III. LES RÉPONSES DE L'ÉCOLE AUX INÉGALITÉS SOCIALES ET À LA VIOLENCE

Depuis plusieurs décennies l'école républicaine s'efforce de s'adapter à un environnement caractérisé notamment par le développement des inégalités, la montée de la violence, l'hétérogénéité croissante des élèves qui résultent pour la plus grande part de la crise économique et sociale engendrée par le chômage.

La réforme des ZEP, la prévention de la violence, le développement d'une politique sociale et de santé scolaire constituent autant de réponses de l'école républicaine, du niveau préélémentaire jusqu'à celui du lycée, aux défis qui lui sont lancés.

A. LES RÉPONSES APPORTÉES PAR L'ÉCOLE AUX DISPARITÉS DE DÉVELOPPEMENT

1. La politique de relance des zones d'éducation prioritaires

a) Le plan de relance de 1998

La relance de la politique des zones d'éducation prioritaires, dont les grands axes ont été présentés au conseil des ministres du 14 janvier 1998, a été débattue lors des forums académiques et des assises nationales de Rouen.

L'objectif est de redessiner une carte établie en 1983 et révisée globalement en 1989 et qui ne correspond plus aux réalités sociales, mais aussi, par la création de réseaux d'éducation prioritaires (REP) et la signature des contrats de réussite, d'apporter une réponse en termes de moyens pour améliorer les résultats scolaires des élèves.

La carte des ZEP sera revue par chaque recteur à partir de critères socio-économiques. Les critères de réussite scolaire ne devraient pas être pris en compte afin de ne pas pénaliser les établissements qui ont progressé dans la voie de la réussite de leurs élèves.

Les réseaux d'éducation prioritaires devraient apporter aux recteurs la possibilité de créer des ZEP de taille raisonnable et permettre la mise en commun des ressources afin d'éviter le cloisonnement de certaines ZEP et/ou l'isolement de certaines écoles et établissements.

Ils devraient permettre aussi d'associer à des établissements en ZEP, d'autres écoles, collèges ou lycées appartenant au même bassin de formation, au même secteur scolaire et de compenser l'isolement des établissements en zone rurale.

Enfin, pour les écoles ou établissements ne remplissant pas l'ensemble des conditions justifiant le classement ou le maintien en ZEP, l'inscription en réseau d'éducation prioritaire devrait permettre d'apporter une réponse en terme de moyens.

La relance des ZEP et la création des réseaux d'éducation prioritaires s'appuient sur le contrat de réussite passé entre les responsables des ZEP et les autorités académiques. Le contrat précise les moyens nécessaires en postes, heures et crédits et intègre les mesures d'accompagnement, d'animation pédagogique et de formation nécessaires. Il peut éventuellement associer des partenaires extérieurs.

Le contrat de réussite fixe les objectifs pédagogiques de la politique d'éducation prioritaire, dans le cadre des dix priorités nationales définies par le ministère chargé de l'éducation nationale :

- réaffirmer des exigences communes pour assurer un égal accès de tous au savoir ;

- assurer en priorité la maîtrise de la langue orale et écrite et recentrer les projets d'établissement autour de l'appropriation des compétences de base ;

- introduire un enseignement à l'image pour favoriser une meilleure maîtrise de l'information et renforcer les activités culturelles et l'accès aux disciplines de la sensibilité ;

- promouvoir la scolarisation précoce pour ouvrir plus largement les voies de la réussite scolaire ;

- assurer le soutien pédagogique des élèves les plus fragiles et définir les moyens de lutte contre l'échec scolaire ;

- renforcer l'éducation à la citoyenneté et la mettre en place dans les chartes de vie scolaire, les codes des droits et devoirs, ainsi que mettre en place le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté ;

- resserrer les liens de l'école avec les parents ;

- ouvrir l'école sur le quartier et développer les activités périscolaires en intégrant le contrat éducatif local au contrat de réussite ;

- donner aux acteurs de terrain des outils véritablement efficaces pour évaluer leurs progrès ;

- améliorer l'accompagnement des enseignants et créer les conditions d'un pilotage plus efficace.

b) Le rappel des principales caractéristiques des ZEP

Les 563 ZEP existantes regroupent 6 185 établissements, soit 5 318 écoles, 724 collèges, 37 lycées, 106 lycées professionnels, c'est-à-dire 10 % des écoles et établissements publics. 86 % de ces établissements sont implantés en milieu urbain. Près de 10 % des élèves de l'enseignement secondaire public sont scolarisés en ZEP soit 471 000 élèves.

Les personnels affectés en ZEP bénéficient d'un système indemnitaire constitué de trois mesures :

- l'indemnité de sujétions spéciales ZEP d'un montant de 6 828 F qui est accordée à 80 000 enseignants et non enseignants ;

- une indemnité de suivi et d'orientation des élèves constituée d'une part fixe (7 083 F) pour tous les enseignants du second degré et d'une part modulable variant entre 5 289 F et 8 325 F allouée aux professeurs principaux ;

- une bonification indiciaire variant entre 10 et 30 points selon les fonctions exercées.

c) Les mesures de revalorisation prévues par le plan de relance

Ces mesures consistent en une augmentation du contingent d'indemnité de sujétions spéciales ZEP de 3 000 unités pour le premier et le second degré qui représente un coût de 20,59 millions de francs. Les 711 collèges situés en ZEP, et faisant partie d'un réseau d'éducation prioritaire, seront classés dans une catégorie supérieure à celle à laquelle ils pourraient normalement prétendre au sein de quatre catégories, ce surclassement permettant de moduler la ramification indiciaire des chefs d'établissement.

Le coût de cette mesure applicable à la rentrée 1999 sera de 5,94 millions de francs.

Enfin, une provision de 10 millions de francs est inscrite pour revaloriser en janvier 1999 le taux de l'ISS des directeurs d'écoles situées en ZEP.

2. Un exemple significatif : le plan de rattrapage pour la Seine-Saint-Denis.

Dès la remise du rapport Fortier sur la situation en Seine-Saint-Denis, un plan d'urgence était annoncé le 2 mars 1998 comprenant notamment l'affectation de 208 postes supplémentaires et de 1 741 emplois-jeunes.

Ces premières mesures répondaient à la demande pressante des enseignants pour l'amélioration de l'encadrement éducatif et médico-social. Les partenaires locaux représentés au comité départemental de l'éducation nationale étaient invités à préparer un plan de rattrapage pour les quatre années à venir, le calendrier de mise en oeuvre constituant un engagement contractuel des différents partenaires de l'action éducative.

Ce premier plan a permis de porter la dotation en emplois de la Seine-Saint-Denis à hauteur de la dotation nationale moyenne. Néanmoins, la situation restait inférieure aux besoins du département, en particulier en raison du nombre plus faible d'enseignants titulaires. Les mesures supplémentaires annoncées le 2 avril 1998 devaient entrer en vigueur à la rentrée 1998 :

- dans le secondaire, création de 70 postes d'enseignants supplémentaires ;

- dans le primaire, attribution de 40 postes de professeurs des écoles, de 35 emplois de remplacement supplémentaires et d'une centaine de postes de professeurs des écoles stagiaires à l'IUFM ;

- poursuite de l'effort de mise en place de personnels ATOS afin d'atteindre dès la rentrée le chiffre de 160 postes ;

- affectation de 1 759 emplois-jeunes supplémentaires.

Le 30 avril les ministres ont reçu, à leur demande, les fédérations syndicales, les associations de parents d'élèves, et la coordination des établissements scolaires de la Seine-Saint-Denis. A l'issue de cette rencontre, et pour prendre en compte la situation spécifique du département, il a été décidé :

- d'annuler pour la rentrée 1998 les mesures de fermeture de classes ou de divisions ;

- de créer 3 000 postes enseignants sur trois ans ;

- de débloquer 12 millions de francs sur trois ans, consacrés au développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication ;

- de confier la direction de l'académie de Créteil à une nouvelle équipe.

Ce plan de rattrapage s'inscrit dans un ensemble de mesures prises aussi bien au niveau des collectivités locales que des autres ministères.

Les conseils généraux et les conseils régionaux à qui incombe respectivement l'entretien des collèges et des lycées ont décidé d'élaborer un plan pluriannuel.

Un renforcement de la coopération entre les services de l'Etat (éducation, justice, intérieur) et ceux des conseils généraux a été mis en oeuvre pour réduire le phénomène de la délinquance des mineurs.

Les moyens en personnel ont été fortement augmentés par les différents ministères concernés : 16 postes de juges pour enfant ont été créés, le ministre de l'intérieur a engagé 2000 agents de sécurité dans 26 agglomérations, tandis que les ministres chargés de l'éducation, de l'emploi et de la solidarité, de la ville ont engagé un programme de lutte contre les violences scolaires.

3. Les limites de la discrimination positive

Comme elle l'a déjà fait il y a quelques mois lors de l'examen du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, votre commission voudrait rappeler que les ZEP présentent, après plus de quinze ans d'existence, un bilan contrasté.

On peut en effet constater que les performances scolaires des élèves de ZEP restent très inférieures à celles des autres élèves, notamment pour les apprentissages fondamentaux.

En dépit des efforts engagés depuis 1982 et du fait d'une dégradation continue de ces zones, le niveau moyen des élèves qui y sont scolarisés ne se maintient qu'avec difficulté.

Enfin, comme on a pu le constater aux Etats-Unis, il n'est pas douteux que la mise en oeuvre d'une politique de discrimination positive a aussi pour effet de stigmatiser certaines populations dans un registre d'assistance, de conduire les autres populations à fuir les zones et institutions incriminées et à accroître l'isolement des bénéficiaires. L'exemple de la Seine-Saint-Denis qui a vu ses meilleurs élèves se tourner vers les lycées parisiens en porte témoignage.

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