B. LE COLLÈGE OUBLIÉ DES RÉFORMES
La
plupart des rapports publiés sur le collège depuis quinze ans
soulignent la faiblesse de ce maillon intermédiaire de l'enseignement
scolaire.
Du rapport Legrand de 1982 aux propositions du rapport Dubet formulées
en juillet 1998, en passant par les rapports du conseil national des programmes
de 1991 et de 1994, ou les quarante propositions de l'inspecteur
général Bouchez en 1994, les analyses convergent : le
collège dit unique constitue le coeur défaillant de la
scolarité obligatoire.
1. Les principales mesures d'aménagements proposées
Les divers rapports préconisant des aménagements au collège centrent leurs propositions sur le service des enseignants, l'organisation des enseignements, les programmes, les établissements et la sectorisation, les exigences requises à l'entrée et à la sortie du collège.
a) Le service des enseignants
Certains
prônent d'abord un retour à la polyvalence des enseignants, de
type PEGC, afin d'assurer une meilleure transition avec le primaire, ainsi
qu'un accompagnement pédagogique inclus dans leur service.
Le rapport Legrand préconisait ainsi un enseignement de 22 heures
hebdomadaires incluant trois heures de concertation et trois heures de tutorat,
ainsi qu'une certaine pluridisciplinarité des enseignants et la
constitution d'équipes pédagogiques, des dernières
années du primaire jusqu'à la classe de cinquième.
Le rapport Bouchez proposait également une harmonisation des formations
des professeurs du premier et du second degré, notamment pour la liaison
CM2-classe de sixième.
b) L'organisation des enseignements : collège pour tous ou collège à la carte ?
Si le
rapport Dubet réaffirme la nécessité du regroupement
hétérogène des élèves, il constate que la
constitution de classes de niveau en sixième est mal perçue mais
que les groupes de niveau sont acceptés au-delà, à
condition d'être temporaires et réservés aux
mathématiques et au français.
Dans le même sens, le rapport Legrand préconise des groupes de
niveau homogènes dans certaines disciplines pendant un tiers du temps
scolaire.
Le comité national des programmes propose pour sa part d'intégrer
les élèves dans un groupe hétérogène de
référence comportant une pédagogie
indifférenciée et dans des regroupements temporaires pour des
objectifs spécifiques.
Le rapport Bouchez se prononce pour une diversification des parcours en
fonction de leur nature et la mise en place d'options dès la classe de
6e, principes qui ont été pour partie repris dans la
réforme Bayrou, et envisage la création d'équipes
supplémentaires d'adultes pour la classe de sixième et les
élèves les plus en difficulté.
c) La mise en place d'un socle commun de connaissances et une diversification disciplinaire progressive
Le
rapport Bouchez, le CNP et le rapport Dubet proposent de définir un
socle fondamental de connaissances exigibles à la fin du collège,
celles-ci devant être hiérarchisées et
allégées par rapport aux programmes actuels.
Ils préconisent aussi une diversification progressive et un enseignement
par blocs disciplinaires en classes de sixième et de
cinquième.
d) Les établissements et la carte scolaire
Les
propositions des différents rapports se rejoignent pour réduire
les dérogations à la sectorisation afin de maintenir le principe
de l'hétérogénéité des élèves
dans les établissements.
Une redéfinition de la carte scolaire est par ailleurs souhaitée
afin que celle-ci ne contribue pas à créer des poches
d'homogénéité négative.
Une réduction de la taille des collèges, le dédoublement
de certains établissements, la mise en réseau des plus modestes,
la réactivation de certaines formes d'internat, l'amélioration
des relations avec les familles constituent autant de propositions
partagées.
e) Les exigences requises à l'entrée et à la sortie du collège
Dans
cette perspective, le rapport Ferrier propose d'instaurer un brevet des
écoles, le ministre ayant regretté pour sa part que toute
évaluation ait été supprimée à
l'entrée du collège.
Si le brevet des collèges n'est pas remis en cause, en raison de son
intérêt pédagogique et de sa valeur symbolique, le CNP, les
rapports Bouchez et Dubet proposent de réorganiser ce diplôme afin
de vérifier l'acquisition des objectifs disciplinaires par les
élèves qui devrait constituer une composante des décisions
d'orientation et d'évaluation.
2. Les observations de la commission
Votre
commission ne peut d'abord que déplorer que le collège reste pour
le moment absent des réformes prioritaires annoncées par le
ministre.
C'est pourtant le collège qui concentre aujourd'hui l'essentiel des
difficultés de l'enseignement scolaire, qu'il s'agisse de la violence
qui continue de se développer au sein des établissements et des
classes, en dépit du plan expérimenté depuis maintenant un
an, ou de l'échec scolaire.
A la suite de l'audit réalisé auprès de quelques
établissements par M. François Dubet, il avait
été annoncé une consultation nationale sur le
collège sur le modèle de celle engagée sur les
lycées.
Une telle consultation, qui aurait concerné cette fois des
élèves mineurs, était-elle réaliste ?
S'agissant de l'évaluation de la réforme pédagogique
engagée par M. Bayrou, le rapport récent de l'inspection
générale, rédigé par M. Alain Dulot, a
dressé un état des lieux du collège unique après
une enquête menée dans 45 établissements : son constat
est alarmant et illustre les dysfonctionnements qui affectent ce maillon faible
de notre système éducatif. Il révèle d'abord la
faiblesse des liens existant entre le primaire et le collège, puis entre
le collège et le lycée, la rareté des vrais projets
d'établissement et une orientation des élèves peu
satisfaisante.
La réforme pédagogique Bayrou n'aurait ainsi guère
été suivie d'effets en raison du " poids de la routine et du
scepticisme des acteurs ". Elle aurait été en fait peu
appliquée et même contournée.
S'agissant du principe même du collège unique qui avait pour objet
de donner les mêmes chances à tous les élèves, le
rapport de l'inspection générale soulève la question de
l'hétérogénéité des classes : il constate
que certains enseignants des collèges les plus difficiles souhaiteraient
que deux structures, l'une valorisante et l'autre d'accueil, soient mises en
place, la seconde pour recevoir les élèves en grandes
difficultés scolaires ou comportementales.
La notion de collège unique correspond-elle encore à la
réalité ? On peut en douter puisqu'un rapport publié
l'an dernier par l'Institut de recherche sur l'économie de
l'éducation estime que 80 % des collèges abritent
" clandestinement " au moins une classe de niveau et que la
moitié des élèves de collèges sont en fait
scolarisés dans des classes qui ont été
hiérarchisées.
A tout le moins, une réflexion sur le principe même du
collège unique s'impose.
La commission souhaiterait donc connaître les projets concrets du
ministre pour le collège et savoir comment il envisage son articulation
avec l'école primaire et le lycée, l'orientation des
élèves, la prise en compte des collégiens en situation
d'échec scolaire, ou même refusant l'école et
l'éventuel rétablissement d'une certaine polyvalence pour les
professeurs au collège.