C. UN NÉCESSAIRE RECOURS AUX VARIABLES D'AJUSTEMENT
En raison d'une mauvaise appréhension des besoins scolaires et d'une programmation peu satisfaisante des recrutements de personnels titulaires, l'éducation nationale est contrainte de recourir à des éléments de souplesse (heures supplémentaires, emplois-jeunes, maîtres auxiliaires) qui apparaissent comme autant de variables d'ajustement.
1. Un recours excessif aux heures supplémentaires
Les
heures supplémentaires d'enseignement constituent le premier
élément de souplesse nécessaire au fonctionnement du
système scolaire.
Même si leur réduction est souhaitable, la présence d'un
volant minimum reste indispensable pour ajuster les moyens d'enseignement aux
besoins.
a) Les modalités des heures supplémentaires
Les
crédits d'heures supplémentaires inscrits au chapitre 31-95 du
budget de l'enseignement scolaire sont consommés sous forme d'heures
supplémentaires années (HSA), d'heures supplémentaires
effectives (HSE), d'heures supplémentaires à taux
spécifique (HTS) et de vacations, cours et conférences.
- Les
HSA
sont versées aux personnels dont le nombre d'heures
d'enseignement effectué sur toute l'année scolaire est
supérieur à celui dont ils sont redevables au titre de leurs
obligations de service. Elles représentent 90 % des heures
supplémentaires effectuées par les enseignants et leur moyenne
hebdomadaire est de 1,4 heure ;
- les
HSE
correspondent aux heures supplémentaires
effectuées temporairement (suppléance d'enseignants
provisoirement absents) et rémunèrent également les
travaux dirigés ;
- les
HTS
rémunèrent des actions particulières
(projets d'établissement, études dirigées assurées
par des non enseignants, heures d'interrogation dans les CPGE).
b) Une tendance à la baisse
Le volume des heures supplémentaires a évolué depuis 1993 ainsi qu'il suit :
Rentrées scolaires |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Enseignement primaire |
32 814 |
32 814 |
32 814 |
32 810 |
32 810 |
32 878 |
Enseignement secondaire |
768 192 |
760 495 |
779 156 |
781 971 |
681 939 |
681 916 |
TOTAL |
801 006 |
793 309 |
811 970 |
814 781 |
714 749 |
714 794 |
Alors que les HSA constituent la plus grande part des heures supplémentaires, leur poids diminue en raison des mesures de transformation en emplois, d'économies et de gel prises depuis plusieurs années : elles représentaient ainsi 74,4 % de la dépense en 1997 contre 81,7 % en 1993.
c) Une baisse de leur rémunération
Alors
que le décret du 6 octobre 1950 permettait de rémunérer
les HSA des enseignants du second degré sur la base annuelle de 43
semaines, le décret du 30 juillet 1998, modifié le
7 août, réduit cette base à 36 semaines par an,
c'est-à-dire la durée de l'année scolaire et tend ainsi
à réduire la rémunération des heures
supplémentaires.
Annoncée l'an dernier par le ministre, cette mesure permet de
réaliser une économie de 621 millions de francs en
année pleine.
Si cette mesure n'apparaît pas critiquable dans son principe, sous
réserve cependant que soit prise en compte la situation des enseignants
des classes préparatoires pour lesquels les heures
supplémentaires constituent une partie plus importante de leur
rémunération, votre commission estime que le volant des heures
supplémentaires non indispensable devrait encore être
réduit et transformé en emplois fixes.
Dans cette perspective, les budgets de 1998 et de 1999 permettront de
transformer environ 100 000 heures supplémentaires en emplois.
Par ailleurs, il convient de rappeler, qu'au titre de l'année 1998, une
partie des 20 % des salaires des aides éducateurs de
l'éducation nationale supportés par le ministère a
été financée, à hauteur de 258 millions de
francs, par des économies réalisées par les heures
supplémentaires ; pour l'année 1999, une mesure
d'économie de 774 millions de francs liée à la
réforme des HSA permettra de couvrir en partie les
1 070 millions de francs prévus pour financer les 20 %
des salaires et charges des 60 000 emplois-jeunes affectés dans
l'enseignement scolaire.
2. Les emplois-jeunes dans l'éducation nationale
a) Le développement de la formule
Désormais régis par la loi du 16 octobre 1997
relative
au développement d'activités des jeunes, les emplois-jeunes ont
principalement été déployés dans l'éducation
nationale.
Ouverts aux jeunes de 18 à 26 ans, la plupart des candidats justifient
au moins d'un diplôme à bac+2.
Depuis la rentrée 1997, 40 000 emplois-jeunes, dits
" aides-éducateurs " ont été recrutés par
l'éducation nationale, ces effectifs devant être portés
à 60 000 en 1999, cette fonction étant
féminisée à hauteur de 75 %.
b) Les fonctions confiées aux aides-éducateurs
Implantés pour 60 % d'entre eux dans les
écoles
primaires et pour 30 % dans les collèges, les emplois-jeunes sont
encore peu répandus dans les lycées qui devraient cependant
prochainement bénéficier de
10 000 aides-éducateurs au titre du plan d'action
annoncé le 21 octobre dernier pour l'avenir du lycée.
Il convient également de noter que près du quart de ces emplois
se situent dans une école ou un établissement classé en
ZEP.
Dans l'enseignement primaire, les aides-éducateurs apportent surtout une
aide à la surveillance, à l'encadrement, aux sorties scolaires et
participent aux activités culturelles, sportives et informatiques,
tandis que les collèges utilisent plutôt ces emplois-jeunes pour
apporter une aide à l'étude, au travail personnel et à la
médiation des conflits.
c) Un bilan mitigé
Un
rapport des inspections générales établit un bilan positif
des emplois-jeunes dans l'éducation nationale, qui ont permis en effet
aux enseignants de se concentrer sur leurs activités pédagogiques
et d'améliorer l'organisation des cours, ce rapport souligne cependant
les disparités constatées dans les conditions de travail et les
horaires des aides-éducateurs, et constate que de nombreux postes
restent vacants dans la région parisienne où la situation
difficile de nombreux établissements semble dissuader les candidats
potentiels.
Il convient cependant de noter que les contrats locaux d'éducation qui
seront signés avec les communes devraient permettre d'harmoniser
l'emploi du temps des aides-éducateurs pour les activités
déployées hors du temps scolaire.
d) Un financement complexe assis pour partie sur les heures supplémentaires
Le
coût des emplois-jeunes de l'éducation nationale s'est
élevé à 4,4 milliards de francs en 1998, 80 % de
leur rémunération étant supportés par le
ministère de l'emploi et de la solidarité.
Pour sa part, le projet de budget pour 1999 prévoit, comme il a
été dit, 1,07 milliard de francs de mesures nouvelles pour
couvrir les 20 % des salaires et charges de 60 000 emplois-jeunes,
couvertes en partie par une économie de 774 millions de francs
résultant de la moindre rémunération des HSA.
Votre commission ne peut que s'inquiéter des modalités d'un tel
financement et considère que si le volume excessif des heures
supplémentaires doit être réduit, leurs crédits
devraient plutôt être affectés à des emplois stables
et mieux adaptés aux besoins de l'enseignement scolaire. Elle ne peut
également que s'interroger sur les modalités de sortie des
emplois-jeunes au terme des cinq années de leur contrat et des
perspectives d'intégration de ces derniers dans la fonction
publique.
3. Un recours accru aux maîtres auxiliaires
a) Une évolution stoppée
Alors
qu'un mouvement de baisse des effectifs des maîtres auxiliaires
était observé depuis 1992 dans le second degré, une
croissance de ces effectifs peut être constatée depuis 1997 et en
particulier une hausse de 7,6 % (1 933 agents) entre les
rentrées 1996 et 1997.
Pour la rentrée 1997, l'emploi a en effet été garanti
à tous les maîtres auxiliaires ayant exercé en 1996-1997 ou
qui, ayant obtenu une affectation l'année précédente
n'avaient pu être réemployés, ou n'avaient pas
accédé par la voie des concours aux corps enseignants :
26 900 maîtres auxiliaires ont été de ce fait
réemployés et affectés en priorité à des
tâches de remplacement.
L'évolution des effectifs de maîtres auxiliaires et de
suppléants entre 1995 et 1997 peut être ainsi retracée :
|
1995-1996 |
1996-1997 |
1997-1998 |
Dernière variation (en %) |
Premier degré |
1 125 |
684 |
637 |
- 6,9 |
Second degré |
28 648 |
25 286 |
27 219 |
7,6 |
Total |
29 773 |
25 970 |
27 856 |
7,2 |
En dépit de ce réemploi massif, 390 nouveaux maîtres auxiliaires nouveaux ont été recrutés à la rentrée 1997 et 600 supplémentaires au cours de l'année scolaire pour répondre aux besoins de remplacement dans certaines disciplines.
b) La politique de titularisation des maîtres auxiliaires
Depuis
plusieurs années, des mesures ont été prises pour
faciliter l'accès des maîtres auxiliaires aux corps enseignants
par la voie des concours. Des concours spécifiques ont été
créés à compter de 1995, en plus des concours externes et
internes existants. Ces concours ont permis à 4 295 maîtres
auxiliaires d'accéder aux différents corps de personnels de
l'enseignement du second degré.
Par ailleurs, la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi
dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire,
ouvre notamment aux maîtres auxiliaires l'accès à
différents corps du second degré.
Pour la session 1998, 3 300 postes ont été offerts aux
concours réservés, soit 600 de plus qu'à la session
précédente, et 86 % de ces postes ont été
pourvus. En deux ans, ce sont près de 5 000 maîtres
auxiliaires qui ont ainsi réussi les concours réservés.
Pour la session 1999, les maîtres auxiliaires auront la
possibilité de s'inscrire, en vue de leur accès à un corps
de personnel du second degré, à la fois à l'un des deux
concours externe ou interne et au concours réservé.
Votre commission ne peut donc que constater que la gestion peu satisfaisante
des personnels enseignants et non enseignants conduit l'éducation
nationale à recourir davantage aux emplois précaires.
Les difficultés rencontrées lors des rentrées 1997 et
1998, illustrées récemment par le mouvement des lycéens
résultent pour une large part de cette mauvaise gestion des moyens
existants ; du fait d'un réemploi massif des anciens maîtres
auxiliaires, il existe désormais des maîtres auxiliaires en
surnombre dans certaines disciplines alors que des postes dans des disciplines
déficitaires en enseignants titulaires restent non pourvus, ce qui a
nécessité le recrutement de nouveaux maîtres auxiliaires
dans ces disciplines.