B. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Un
rapport de notre excellent collègue Pierre Laffitte avait défini
dès 1994 les axes prioritaires d'adaptation des formations
supérieures agricoles aux enjeux économiques, sociaux et
professionnels. Quatre domaines devaient faire à ce titre l'objet d'un
effort particulier. Il s'agissait :
- de la qualité, de l'hygiène et de la sécurité
alimentaire,
- des technologies agro-alimentaires,
- de la valorisation non alimentaire des produits agricoles,
- et de l'aménagement des paysages et de la gestion de l'espace rural.
Ces priorités demeurent aujourd'hui d'actualité. Les nouvelles
préoccupations des Français, qu'il s'agisse de la
sécurité alimentaire ou de la protection de l'environnement,
exigent de l'enseignement supérieur agricole un effort d'adaptation. Ce
dernier se doit en effet de répondre à la forte demande sociale
qui s'exprime dans ses champs d'intervention. Son rôle peut être
essentiel comme le prouve l'intégration, aux côtés du CNRS
et de l'INRA, du Centre national d'études vétérinaires et
alimentaires (CNEVA) au sein de l'Agence française de
sécurité sanitaire des aliments créée par la loi
n° 98-535 du 1er juillet 1998.
Néanmoins, force est de constater que la rénovation que
M. Pierre Laffitte appelait de ses voeux n'est pas encore parvenue
à son terme.
En effet, les progrès accomplis en ce domaine sont lents, les handicaps
traditionnels de l'enseignement supérieur agricole que sont la faiblesse
de ses moyens, la modestie de la dimension de ses écoles et l'absence de
dynamique thématique ne les ayant guère encouragés.
Votre rapporteur exprime donc le souhait que les dispositions du projet de loi
d'orientation agricole puissent favoriser l'évolution vers une
adaptation rapide des structures et des formations de l'enseignement
supérieur agricole. Par ailleurs, il veut voir dans la mise en oeuvre
d'une co-tutelle du ministre de l'agriculture et du ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur
l'enseignement supérieur agricole un moyen d'encourager les
rapprochements nécessaires avec les organismes de recherche et les
universités plus qu'un risque de dilution de sa
spécificité.
•
La rénovation pédagogique
* Les études vétérinaires
Le nouveau cursus des études, organisées désormais en
trois cycles, est entré en vigueur en 1995.
Le premier cycle, dont la durée a été portée de un
à deux ans, a été mis en place dans les classes
préparatoires des lycées à la rentrée 1996. La
première année du deuxième cycle a, quant à elle,
démarré à la rentrée suivante.
Parallèlement, s'est poursuivie l'organisation du troisième cycle
professionnel constitué de formations spécialisées
permettant aux élèves de diversifier leurs
débouchés.
Le Conseil national de la spécialisation vétérinaire avait
prévu la mise en place de dix spécialités. Ces formations
devront conduire, au terme de trois années de formation, au
diplôme d'études spécialisées
vétérinaires (DESV) avec délivrance dans certains cas de
certificats d'études approfondies vétérinaires (CEAV)
à la fin de la première année. Leur mise en place
progressive a commencé dès la rentrée 1996 avec la
création de cinq des dix spécialités envisagées. A
la rentrée 1998, ont été ouverts :
- les premières années des deux DESV sanctionnés par les
CEAV " gestion de la santé et de la qualité en productions
avicoles et vinicoles " et " santé et productions animales en
régions chaudes " ;
- et les deuxièmes années des DESV " gestion de la
santé et de la qualité en production porcine " et
" médecine interne des animaux de compagnie ".
* Les formations d'ingénieurs
Une campagne d'évaluation de la dernière année des
formations d'ingénieurs a été conduite en 1997, en
collaboration avec le ministère de l'enseignement supérieur.
Destinée à apprécier la qualité pédagogique
des équipes enseignantes et l'adéquation de l'offre de formation
à l'évolution des métiers et des débouchés,
cette évaluation a mis en évidence la qualité d'ensemble
du dispositif. Elle a également permis, à la rentrée 1998,
grâce à une labellisation des établissements,
d'établir la carte des spécialisations offertes aux
étudiants et donc de leur assurer une meilleure lisibilité.
* Le secteur de l'horticulture et du paysage
Les filières du secteur de l'horticulture et des paysages ont
été réorganisées et ont fait l'objet d'une demande
d'habilitation auprès de la commission des titres d'ingénieur
(CTI) qui a émis un avis favorable le 3 juin 1997.
Cette réorganisation intervient après la délocalisation de
l'École nationale supérieure d'horticulture (ENSH) sur le site de
l'École nationale d'ingénieurs des techniques de l'horticulture
et du paysage (ENITHP) et après la restructuration de l'École
nationale supérieure du paysage de Versailles.
Le décret n° 97-1235 du 26 décembre 1997 créant
l'Institut national d'horticulture organise deux filières de formations,
l'une à vocation plus scientifique (École nationale
supérieure d'horticulture et d'aménagement du paysage - ENSHAP),
l'autre à vocation plus technologique (ENITHP). Le premier recrutement
en première année pour ces deux filières a eu lieu cette
année. Les premières promotions d'ingénieurs de l'ENSHAP
(50 ingénieurs) de l'ENIHP (65 ingénieurs) seront
diplômées respectivement en 2001 et 2003.
* Les formations de troisième cycle
Les établissements d'enseignement supérieur agricole dispensent
depuis de nombreuses années des formations de troisième cycle. Si
l'on excepte les formations professionnelles spécifiques comme les
spécialisations vétérinaires, 44 diplômes
d'études approfondies (DEA) et 16 diplômes d'études
supérieures spécialisées (DESS) sont aujourd'hui
préparés au sein de ces établissements qui, pour cinq
d'entre eux, sont habilités à délivrer le doctorat. Plus
de 1 000 étudiants sont ainsi inscrits en troisième cycle
dans les établissements sous tutelle du ministère de
l'agriculture.
Ces formations, qui se sont développées pour la plupart en
coopération avec les universités, ont été mises en
place sans cadre juridique. Il importait donc de préciser les conditions
de délivrance de ces formations. Le projet de loi d'orientation
agricole, adopté par l'Assemblée nationale, propose à
cette fin dans son article 55 d'ouvrir aux établissements d'enseignement
supérieur agricole la possibilité d'être habilités
par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, après
avis conforme du ministère de l'agriculture, à délivrer
dans leur domaine de compétences, seuls ou avec des
établissements publics à caractère scientifique, culturel
et professionnel des diplômes nationaux de troisième cycle.
Parallèlement, un protocole d'accord est en négociation entre la
conférence des écoles sous tutelle du ministère de
l'agriculture et l'INRA pour consolider et développer les collaborations
entre laboratoires de recherche et les établissements dispensant des
formations de troisième cycle.
•
La rénovation des structures
Le " rapport Laffitte " avait insisté sur la
nécessité pour l'enseignement supérieur agricole de
constituer en collaboration avec les universités et les organismes de
recherche des pôles régionaux susceptibles d'un rayonnement
international.
Depuis plus de dix ans, différentes formules de regroupement entre
établissements d'enseignement supérieur et de recherche agricoles
ont été expérimentées afin de mettre en place de
tels pôles de compétences. Ainsi, Agromip
(Agro-Midi-Pyrénées), qui a son siège à Toulouse, a
été constitué en 1985 et rassemble 9 organismes de
recherche et d'enseignement supérieur, regroupant ainsi 3 800
étudiants et 750 enseignants-chercheurs. Agropolis, Agrena ou
encore Europol'agro, situées respectivement à Montpellier,
à Rennes et à Reims, répondent à la même
nécessité en fédérant établissements
d'enseignement supérieur, organismes de recherche et universités.
Afin de conforter cette dynamique qui, en dépit du succès de
certaines initiatives, demeure insuffisamment développée,
l'article 57 du projet de loi d'orientation agricole prévoit la
possibilité de créer des groupements d'intérêt
public (GIP) pour des établissements d'enseignement supérieur
agricole public. Ces GIP, dotés de la personnalité morale et de
l'autonomie financière, devraient encourager les établissements
qui y participent à fédérer leur action dans le cadre d'un
partenariat dépassant le simple statut associatif qui est celui de
certains des regroupements actuels.
Par ailleurs, en 1999, est prévue la mise en oeuvre de la co-tutelle des
établissements de l'enseignement supérieur agricole entre le
ministère de l'agriculture et de la pêche et le ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Son
principe qui est proposé par le projet de loi d'orientation agricole
correspond à la volonté exprimée par le Premier ministre
de confier au ministère de l'éducation nationale, de la recherche
et de la technologie la coordination des décisions du gouvernement
relatives à l'attribution des ressources et des moyens alloués
à l'enseignement supérieur. Cette volonté de coordination
budgétaire se traduit dès cette année par le regroupement
des crédits consacrés à l'enseignement supérieur
inscrits au budget du ministère de l'agriculture dans un jaune
intitulé " budget coordonné de l'enseignement
supérieur " (BCES).