au niveau de toute
l'Europe.
Le SDEC est un document intergouvernemental non contraignant destiné
être le cadre dans lequel les autorités nationales et
régionales peuvent concevoir leurs politiques d'aménagement du
territoire en vue d'un développement durable et d'une cohésion
économique et sociale. Il vise aussi à encourager la
coopération transfrontalière et, le cas échéant,
des approches transnationales de la planification et du développement.
L'ensemble de l'initiative ne devrait être formellement adoptée
que lorsqu'elle comprendra des mesures détaillées,
c'est-à-dire lors du premier semestre 1999, sous la
présidence allemande.
2. Les mesures préconisées en matière de développement rural
Rappelons que les propositions de la Commission
européenne
dans le domaine du développement rural sont liées à celles
concernant la politique de cohésion. Une profonde réforme de
cette dernière est prévue. Les objectifs des fonds structurels
seraient ramenés à trois : l'objectif 1, concernant les
régions en retard de développement (PIB/habitant inférieur
à 75 % de la moyenne communautaire), un nouvel objectif 2,
concernant les zones en reconversion économique et sociale quelles que
soient leurs caractéristiques, et un nouvel objectif 3, sans
critère régional, portant sur le développement des
ressources humaines. Les " initiatives communautaires "
(gérées par la Commission elle-même) seraient
concentrées sur trois domaines : le développement rural, la
coopération transfrontalière et l'action contre les
discriminations dans l'accès au marché du travail. Le fonds de
cohésion serait maintenu. Un " instrument structurel de
pré-adhésion " (ISPA) serait par ailleurs créé
au bénéfice des PECO candidats à l'adhésion,
préfiguration d'un fonds de cohésion pour ces pays ; l'action de
l'ISPA s'ajouterait à celle menée au titre du programme PHARE,
ainsi qu'aux aides agricoles de pré-adhésion.
C'est en fonction de ce nouveau cadre que la Commission a
présenté, sous forme d'un projet de règlement unique, ses
propositions concernant le développement rural, qu'elle considère
comme un volet particulièrement important de la réforme, dans la
mesure où elles tendent à élargir sensiblement le champ
des actions possibles et à en modifier les modalités de
financement.
Les diverses mesures pouvant être financées au titre du
développement rural seraient les suivantes :
- soutien aux investissements dans les exploitations, dans la limite de
montants maximaux fixés par les Etats membres ;
- aides à l'installation des jeunes agriculteurs ;
- actions de formation professionnelle ;
- soutien à la cessation anticipée de l'activité agricole
(préretraite) à partir de l'âge de 55 ans (dans la limite
de 15 000 écus par exploitant et de
3 500 écus par travailleur) ;
- octroi d'indemnités compensatoires dans les zones
défavorisées, pour un montant compris entre 40 et 200
écus/hectare ;
- soutien aux méthodes de production conçues pour protéger
l'environnement et préserver l'espace naturel, dans la limite de
montants maximaux modulés en fonction de la zone d'implantation de
l'exploitation (ces montants maximaux seraient de 600 écus/hectare pour
les cultures annuelles, de 900 écus/hectare pour les cultures
pérennes spécialisées, et de 450 écus/hectare
pour les autres utilisations des terres) ;
- aides aux investissements destinés à améliorer les
conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles ;
- soutien à la sylviculture (par l'octroi de primes au boisement des
terres agricoles, dans la limite de 600 écus/hectare pour les
exploitants ou groupements d'exploitants, cette limite étant
abaissée à 150 écus/hectare pour les autres personnes
de droit privé ; par l'attribution d'aides directes à la
préservation des forêts, pour un montant compris entre 40 et
120 écus/hectare) ;
- soutien aux mesures destinées à encourager l'adaptation et le
développement des zones rurales (y compris la diversification des
activités, la rénovation des villages, l'amélioration des
infrastructures...).
Dans les zones rurales situées dans des régions relevant de
l'objectif 1 des Fonds structurels, les actions de développement
rural seraient financées, en règle générale, par la
section " orientation " du FEOGA ; toutefois, les
indemnités compensatoires pour les zones défavorisées, les
mesures agri-environnementales, les aides au boisement et les
préretraites seraient prises en charge par la section
" garantie " du FEOGA.
Dans les autres zones, l'ensemble des actions serait financé par la
section " garantie " du FEOGA.
Pour certaines des mesures destinées à encourager l'adaptation et
le développement des zones rurales (aides à la commercialisation
de produits de qualité, à la diversification des
activités, à l'amélioration des infrastructures), le FEOGA
interviendrait subsidiairement dans le cas des zones relevant de
l'objectif 1 ou du nouvel objectif 2, le financement de telles
mesures dans ces zones pouvant être assuré par le FEDER.
A la réunion des ministres des Affaires régionales de l'Union
européenne, le 9 juin à Glasgow, un consensus s'est,
semble-t-il, dégagé sur les principes de cette réforme.
Le commissaire à la politique régionale,
Mme Monika Wulf-Mathies, a estimé que si un consensus pouvait
être obtenu sur des principes de base à l'échelle
communautaire tels que l'octroi de fonds en priorité aux régions
les plus nécessiteuses, et une possibilité accrue des organismes
locaux et régionaux de participer à l'élaboration des
décisions administratives, les pourparlers sur les dotations des Etats
membres se passeraient d'autant mieux.
Les Etats membres ont appuyé en juin dernier le principe d'un passage de
sept à trois du nombre d'objectifs des Fonds structurels et d'une
réduction du nombre d'initiatives communautaires. Ils ont
également accepté le principe consistant à réserver
l'objectif 1 (régions les plus démunies) aux régions
dont le produit intérieur brut est inférieur à 75 %
de la moyenne communautaire.
Les conclusions de la réunion rédigées sous
présidence britannique indiquent que les ministres sont convenus de
concrétiser le principe de subsidiarité dans les fonds
structurels, avec une définition claire des responsabilités afin
que les décisions soient prises au niveau approprié le plus bas.
Ils ont également admis que l'Union européenne avait besoin de
systèmes de gestion et de contrôle financiers. Les ministres ont
réaffirmé le principe d'additionnalité selon lequel les
Fonds doivent compléter, et non remplacer, les dépenses publiques
nationales.
Un large consensus existe sur le fait que les fonds doivent être
concentrés sur les régions qui en ont le plus besoin et que la
décentralisation et la simplification doivent être assorties d'un
meilleur contrôle.
Rappelons que les propositions de la Commission prévoient une
participation plus active du niveau local et régional dans le processus
de mise en oeuvre, comme des partenaires économiques et sociaux ainsi
que les organisations non gouvernementales. Ces projets, selon la Commission,
apporteraient une transparence vitale au processus tout en mettant fin au
chevauchement des différentes aides communautaires.
Néanmoins, les projets de gestion financière de la Commission
n'ont pas soulever l'adhésion des Etats membres.
Ceux-ci ont
réservé un accueil plutôt mitigé à
l'idée d'une réserve par lequel 10 % du budget
général seraient retenus pour n'être reversés que
sur base d'une évaluation à mi-parcours de l'application des
programmes en cours. Pour Mme Monika Wulf-Mathies, il est urgent, vis
à vis du contribuable européen, vu l'ampleur des transferts en
jeu (de près de 240 millions d'écus pour les Quinze), de
mettre en oeuvre un système efficace en terme d'incitations à la
bonne gestion.
3. Des politiques spécifiques à développer
a) Pour une politique dynamique de l'agriculture de la montagne
La
" politique de la montagne " recouvre, en réalité, des
politiques de nature et de contenu variés allant de l'agriculture
à l'aménagement du territoire et de l'environnement au tourisme
et à l'urbanisme. Elle s'applique sur un espace géographique
identifié : la zone de montagne
5(
*
)
.
Votre rapporteur pour avis constate, tout d'abord, une certaine dilution de la
notion de montagne, notamment en agriculture. En effet, les moyens de cette
politique tend à se fondre au profit soit d'une politique plus
axée sur les zones défavorisées, soit d'une politique plus
orientée sur le développement rural, soit des deux. Ce constat au
niveau national est également vrai au niveau européen. On
assiste, en outre, à une certaine perte de vitesse de cette politique en
France : ainsi, en agriculture, les soutiens publics à l'investissement
ne cessent de se dégrader depuis des années, tandis que
" l'indemnité spéciale montagne ", principale aide
directe au revenu, parvient à peine à maintenir, globalement, son
niveau. Par ailleurs, rappelons que l'année 1998 est celle d'une
nouvelle adaptation des politiques communautaires agricoles et structurelles,
dans un contexte d'élargissement aux pays d'Europe centrale et dans la
perspective d'une extension de la libéralisation des échanges
mondiaux. Dans ces conditions, les propositions déposées par la
Commission dans le cadre du " Paquet Santer " ne permettent pas de
distinguer clairement quelle place la montagne pourra détenir dans les
politiques agricoles et rurales.
Pourtant, tout le monde s'accorde à dire que les zones de montagne ne
peuvent se passer d'agriculteurs qui entretiennent et gèrent l'espace.
Votre rapporteur pour avis souligne qu'on dénombre
105.000 agriculteurs de montagne, ce qui représente 14 % des
exploitations agricoles françaises. Ils gèrent 3,5 millions
d'hectares de superficie auxquels s'ajoute un million d'hectares de
pâturage collectif. En outre, les exploitations de montagne ont une
moyenne de 35,5 hectares. Elles représentent 16 % des vaches
laitières, 40 % des brebis, 14 AOC qui produisent
117.000 tonnes de fromage. 70 % des AOC françaises sont en
montagne.
Au regard de l'agriculture, les objectifs de la politique de la montagne
doivent être examinés à partir de deux textes fondateurs :
la directive communautaire n° 75-268 du 28 avril 1975, qui
définit un zonage agricole et la loi n° 85-30 du
9 janvier 1985, relative au développement et à la
protection de la montagne qui fixe un zonage " aménagement du
territoire ".
Sur le plan national, la montagne a pu bénéficier d'un grand
nombre de mesures. Tout d'abord, avec la création en 1972 de l'ISM
(indemnité spéciale montagne), plus connue du grand public sous
le nom de " prime à la vache tondeuse ". Son objectif
était de permettre le maintien d'une agriculture en haute montagne par
l'octroi d'une aide aux troupeaux entretenant l'espace. Durant la même
période, la DJA (dotation jeune agriculteur) a été
instaurée en montagne, avant d'être étendue, plus tard,
à tout le territoire. Aujourd'hui, encore, la DJA est la plus importante
en montagne qu'ailleurs : 171.000 francs en moyenne contre
82.700 francs en plaine.
En 1985, la loi montagne a instauré des outils de protection et
d'aménagement de ces espaces, notamment les Comités de massifs et
le Conseil national de la montagne. Faute d'écho au plan
européen, ces structures n'ont pas trouvé la place que l'on
souhaitait leur donner. En 1995, la loi d'aménagement du territoire
prévoyant la mise en place, pour l'année suivante, des nouveaux
contrats de plan Etat-régions représentant une nouvelle occasion
de définir des priorités de développement pour l'avenir
des zones de montagne. Un objectif auquel tiennent les responsables de
l'agriculture et les élus montagnards déjà fort
déçus des orientations européennes.
La montagne est un véritable laboratoire de politique agricole. De
plus, c'est dans les hauteurs qu'est né l'aménagement du
territoire, dans lequel, aujourd'hui encore, les zones de montagne
excellent.
Ainsi, bien que ces deux politiques soient distinctes, il faut
associer en montagne, la politique de soutien à l'agriculture de celle,
plus globale, de l'aménagement du territoire. Ces deux politiques
concourent, en effet, aux mêmes objectifs de maintien de population,
d'appui aux activités existantes et à leur diversification et de
gestion des milieux naturels.
Votre rapporteur pour avis constate que si la réforme de la PAC a eu un
effet positif sur la réduction des disparités de revenu entre
plaine et montagne, ces inégalités ont tendance à nouveau
à s'accroître. En effet, l'impact de la politique de la montagne
de soutien des revenus se dilue dans le nouveau dispositif d'aides directes.
L'avenir de l'agriculture de montagne et la préservation d'une
politique spécifique sont au coeur des débats, au moment
où se négocie une nouvelle réforme de la PAC et où
s'élabore une nouvelle loi d'orientation.
Au niveau de la Commission européenne, les récentes propositions
de juillet 1997 et mars 1998 sur la réforme de la PAC et des
politiques structurelles, connues sous le nom " d'Agenda 2000 "
ou " paquet Santer ", sont quasiment muettes sur l'avenir de ces
régions ainsi que sur le traitement dont elles pourraient
bénéficier.
En effet, la Commission envisage une banalisation de la politique agricole, la
politique de montagne ne se retrouvant pas dans les orientations de la
Commission de juillet 1997, aussi bien au niveau des objectifs que des
dispositifs envisagés.
Certes, au niveau national, le projet de loi d'orientation reconnaît,
dans l'article premier :
-d'une part, la multifonctionnalité de l'agriculture, qui constitue la
réalité de l'agriculture de montagne ;
- d'autre part, la nécessité de préserver des
politiques spécifiques et des moyens adaptés en montagne.
Mais la faiblesse des propositions dans le domaine de l'économie
agricole risque de fragiliser en tout premier lieu l'agriculture de montagne
qui dispose d'une plus faible capacité de résistance à la
baisse des prix.
Le Comité des régions de l'Union européenne a
attiré l'attention sur les risques que la mondialisation des
marchés agricoles faisait courir sur les petites exploitations agricoles
de montagne "
si des mesures particulières [n'étaient
pas] prévues
". Il s'est inquiété
également des risques de disparition ou d'ignorance complète des
spécificités des régions de montagne dans le cadre de
l'Agenda 2000 et a proposé en conséquence :
- d'une part, de ne pas abandonner mais au contraire d'améliorer
les instruments qui avaient jusqu'ici fait leurs preuves ;
- d'autre part, d'accompagner le développement global des
régions concernées par une politique visant les structures et les
marchés agricoles, la multifonctionnalité des espaces et de
l'agriculture, ainsi que le développement régional
intégré.
Afin de mieux prendre en compte les différents degrés de
gravité des handicaps naturels permanents, la diversité des
situations socio-économiques et démographiques des zones de
montagne et les atouts de ces régions que sont notamment l'image de
qualité qui s'attache à leurs produits, ainsi que le
caractère exceptionnel de leur patrimoine naturel, votre rapporteur pour
avis souscrit aux propositions de l'APCA qui sont :
- de mieux identifier la politique de la montagne en la distinguant
formellement de celle menée au titre des zones
défavorisées ;
- de faire reconnaître par l'Union la politique dite "
en
marches d'escalier
" conduite en France dans les zones de piedmont, de
montagne, de haute montagne et dans les zones sèches
méditerranéennes ;
- de mieux tenir compte de la gravité des handicaps réels en
améliorant le remboursement communautaire des aides dans des zones de
montagne sèches et de haute montagne ;
- de redonner à l'ICHN son véritable rôle de
compensation des surcoûts de production en relevant le plafond
communautaire de l'aide à 300 Ecu par UGB ou hectare et en
favorisant les petits troupeaux ;
- d'améliorer la politique d'installation et de modernisation des
exploitations, d'une part, en doublant le plafond éligible de la prime
d'installation aux jeunes agriculteurs, d'autre part, en augmentant de
façon ciblée le taux de remboursement et, enfin, en augmentant le
taux de subvention des investissements dans le cadre des PAM ;
- de créer des moyens éligibles aux financements
communautaires pour soutenir de nouveaux investissements individuels ou
collectifs, tels les matériels de collecte et de stockage pour le
fourrage, compenser les surcoûts de collecte (lait, animaux) et les
surcoûts de fonctionnement liés à certains services
collectifs à l'élevage et subvenir aux coûts et
surcoûts liés à la mise en place des filières et
micro-filières de produits de qualité, tant en investissement
qu'en fonctionnement.
Enfin, votre rapporteur pour avis
demande qu'il soit tenu compte des
spécificités montagnardes dans la future réforme de la
PAC
, en sauvegardant la production dans les régions
concernées et en veillant à ce que les mécanismes de
soutien tiennent mieux compte des particularités des systèmes de
production à base d'herbe et de la nécessité d'occuper le
territoire.
Toutes ces interventions, qui vont en général dans le
même sens et son assez homogènes, sont demeurées
jusqu'à présent pratiquement sans réponse de la part de la
Commission.
De plus, la politique de soutien différenciée à
l'agriculture de montagne n'a pas fait l'objet d'un bilan évaluatif. Les
conséquences territoriales de la réforme de la PAC de 1992, de
même que celles des politiques structurelles, n'ont été
abordées que succinctement et dans des termes assez
généraux, dans le cadre du rapport de la Commission sur la
cohésion économique et sociale de l'Union.
Enfin, sur quinze pays membres de l'Union européenne, cinq pays
seulement (ceux de l'arc alpin -Autriche, Italie, France- et les pays
scandinaves -Suède et Finlande-) sont réellement
intéressés par de telles politiques, les autres pays
étant, eux, davantage concernés par des problématiques de
type zones défavorisées ou rurales. Dans ces conditions, compte
tenu des rapports de force et des enjeux internationaux, l'issue des
négociations sur la politique en faveur des régions de montagne
d'Europe paraît encore, aujourd'hui, assez largement ouverte.
b) Vers une politique forestière communautaire
Votre
rapporteur pour avis a, l'année passée, évoqué
longuement les objectifs de la politique forestière et l'importance du
boisement des terres agricoles.
Il se félicite des premières propositions de la Commission
européenne contenues dans le document " Agenda 2000 ", et
notamment le chapitre VIII du projet de règlement communautaire
concernant le soutien au développement rural par le Fonds
européen d'orientation et de garantie agricoles (FEOGA). Même si
des améliorations doivent être apportées au texte
définitif, ce texte représente une avancée historique,
comme le qualifie notre collègue Jacques-Richard Delong,
Président des communes forestières de France, pour la politique
forestière européenne et française.
Ce projet propose d'accorder un soutien à la sylviculture afin de
contribuer au développement des fonctions économiques,
écologiques et sociales des forêts dans les zones rurales.
Ce texte prend en compte la plupart des analyses et suggestions
développées par le ministère de l'agriculture et de la
pêche, chargé des forêts, depuis plusieurs années.
Néanmoins, la Suède, la Finlande et l'Allemagne ont fait
connaître leurs réserves, en redoutant que ce chapitre VIII
ne marque une première étape vers une politique forestière
communautaire pour laquelle il n'existe pas de majorité au Conseil. Par
ailleurs, ces trois pays ont cru discerner dans le projet d'article 28 un
mécanisme susceptible de fausser les lois du marché et le libre
jeu de la concurrence, point de vue qui n'est absolument par partagé par
la Commission et les douze autres Etats membres.
La disposition la plus innovante du chapitre VIII, prévue dans
l'article 30, a recueilli un consensus général, même
s'il est nécessaire d'envisager une rédaction plus précise
et plus restrictive, afin d'écarter toute interprétation allant
dans le sens d'une indemnité compensatrice aux handicaps naturels, qui
ne serait acceptable par aucun pays. Bien que l'article 30 ne puisse pas
être lu comme une réponse entièrement satisfaisante
à la demande d'un règlement sylvi-environnemental par de nombreux
partenaires forestiers européens, il s'agit d'un premier pas très
positif, permettant notamment d'envisager des mesures compensatoires aux
contraintes prévues dans certains des sites Natura 2000.
Votre rapporteur pour avis considère que ces dispositions du
chapitre VIII, au même titre que celles des chapitre concernant les
activités agricoles et le développement des zones rurales,
constituent un cadre qu'il appartient aux responsables de la mise en place des
fonds communautaires de s'approprier, en prenant en compte, en particulier, les
contreparties nationales nécessaires.