B. LA POLITIQUE DE PRÉVENTION ET DE RÉDUCTION DES VIOLENCES SCOLAIRES
La
montée de la violence en milieu scolaire constitue désormais une
donnée permanente qui affecte aussi bien les établissements
difficiles que les autres.
Plusieurs plans de prévention de la violence ont été mis
en place depuis quelques années, le dernier ayant été
lancé à l'automne 1997.
1. Les objectifs du plan de lutte contre la violence en milieu scolaire du 5 novembre 1997
Ce plan
visait à assurer la sécurité à l'intérieur
et aux abords des établissements, rétablir des règles,
s'attaquer aux causes de la violence et organiser la prévention.
Dix sites d'intervention répartis sur six académies sensibles
(Créteil, Versailles, Lyon, Aix-Marseille, Lille et Amiens) ont
été choisis après avis des recteurs. Un peu plus de 400
établissements secondaires (collèges, lycées et
lycées professionnels) sont concernés par ce plan ainsi que leurs
réseaux d'écoles élémentaires et maternelles.
Plus de 270 000 élèves du secondaire et près de
640 000 élèves du primaire ont
bénéficié de cette opération qui a
été organisée autour de quatre objectifs principaux :
concentrer de manière significative les moyens, soutenir les victimes,
renforcer la capacité d'intervention des établissements et
conduire une action éducative globale.
a) La concentration des moyens
La
politique de lutte contre la violence en milieu scolaire a été
mise en place progressivement, à partir de la rentrée 1992. La
première étape a consisté, dans le cadre de la lutte
contre les inégalités sociales, à développer une
politique en direction de 175 établissements " sensibles "
situés dans des quartiers particulièrement
défavorisés sur le plan culturel, économique et social.
Pour permettre aux enseignants de bénéficier de conditions de
travail et de service aménagées et afin qu'ils puissent se
consacrer à des tâches spécifiques à ces
établissements, le potentiel horaire de ceux-ci a été
renforcé à raison de deux heures par enseignant.
La politique de lutte contre la violence a été intensifiée
au cours de l'année scolaire 1997-1998. Le renforcement de la
présence d'adultes dans les établissements scolaires s'est
concrétisé par le nouveau programme d'emploi des jeunes, les
aides-éducateurs étant prioritairement affectés dans les
établissements du premier et du second degré situés dans
des sites particulièrement sensibles. Sur les 9 514
aides-éducateurs recrutés sur des " emplois-jeunes "
dans les académies sensibles, un peu plus de 4 000 ont
été affectés dans les écoles et les collèges
confrontés à des problèmes de violence. Le contingent
d'emplois, jeunes recrutés par l'éducation nationale qui
était de 40 000 en 1997 a été porté à
60 000 à la rentrée scolaire 1998. La prévention de
la violence sera l'un des critères principaux pour l'implantation de ces
emplois, principalement dans les lycées professionnels.
Les aides-éducateurs participent d'abord à l'encadrement et
à la médiation scolaire tout en répondant aux besoins
définis par l'équipe éducative de chaque
établissement. Ces affectations ont constitué l'amorce d'une
opération de prévention qui a consisté à
répertorier 412 sites expérimentaux dans six académies
(Aix-Marseille, Amiens, Créteil, Lille, Lyon et Versailles) où
ont été implantés des emplois d'encadrement.
Ce dispositif a été complété au début de
1998 par la création d'emplois :
- 125 emplois d'infirmières et 125 emplois d'assistantes sociales dont
la répartition a été effectuée pour moitié
au prorata des effectifs scolarisés dans les sites expérimentaux
et pour moitié avec un objectif d'amélioration des taux
d'encadrement des élèves dans les académies
sensibles ;
- 58 " équivalent temps plein " de médecins
scolaires ;
- 550 emplois de personnes ATOS, 121 de ces emplois ayant été
réservés à la mise en oeuvre des orientations nationales
en faveur des publics prioritaires (élèves en ZEP et en
établissements sensibles, élèves de zones de
prévention de la violence hors ZEP).
Il a été conforté à la rentrée 1998 par la
création de 175 emplois d'infirmières, 175 emplois d'assistantes
sociales, 21 postes d'adjoints de direction et 79 postes de conseillers
principaux d'éducation supplémentaires pour les zones accueillant
les publics prioritaires.
Pour 1999, il est prévu d'améliorer encore les conditions
d'encadrement puisque la création de 250 emplois de CPE est inscrite au
projet de loi de finances.
S'agissant plus précisément du département de la
Seine-Saint-Denis, particulièrement touché par les
phénomènes de violence et l'échec scolaire, des
décisions ont été prises, comme il a été vu,
afin de renforcer l'encadrement des élèves, à savoir, la
création de 3000 emplois en trois ans de personnel enseignant et
ATOS.
b) Le soutien apporté aux victimes de violences
Un code
de conduite en cas d'incidents graves a été défini : un
fascicule intitulé " Approches partenariales en cas d'infractions
dans un établissement scolaire " ainsi qu'un guide à
l'intention des chefs d'établissement ont été
diffusés à la rentrée 1998.
Afin de donner aux personnels une information complète sur les aides
auxquelles ils peuvent faire appel, un document sera diffusé aux
établissements. Par ailleurs, les dispositifs d'aide aux victimes de
violence déjà en place dans de nombreuses académies seront
développés.
Dans les académies sensibles, les règles de prise en charge des
dégradations commises sur des véhicules appartenant à des
fonctionnaires de l'éducation nationale seront assouplies et, à
cette fin, des conventions ont été passées entre l'Etat et
quatre compagnies d'assurances.
c) Le renforcement des capacités d'intervention des établissements
Une
attention particulière a été portée au mouvement
des personnels de direction dans ces zones notamment afin de valoriser une
expérience réussie dans ce type d'établissement.
Des actions ont été mises en place dans la formation des
personnels d'encadrement (personnels d'inspection et de direction) et des
personnels ATOS et les IUFM des six académies concernées ont
intensifié les modules de formation dans le même sens.
d) Vers une action éducative globale
Les
établissements sont incités à mener une réflexion
sur les règles communes et les sanctions : le règlement
intérieur des établissements devra évoluer vers une
" charte de vie scolaire " en renforçant sa fonction
éducative et la finalité des sanctions sera
précisée. Une circulaire diffusée au cours de
l'année scolaire 1998-1999 portera sur le rôle et la place des
parents dans l'école et la définition d'une politique en
direction des familles.
L'opération " Ecole ouverte " ouverte depuis 1991, consiste
à ouvrir les collèges et les lycées pendant les vacances
scolaires et à proposer aux jeunes des activités culturelles,
éducatives et sportives : 24 académies sont concernées et
125 établissements y participaient en 1994. Ils sont 338 en 1998 et
l'opération sera étendue en 1999 aux élèves des
écoles primaires.
2. La coopération avec les autres ministères concernés
Le partenariat interministériel pour la prévention de la violence scolaire s'inscrit dans un triple cadre :
a) Les conventions départementales
Ces conventions ont pour objectif de renforcer la coopération entre les services ministériels en faisant simultanément porter l'action sur la prévention, le traitement de la violence et de la délinquance, l'aide aux élèves en difficulté ou en danger (maltraitance, démobilisation scolaire, absentéisme répété), l'aide aux parents et aux adultes de la communauté éducative.
b) Les contrats locaux de sécurité
Au terme
de la circulaire du 28 octobre 1997, les autorités académiques et
les chefs d'établissement peuvent intervenir auprès des communes,
des préfets et des procureurs de la République, pour garantir ou
restaurer la sécurité dans les établissements et leur
environnement.
Ces conventions portent notamment sur le dispositif de soutien aux parents, sur
les accords de prévention en faveur des jeunes à l'école
et sur les actions post et périscolaires.
Le rôle des adjoints de sécurité et des agents locaux de
médiation sociale affectés sur des emplois-jeunes sera
défini dans le cadre de ces contrats et prendra en compte les
problèmes de sécurité des établissements scolaires
liés à leur environnement ainsi qu'aux transports
scolaires.
c) La généralisation des CESC
Mis en
place depuis 1990, les comités d'éducation à la
santé et à la citoyenneté constituaient d'abord un outil
de prévention des toxicomanies. Ils ont désormais pour mission de
contribuer, dans une approche éducative globale prenant en compte les
besoins des élèves, au développement de la
citoyenneté, à la prévention des dépendances, des
conduites à risque et de la violence, au suivi des jeunes, à
l'aide aux élèves manifestant des signes de mal-être, au
renforcement des liens avec les familles, et d'apporter un appui aux acteurs de
la lutte contre l'exclusion, en établissant des relations
étroites entre les établissements, les parents les plus en
difficulté et les autres partenaires concernés.
Une circulaire visant leur généralisation a été
publiée le 9 juillet 1998, celle-ci prenant en compte les missions qui
leur ont été dévolues par la loi contre les exclusions.
Parallèlement à ces trois dispositifs, le ministère de
l'intérieur a étendu la compétence des brigades des
mineurs de la police nationale au traitement des violences commises en milieu
scolaire dans 26 départements jugés prioritaires.
3. Les classes relais
Certains
jeunes collégiens entrent dans un processus de rejet de l'institution
scolaire qui prend le plus souvent la forme de manquements graves et
répétés au règlement intérieur, d'un
comportement agressif vis-à-vis des autres élèves ou
adultes de la communauté scolaire, d'un absentéisme chronique non
justifié, aboutissant à des exclusions temporaires ou
définitives de plusieurs établissements.
La circulaire du 12 juin 1998 définit la création, l'organisation
et le suivi des classes relais en collège qui sont destinées
à l'accueil temporaire d'élèves en voie de
déscolarisation ou de marginalisation.
Les classes relais doivent favoriser, par un accueil spécifique et
temporaire, une réinsertion effective des élèves
concernés dans une classe ordinaire de formation, sous statut scolaire
ou, le cas échéant, sous contrat de travail. Les classes relais
ont un objectif de " resocialisation " et de
" rescolarisation " de ces élèves.
La durée de fréquentation d'une classe relais peut varier de
quelques semaines à plusieurs mois, sans toutefois excéder une
année scolaire.
L'emploi du temps des élèves est adapté selon leur
situation, leurs capacités et leur progression sans pour autant
négliger les relations entre élèves et le travail en
groupe. Des situations d'apprentissage collectif sont donc
systématiquement associées aux périodes de travail ou
d'activité plus individualisées et l'emploi du temps doit se
rapprocher progressivement d'un emploi du temps habituel de collégien.
A l'expérience, il apparaît souhaitable que l'équipe
d'encadrement soit fondée sur le volontariat, qu'elle soit
constituée d'enseignants et d'éducateurs, et qu'elle travaille en
relation étroite avec les personnels sociaux et de santé des
établissements.
Tout jeune fréquentant une classe relais demeure sous statut scolaire et
inscrit dans un établissement scolaire, qui n'est pas
nécessairement le collège de rattachement du dispositif.
L'inspecteur d'académie décide de l'admission d'un
élève dans une classe relais sous réserve de l'accord de
l'élève et du consentement de la famille ou du
représentant légal.
Une enquête menée en février 1998 auprès des
académies a permis de recenser 80 classes relais et 44 projets.
Le conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 a
décidé de renforcer le rôle de prévention de
l'école afin de contribuer plus efficacement à la prise en compte
de la délinquance des mineurs. Il a fixé l'objectif de 100
classes relais en 1998/1999 et de 250 en 1999/2000.
4. L'extension du plan expérimental de lutte contre la violence scolaire
L'expérimentation dans neuf sites de six
académies du
plan de prévention de la violence lancé à l'automne 1997 a
sans doute contribué à réduire la violence aux abords des
établissements concernés du fait de l'institution des
aides-éducateurs et des adjoints de sécurité, mais n'a pas
empêché la montée de la violence dans les
établissements et les classes, notamment à l'égard des
enseignants.
Ce plan a été renforcé et étendu à
l'ensemble des académies et des établissements par la circulaire
interministérielle du 11 octobre 1998.
Celle-ci autorise désormais la fouille des élèves et met
l'accent sur l'absentéisme scolaire et sur l'obligation du personnel
éducatif de collaborer avec les services de police ou de justice.
Elle est assortie d'un guide pratique sur les infractions en milieu scolaire
recensant onze cas d'infractions, présentant les conduites à
tenir et exposant les qualifications pénales des délits
constatés : son ambition est de fournir aux équipes
pédagogiques un outil contre la violence et de renforcer les
partenariats avec les services de police et de justice.
5. La campagne contre le racket dans les collèges
D'après les chiffres fournis par le ministère,
3 500 cas de racket interviendrait chaque année en collège,
le racket affectant 15 % des collèges mais jusqu'à un
établissement sur quatre en zone sensible. Pour 90 % des faits
recensés, les coupables sont scolarisés dans le même
établissement que leurs victimes.
Afin de briser une loi du silence qui dissimule en fait la gravité de la
situation, la ministre déléguée à l'enseignement
scolaire a lancé le 6 octobre 1998 une campagne " non au
racket " dans les collèges qui consiste à diffuser
directement dans les établissements deux brochures, l'une
destinée aux collégiens, l'autre à la communauté
éducative, accompagnées d'un numéro de
téléphone.
Les deux dépliants rappellent que le racket avec violence constitue un
délit et que les mineurs de 13 à 16 ans ne sont pas
dispensés de sanctions.