Projet de loi de finances pour 1999
LEGENDRE (Jacques)
AVIS 67 (98-99), Tome XIII - COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
Table des matières
-
INTRODUCTION
-
I. LES MOYENS INSTITUTIONNELS ET FINANCIERS DE LA POLITIQUE DE LA
FRANCOPHONIE
- A. LA PLACE DE LA FRANCOPHONIE DANS L'ORGANISATION GOUVERNEMENTALE
-
B. LES CRÉDITS DE LA FRANCOPHONIE
- 1. Les crédits des services placés sous l'autorité du ministre délégué à la coopération et à la francophonie
- 2. Les crédits consacrés par les différents ministères à la francophonie multilatérale
- 3. La contribution de la France à la francophonie multilatérale
- 4. Le recensement des crédits concourant à la défense de la langue française et au développement de la francophonie
-
II. LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE
- A. LA RÉFORME DES INSTITUTIONS FRANCOPHONES PERMET LA MISE EN OEUVRE D'UNE POLITIQUE FRANCOPHONE INTERNATIONALE
- B. LA PRÉPAPARATION DU PROCHAIN SOMMET DE LA FRANCOPHONIE : LE DÉFI DE L'ÉLARGISSEMENT
-
III. LA FRANCE CROIT-ELLE A LA FRANCOPHONIE ?
- A. L'USAGE DU FRANÇAIS : UNE SITUATION CONTRASTÉE
- B. AFFIRMER L'ENGAGEMENT DE LA FRANCE DANS LE COMBAT POUR LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE ET POUR LA CONSTRUCTION DE LA FRANCOPHONIE
-
I. LES MOYENS INSTITUTIONNELS ET FINANCIERS DE LA POLITIQUE DE LA
FRANCOPHONIE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 67
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME XIII
FRANCOPHONIE
Par M. Jacques LEGENDRE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Adrien Gouteyron,
président
; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis
Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar,
vice-présidents
; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André
Maman, Mme Danièle Pourtaud,
secrétaires
;
MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean
Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel
Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel
Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre
Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger
Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre,
Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc,
MM. Pierre Martin
,
Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar,
Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux,
Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat,
René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
et
66
(annexe n°
1
)
(1998-1999).
Lois de finances
.
INTRODUCTION
VIVANTE ET FRAGILE FRANCOPHONIE
Jean-Louis Roy a été pendant plusieurs
années
le Secrétaire général de l'Agence de coopération
culturelle et technique (ACCT).
Dans le quotidien montréalais " La Presse " du 4 avril 1998,
cet excellent connaisseur canadien de la francophonie entend faire preuve de
lucidité : "
La langue française est une langue...
peu parlée. Moi, dans ma rhétorique, je tiens toujours à
réitérer que la langue française est une des
12 langues parlées par plus de 100 millions d'hommes. Mais dans la
vraie vie, je sais que la langue française ne progresse pas au
même rythme que les autres...
Si on fait une projection de 50 ans, on déduit que la francophonie est
extraordinairement fragile "
Cette analyse ne doit pas pousser au découragement. Elle est au
contraire, et plus que jamais, un appel à relever un défi :
celui de l'existence dans le prochain siècle d'une communauté
francophone comme il existera, à coup sûr, une communauté
de langue anglaise ou espagnole.
Il y faut une volonté politique forte. Mais il ne faut pas non plus se
laisser aller à peser les langues.
Car il y a actuellement une véritable vitalité de la
francophonie.
Les signes en sont bien visibles. Il y a deux ans, le russe
Andréï Makine obtenait le prix Goncourt pour "
Le
testament français
". Cette année, c'est le chinois
François Cheng qui obtient le prix Fémina, avec "
Le dit
de Tianyi
".
Écoutons François Cheng : "
Quand j'ai opté
pour la langue française, cette langue est devenue ma patrie
".
Dans son livre "
Langue française, terre d'accueil
",
André Brincourt dresse une liste non exhaustive de ces
écrivains étrangers qui ont choisi la langue française,
qui l'honorent et la font vivre : Joseph Kessel, Milan Kundera, Romain
Gary, Nathalie Sarraute, Eugène Ionesco, Hector Biancotti,... et tant et
tant d'autres, des dizaines, qu'il faut ici renoncer à citer tous.
Je voudrais pourtant faire une mention particulière de la qualité
et de l'abondance de la littérature algérienne de langue
française. Écrits d'hommes, écrits de femmes, qui prennent
des risques pour défendre dans notre langue, qu'ils tiennent parfois
pour un " butin de guerre ", leur liberté.
Comment ne pas mentionner ici tout particulièrement le chanteur et
chantre de l'identité kabyle et de la culture berbère,
Lounès Matoub, assassiné le 25 juin près de
Tizi-Ouzou et qui avait écrit en 1995 dans son livre
"
Rebelle
" ce très bel hommage à la langue
française : "
Le français a été pour
moi une chance. Il m'a ouvert l'esprit, m'a apporté un savoir, une
certaine rigueur intellectuelle. J'ai rencontré des auteurs et des
textes fabuleux que je n'aurais jamais découverts si je n'avais pas eu
accès à la langue française. Descartes, Zola, Hugo, le
théâtre de Racine ou la poésie de Baudelaire, pour ne citer
que quelques exemples.
Tous ces écrivains ont modifié le regard que je portais sur le
monde... Cet apprentissage a été bénéfique,
constructif. J'ai le sentiment de posséder quelque chose d'important et
de précieux
. "
Illustrée par de tels hommes, la francophonie de l'Algérie est
d'une qualité rare même si ce pays ne participe pas aux
réunions gouvernementales.
Sans doute fallait-il rappeler au début de ce rapport que la
francophonie ne saurait être le produit de l'histoire et de la contrainte
mais bien plutôt un choix au service de valeurs.
Bien loin pour les Français d'être un repli identitaire au service
d'une nostalgie, elle est l'affirmation d'une présence au monde au
service du pluralisme de l'esprit.
C'est ce qui justifie plus que jamais que la francophonie soit pour la France
un choix et une ardente obligation.
I. LES MOYENS INSTITUTIONNELS ET FINANCIERS DE LA POLITIQUE DE LA FRANCOPHONIE
A. LA PLACE DE LA FRANCOPHONIE DANS L'ORGANISATION GOUVERNEMENTALE
L'organisation de la francophonie est bipolaire. La
répartition des compétences au sein du gouvernement organise la
politique francophone autour de deux pôles : la francophonie
intérieure et la francophonie extérieure.
La francophonie intérieure regroupe les actions qui concourent à
la diffusion, à l'emploi et à l'enrichissement de la langue
française, et notamment à l'application de la loi Toubon relative
à la langue française. Ces missions sont du ressort du ministre
de la culture et de la communication, Mme Catherine Trautmann, qui dispose pour
cela de la délégation générale à la langue
française.
La francophonie extérieure comprend les actions tendant au rayonnement
de la francophonie dans le monde, et en particulier la politique de
coopération avec les organismes internationaux à vocation
francophone. Ces actions dépendent du ministère des affaires
étrangères qui délègue cette compétence au
secrétariat d'Etat à la coopération et à la
francophonie, disposant pour cette mission du concours des services du
ministère des affaires étrangères. On assiste dans ce
domaine à une évolution, non encore parfaitement mesurable,
liée au changement de titre et de compétences du
" secrétaire d'Etat à la francophonie ", et surtout,
à l'importante réforme des services du ministère des
affaires étrangères, qui se traduit notamment par la
création d'une nouvelle direction générale regroupant la
direction générale aux relations culturelles, scientifiques et
techniques, la direction du développement et le service de la
coordination géographique.
1. Du secrétariat d'Etat à la coopération au ministère délégué chargé de la coopération et de la francophonie
Lors de
la constitution du gouvernement de M. Lionel Jospin, la compétence en
matière de francophonie a été attribuée au ministre
des affaires étrangères et exercée par
délégation par le secrétaire d'Etat à la
coopération, dont le décret d'attribution précise en son
article 2 que : "
le secrétaire d'Etat à la
coopération, sous l'autorité du ministre des affaires
étrangères, exerce par délégation de celui-ci les
attributions de ce dernier relatives à la francophonie et à la
politique de coopération avec les organismes internationaux à
vocation francophone
".
Pour la première fois depuis 1986, date de création du premier
secrétariat d'Etat à la francophonie, la francophonie
n'apparaissait plus dans le titre d'un des membres du gouvernement. Votre
rapporteur avait vivement déploré ce choix regrettable, qui
rendait peu lisible la politique francophone du gouvernement, en une
année de Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le
français en partage.
En outre, le rattachement de la francophonie à la coopération
semblait contestable, les pays appartenant à la francophonie ne se
confondant pas avec les pays " du champ " relevant de la
coopération.
Le décret n° 97-1117 du 3 décembre 1997 a
complété le titre du secrétaire d'Etat à la
coopération afin de mentionner expressément sa compétence
en matière de francophonie.
Cependant, les attributions du " secrétaire d'Etat à la
coopération et à la francophonie " demeuraient
inchangées.
En mars 1998, le secrétariat d'Etat à la coopération et
à la francophonie a été remplacé par un
ministère délégué à la coopération et
à la francophonie. Le décret d'attribution du ministre
délégué précise qu'il "
(...)
prépare et met en oeuvre la politique du gouvernement en matière
de coopération culturelle, scientifique et technique et de
coopération au développement avec les pays
étrangers.
" (article 1 du décret n°98-175 du
16 mars 1998). Le ministre délégué reçoit donc
compétence dans le domaine des relations culturelles, scientifiques et
techniques.
2. La réforme des services du ministère des affaires étrangères
A partir du 1er janvier 1999, les moyens humains et matériels ainsi que les crédits de la coopération et des affaires étrangères seront rassemblés en un budget unique, pour constituer " un pôle diplomatique unique " selon les termes du ministre des affaires étrangères. Les services des affaires étrangères et de la coopération seront donc unifiés, ou réorganisés pour prendre en compte cette nouvelle situation.
a) Le service des affaires francophones
Le service des affaires francophones demeurera à disposition du ministre délégué à la coopération et à la francophonie, conformément à l'article 3 du décret du 16 mars 1998 précité. La constitution d'un ministère délégué à la coopération et à la francophonie auprès du ministre des affaires étrangères ne modifie pas les compétences du service des affaires francophones, mais influe sur son rattachement. Alors qu'il est actuellement un service de la direction générale des affaires politiques et de la sécurité, il devrait être rattaché directement au secrétaire général du ministère des affaires étrangères à partir du 1er janvier 1999.
b) La nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement
La
réunion des services du ministère des affaires
étrangères et du ministère délégué
à la coopération et à la francophonie doit entraîner
au 1
er
janvier 1999 la substitution d'une direction
générale de la coopération internationale et du
développement (DGCID) à deux services de la rue Monsieur, la
direction du développement et le service de la coordination
géographique, et à la direction générale des
relations culturelles, scientifiques et techniques (DGRCST) du Quai d'Orsay. La
DGCID devrait être placée sous la responsabilité du
ministre délégué à la coopération et
à la francophonie et entrera en activité le 1er janvier 1999.
Conformément à la volonté du gouvernement, elle a
été construite autour de trois objectifs :
- une vocation mondiale de la coopération française,
gérée par une seule direction centrale ;
- une rationalisation des structures administratives, augmentant tout
à la fois leur capacité opérationnelle,
prévisionnelle et d'évaluation ;
- une capacité de mobilisation accrue de la société
française autour de la coopération.
La DGCID compte cinq directions et deux missions. Le schéma retenu
distribue d'abord entre quatre directions les grands blocs de
compétences qui identifient la coopération française dans
le monde : la direction du développement et de la coopération
technique, la direction de la coopération culturelle et du
français, la direction de la coopération scientifique,
universitaire et de recherche, et la direction de l'audiovisuel
extérieur et des techniques de communication. Par ailleurs, une
direction de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation
rassemble un service de la coordination géographique et un service de
programmation des moyens, de contrôle de gestion et d'analyse des
résultats.
Deux missions auprès du directeur général de la DGCID
organisent respectivement les relations de la DGCID avec la coopérations
multilatérale et sa relation avec les acteurs non-étatiques de la
coopération internationale (collectivités territoriales,
organisations non gouvernementales -ONG-, et organisations de solidarité
internationale).
3. La répartition des compétences au sein du ministère des affaires étrangères est-elle optimale pour la francophonie ?
•
Les services du ministère délégué à la
coopération et à la francophonie et du ministère des
affaires étrangères seront regroupés à partir du
1
er
janvier 1999, ce qui permettra de placer la politique
étrangère sous l'entière autorité du ministre des
affaires étrangères. Votre rapporteur approuve cette situation
qu'il avait appelée de ses voeux. La mise en place d'un outil
diplomatique français unique permettra que l'expression de la
présence française dans le monde ne soit pas
éclatée en différents pôles. Il faudra cependant
veiller à s'assurer que cela ne conduise pas à la dispersion des
capacités d'expertises indéniables de la coopération, ni
à la dilution des objectifs de tolérance et d'ouverture qui
caractérisent la francophonie.
Le ministère délégué à la
coopération et à la francophonie sera désormais
compétent, si la DGCID est effectivement placée sous sa
responsabilité, comme l'ont confirmé
M. Hubert Védrine et M. Charles Josselin lors de leur
audition le 5 novembre dernier devant votre commission, en matière de
relations culturelles extérieures et d'audiovisuel extérieur.
Votre rapporteur souhaite que cette organisation permette d'assurer un
véritable " pilotage politique " de l'action culturelle
extérieure.
• Votre rapporteur note cependant que la nouvelle organisation
gouvernementale ne correspond toujours pas à une répartition
optimale des compétences au sein du ministère des affaires
étrangères.
Le ministre délégué à la coopération est
également en charge de la promotion de la francophonie. Ce choix peut
certes présenter l'avantage d'instaurer une forte cohérence entre
les actions de coopération et la promotion de la francophonie.
Cependant, il comporte aussi le risque d'identifier la francophonie aux pays du
champ, et comme en a témoigné la tenue du septième Sommet
de la francophonie à Hanoi, au coeur de l'Asie du sud-est, ou le
rôle majeur que jouent nos partenaires québécois au sein
des organisations francophones, la francophonie s'inscrit dans une
géographie autrement plus vaste que celle des pays du champ.
Votre rapporteur propose donc de prolonger la réorganisation de la
politique extérieure française en plaçant auprès du
ministre des affaires étrangères un ministre
délégué aux affaires européennes, un ministre
délégué à la coopération et un ministre
délégué à la francophonie et à l'action
culturelle extérieure.
Il faut noter que la conférence interministérielle de la
coopération internationale et du développement (CICID) fixera
avant la fin de l'année le périmètre de la zone de
solidarité prioritaire (ZSP) qui remplacera la liste des pays du champ.
Il est donc difficile aujourd'hui de comparer la liste des pays francophones
avec la liste des pays admis dans la ZSP. Alors que M. Josselin a
souligné que la France veillerait à renforcer la
complémentarité entre la coopération bilatérale et
son engagement dans la francophonie, il a annoncé que le critère
principal pour la définition de la ZSP sera celui du
développement : tous les pays francophones n'auront donc pas vocation
à y être inclus.
Votre rapporteur s'interroge sur la cohérence d'une telle politique. En
effet, il semblerait que certains pays membres de la francophonie
multilatérale et jusqu'alors inscrits sur la liste des pays du champ ne
soient pas réinscrits sur la liste de la ZSP : les îles Dominique
et Sainte Lucie (petites Antilles). De même, la Moldavie et la Roumanie,
membres de la francophonie multilatérale, la Macédoine et
l'Albanie, observateurs dans la francophonie multilatérale,
n'entreraient pas dans la future liste de la ZSP. Dans le même temps, la
ZSP en cours de définition pourrait s'étendre à des pays
comme, l'Afrique du Sud, la Turquie, voire l'Inde, alors que les moyens
financiers de la coopération diminuent.
B. LES CRÉDITS DE LA FRANCOPHONIE
On examinera d'abord les moyens budgétaires des services placés sous l'autorité du ministre délégué à la coopération et à la francophonie, puis les crédits consacrés par les différents ministères à la francophonie, avant de détailler la contribution de la France à la coopération francophone multilatérale.
1. Les crédits des services placés sous l'autorité du ministre délégué à la coopération et à la francophonie
a) Les crédits du service des affaires francophones
•
En 1998, les crédits d'intervention, gérés par le service
des affaires francophones s'élevaient à 61,605 millions de
francs dont 53,7 millions de francs consacrés au financement de la
francophonie multilatérale et 7,905 millions de francs aux
associations francophones.
Il faut remarquer que ces crédits n'ont fait l'objet d'aucun
arrêté de régulation en 1998 alors qu'en 1997 ils avaient
été amputés de 36 % par rapport aux crédits
votés par le Parlement. L'année dernière, votre rapporteur
s'était élevé avec force contre ces mesures de
régulation budgétaire qui, pour être conformes au droit,
n'en altéraient pas moins la signification de l'autorisation
budgétaire délivrée par le Parlement. Il se
félicite que le gouvernement ait renoncé cette année
à annuler des crédits destinés à la promotion de la
francophonie.
On peut voir dans cette évolution la prise de conscience de la
faiblesse relative des moyens consentis par l'Etat à la politique de la
francophonie face à la " demande de France " exprimée
à l'étranger, et des effets néfastes sur l'image de la
France de ces mesures de régulation, provoquant en cours d'exercice
l'interruption de projets de coopération et la rupture de liens ensuite
difficiles à rétablir.
Il convient cependant de remarquer que le service des affaires francophones a
dû assumer en 1998 une partie des 43 millions de francs de mesures
nouvelles annoncées par le chef de l'Etat au Sommet de Hanoi, alors que
cette dépense nouvelle n'était pas prévue par la loi de
finances de 1998. Ont ainsi été mis à la charge du service
des affaires francophones les crédits destinés au
Secrétariat général de la francophonie, soit
2,5 millions de francs, et les crédits alloués au
comité francophone pour les inforoutes, soit 1,5 million de francs.
• Pour 1999, deuxième année du biennum, les crédits
d'intervention du service des affaires francophones devraient rester constants
par rapport à 1998 (soit 61,6 millions de francs). Les
crédits affectés au Fonds multilatéral unique (FMU) sont
maintenus à hauteur de 53,7 millions de francs. Ils sont
répartis de la façon suivante :
- 19,5 millions de francs à l'Agence de la francophonie (soit
14,5 millions de francs de crédits déliés et
5 millions de francs de crédits liés) ;
- 18,7 millions de francs destinés à l'ex-AUPELF-UREF
devenue Agence universitaire francophone (dont 16 millions de francs de
crédits déliés et 2,7 millions de francs de
crédits liés) ;
- 8,5 millions de francs consacrés à l'Université
Senghor ;
- 3 millions de francs destinés à l'AIMF (Association
internationale des maires francophones) ;
- 1,5 million de francs alloué au comité francophone pour
les inforoutes ;
- et 2,5 millions de francs consacrés au Secrétariat
général de la francophonie.
Si les crédits inscrits dans le projet de loi de finances ne sont pas
remis en cause lors de la discussion budgétaire, ou en cours d'exercice,
la faculté d'orientation du service des affaires francophones ne pourra
réellement s'exercer que sur 7,9 millions de francs, destinés au
financement des organismes et des associations concourant à la
francophonie.
b) Les crédits de la DGCID
Les
crédits de la DGCID regrouperont à partir du 1° janvier 1999
les crédits de deux directions et d'un service existants : la
DGRCST, la direction du développement et le service de la coordination
géographique. Il est intéressant de les étudier dans la
mesure où ils devraient être placés sous la
responsabilité du ministre délégué à la
coopération et à la francophonie (les décrets relatifs
à la répartition des compétences au sein du
ministère des affaires étrangères, sont encore en cours de
préparation).
Le tableau ci-après détaille la répartition des moyens
budgétaires de la DGCID.
Les crédits gérés par la DGCID concourent (au moins
partiellement) au développement de la francophonie et à la
défense de la langue française, par exemple :
- les rémunérations, les dépenses de fonctionnement et les
subventions d'investissement destinées aux établissements
culturels, de coopération et de recherche à l'étranger
(chapitre 37-95 et 68-80) ;
- la contribution au budget de l'agence pour l'enseignement du français
à l'étranger (chapitre 36-30) ;
- les crédits d'intervention en matière d'action en faveur du
français, de coopération culturelle, audiovisuelle, scientifique
et universitaire (chapitre 42-11) ;
- les subventions aux opérateurs de l'action audiovisuelle
extérieure (chapitre 42-14) ;
- les crédits destinés à l'appui à des initiatives
privées ou décentralisées en faveur de la francophonie
(chapitre 42-13) ;
- les subventions d'investissement en faveur des Alliances françaises et
des projets de coopération scientifique et universitaire (chapitre
8-80) ;
- et les crédits d'action de coopération et du fonds d'aide et de
coopération relatifs à la promotion de la langue française
(chapitre 68-91) ;
(Crédits budgétaires de toute nature concourant
à
l'action culturelle, scientifique, technique et au
développement)
(Crédits de paiement en millions de francs)
TITRE |
CHAPITRE |
Nature des crédits |
Dotation |
TITRE III |
Divers chapitres de rémunération et déplacements |
Rémunération et accessoires des personnels sur emploi budgétaire en service dans les établissements culturels, de coopération et de recherche |
|
|
|
Subventions aux
établissements publics
|
|
|
|
Etablissements culturels, de
coopération et de recherche
à l'étranger
|
|
Sous-total Titre III |
2 902,569 |
||
TITRE IV |
|
Concours financiers
|
|
|
|
Coopération culturelle et
scientifique
|
|
|
|
Coopération technique et
développement
|
|
|
|
Appui
à des initiatives privées ou décentralisées
|
|
|
|
Subventions aux opérateurs
de l'action audiovisuelle
|
|
|
Ch. 42-26 |
Transport et dépenses diverses au titre de l'aide alimentaire |
105,000 |
Sous-total Titre IV |
5 256,299 |
||
TITRE V |
|
Équipements administratifs
et divers
|
|
Sous-total Titre V |
59,614 |
||
TITRE VI |
|
Action extérieure et aide
au développement -
Subventions d'investissement
|
|
|
Ch. 68-91 |
Fonds d'aide et de coopération - Équipement économique et social |
1 797,905 |
Sous-total Titre VI |
1 814,905 |
||
TOTAL GENERAL |
10 033,387 |
Source : Ministère délégué à la coopération et à la francophonie
2. Les crédits consacrés par les différents ministères à la francophonie multilatérale
a) La participation des ministères à la promotion de la francophonie multilatérale
Les
crédits des services placés sous l'autorité du ministre
délégué à la coopération et à la
francophonie ne représentent qu'une partie de l'ensemble des
crédits affectés à la francophonie. Il faut en effet y
ajouter la contribution des autres ministères (39,2 millions de francs
en 1999). Ainsi, participent également au financement de la
francophonie, et à la mise en place de certains de ses programmes :
- le ministère de l'éducation nationale (23 millions de
francs) ;
- le ministère de la culture (6,2 millions de francs) ;
- le ministère de l'industrie (5 millions de francs) ;
- le ministère de la justice (3 millions de francs) ;
- le secrétariat d'Etat aux PME-PMI (1 million de francs) ;
- le ministère de l'emploi et de la solidarité (0,5 million de
francs)
- et le ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement (0,5 million de francs)
Il faut noter que le service des affaires francophones joue en fait un
rôle de coordination de l'ensemble des actions financées par ces
départements ministériels. C'est à lui que revient, en
liaison avec les autres services concernés, le suivi du financement des
institutions et des opérateurs francophones, ainsi que l'application de
leurs programmes.
b) L'affectation des crédits consacrés par les ministères à la francophonie multilatérale
Le
financement des programmes mis en oeuvre par l'Agence de la francophonie est
partiellement assuré par le ministère de l'éducation
nationale (2 millions de francs), le ministère de la culture (5 millions
de francs) et le ministère de la justice (2 millions de francs).
L'Observatoire de la démocratie bénéficie d'un million de
francs provenant du ministère de la justice.
Le programme pour le renforcement du français dans les organisations
internationales bénéficie d'une contribution de 0,2 million de
francs sur le budget du ministère de la culture.
Le développement des inforoutes reçoit de nombreuses
contributions : du ministère de l'éducation nationale (2
millions de francs), du ministère de la culture (1 million de francs),
du ministère de l'industrie (5 millions de francs), du
secrétariat d'Etat aux PME-PMI (1 million de francs), et des
ministères de l'emploi et de l'environnement (0,5 million de francs
chacun).
Enfin, le ministère de l'éducation participe à hauteur de
16 millions de francs au financement de l'Agence universitaire de la
francophonie, (AUF, ex-AUPELF-UREF), et verse une subvention de 3 millions de
francs à l'AIMF.
3. La contribution de la France à la francophonie multilatérale
Elle comprend, d'une part, les crédits versés par la France au fonds multilatéral unique (FMU), et d'autre part, les crédits en faveur de la francophonie multilatérale qui ne sont pas gérés par le FMU.
a) Les crédits consacrés par la France au financement du fonds multilatéral unique
Le Fonds
multilatéral unique est géré par l'Agence de la
francophonie. Ses recettes sont constituées des contributions
volontaires des pays francophones, et ses dépenses sont réparties
entre les différents programmes et opérateurs de la francophonie,
sur proposition du Secrétaire général.
Le tableau suivant détaille les contributions versées par les
pays francophones (tous ne sont pas contributeurs) au FMU en 1999.
ÉTAT DES CONTRIBUTIONS VOLONTAIRES DES PAYS FRANCOPHONES
(en millions de francs)
Contributeurs |
Proposition de contribution pour 1999 |
Cumul biennum 1998/1999 |
Part du pays en pourcentage |
France |
282 |
564 |
76,7 |
Canada |
43,05 |
86,1 |
11,7 |
Canada/Québec |
16,54 |
33,08 |
4,4 |
Canada/Brunswick |
0,96 |
2 |
0,3 |
Communauté française de Belgique |
14,14 |
29,28 |
3,9 |
Suisse |
5,9 |
11,9 |
1,6 |
Monaco |
|
1,5 |
0,2 |
Burkina-Faso |
0,21 |
4,2 |
0,6 |
Cameroun |
0,25 |
0,5 |
0,08 |
Côte d'Ivoire |
|
1 |
0,14 |
Gabon |
|
1 |
0,14 |
Liban |
0,2 |
0,4 |
0,07 |
Maurice |
0,25 |
0,5 |
0,08 |
Sénégal |
0,2 |
0,4 |
0,07 |
Total FMU |
364,15 |
735,86 |
100 |
La France est le principal bailleur de fonds du FMU (76,7 % du financement du biennum).
b) Les crédits consacrés par la France à la francophonie multilatérale
Les
orientations en matière de francophonie ont été
fixées pour le biennum 1998-1999 par le Sommet de Hanoi, 1999 devrait
donc s'inscrire étroitement dans les perspectives tracées en 1998
(662,62 millions de francs).
Cependant, un effort de recensement et de mise à jour des moyens
consacrés par la France à la francophonie multilatérale a
été mené cette année par le service des affaires
francophones : ainsi, en 1999, le montant global de ces moyens devrait
s'élever à 700,7 millions de francs (à rapporter
à un budget global, tous bailleurs confondus, de la coopération
multilatérale francophone de l'ordre d'un milliard de francs). Cette
enveloppe représente environ 5 % des quelque 12 milliards de
francs que la France consacre aux institutions internationales et 1 % de
l'aide publique française au développement.
Le tableau ci-après, communiqué par les services de la
coopération, présente la répartition de ces crédits
par bailleurs et par programmes.
Sur le budget global de la francophonie multilatérale, la part du
ministère des affaires étrangères -coopération et
francophonie- a été de l'ordre de 575 millions de francs en
1998 et devrait s'élever à 661,5 millions de francs en 1999. Les
trois principales affectations correspondent aux trois grands
opérateurs :
- l'Agence de la francophonie (soit 167,3 millions de francs sur un
total de 187,5 millions de francs versés par la France au titre des
contributions et des différents programmes gérés par
l'Agence) ;
- l'Agence universitaire de la francophonie (soit 119,2 millions de
francs sur un total de 135,2 millions de francs versés par la
France) ;
- TV5 (soit 327,5 millions de francs sur un total de 363,5 millions
de francs comprenant la contribution de France Télévision
évaluée à 36 millions de francs pour 1999).
CONTRIBUTIONS FRANÇAISES À LA
COOPÉRATION
MULTILATÉRALE FRANCOPHONE :
PRÉVISIONS POUR 1999, SELON LES
DIVERSES SOURCES (MINISTÈRES ET AUTRES)
DES DIVERSES AFFECTATIONS
AUX OPÉRATEURS (ET AUTRES DESTINATAIRES)
bailleurs |
MAE/ |
DG |
SAF |
MIN |
AUTRES |
TOTAL |
affectations |
NUOI |
|
|
coop-franc. |
MIN |
|
1)
Agence de la francophonie (AF) - budget régulier (contributions
statutaires)
|
64,9 |
3,6 |
19,5 |
47,5 |
9 |
64,9
|
1 bis) Installation du SGF |
|
|
2,5 |
|
|
|
1 ter) Observatoire de la démocratie |
|
|
|
3 |
1 |
4 |
1 quater) Français dans les organisations internationales |
|
9,8 |
|
5 |
0,2 |
15 |
1 quinto) Programme du fonds Inforoute |
|
3,5 |
1,5 |
6,5 |
10 |
21,5 |
AUF : ex AUPELF-UREF (dont 5,5 MF consacrés au FICU, mais hors coût des personnels mis à disposition et subventions de fonctionnement) |
|
8 |
18,7 |
92,5 |
16 |
135,2 |
3) TV5 (dont 80 MF de mesures nouvelles pour 1999 sur les 312 MF de la DG) |
|
312 |
|
15,5 |
|
327,5 |
4) AIMF |
|
3 |
3 |
3 |
3 |
12 |
Université Senghor d'Alexandrie |
|
|
8,5 |
3 |
|
11,5 |
6) AITV |
|
|
|
15 |
|
15 |
7) ITC |
|
|
|
12 |
|
12 |
TOTAUX |
64,9 |
339,9 |
53,7 |
203 |
39,2 |
700,7 |
4. Le recensement des crédits concourant à la défense de la langue française et au développement de la francophonie
L'article 102 de la loi de finances pour 1987 invite le
gouvernement
à dresser chaque année, à l'occasion du vote de la loi de
finances, l'inventaire des crédits consacrés par les pouvoirs
publics à la défense de la langue française et au
développement de la francophonie.
Pour 1999, cet effort est estimé à
5267,57 millions de
francs
en dépenses ordinaires et crédits de paiement,
soit
une diminution de 14,98 millions de francs
. Les autorisations de
programme progressent de 2,5 millions de francs pour atteindre 123,63
millions de francs.
Les dépenses imputées sur le budget des affaires
étrangères (93 % du total) recouvrent principalement une part de
la subvention versée à l'AEFE (Agence pour l'enseignement
français à l'étranger), les dépenses d'intervention
concourant à la promotion de la francophonie (Sommets francophones,
coopération dans le domaine culturel, audiovisuel ou scientifique), les
dépenses de personnel des établissements culturels pour leur
action de promotion et d'enseignement du français, la contribution
à l'Agence de la francophonie, l'Union latine et l'organisation des
ministres de l'éducation du sud-est asiatique.
Les crédits relevant du ministère de la coopération (25%
du total) correspondent quant à eux, aux dépenses mises en oeuvre
dans le cadre du fonds d'aide et de coopération concourant à la
promotion de la langue française.
Par ailleurs, les comptes spéciaux du Trésor (4,5% du total),
visant à soutenir l'industrie cinématographique et les organismes
publics audiovisuels, apportent aussi une contribution significative à
la francophonie.
Cet inventaire offre certes une indication sur l'évolution et la
répartition de l'effort consenti en faveur de la francophonie. Mais les
contributions des ministères en faveur de la défense de la langue
française et de la promotion de la francophonie ne sont guère
lisibles, leur imputation par titre budgétaire est
précisée, mais les actions qu'elles financent ne sont pas
identifiées, exception faite des crédits destinés à
la francophonie multilatérale.
De plus, la comptabilisation des crédits présente un
caractère un peu superficiel. Ne pourrait-on pas, par exemple, compter
dans les crédits consacrés à la francophonie la plus
grande partie du budget de l'éducation nationale ?
II. LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE
A. LA RÉFORME DES INSTITUTIONS FRANCOPHONES PERMET LA MISE EN OEUVRE D'UNE POLITIQUE FRANCOPHONE INTERNATIONALE
1. La réforme des institutions francophones internationales
Les institutions internationales de la francophonie ont été réformées en profondeur lors du VII° Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage à Hanoi. S'inscrivant dans la nouvelle perspective ainsi posée, les opérateurs de la francophonie ont tenu à s'adapter à leur nouveau rôle au sein de l'organisation internationale de la francophonie.
a) L'adoption de la nouvelle charte de la francophonie : une étape déterminante pour la francophonie politique
Il a
fallu plus de 30 ans pour que le concept de francophonie politique s'impose. En
1970, à Niamey, peu d'années après la principale vague
d'indépendances d'anciens territoires français, et alors que les
mouvements d'émancipation du Québec et d'autres
communautés de langue maternelle française n'en étaient
encore qu'à leurs débuts, le mouvement d'organisation de la
francophonie ne pouvait pas se traduire immédiatement dans des
institutions politiques.
Le VII° Sommet de Hanoi a donc marqué sinon un aboutissement, du
moins une étape déterminante dans la réforme des
institutions francophones en adoptant la nouvelle charte de la francophonie,
préparée en décembre 1996, à Marrakech, par la
conférence interministérielle de la francophonie (CMF). Elle a
permis d'aborder le biennum 1998-1999 avec les institutions
rénovées, présentées dans l'organigramme
suivant :
ORGANIGRAMME DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES
DE LA
FRANCOPHONIE
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français
en partage (Sommet de la francophonie)
Conférence ministérielle de la francophonie
Conseil permanent de la francophonie présidé par le
Secrétaire général de la francophonie
Secrétariat général de la francophonie
Agence de la francophonie
Assemblée consultative de la francophonie : APF
Opérateurs directs
AUF |
TV5 |
Université Senghor d'Alexandrie |
AIMF |
De
nombreux changements sont intervenus, amenant une redéfinition de la
répartition des compétences au sein des institutions
internationales de la francophonie.
•
La conférence ministérielle de la francophonie
(CMF) est toujours chargée de préparer et de veiller à
l'application des décisions arrêtées par les Sommets. En
revanche, elle peut désormais siéger comme conférence du
Sommet ainsi que comme conférence générale, et à ce
titre nommer l'administrateur général de l'Agence de la
francophonie sur proposition du Secrétaire général.
•
Le conseil permanent de la francophonie
(CPF) est
présidé par le Secrétaire général. Il est
désormais composé des représentants personnels de tous les
chefs d'Etat et de gouvernement. Tout en conservant sa mission initiale de
préparation et de suivi des Sommets, sous l'autorité de la
conférence ministérielle, il siège comme conseil
d'administration de l'Agence de la francophonie. Jusqu'à présent,
la CMF remplissait ce rôle mais ses réunions n'étaient pas
assez fréquentes pour assurer un fonctionnement satisfaisant. De plus,
cette organisation contribuait à diminuer les pouvoirs du
Secrétaire général au sein du conseil d'administration de
l'Agence : ce dernier n'a en effet pas voix délibérative au sein
de la conférence ministérielle. L'administrateur de l'Agence
aurait donc pu soumettre sa programmation directement aux ministres.
•
Le Secrétaire général de la francophonie
est le plus haut responsable de l'Agence de la francophonie, et le
président exécutif du CPF dont il prépare l'ordre du jour.
A ce titre, il ne prend pas part au vote ; il veille à la mise en
oeuvre des mesures adoptées et rend compte (art. 6 de la charte de la
francophonie).
Il assure également deux grandes missions :
- il est le porte-parole politique et le représentant officiel de la
francophonie au niveau international (art. 7 de la charte de la
francophonie) ;
- il est l'animateur de la coopération francophone (art. 8 de la
charte). Il lui revient de proposer aux conférences
ministérielles et aux Sommets des orientations pour l'action des
opérateurs et des arbitrages sur leurs propositions de programmation. Il
le fait en concertation avec l'administrateur général de l'agence
et avec les opérateurs directs reconnus.
Il propose la répartition du Fonds multilatéral unique. Il
veille enfin à l'harmonisation des programmes et des actions de
l'ensemble des opérateurs, à cette fin, il préside un
conseil de coopération qui réunit l'Agence de la francophonie et
les opérateurs directs reconnus par le Sommet.
Il fait rapport au Sommet de l'exécution de son mandat.
•
L'Agence de la francophonie
est la seule organisation
intergouvernementale de l'organisation politique francophone et demeure
à ce titre son principal opérateur.
• Il convient enfin de noter que
l'Assemblée internationale des
parlementaires de langue française
(AIPLF) a reçu par la
charte de la francophonie le statut d'assemblée consultative de la
francophonie. Une procédure de consultation et d'information
réciproque est instituée dans cette perspective entre l'AIPLF et
les instances décisionnelles de la francophonie.
b) L'adaptation des acteurs de la francophonie internationale à leur nouveau rôle
•
Le Secrétaire général a entrepris de simplifier et de
rendre plus lisibles et efficaces les organismes internationaux francophones.
C'est ainsi que l'ACCT (Agence de coopération culturelle et technique)
est devenue l'Agence de la francophonie, tandis que l'AUPELF-UREF (Associations
des universités partiellement ou entièrement de langue
française) s'appelle désormais l'Agence universitaire de la
francophonie. Un effort d'évaluation a également
été entrepris.
• L'administrateur de l'Agence de la francophonie devait préparer
en 1998 un plan de réorganisation des structures existantes.
Le principe est de restructurer l'Agence en créant des directions,
dont le découpage devra correspondre aux grands secteurs prioritaires
définis par les Sommets de chefs d'Etat et de gouvernement de pays
francophones, soit pour le biennum 1998-1999 les 5 programmes suivants : espace
de liberté, de démocratie et de développement, espace de
culture et de communication, espace de savoir et de progrès, espace
francophonie, économie et développement et la francophonie dans
le monde. La vocation des bureaux régionaux fait également
l'objet d'une étude approfondie. Il conviendrait de mieux ajuster
l'offre à la demande, tout en garantissant au siège le maintien
de ses fonctions de conception, de coordination, d'autorité et
d'évaluation.
La conférence ministérielle de Bucarest, qui aura lieu les 4 et
5 décembre 1998, devra examiner le projet de restructuration de
l'Agence, présenté par son administrateur.
• Lors de sa 24e session ordinaire à Abidjan, du 6 au 9
juillet 1998, l'Assemblée internationale des parlementaires de langue
française (AIPLF) a changé de nom pour devenir l'Assemblée
parlementaire de la francophonie (APF). Cette nouvelle dénomination
exprime mieux la mission politique de l'APF, qui est à la fois le lieu
d'expression des attentes des élus et le lien démocratique entre
les institutions et les peuples de la francophonie. La francophonie a jusqu'ici
été soutenue par des personnalités exceptionnelles ou des
gouvernements militants, tels le Québec. Au-delà de ces
exceptions, l'adhésion à la communauté francophone
était souvent "
tiède, molle quand ce n'est pas
ironique
". La nouvelle Assemblée parlementaire de la
francophonie souhaite être un réseau d'élus
décidés à agir dans leurs parlements respectifs parce
qu'ils sont convaincus que la solidarité francophone est essentielle.
M. Boutros Boutros-Ghali a d'ailleurs tenu à saluer la nouvelle
Assemblée parlementaire de la francophonie, insistant sur son rôle
de relais entre les populations francophones et les instances de la
francophonie, et sur son combat pour la démocratie, l'Etat de droit, et
la paix.
Depuis trente ans en effet, l'Assemblée mène une action de fond
en faveur de ces valeurs, que ce soit à travers l'organisation
d'échanges entre parlementaires du Nord et parlementaires du Sud, la
formation des fonctionnaires parlementaires, ou le programme d'appui aux
services documentaires des Parlements du Sud. Dans cette perspective, marquant
son attachement aux principes de la démocratie parlementaire,
l'Assemblée a décidé de suspendre les sections rwandaise
et congolaise (Brazzaville) dont les parlementaires ne sont plus élus
mais nommés. Elle s'inscrit ainsi dans la logique des actions en faveur
du droit menées par le Secrétaire général de
l'organisation internationale de la francophonie.
Les différents acteurs de la francophonie ont donc pris la mesure des
bouleversements induits par la réforme institutionnelle de Hanoi et
chacun s'est employé à répondre au mieux aux nouvelles
orientations définies par le Secrétaire général
pour la mise en oeuvre de l'organisation internationale de la francophonie,
tout en préservant son originalité. Cette diversité
étant la garantie d'une francophonie souple, adaptable et
dynamique.
2. L'action du Secrétaire général pour l'affirmation de la politique francophone en 1999
Avec la réforme des institutions, la francophonie multilatérale s'est dotée de nouveaux moyens pour faire entendre sa voix. Il restait à les mettre en oeuvre, ce qui fut fait dès 1999. Ainsi, depuis sa nomination au Sommet de Hanoi, le Secrétaire général de la francophonie, M. Boutros Boutros-Ghali a mené une série d'actions visant à améliorer la visibilité de la francophonie et à mettre en place l'organisation internationale de la francophonie. Il convient de noter que le Secrétaire général de l'organisation internationale de la francophonie présentera son rapport d'activité lors de la conférence ministérielle de Bucarest les 4 et 5 décembre 1998.
a) La promotion de l'image de la francophonie
Le
Secrétaire général a souhaité renforcer et
clarifier l'image de la francophonie afin qu'elle bénéficie du
plein appui des pays francophones et qu'elle soit mieux perçue par les
organisations internationales, offrant ainsi plus de moyens à l'action
francophone.
• M. Boutros Boutros-Ghali a réuni à Paris 16 responsables
des plus importantes organisations régionales ou internationales lors de
la journée internationale de la francophonie, le 20 mars 1998 pour leur
présenter les principaux traits de l'organisation internationale de la
francophonie naissante. Cette journée était le point culminant de
la semaine francophone qui a contribué à renforcer le rayonnement
de la francophonie à travers le monde : de nombreuses manifestations ont
ainsi été organisées, y compris dans des pays non
francophones, tels que les Etats-Unis ou le Kenya.
• Cette action pour la promotion de la francophonie a également
donné lieu à des cycles de conférences,
présidées par le Secrétaire général. On peut
ainsi citer le symposium " Investir dans la diversité " qui
s'est tenu à Genève les 5 et 6 novembre 1998. M. Boutros
Boutros-Ghali y a présenté son action de défense de la
langue française, à travers le plurilinguisme et la
diversité culturelle.
b) Les prémices d'une concertation avec les institutions internationales et régionales
Le
Secrétaire général s'est également efforcé
d'asseoir les bases d'une coopération avec d'autres organisations, tant
internationales que régionales, afin de décentraliser l'action
internationale et de donner tout son poids à la francophonie politique
sur la scène internationale. L'organisation internationale de la
francophonie est en effet un véritable instrument politique, en
matière de diplomatie préventive par exemple, qui doit être
reconnu par les Etats et organisations internationales non francophones.
• Les actions menées dans cette perspective recouvrent :
- l'intervention du Secrétaire général devant les
ministres des affaires étrangères de l'OUA (Organisation de
l'Unité Africaine) à Addis Abeba en février 1998 ;
- la signature d'un protocole d'accord de coopération avec la ligue des
Etats arabes en février 1998 ;
- la multiplication des contacts avec des organisations régionales :
Communauté des Etats indépendants, Organisation des Etats
américains, Commonwealth, Union européenne ;
- la participation du Secrétaire général à
plusieurs grandes manifestations internationales, dont la réunion de
l'ONU du 27 juillet 1998 sur les organisations régionales, et la
conférence qui s'est déroulée à Rome en juin et
juillet 1998 sur la création d'une cour criminelle internationale ;
- le rapprochement avec d'autres aires linguistiques, notamment la lusophonie,
au titre de la défense de la diversité culturelle et linguistique.
• Cette volonté de coopération avec les autres
institutions internationales s'est notamment concrétisée par
l'organisation de missions conjointes d'observations des élections : aux
Seychelles en mars 1998 avec le Commonwealth pour les élections
présidentielle et législatives, au Togo en juin 1998 avec l'OUA
pour l'élection présidentielle, et au Cambodge en juillet 1998
avec l'Organisation des Nations Unies pour les élections
législatives.
c) La défense de l'Etat de droit
Les
Etats membres de la francophonie, quels que soient la variété de
leur histoire, le degré de leur développement économique,
de leur puissance économique ou politique partagent les valeurs communes
qui sont la liberté, la démocratie, le respect des valeurs de
l'Etat de droit et la défense des droits de l'homme. M. Boutros
Boutros-Ghali entend fonder l'espace politique francophone sur ces valeurs,
afin que la communauté francophone se pense comme un véritable
ensemble géopolitique.
• Dans le cadre de la mission de l'Observatoire du droit, dont la
création a été décidée à Hanoi, des
actions de surveillance des élections sont mises en oeuvre, comme ce
sera le cas lors des prochaines élections au Burkina-Faso et en
République Centrafricaine. En outre, le Secrétaire
général s'attache aussi à apporter une aide technique aux
médiateurs des pays francophones, et à soutenir la liberté
d'expression de la presse.
• Aux termes des compétences que lui confère l'article 7 de
la Charte de la francophonie, M. Boutros Boutros-Ghali a engagé des
actions destinées à contribuer à la recherche de solutions
dans des situations de crise, qui sont communément appelées
" mission de bonne volonté " ou " mission de bons
offices ".
Ainsi, M. Moustapha Niasse, ancien ministre sénégalais
des affaires étrangères, a mené une mission de bonne
volonté au Togo du 24 septembre au 2 octobre 1998
pour tenter
de concilier les positions du gouvernement et de l'opposition sur les
résultats du scrutin présidentiel du 21 juin 1998. Cette
mission visait à analyser les positions et les propositions des
différents protagonistes, à examiner les conséquences de
la crise sur les prochaines élections législatives prévues
en février 1999, et finalement à proposer des solutions
consensuelles conformes au droit dans le cadre d'un Etat souverain. Cette
mission de bonne volonté a eu de premiers résultats encourageants
: les prémices d'une concertation, facilitée par les
" médiateurs externes ", ont favorisé l'expression des
exigences respectives de chacune des parties.
Un certain nombre de réformes importantes doivent encore être
examinées, telles l'élaboration de textes portant " statut
de l'opposition " et " statut des anciens chefs d'Etat ", et
l'adaptation du code électoral, pour réformer notamment la
composition, les attributions et le mode de fonctionnement de la Commission
Electorale Nationale, dont le président et quatre membres avaient
démissionné pendant le scrutin présidentiel.
La deuxième étape de la mission consisterait à engager un
dialogue interne, élargi par des médiateurs extérieurs,
sur la base d'un certain nombre de propositions concrètes.
M. Emile Derlin Zinsou, ancien Président du Bénin, a
été mandaté en République démocratique du
Congo du 2 au 5 octobre 1998
. Cette mission de bons offices avait pour
objet :
- de contribuer, par l'écoute et le dialogue à la
réconciliation nationale ;
- d'accompagner le processus démocratique ;
- d'entreprendre toutes les démarches diplomatiques utiles
auprès des Etats et organisations internationales partenaires du Congo
démocratique.
La mission a permis d'instaurer le dialogue entre les différentes
parties. Ainsi, les autorités rwandaises ont souhaité rencontrer
à leur tour le Président Zinsou, pour être associées
aux négociations. Par ailleurs, le Président Kabila a
annoncé son intention de favoriser le processus démocratique, les
partis politiques suspendus devraient être rétablis, et des
élections pourraient être organisées dans le courant de
l'année 1999.
B. LA PRÉPAPARATION DU PROCHAIN SOMMET DE LA FRANCOPHONIE : LE DÉFI DE L'ÉLARGISSEMENT
Les prochaines rencontres francophones vont préparer le VIII° Sommet de la francophonie. Outre les thèmes retenus, il convient dans cette perspective d'examiner la problématique de l'élargissement de la communauté francophone, qui représente un enjeu majeur pour la cohérence et l'avenir de la francophonie.
1. La préparation du Sommet de Moncton
a) La conférence ministérielle de Bucarest
•
La conférence ministérielle qui aura lieu les 4 et 5
décembre 1998 à Bucarest contribuera à préparer la
conférence des ministres francophones de l'économie. Cette
conférence se tiendra en avril 1999 à Monaco sur le thème
de l'investissement et du commerce dans l'espace francophone. Un nouveau champ
de réflexion et d'information communes aux pays francophones sera donc
ouvert, dans les domaines des échanges commerciaux, mais aussi de
l'environnement économique des entreprises et de la constitution
d'ensembles économiques régionaux. Jusqu'à présent,
la francophonie se définissait surtout comme un espace de
solidarité culturelle, si elle touchait à l'économie par
certains aspects comme la solidarité pour le développement, elle
reculait cependant devant le concept " d'espace économique
francophone ". Le VIIe Sommet a cependant innové sur ce point en
faisant des échanges commerciaux et économiques francophones un
des thèmes principaux de discussion. La conférence de Monaco sera
donc une étape importante dans la reconnaissance de la dimension
économique de la communauté francophone.
• La conférence ministérielle dressera également un
premier bilan des actions menées depuis le Sommet de Hanoi : le
Secrétaire général présentera à cette
occasion son rapport d'activité. Elle examinera également les
propositions de restructurations présentées par l'administrateur
de l'Agence de la francophonie. Cette conférence préparera le
prochain Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de pays francophones qui
aura lieu dans le Nouveau Brunswick.
b) Le Sommet de Moncton et le tricentenaire de la présence française en Amérique du Nord
Le
Nouveau Brunswick, qui comporte une importante population francophone acadienne
accueillera le VIII° Sommet de la francophonie à Moncton. Le sujet
de ce prochain rassemblement sera la jeunesse francophone.
A l'occasion de ce Sommet seront également examinées les
nouvelles demandes d'adhésion à la francophonie, en tant que
membre associé, observateur ou invité spécial, et
l'évolution du statut des pays, déjà membre associé
ou observateur, qui en feront la demande. La question de l'élargissement
de la francophonie sera donc posée de façon cruciale.
Il faut signaler que l'année 1999 sera particulièrement
importante pour la francophonie en Amérique du Nord, puisque la
Louisiane fêtera le tricentenaire de la présence
française.
2. La problématique de l'élargissement de la communauté francophone : le risque de dilution de la francophonie
De nombreux pays déposent de nouvelles demandes d'adhésion, ce qui correspond à la volonté du Secrétaire général d'élargir la communauté francophone. On peut cependant se demander si toutes les candidatures doivent être acceptées. En effet, l'élargissement de la francophonie, effectué sans discernement, pourrait conduire à une dilution du projet francophone. Il est donc important d'examiner soigneusement les critères d'adhésion et de définir en la matière une politique claire, seule à même de résoudre cette question.
a) La francophonie pourrait être victime de son succès
Le
Secrétaire général a déjà exprimé
à plusieurs reprises sa volonté d'ouvrir la communauté
francophone au reste du monde, favorisant l'adhésion de pays non
spécifiquement francophones. Considérant que l'action en faveur
de la francophonie ne consiste pas seulement à défendre le
français, mais plutôt à défendre le multilinguisme,
M. Boutros Boutros-Ghali estime que la francophonie devrait accueillir d'autres
communautés linguistiques (hispanique, lusophone et arabe). Ainsi, la
Guinée Bissau et le Cap Vert sont à la fois membres de
l'organisation internationale de la francophonie et de la communauté des
pays de langue portugaise.
Les demandes d'admission de pays non francophones marquent la reconnaissance de
la francophonie et l'importance de son rôle international. Cependant,
même si cette dynamique prouve que la francophonie est une puissance
fédératrice, elle pourrait amener à une certaine
dispersion des acquis et des valeurs de la francophonie. Elle serait à
terme dommageable, alors que la francophonie est justement en train de
développer de nouveaux axes d'action, tels que l'organisation
internationale de la francophonie ou le renforcement des solidarités
économiques francophones.
Sans vouloir faire de la communauté francophone un espace fermé,
ce qui est à l'opposé de son combat pour la tolérance et
la démocratisation des relations internationales, il convient donc de
réfléchir aux modalités d'adhésion à la
conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français
en partage.
b) L'application des critères d'adhésion définis à Cotonou
•
La procédure d'adhésion à la francophonie s'effectue en
cinq étapes :
- toute nouvelle demande d'adhésion ou de participation en tant
qu'observateur à la conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement ayant le français en partage doit être
adressée au président en exercice de la conférence, six
mois avant la tenue du Sommet suivant, assortie d'un exposé des motifs ;
- cette demande, et le dossier qui l'accompagne, sont communiqués au
président du conseil permanent de la francophonie, qui les soumet
à l'examen d'une commission
ad hoc
chargée de
l'instruction du dossier ;
- cette commission établit un dossier circonstancié qu'elle
soumet au conseil permanent de la francophonie, qui adopte après examen
un avis destiné à la conférence ministérielle ;
- la conférence ministérielle formule une recommandation
destinée à la conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement ;
- lorsque la recommandation est favorable, le président du prochain
Sommet, après consultation des autres chefs d'Etat et de gouvernement,
et en cas d'unanimité des membres, décide d'inviter au Sommet
l'Etat ou le gouvernement candidat, qui sera accueilli en qualité de
membre associé ou le cas échéant d'observateur.
La procédure est la même lorsqu'un pays, membre associé,
désire devenir membre à part entière et lorsqu'un pays
bénéficiant du statut d'observateur souhaite devenir membre
associé. Les plus hautes instances de la francophonie se prononcent donc
tour à tour, la décision ultime relevant de la conférence
des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage, et
requérant l'unanimité.
• Les critères permettant d'apprécier les candidatures ont
été redéfinis, depuis leur adoption au Sommet de Cotonou,
par la commission
ad hoc
du conseil permanent qui a, d'une part,
renforcé les éléments d'appréciation des demandes
d'accession au statut de membre associé et, d'autre part,
distingué le statut d'observateur de celui d'invité
spécial.
Le statut d'invité spécial
s'adresse aux
collectivités territoriales des Etats non membres de la francophonie qui
en font la demande dès lors qu'elles manifestent leur volonté
d'engagement dans la francophonie et que l'usage de la langue française
est attesté dans leur pays ou territoire. Il permet une
coopération souple avec la communauté francophone, afin que ces
collectivités territoriales puissent envisager les modalités
d'une future adhésion à la francophonie.
Le statut d'observateur
s'acquiert au terme de la procédure
précédemment décrite, sous réserve que l'Etat ou le
gouvernement qui le sollicite fasse preuve d'un réel
intérêt pour la francophonie et ses valeurs, et manifeste la
volonté de favoriser le développement de l'usage du
français dans son pays, quel que soit l'usage effectif au moment de la
demande. Ce statut pourrait être accordé à des
organisations internationales intergouvernementales, sur une base de
réciprocité au regard du statut qu'elles reconnaissent
elles-mêmes à l'organisation de la francophonie.
Enfin, pour devenir
membre associé
, les critères sont plus
stricts. Pour apprécier la volonté politique d'engagement dans la
francophonie divers éléments sont pris en compte. On peut
notamment citer :
- l'acceptation des résolutions antérieures des
conférences des chefs d'Etat et de gouvernement et leur application sans
réserve ;
- la participation effective et régulière à la
concertation francophone dans les organisations ou les grandes manifestations
internationales ;
- l'engagement de principe d'utiliser la langue française dans les
enceintes internationales, lorsque la langue nationale de l'Etat membre n'est
pas reconnue comme langue de travail. (Ce dernier critère a
été ajouté par la commission
ad hoc
au sein du
conseil permanent, après le Sommet de Cotonou.)
De même la situation du français doit être satisfaisante
dans les pays souhaitant devenir membres associés. Le français
doit être langue officielle ou langue d'usage habituel et
fréquent, on observe pour en juger l'utilisation du français dans
les administrations, l'enseignement, les médias et les instances
internationales. De plus, d'autres paramètres permettent
d'apprécier la situation du français, tels que le nombre de
locuteurs francophones réels, le nombre d'élèves suivant
des cours de français, l'adhésion à l'Assemblée
parlementaire de la francophonie, à l'association internationale des
maires francophones, etc.
Ces critères devraient permettre un élargissement harmonieux de
la francophonie. Ils sont adaptés aux différents stades de
coopération, puis d'adhésion à l'organisation
internationale de la francophonie. Leur gradation doit favoriser l'association
de pays désireux de participer à la francophonie, tout en tenant
compte de la situation du français et de la culture politique
francophone sur leur territoire.
Ainsi, les membres associés peuvent présenter, après
accord de la Présidence, une communication à la conférence
des chefs d'Etat et de gouvernement, à la conférence
ministérielle de la francophonie et au conseil permanent de la
francophonie. Les pays ayant le statut d'observateur ne peuvent, dans les
mêmes conditions, présenter une communication qu'à la
conférence ministérielle de la francophonie. Enfin, les pays,
invités spéciaux assistent, sans prendre part au débat aux
travaux des Sommets. Des rencontres directes entre leurs représentants
et la CMF ou le CPF peuvent être organisées afin de mettre en
oeuvre des programmes particuliers de soutien à la langue
française, ou participer, sur une base volontaire, à certains
programmes de coopération. Ces différences sont justifiées
par la différence de degré d'implication des pays au sein de la
francophonie.
Les critères et les procédures d'admission de nouveaux pays
à la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le
français en partage, devraient contribuer à l'enrichissement de
la francophonie, chaque nouveau pays participant étant associé en
fonction de la situation de la francophonie sur son territoire, toute
évolution de cette situation permettant d'accéder à un
rôle plus actif dans les instances de la francophonie. Mais le changement
de statut est fonction d'un vote à l'unanimité des pays
déjà membres de la communauté francophone, dont on peut
parfois se demander s'il se base réellement sur les critères
précédemment décrits.
c) La définition d'une nouvelle politique en matière d'élargissement de la francophonie
L'admission de nouveaux pays à la conférence des
chefs
d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage dépend
finalement du vote unanime de la conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement ayant le français en partage. Il est donc moins
nécessaire de réformer les critères et les
modalités d'adhésion, que de définir une politique claire
et lisible en matière d'élargissement de la francophonie.
Il convient de permettre aux pays qui le désirent de s'associer à
l'organisation internationale francophone, sans qu'il en résulte un
affaiblissement des instances francophones. Il n'est pas envisageable de priver
un pays du statut d'observateur ou de membre associé, ou
d'empêcher toute évolution de statut, une fois que ce pays a
manifesté sa volonté de participer au développement de la
francophonie. Mais il serait sans doute nécessaire de fixer aux pays
observateurs des objectifs concrets en matière d'engagement en faveur de
la francophonie et de défense du français, et de prévoir
qu'ils puissent, une fois ces objectifs atteints, changer de statut, pour
évoluer progressivement vers le statut de membre à part
entière.
Il serait également souhaitable de s'interroger sur les modalités
de coopération avec des pays non francophones. La francophonie doit
rester cet "
espace de tolérance et d'ouverture
",
selon les termes de M. Boutros Boutros-Ghali, cependant, l'adhésion de
pays non francophones n'est pas forcément la meilleure, ni l'unique
solution dans ce domaine. La communauté francophone a déjà
fait preuve d'inventivité et d'originalité à de nombreuses
reprises pour aboutir aujourd'hui à la mise en place de l'organisation
internationale de la francophonie, d'autres modalités pourraient ainsi
être envisagées pour associer les autres aires linguistiques
à l'action de la francophonie. Celles-ci pourraient se voir proposer
sous réserve de réciprocité le statut d'observateur. Cette
solution garantirait une réelle concertation entre aires linguistiques,
afin de promouvoir le plurilinguisme par exemple, tout en préservant la
cohérence de la communauté francophone.
III. LA FRANCE CROIT-ELLE A LA FRANCOPHONIE ?
La
France croit-elle à la francophonie ? Poser cette question ne
relève pas, comme on pourrait le croire, d'un goût quelconque pour
la provocation. En fait, c'est une question que beaucoup de nos partenaires
francophones nous posent déjà, lorsqu'ils s'étonnent de
constater que nous ne mettons pas la même passion qu'eux-mêmes
à défendre, que ce soit dans notre vie quotidienne ou dans les
instances internationales, notre langue et notre culture, dont ils savent
peut-être mieux que nous l'atout qu'elles représentent dans le
combat pour leur identité, dans leur résistance à une
hégémonie linguistique et culturelle niant les diversités.
La mondialisation doit-elle inévitablement s'accompagner de la
domination d'une langue unique -ou plutôt de sa version
" basique " à usage international-, d'un modèle
culturel et social unique -ou plutôt de l'image simpliste qu'en
véhiculent les moyens d'information de masse ? Les pays qui ont
avec nous " le français en partage " ne le pensent pas, et
comptent sur la francophonie, sur les solidarités qu'elle crée,
sur les valeurs qu'elle porte, pour affirmer leur droit à exister dans
un monde pluraliste.
Beaucoup de nos compatriotes ne donnent malheureusement pas l'impression
d'avoir compris le sens de ce combat pour la francophonie, ni d'avoir pris la
mesure des espoirs qu'il suscite et des responsabilités qu'il nous
confère.
L'application inégale de la loi dite " Toubon " donne trop
d'exemples d'une certaine indifférence à l'égard de la
défense du français et de l'usage de notre langue, quand ce n'est
pas, selon l'heureuse expression d'une association de défense de la
langue française, d'un "
incivisme linguistique
"
d'autant plus grave qu'il est souvent le fait d'une " élite "
économique, scientifique ou administrative.
Le recul de notre langue dans les institutions internationales, contre lequel
nous ne luttons sans doute pas avec toute la vigueur souhaitable, et les
progrès corrélatifs du monolinguisme anglophone mettent en
évidence les conséquences que peut avoir cet
"
incivisme
" sur la capacité de la France et des pays
francophones à se faire entendre sur la scène internationale.
Il paraît donc indispensable de réagir, de démontrer que
" nous croyons à la francophonie ", et que nous entendons
bien, à travers elle, défendre le " plurilinguisme " et
le pluralisme du monde de demain. Nous devons donner l'exemple dans notre
système éducatif de notre attachement à la défense
du plurilinguisme et du patrimoine culturel qu'il représente.
Nous devons aussi, prenant acte dans notre constitution de l'existence de la
francophonie, affirmer que notre engagement dans la construction d'une
communauté de coopération et de solidarité fondée
sur une langue et des valeurs communes mérite, au même titre que
notre engagement dans la construction européenne, de figurer dans notre
loi fondamentale.
A. L'USAGE DU FRANÇAIS : UNE SITUATION CONTRASTÉE
L'usage
du français connaît depuis quelques années un net
déclin au sein des institutions internationales et régionales, et
particulièrement dans l'Union européenne. La promotion et
l'utilisation du français comme langue de communication internationale
sont une priorité qui appelle une politique linguistique volontaire et
explicite.
A l'intérieur de nos frontières, la loi du 4 août 1994
est l'instrument le plus efficace dont disposent les pouvoirs publics pour
assurer la présence du français dans certains domaines
essentiels, mais aussi pour éviter certaines dérives en France
même. Le bilan de son application apparaît cependant
mitigé.
1. Le bilan mitigé de l'application de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française
a) Le rapport de la délégation générale à la langue française et les observations des associations de défense du français
La
délégation générale à la langue
française (DGLF) souligne en 1998 la nette diminution du nombre de
plaintes dont elle est saisie. Elle émet l'hypothèse pour
expliquer cette évolution d'une meilleure assimilation de la loi par les
différents acteurs concernés, mais aussi d'un moindre
intérêt de nos concitoyens pour l'application de ce texte de loi.
Les constatations faites par l'association " Le droit de comprendre "
tendent malheureusement à accréditer l'idée que la loi
demeure très inégalement appliquée.
Les conclusions du rapport de la DGLF et les observations des associations
seront présentées par grands secteurs d'application de la loi :
protection du consommateur, protection du salarié, domaine scientifique,
économique et technique, et services publics.
La protection du consommateur
L'article 2 de la loi du 4 août 1994 prévoit l'emploi
obligatoire de la langue française dans "
la désignation,
l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la
description de l'étendue et des garanties d'un bien, d'un produit ou
d'un service, ainsi que dans les factures et quittances "
. On observe
dans ce domaine une forte augmentation des actions de contrôle
menées par la direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Ainsi, de 1995 à 1997, la DGCCRF a multiplié par trois le nombre
de ses interventions, la part des infractions constatées diminuaient
dans le même temps (17 % en 1996, 14 % en 1997). On note que
les emballages, les étiquettes et dans une moindre mesure les notices
d'emploi, rédigés en anglais ont fait l'objet de la
majorité des procédures contentieuses (64,2 %). De plus, le
suivi judiciaire des dossiers transmis au parquet par la DGCCRF s'est encore
amélioré en 1997, 127 condamnations (56 en 1996) ont
été prononcées comportant 120 amendes. Le pourcentage
des dossiers classés a notablement diminué passant de 50 %
en 1995 à 37,6 % en 1996 et 24,3 % en 1997.
Les actions de contrôle conduites par la direction générale
des douanes et des droits indirects ont augmenté de 1,6 % (562
contrôles en 1997) ; dans le même temps le nombre
d'infractions recensées a progressé de 6,6 % (16 infractions
en 1997). Il faut toutefois noter que, sauf exception, les contrôles
portant sur le respect de la langue française sont
réalisés par les services douaniers, de manière incidente,
dans le cadre des autres missions qu'ils ont en charge.
Le rapport établi par l'association " Le droit de comprendre "
souligne en outre que certaines directives européennes ne faciliteraient
pas l'emploi du français dans le domaine de l'information du
consommateur. Ainsi, la directive européenne sur les cosmétiques
impose que les compositions soient désormais indiquées dans un
sabir à base de latin où, dès que le latin est
démuni, l'anglais est présenté comme la seule langue
recevable.
La protection du salarié
Dans ce domaine, les articles 8 à 10 de la loi du 4 août 1994
prévoient que l'emploi du français est obligatoire, notamment
dans : "
le règlement intérieur et tout document
comportant des obligations pour le salarié, ou des dispositions dont la
connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de
son travail, ainsi que les conventions, accords collectifs de travail et
conventions d'entreprise ou d'établissement
". Les obligations
linguistiques s'imposant aux employeurs sont susceptibles d'être
contrôlées par les services du ministère de l'emploi et de
la solidarité, et en particulier par l'inspection du travail. Il
n'existe cependant aucun contrôle systématique comme ceux
qu'organise la DGCCRF pour la protection des consommateurs.
Seul l'article 9-II de la loi (documents dont la connaissance est
nécessaire au salarié pour l'exécution de son travail) a
fait l'objet d'un contentieux récent, actuellement en appel.
La DGLF et l'association " Le droit de comprendre " ont relevé
de nombreuses infractions à l'article 10 de la loi du 4 août 1994
qui impose l'usage de la langue française pour la rédaction des
offres d'emplois. Ces infractions n'ont pas fait l'objet de procédures
contentieuses en 1998, les contrevenants s'étant engagés à
respecter à l'avenir l'obligation de rédiger ou de publier les
offres d'emploi en français, et de proposer une traduction des offres
d'emploi rédigées dans d'autres langues.
Le monde scientifique, technique et économique
L'article 6 de la loi de 1994 impose aux organisateurs français de
manifestations, colloques ou congrès trois obligations : tout
participant doit pouvoir s'exprimer en français, les documents de
présentation du programme doivent exister en version française,
les documents distribués aux participants ou publiés après
la réunion (documents préparatoires, textes ou interventions
figurant dans les actes, compte rendus de travaux publiés) doivent
comporter au moins un résumé en français. En outre,
lorsque ce sont des personnes publiques qui ont pris l'initiative de ces
manifestations, un dispositif de traduction doit être mis en place. Cette
disposition correspond à la volonté d'offrir à tous les
participants d'une manifestation organisée en France par une personne
publique la possibilité de s'exprimer dans la langue de leur choix tout
en étant pleinement compris par l'assistance.
La DGLF ne dispose pas d'informations complètes en ce domaine car il
n'existe pas d'instance de contrôle chargé de veiller à
l'application de la loi dans ce domaine. Elle ne peut donc intervenir que
lorsqu'une plainte est déposée. De plus, la mise en oeuvre de la
loi est particulièrement difficile dans les secteurs des sciences
exactes et des sciences de la vie, la participation des meilleurs
spécialistes internationaux implique bien souvent des communications en
anglais et le coût de l'interprétariat et des traductions
écrites induit des dépenses importantes. La DGLF, en concertation
avec les ministères chargés de la recherche et des affaires
étrangères, a donc mis en place en 1996 un soutien à la
traduction simultanée pour les colloques se déroulant en France.
Le montant de cette aide a été porté à
1 million de francs pour 1998.
Le rapport de l'association "Le droit de comprendre" relève bon nombre
d'infractions, à titre d'exemple, 70 congrès médicaux se
sont tenus en anglais seulement. Par ailleurs, il souligne les
difficultés que rencontrent les chercheurs pour publier leurs travaux en
français : les " Annales d'économie et de
statistiques " de l'INSEE ne comportent pratiquement que des articles
rédigés en anglais. Les résumés en français
sont souvent traduits mot à mot de l'anglais, ce qui en altère le
sens. Enfin, il dénonce également les atteintes portées au
français en tant que langue scientifique : la classification des
espèces en botanique et les nomenclatures anatomiques,
traditionnellement exprimées en latin ou en français tendent
à être remplacées par des nomenclatures
rédigées en latin et en anglais, voire en anglais seulement. Ces
évolutions comportent des retombées d'ordre industriel qui
pourraient aggraver la situation du français dans le domaine des
sciences et des techniques, et plus globalement dans tous les secteurs
économiques.
Les services publics
Ce domaine représente 26 % du courrier adressé à la
DGLF, ce qui démontre une vigilance particulière de nos
concitoyens et des associations de défense de la langue française
en ce qui concerne le rôle exemplaire que doivent jouer les services
publics en matière linguistique. La loi du 4 août 1994
fixe, en effet, aux services et aux personnes publiques un certain nombre
d'obligations particulières en matière d'emploi de la langue
française et de promotion du plurilinguisme.
Il convient de remarquer que l'association "Le droit de comprendre" attire
particulièrement l'attention sur les manquements des fonctionnaires de
la haute fonction publique au respect de la loi du 4 août 1994. Ces
manquements sont d'ailleurs caractéristiques du comportement de certains
hauts responsables français.
b) Des dérives inquiétantes
On ne
peut que déplorer l'attitude d'une partie des élites
françaises, administratives ou économiques, qui contrevient
régulièrement à la loi du 4 août 1994. Ces
dirigeants français devraient pourtant être exemplaires en la
matière, puisqu'ils représentent souvent la France à
l'étranger. Ce comportement ne peut qu'être condamné avec
sévérité, les sanctions sont pourtant rares.
• Certaines grandes entreprises, à la différence des
PME-PMI, font ouvertement le choix de l'anglais comme langue de travail. Ainsi,
l'association "Le droit de comprendre" a relevé des évolutions
inquiétantes dans le domaine de la protection du salarié. Elle
dénonce en particulier certaines tentatives visant à imposer
l'anglais comme langue unique dans la vie quotidienne des entreprises
françaises, en dehors de tout échange avec des locuteurs
anglophones. Certaines entreprises françaises ne présentent plus
leur organigramme qu'en anglais, telles que Danone ou Bull, ou entendent
régler les conflits sociaux en engageant les négociations avec
les syndicats en anglais, comme Air France lors de la grève des
hôtesses de l'air. Enfin, certaines offres d'emploi sont exclusivement
rédigées en anglais, ou précisent que le poste ne sera
attribué qu'à une personne bilingue en anglais, sans que les
caractéristiques de l'emploi le justifient.
Cette volonté d'imposer l'anglais comme langue de travail dans des
entreprises françaises pénalise les employés et ouvriers
français et nuit à l'image de la France auprès de ses
partenaires économiques francophones. Les services du ministère
de l'emploi et de la solidarité, et plus particulièrement
l'inspection du travail, doivent veiller au respect des obligations
linguistiques s'imposant aux employeurs. Ils n'effectuent pas de contrôle
systématique en la matière, et n'agissent que lorsqu'ils sont
saisis d'une plainte, ce qui n'est pas suffisant au regard des infractions
recensées.
• Le comportement des hauts fonctionnaires n'est pas non plus toujours
exemplaire. Une circulaire du Premier ministre du 12 avril 1994 a pourtant
réaffirmé les règles d'usage, désormais de valeur
constitutionnelle, relatives à l'emploi de la langue française
par les agents publics. Les manquements en la matière sont cependant
nombreux, qu'il s'agisse d'interventions publiques prononcées dans une
autre langue que le français, de l'envoi de courrier
rédigé en anglais...
Ces manquements sont particulièrement graves, étant le fait de
personnes participant à l'exercice de l'autorité publique, et ils
sont par ailleurs extrêmement dommageables pour le statut du
français comme langue internationale. Il est en effet évident que
les actions éventuellement menées par le gouvernement
français pour défendre, avec nos partenaires francophones, la
place du français dans les organisations internationales perdront toute
crédibilité si les hauts fonctionnaires ou diplomates
français s'ingénient à utiliser l'anglais, qu'ils ne
maîtrisent de surcroît pas toujours assez bien pour défendre
efficacement les positions françaises.
Pourtant, la hiérarchie administrative et les autorités
gouvernementales ne semblent pas conscientes des conséquences de tels
agissements.
Votre rapporteur avait ainsi adressé au Premier ministre une question
écrite attirant son attention sur une lettre adressée en anglais
par la direction du Trésor à de nombreux hauts fonctionnaires
européens -dont certains francophones- et lui avait demandé
quelles suites il comptait donner à ce manquement
caractérisé aux règles en vigueur.
Cette question étant restée sans réponse dans le
délai prescrit, il s'est fait un devoir de la poser une deuxième
fois (cf. encadré ci-contre). Cette deuxième question a bien
reçu une réponse, mais qui n'en était pas une puisqu'elle
se bornait à rappeler en termes très généraux,
l'attachement du gouvernement à l'usage du français dans les
institutions européennes et la parution, certes opportune, d'un livret
destiné à être diffusé
" à toutes les
administrations et les départements ministériels "
afin
que ceux-ci le distribuent
" largement ".
Votre rapporteur a donc posé une troisième fois sa question
demeurée sans réponse. Il espère encore n'avoir pas
à la formuler une quatrième fois -ni devoir la traduire en
anglais- pour obtenir les informations demandées.
9492. - 2 juillet 1998. -
M. Jacques Legendre
attire à nouveau l'attention de
M. le Premier ministre
sur les termes de sa question écrite n° 7770, publiée
au
Journal officiel
le 23 avril dernier, par laquelle il lui demande de
lui faire savoir s'il a abrogé la circulaire de son
prédécesseur en date du 12 avril 1994, réaffirmant les
règles d'usage relatives à l'emploi de la langue française
par les agents publics. Cette circulaire souligne en préambule
l'exigence qui s'attache au respect des règles revêtues d'une
valeur constitutionnelle depuis que l'article 2 de la Constitution a
consacré le français comme " langue de la
République ". Elle précise en particulier : " aucune
considération d'utilité, de commodité ou de coût ne
saurait donc, sauf circonstances spéciales, empêcher ou
restreindre l'usage de la langue française ". Elle rappelle aussi
les orientations qui doivent guider les ministres dans les instructions
données à leur département ministériel. Elle
précise en particulier que " dans leurs rapports avec des personnes
ou institutions étrangères, les agents placés sous votre
autorité doivent se conformer scrupuleusement aux règles
relatives à l'emploi de la langue française dans les relations
internationales ". Au cas où il n'aurait pas abrogé la
circulaire du 12 avril 1994, il lui demande si l'esprit et la lettre de
celle-ci sont respectés quand la direction du Trésor du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
écrit le 8 août 1997 en anglais à de nombreux hauts
fonctionnaires de tous les pays européens -y compris des Français
et des francophones !- en les qualifiant de " dear colleagues " et en
les informant que " The next meeting is to be held in Paris at the
Ministry of economy, finance and industry on tuesday 16 and wednesday 17
september... ". Il lui demande quelles suites il compte donner à de
tels errements.
Réponse
. - L'honorable parlementaire attire l'attention de M. le
Premier ministre sur l'usage du français dans les institutions
européennes. Le Gouvernement est très attaché au respect
du statut juridique du français comme langue officielle et au rôle
joué par notre langue comme langue de travail au sein des institutions
de l'Union depuis leur création. Afin que chacun connaisse le droit et
les usages en la matière, le Gouvernement a pris l'initiative de
publier, en février dernier, un livret intitulé
Le
français dans les institutions européennes
.
Édité à 40 000 exemplaires, ce document rappelle les
principes généraux, les règles pratiques et les
règlements européens relatifs à l'usage du français
en tant que langue officielle et langue de travail au sein des institutions
européennes. Destiné à tous les Français, quelles
que soient leurs fonctions, qui ont à connaître et à
pratiquer des institutions européennes, il a été
diffusé par le service d'information du Gouvernement à toutes les
administrations et les départements ministériels afin que ceux-ci
le distribuent largement.
9813. - 23 juillet 1998. -
M. Jacques Legendre
a pris connaissance avec
intérêt de la réponse, publiée le 16 juillet
dernier, que
M. le Premier ministre
a apportée à la
question qu'il lui avait adressée les 23 avril et 2 juillet 1998 sous
les n°s 7770 et 9492. Il y note avec satisfaction l'initiative, prise
en février par le Gouvernement, de publier un livret consacré au
" français dans les institutions européennes ",
destiné à tous les Français qui ont à
connaître et à pratiquer ces dernières, et qui marque
l'attachement du Gouvernement au respect du statut juridique de notre langue
comme langue officielle et de travail au sein des institutions de l'Union
européenne. Il lui fait toutefois remarquer qu'il avait attiré
son attention sur un grave manquement à ses obligations par l'une des
directions du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie, qui avait écrit en août 1997 en anglais à de
nombreux hauts fonctionnaires de tous les pays européens, y compris des
Français et des francophones, et non sur l'usage du français dans
les institutions européennes. Il lui serait en conséquence
reconnaissant de bien vouloir lui faire connaître les suites qu'il entend
donner aux errements rappelés ci-dessus.
Question restée sans réponse au 23 novembre
1998.
2. Le recul de l'usage du français comme langue internationale
Le
français est la deuxième langue de communication internationale,
après l'anglais. Dans les organisations multilatérales, il a
presque toujours le statut de langue officielle et surtout le statut de langue
de travail accordé à un nombre de langues plus restreint. Or la
place du français est remise en cause par l'usage croissant de l'anglais
dans les organisations internationales comme dans les institutions
communautaires. Pour tenter d'enrayer cette tendance, observée depuis
plusieurs années, une mesure d'urgence de 15 millions de francs a
été allouée au soutien du français dans les
institutions internationales lors du VIIe Sommet des chefs d'Etat et de
gouvernement ayant le français en partage, à Hanoi. Ces moyens
supplémentaires pourront renforcer les crédits destinés
aux traductions et à la formation en français des parlementaires
non francophones. Cependant, la difficulté essentielle ne vient pas tant
d'un manque de moyens que des infractions des organisations internationales, et
plus particulièrement de l'Union européenne, aux règles
linguistiques qui définissent le statut du français dans ces
organismes.
Les conclusions du rapport de la DGLF constate le recul de l'usage du
français mais considère que la situation s'est stabilisée
en 1998. Les observations faites par l'association " Le droit de
comprendre " sont plus préoccupantes et mettent en particulier en
exergue l'attitude de la Commission européenne, qui ne favorise pas le
respect des règles linguistiques de l'Union européenne.
a) La place du français dans les organisations internationales
• Le français bénéficie, dans la totalité des organisations internationales auxquelles la France participe, du statut de langue officielle et de langue de travail qui devraient théoriquement le placer à parité avec l'anglais. Dans la pratique cependant, cette parité est rarement respectée : le français se trouve de plus en plus souvent relégué au rang de simple langue de traduction avec parfois des conséquences graves en termes de qualité et de délais. Le tableau ci-après retrace la situation dans les organisations internationales pour lesquelles nous disposons d'informations suffisantes.
ORGANISATION |
LANGUE DE RÉDACTION PRIMAIRE ET CONSÉQUENCES SUR LA TRADUCTION |
Secrétariat des Nations-Unies |
90 % anglais. Viennent ensuite
le français et l'espagnol
avec un volume sensiblement similaire, puis l'arabe et le russe.
|
CNUCED |
-
100 % anglais
|
Organisation pour l'alimentation et l'agriculture |
-
70 % anglais
|
Organisation de l'Unité africaine |
-
60 % anglais
|
OCDE |
-
80 % anglais
|
Organisation mondiale de la santé |
-
90 % anglais
|
OSCE |
-
majorité écrasante pour l'anglais. Les seuls documents
rédigés en d'autres langues sont les interventions des
délégations ou les propositions de textes émanant de
délégations russophones ou francophones
|
Union internationale des télécommunications |
-
90 % anglais
|
UNESCO |
-
proportion favorable à l'anglais
|
Union postale universelle |
- rédaction majoritairement en français |
OIT |
- rédaction majoritairement en français |
Source : délégation générale
à la langue française
A partir de ces quelques exemples, deux groupes d'organisations internationales
peuvent être définis :
- celles où le statut du français est encore respecté,
soit parce qu'il s'agit d'organisations régionales (Organisation de
l'Unité africaine, Organisation des Etats américains), soit en
raison des origines de l'institution (Union postale universelle où le
français est la seule langue officielle et de travail), soit en raison
à la fois d'une tradition et de l'influence du pays siège,
(UNESCO, Conseil de l'Europe et surtout Union européenne, OIT).
- celles, les plus nombreuses, où le monolinguisme, en faveur de
l'anglais est déjà bien établi : organisations
financières telles que l'Institut monétaire européen
(IME), la Banque mondiale ou le FMI, organisations économiques,
scientifiques, techniques, l'OCDE, l'OMS où la situation est très
inquiétante, enfin la plupart des institutions
spécialisées des Nations-Unies ;
Le rapport de l'association " Le droit de comprendre " dénonce
les pratiques constatées à l'Institut monétaire
européen, qui a laissé sa place en juillet 1998 à la
Banque centrale européenne. Bien que n'étant pas stricto sensu
une institution de l'Union européenne, l'association considère
qu'il devrait en appliquer les règles, notamment linguistiques. Or,
l'anglais est la langue généralement employée lors des
réunions et pour la rédaction des offres d'emploi. De même
les acronymes choisis pour certains systèmes sont quasi
systématiquement en anglais.
• Les raisons qui expliquent la prépondérance de l'anglais
sur le français dans les institutions des Nations-Unies comme dans
d'autres organisations internationales sont diverses :
- réduction des effectifs des services de traduction et
d'interprétation,
- rôle majeur de l'anglais comme langue commune dans les instances
vouées aux domaines scientifiques,
- et préférence de nombreux états pour cette langue
de travail, aussi bien en Asie qu'en ex-URSS.
b) Le problème particulier de l'Union européenne
Notre
langue bénéficiait, au début de la construction
européenne, d'une position dominante. Cette situation s'explique par
plusieurs facteurs. Lors de la création de la Communauté,
l'implantation des institutions en terre francophone, le fait que le
français était la seule des quatre langues officielles ayant un
rayonnement international, l'implication très forte de la France comme
pays fondateur, ont contribué à l'emploi du français comme
langue de travail privilégié, voire exclusive dans certaines
activités.
Le recul de l'usage du français au sein de l'Union européenne est
avéré depuis quelques années et s'est
accéléré après l'adhésion de pays
anglophones et du Danemark et avec l'élargissement aux pays scandinaves.
La situation du français devient préoccupante dans de nombreux
secteurs stratégiques. La France a tenté cette année de
renforcer la place du français dans les institutions européennes,
mais ces initiatives restent insuffisantes, elles rencontrent en particulier
peu d'écho auprès de la Commission européenne qui
multiplie les infractions aux règles linguistiques de la
Communauté.
• L'usage du français régresse dans des domaines pourtant
essentiels, tels que les appels d'offre, le recours aux experts
extérieurs et les relations de l'Union avec des pays tiers
Le français est moins utilisé dans les rapports de l'Union
avec les pays tiers
, ce qui est particulièrement défavorable
à l'emploi du français comme langue internationale. L'anglais est
prédominant dans les relations avec les pays d'Europe centrale et
orientale, la Communauté ne tient nullement compte en la matière
de l'usage traditionnel de certaines langues dans ces pays, comme le
français en Roumanie et en Bulgarie. De même, l'anglais est
employé dans les rapports avec les entreprises extérieures
anglophones, mais le français n'est pas systématiquement
employé dans les rapports avec des entreprises extérieures
françaises ou francophones. D'une manière générale,
pour les relations avec les pays tiers ou les entreprises extérieures
où les langues officielles ne sont pas celles de l'Union, la Commission
utilise spontanément et systématiquement l'anglais.
Le français est normalement présent dans les appels d'offres,
mais ceux-ci sont de plus en plus souvent rédigés en anglais.
Ainsi, pour les projets PHARE, TACIS, INFO 2000, etc, l'anglais est
fréquemment imposé comme langue unique de rédaction des
documents et des contrats, et l'introduction d'une seconde langue doit faire
l'objet d'une demande d'autorisation auprès d'un groupe de coordination
placé sous l'autorité du membre de la Commission
compétente pour l'administration. L'obligation d'utiliser l'anglais a
d'ailleurs été spécifiée à plusieurs
reprises dans le Journal officiel des communautés européennes.
Les experts extérieurs appelés à collaborer sur certains
projets de l'Union européenne sont en majorité anglophones. De
nombreux appels à candidature mentionnent d'ailleurs que le rapport de
fin de mission devra être rédigé en anglais, ce qui
entraîne des inégalités entre les pays de l'Union, et
pénalise les experts francophones et plus généralement non
anglophones.
Il convient par ailleurs de nuancer certaines évolutions qui
montreraient une progression ou une stabilisation de l'usage du français
au sein de l'Union européenne :
- le resserrement de l'écart entre l'anglais et le français comme
langue source des documents traduits (la part du français augmente de
1,9 % entre 1996 et 1997) ne doit cependant pas masquer le fait que
l'anglais est devenu la langue source principale des documents traduits ;
- la progression du plurilinguisme sur plusieurs sites communautaires
(70 % de ces sites sont désormais bilingues
français-anglais) est importante, mais des améliorations sont
encore souhaitables, en particulier sur le serveur de la direction
générale (DG) X qui a vocation à diffuser des informations
générales sur les activités des communautés, et sur
le serveur de la DG XII qui propose plus de documents en anglais qu'en toute
autre langue et où les informations de navigation sont exclusivement en
anglais ;
- enfin, la place du français est restée
prépondérante dans certaines directions de la Commission, telle
que la DG X (information, culture communication et environnement). Mais
l'anglais tend à supplanter le français dans plusieurs directions
générales : la DG I (relations extérieures), la DG
III (industrie), la DG V (emploi, relations de travail, affaires sociales,
traditionnellement francophone, cette direction s'écarte de cet usage),
la DG XII (recherche), la DG XIII (télécommunications). Il
croît également au sein des directions générales
chargées de l'environnement, des femmes et du développement.
• Face à cette situation la France agit pour
préserver le français et le plurilinguisme au sein de l'Union
européenne, par la voie de sa représentation nationale et de la
délégation générale à la langue
française.
La représentation permanente a ainsi adressé un courrier
à M. Santer pour déplorer l'absence d'interprétation en
français lors de la première réunion du comité de
coopération entre l'Union européenne et la Russie (22 avril
1998). De même la représentation permanente a protesté
contre la publication dans la version française du Journal officiel des
communautés européennes de documents rédigés en
anglais.
La délégation générale à la langue
française apporte son concours au ministère des affaires
étrangères et au SGCI, par son activité de veille, de
réflexion et de proposition d'action pour mettre en place une politique
imaginative susceptible de promouvoir le français. En 1998, ce concours
est notamment passé par la préparation et la diffusion d'un
" guide du français dans les institutions
européennes ", préfacé par le Premier ministre. Cette
plaquette tirée à 40 000 exemplaires est largement
diffusée auprès de tous les agents publics, mais aussi des
collectivités locales et des organismes associatifs ou privés
travaillant en relation avec les institutions de l'Union européenne,
comme l'a déjà précisé le Premier ministre à
votre rapporteur dans sa " réponse " aux questions que
celui-ci avait posées.
Il serait souhaitable de mener un effort particulier pour développer la
traduction et l'interprétariat afin de remédier à la
sous-représentation des interprètes français à
Bruxelles. De même, la politique de formation à la langue
française doit être améliorée. Le nombre de
bénéficiaires des sessions de formation à la langue
française pour les fonctionnaires européens issus des pays
nouveaux adhérents reste très limité (environ 50 par an).
Le centre européen de langue française (CELF), créé
en 1996, pour les fonctionnaires européens ainsi que pour l'ensemble des
salariés des organisations et des associations présentes à
Bruxelles, n'a accueilli que 150 personnes depuis la rentrée 1996. Le
CELF envisage, en concertation avec d'autres instituts de formation
linguistique, dont le Goethe Institut, de présenter à la
Commission une offre de formation conjointe multilingue.
• Dans cette perspective, la volonté de la Commission de
défendre la place du français serait essentielle. Mais on
constate que de nombreux courriers ou documents émanant de la
Commission, adressés aux administrations françaises, sont
rédigés en anglais. On peut ainsi remarquer que le
ministère français de la coopération a reçu depuis
le début de l'année 1997 plus de 300 documents en anglais
émanant d'une part de la Commission et, d'autre part, des DG VIII et
XII. De même, un courrier rédigé en anglais, du directeur
du programme MLIS a été adressé aux membres du
comité français de pilotage, le MLIS étant le programme
européen sur " la société de l'information
multilingue ".
De plus, les documents de travail diffusés par les institutions
communautaires sont distribués dans un premier temps en anglais, puis
seulement dans un second temps en français, ce qui réduit le
délai d'examen des documents pour les francophones s'ils ne travaillent
pas sur la version anglaise. Certains documents, appelant une validation de
chaque délégation ne font l'objet d'aucune traduction en
français.
On ne peut que déplorer cette attitude de la Commission qui contribue
grandement au recul du français. Afin de remédier à cette
situation, il conviendrait que les fonctionnaires européens
français appliquent les recommandations du guide du français dans
les institutions européennes, c'est-à-dire qu'ils demandent de
surseoir à la discussion d'un point de l'ordre du jour pour lequel les
documents en français n'auront pas été distribués
en temps utile, qu'ils refusent qu'une décision juridique soit prise sur
un texte dont la version définitive en français ne serait pas
disponible, qu'ils s'expriment en français lors des réunions
informelles et que toute circonstance rendant impossible l'emploi du
français fasse l'objet d'une observation au procès verbal et d'un
compte rendu aux autorités françaises.
B. AFFIRMER L'ENGAGEMENT DE LA FRANCE DANS LE COMBAT POUR LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE ET POUR LA CONSTRUCTION DE LA FRANCOPHONIE
1. Promouvoir le plurilinguisme
La
sauvegarde et le développement du plurilinguisme ont toujours
été une des préoccupations de la communauté
francophone. A cet égard, l'apprentissage au cours de la
scolarité de deux langues vivantes étrangères doit
être vivement soutenu. En effet, le " monolinguisme " dans
l'enseignement des langues vivantes privilégie systématiquement
l'anglais. Lorsque l'apprentissage d'une seule langue étrangère
est imposé, l'anglais est choisi de façon majoritaire et le
nombre d'enfants apprenant le français régresse, on le constate
par exemple dans des pays comme l'Allemagne ou l'Italie. En Espagne, depuis que
l'enseignement de deux langues étrangères est devenu obligatoire,
l'apprentissage du français qui avait nettement régressé
au profit de l'anglais, s'est fortement développé.
Votre rapporteur tient à rappeler que l'évolution vers le
monolinguisme n'est pas inéluctable et ne doit pas être
considérée comme telle, comme le prouvent les réflexions
menées en France et en Europe sur ce sujet.
a) La mission d'information sur l'enseignement des langues vivantes dans l'enseignement scolaire
•
La mission d'information sur l'enseignement des langues vivantes dans
l'enseignement scolaire, constituée au sein de la commission des
affaires culturelles du Sénat, à l'initiative de votre
rapporteur, a analysé les dérives et la sous-utilisation d'un
dispositif scolaire pourtant ambitieux pour l'enseignement des langues
vivantes. Le dispositif scolaire d'enseignement des langues en France n'assure
plus une diversification linguistique satisfaisante, et plus grave encore,
l'évolution actuelle de l'enseignement des langues
étrangères se traduit par une régression et une
uniformisation linguistique caractérisée principalement par
l'hégémonie d'une seule langue, l'anglais.
• Les travaux de la mission ont permis de définir 50 mesures
constituant un nouveau contrat pour l'enseignement des langues. Elles
s'ordonnent autour de dix actions qui constituent autant de priorités
à mettre en oeuvre afin de favoriser la promotion du multilinguisme en
France. Ces actions sont les suivantes :
- Rechercher la diversification linguistique, notamment par l'enseignement
obligatoire d'au-moins deux langues vivantes, et l'incitation au
développement d'une troisième langue à partir de la classe
de seconde ;
- Développer une information impartiale à l'attention des
familles et des élèves sur l'intérêt de la
diversification linguistique ;
- Renforcer l'apprentissage précoce des langues dans le primaire ;
- Prendre en compte les spécificités linguistiques
régionales, en établissant un schéma linguistique
régional prenant en compte les groupes humains d'origine
étrangère, les jumelages et la proximité des pays
étrangers ;
- Favoriser " l'immersion linguistique " des élèves,
en rendant obligatoire les séjours linguistiques et en ayant recours aux
enseignants étrangers par exemple ;
- Réactiver l'enseignement des langues dites
" minoritaires " ;
- Adapter les méthodes d'enseignement des langues vivantes, notamment
en privilégiant l'expression orale des élèves, et en
abordant la dimension culturelle et sociale des pays concernés, afin que
l'enseignement soit moins " académique " ;
- Adapter la formation des enseignants, en renforçant leur formation
linguistique par exemple ;
- Développer les actions internationales, en étendant les
programmes linguistiques européens, et en favorisant les échanges
d'enseignants entre pays ;
- Définir une nouvelle politique des langues, en créant une
commission nationale permanente des langues étrangères
auprès du ministère de l'éducation nationale
chargée notamment de définir les besoins linguistiques, et une
politique de recrutement des enseignants, et associant l'éducation
nationale, les grandes écoles, les chambres consulaires, les
collectivités territoriales, le Parlement, le Conseil économique
et social et les organisations syndicales d'enseignants en langues
étrangères.
• Le ministère de l'éducation nationale propose cette
année une réforme de l'enseignement des langues
étrangères qui correspond à quelques unes des
recommandations de la mission d'information.
La rentrée scolaire a permis d'envisager une
généralisation progressive de l'apprentissage d'une langue
étrangère à l'école primaire, 96 % des
élèves de CM2 recevront un enseignement de langue vivante
étrangère, cet enseignement devant être étendu au
CM1 à la rentrée 1999.
A l'école primaire, au collège et au lycée, la
diversification et l'amélioration de l'enseignement des langues seront
développées. A titre d'exemple, on peut remarquer que 1 000
assistants étrangers seront recrutés et affectés dans les
écoles primaires.
Les établissements scolaires, du premier et du second degré,
devront veiller à informer les familles sur l'offre académique,
les particularités et l'utilité de chacune des langues
proposées.
Enfin, des groupes de pilotage académique des langues vivantes,
constitués sous la responsabilité du recteur, seront
chargés d'assurer la cohérence et le suivi des mesures en faveur
de l'enseignement des langues vivantes dans le premier et le second
degré. Un groupe de pilotage national sera constitué et remettra
un rapport d'évaluation en juin 1999.
Votre rapporteur approuve ce premier pas positif en faveur du
développement du plurilinguisme dans le système scolaire
français. Ce projet devra cependant être effectivement mis en
oeuvre, avant de révéler s'il constitue une réponse
appropriée aux insuffisances actuelles du système d'enseignement
des langues étrangères en France.
b) Des efforts au niveau européen et la prise de position du Conseil de l'Europe
•
Le Conseil des ministres de l'éducation a adopté le 31 mars 1995
une résolution sur l'amélioration de l'enseignement des langues
au sein des systèmes éducatifs de l'Union européenne. Le
Livre blanc " Enseigner et apprendre : vers la
société cognitive "
, de 1996, recommande de permettre
à chaque citoyen européen d'acquérir la maîtrise
effective de trois langues communautaires. Par ailleurs, le Conseil de l'Union
européenne a adopté à la fin de l'année 1997 une
résolution sur l'enseignement précoce des langues de l'Union
européenne, encourageant les Etats membres à développer
l'apprentissage des langues au niveau élémentaire, en insistant
sur la nécessité de diversifier cet apprentissage et d'assurer la
continuité dans l'offre de l'enseignement de plusieurs langues.
• Sur une initiative prise par votre rapporteur en qualité de
représentant français, l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe a adopté à l'unanimité le
23 septembre 1998 une recommandation de la commission de la culture et de
l'éducation en faveur de la diversification linguistique. Les principaux
objectifs qu'elle propose sont les suivants :
- définir la diversification linguistique comme une priorité de
la politique linguistique, et procéder à des enquêtes
comparatives sur la diversification linguistique dans les pays membres du
Conseil de l'Europe afin d'élaborer sur ces bases les politiques
européennes dans ce domaine ;
- promouvoir la connaissance d'au moins deux langues étrangères
en fin de scolarité ;
- associer l'Assemblée parlementaire à la préparation de
" l'Année européenne des langues ", envisagée
par le Conseil de la coopération culturelle pour 2001.
L'Assemblée recommande également au Comité des ministres
d'inviter les Etats membres :
- à promouvoir la création de schémas linguistiques
régionaux, établis en liaison avec les élus locaux et
prenant en compte la présence de groupes humains d'origine
étrangère, les jumelages, les échanges et la
proximité des pays étrangers ;
- à développer les accords de coopération linguistique
entre régions frontalières ;
- à promouvoir l'enseignement à distance, pour rendre accessibles
les grandes langues européennes à l'ensemble des petits
établissements ;
- à étendre les séjours linguistiques, en les rendant
obligatoires au cours de la scolarité notamment ;
- à recourir plus largement aux enseignants étrangers, en
développant des échanges massifs d'enseignants au sein des Etats
membres.
Ces mesures pourraient contribuer à renforcer en France la
réflexion sur ce sujet. Il importe que la France encourage elle aussi
l'apprentissage des langues vivantes européennes. Il est en effet
difficile de reprocher à un pays de ne pas proposer l'enseignement du
français, lorsque la langue de ce pays n'est plus, ou rarement
enseignée en France.
2. Constitutionnaliser la francophonie
Lors de
précédentes révisions de la Constitution, plusieurs
propositions ont été faites pour inscrire dans notre loi
fondamentale l'appartenance de la France à la communauté
francophone.
Elles n'ont pas abouti, en particulier parce qu'il a été
considéré que les amendements déposés
étaient dépourvus de liens avec les projets de loi
constitutionnelle examinés. Cet argument ne saurait être
opposé, lors de l'examen prochain du projet de loi modifiant l'article
88-2 de la Constitution afin de permettre la ratification du Traité
d'Amsterdam.
Il paraît en effet logique que nous affirmions, en même temps que
notre appartenance à l'Europe, notre appartenance à la
communauté francophone. C'est pourquoi votre rapporteur espère
que le Premier ministre, relevant la suggestion qui lui a été
faite par 23 membres de notre Assemblée
1(
*
)
, demandera au Gouvernement de proposer au vote du
Parlement un amendement inscrivant dans la Constitution notre engagement dans
la francophonie.
a) Les amendements déposés lors des révisions constitutionnelles de 1995 et 1996
Lors de
l'examen en 1995 du projet de loi constitutionnelle relative au champ
d'application du référendum, à la session unique et au
régime de l'inviolabilité parlementaire, un amendement, proposant
la constitutionnalisation de la francophonie, avait été
déposé au Sénat par le Président Maurice Schumann,
le Président Xavier de Villepin et votre rapporteur. Il tendait à
insérer dans la Constitution un titre relatif à la francophonie
et comportant un article unique disposant que
" la République
participe à la construction d'un espace francophone de solidarité
et de coopération ".
Cet amendement avait été adopté par le Sénat mais
n'avait pas été retenu par l'Assemblée nationale.
D'autres amendements ayant même objet avaient été
déposés lors de l'examen en 1996 du projet de loi
constitutionnelle instituant les lois de financement de la
Sécurité sociale.
A l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Chevènement avait
proposé un amendement insérant dans la constitution un article
additionnel dont la rédaction était identique à celle
proposée par l'amendement adopté l'année
précédente par le Sénat. Repoussé par la Commission
des lois, cet amendement n'avait cependant pas été examiné
en séance publique.
Lors de la discussion du projet de loi au Sénat, un nouvel amendement
avait été déposé par les signataires de
l'amendement adopté en 1995, auxquels s'étaient joint six autres
signataires représentant tous les groupes de notre
Assemblée
2(
*
)
. Cet amendement proposait
d'insérer dans la Constitution un titre " Francophonie "
comportant un article unique prévoyant que "
la
République participe au développement de la solidarité et
de la coopération entre les Etats et les peuples ayant le
français en partage ".
Cet amendement n'a pas été
adopté.
b) La demande adressée au Premier ministre par 23 sénateurs appartenant à tous les groupes politiques, le 29 septembre 1998
Comme on
l'a déjà souligné, l'adjonction au projet de loi
constitutionnelle actuellement soumis au Parlement d'un article relatif
à la francophonie serait parfaitement cohérente avec l'objet de
ce texte et permettrait de le compléter en rappelant que notre
engagement dans la francophonie contribue aussi à définir, notre
rôle international, les solidarités que nous voulons affirmer et
les valeurs que nous souhaitons contribuer à défendre dans le
monde d'aujourd'hui.
Elle répondrait aux voeux de nos partenaires francophones de voir la
France s'engager en faveur de la francophonie et affirmerait, aussi, notre
volonté politique de défendre le statut international de la
langue française.
C'est pourquoi 23 sénateurs appartenant à tous les groupes
politiques du Sénat ont adressé au Premier ministre une lettre
demandant que le Gouvernement dépose un amendement au projet de loi
constitutionnelle tendant à reconnaître la francophonie et
soulignant que "
Cette proposition vise à affirmer, aux yeux de
nos concitoyens et de nos partenaires francophones, mais aussi du reste du
monde, que la France prend au sérieux la construction d'une
communauté de coopération et de solidarité
privilégiée fondée sur une langue partagée par plus
d'un quart des pays du monde et sur des valeurs communes telles que les droits
de l'Homme, la liberté, la démocratie et le développement
solidaire
".
Les sénateurs proposent trois rédactions possibles de cet
amendement :
- la reprise de l'amendement proposé à l'Assemblée
nationale en janvier 1996 : "
La République participe
à la construction d'un espace francophone de solidarité et de
coopération
" ;
- la reprise de l'amendement défendu au Sénat en janvier
1996 : "
La République participe au développement de la
solidarité et de la coopération entre les Etats et les peuples
ayant le français en partage
".
- la rédaction proposée par notre collègue le
Sénateur M. Philippe Darniche qui tend à compléter
l'article 88 de la Constitution qui dispose : "
La république
peut conclure des accords avec des Etats qui désirent s'associer
à elle pour développer leur civilisation
" par les mots
: "
notamment pour renforcer la communauté
francophone
" ;
Le Président de la République a bien voulu faire savoir à
votre rapporteur qu'il "
prenait acte
" de l'importance
qu'attachaient de nombreux sénateurs à l'ouverture d'un
débat sur la possibilité d'un amendement constitutionnel
gouvernemental favorisant la reconnaissance de la francophonie.
Le Conseil supérieur des Français à l'étranger
(CSFE) a également souhaité que soit inscrit dans la constitution
que la France a pour mission de dynamiser la construction de la
communauté francophone, en soutenant l'amendement présenté
par M. Darniche. Il s'est prononcé lors de sa 51ème session
par un vote unanime tant en commission qu'en séance en faveur de la
constitutionnalisation de la francophonie.
CONCLUSION
En
conclusion, votre rapporteur propose à votre commission :
- de se prononcer en faveur de l'adoption des crédits de la
francophonie, sous réserve qu'ils ne fassent l'objet cette année
encore d'aucune mesure de régulation ou de gel ;
- de demander au Gouvernement d'intervenir avec la plus grande fermeté
auprès de la Commission européenne de Bruxelles et des instances
de l'Union européenne pour que soient respectées les
règles linguistiques qui régissent l'Union et que soit garantie
la place du français dans les relations avec les pays candidats à
l'adhésion ;
- de demander à la France de veiller au respect par les pays membres de
la francophonie de leur engagement de recourir au moins en partie au
français dans les institutions internationales ;
- de demander au Gouvernement de déposer un amendement
constitutionnalisant la francophonie à l'occasion de la prochaine
révision constitutionnelle, afin de témoigner de l'engagement de
la France dans la francophonie
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une séance tenue le jeudi 19 novembre 1998, la commission a
procédé à
l'examen du rapport pour avis de
M. Jacques Legendre sur les crédits de la francophonie pour
1999
.
Un large débat a suivi l'intervention du rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, président
, a souligné la richesse de
l'exposé du rapporteur pour avis et l'importance de ses propositions.
S'associant aux propos du président et affirmant son soutien à la
constitutionnalisation de la francophonie,
M. Xavier Darcos
a
insisté sur l'importance, pour la francophonie, de l'enseignement des
langues vivantes. Il a souligné que dans les pays où une seule
langue était enseignée, l'anglais était toujours
prédominant, que ce soit en Italie, en Allemagne ou dans les pays
d'Europe centrale et orientale dont le système scolaire s'inspire du
modèle allemand. Il s'est interrogé sur la diffusion des
chaînes de télévisions françaises dans le monde. Il
a ensuite souhaité savoir quel sort serait réservé
à la demande d'adhésion à la francophonie d'Israël.
Remarquant que les exportations de livres français diminuaient, il s'est
enquis de l'action du ministre de la culture dans ce domaine. Enfin, il a
regretté qu'il n'existe plus de ministre spécifiquement
chargé de la francophonie.
M. James Bordas
a indiqué qu'il partageait nombre des remarques
et suggestions du rapporteur pour avis, et il a souhaité que le
Gouvernement prenne conscience des risques qu'il y a à ne pas accorder
une importance suffisante à la défense de la place du
français dans les organisations internationales. Il a souligné
que le Français devait rester langue officielle aux prochains Jeux
olympiques de Sydney, et a engagé les responsables français du
comité international olympique à agir en ce sens. Enfin, il s'est
prononcé en faveur de l'adoption des crédits de la francophonie,
tout en regrettant comme le rapporteur la stagnation de ces crédits et
en affirmant son opposition à toute mesure de régulation.
Revenant sur l'évolution du budget de la francophonie,
M. Michel
Dreyfus-Schmidt
a souhaité connaître la différence que
faisait le rapporteur pour avis entre stagnation et stabilisation. Appuyant les
propos de M. Xavier Darcos, il s'est étonné que la
communauté francophone, qui comprend des pays où l'usage du
français est en fait très peu répandu, refuse
l'adhésion d'Israël, où existe une communauté de
400.000 francophones.
Il a observé que la francophonie créait des devoirs à la
France à l'égard des pays qui ont gardé l'usage de notre
langue et dont les ressortissants se tournent vers notre pays, parce qu'ils
parlent le français, lorsqu'ils souhaitent trouver un sort meilleur.
Par ailleurs, il s'est opposé à la constitutionnalisation de la
francophonie, qui pourrait être considérée par certains
comme s'inscrivant dans une démarche " rétrograde ",
quelle que soit la bonne foi des promoteurs de cette constitutionnalisation,
dont il a noté que le général de Gaulle ne l'avait jamais
souhaitée.
M. Adrien Gouteyron, président
, a demandé au rapporteur
pour avis si la future DGCID ne risquait pas de manifester la même
" indépendance " à l'égard de l'autorité
politique que l'ancienne direction générale des relations
culturelles, scientifiques et techniques.
Répondant aux différents intervenants,
M. Jacques
Legendre, rapporteur pour avis,
a apporté les précisions
suivantes :
- la DGCID sera une direction très importante, mais elle devrait
être placée sous l'autorité du ministre
délégué, moins accaparé par ses fonctions que le
ministre des affaires étrangères. La création d'un
ministère délégué compétent en
matière de relations culturelles et de francophonie offrirait à
cet égard les meilleures chances d'assurer le " pilotage
politique " de l'action culturelle extérieure ;
- l'apprentissage des langues étrangères est un enjeu essentiel
pour la défense du français, comme l'avait souligné la
mission d'information de la commission sur l'enseignement des langues vivantes
dans l'enseignement scolaire. Il est indispensable, si l'on veut
préserver la diversité linguistique, que les élèves
apprennent deux langues étrangères. Il faut aussi veiller
à ce que l'apprentissage précoce des langues ne
bénéficie pas uniquement à l'anglais. Une recommandation
défendue par le rapporteur pour avis, et adoptée à
l'unanimité le 25 septembre 1998 par l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, préconise l'apprentissage de deux
langues étrangères. Il serait souhaitable que l'Union
européenne défende la même position ;
- la volonté d'inscrire la francophonie dans la Constitution n'est pas
l'expression d'un " provincialisme rétrograde ", mais une
réponse au souhait de nos partenaires francophones de voir la France
s'engager en faveur de la promotion de la francophonie. Ce serait aussi
l'affirmation de notre volonté politique de défendre le statut
international du français ;
- l'adhésion d'un Etat à la communauté francophone est
soumise au vote unanime des chefs d'Etat et de Gouvernement ayant le
Français en partage, l'opposition des pays arabes francophones fait donc
obstacle à l'adhésion d'Israël. Cela dit, d'autres pays
où le français est très largement pratiqué ne font
pas partie de la francophonie. Ainsi, l'Algérie, qui correspond à
tous les critères de définition d'un pays francophone, n'a jamais
souhaité, pour des raisons historiques, adhérer aux instances
internationales de la francophonie ;
- on peut objectivement constater que les crédits des affaires
étrangères sont stables. Subjectivement, on peut
considérer cette stabilité comme une stagnation et souhaiter non
seulement le maintien, mais encore le développement des moyens de
l'action extérieure de la France ;
- une action volontariste doit être menée pour défendre le
statut du français comme langue officielle des Jeux Olympiques.
Reprenant la parole,
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a fait observer qu'il ne
paraissait pas normal que l'adhésion d'un Etat à la francophonie
puisse être refusée en raison de l'opposition de quelques Etats.
Il a estimé souhaitable que la règle de l'unanimité soit
réformée et qu'une majorité qualifiée puisse
décider de l'admission d'un nouvel Etat au sein de la communauté
francophone.
M. Philippe Richert
a signalé que le refus d'intégrer
Israël à la francophonie favorisait la progression de l'anglais
dans ce pays et dans l'ensemble de la région, et nuisait aux relations
franco-israéliennes. Les institutions francophones pourraient de plus
être un lieu de rencontre pacifique pour Israël et les pays voisins.
Il a donc souhaité que les obstacles à l'adhésion
d'Israël à la communauté francophone puissent être
surmontés.
En réponse à ces nouvelles interventions, le rapporteur pour avis
a souligné qu'il était favorable à l'admission
d'Israël au sein de la communauté francophone, dès que la
situation internationale le permettra. Il a également rappelé que
la France renforçait son action culturelle en Israël dans le cadre
de la politique de coopération bilatérale.
A l'issue de ce débat, la commission, suivant les propositions de son
rapporteur, a décidé à l'unanimité de
donner un
avis favorable à l'adoption des crédits de la francophonie pour
1999
.
.
1
MM. Denis Badré, Michel Barnier,
Philippe Darniche, Jean Delaneau, Hubert Durand-Chastel, Jean Faure, Alfred
Foy, Emmanuel Hamel, Adrien Gouteyron, Jacques Habert, Gérard Larcher,
Jacques Legendre, Jean Madelain, André Maman, Louis Moinard, Lucien
Neuwirth, Jacques Oudin, Guy Penne, Ivan Renar, Henri Revol, Maurice Ulrich,
Danièle Pourtaud, Xavier de Villepin.
2
Cet amendement a été signé par MM. Adrien
Gouteyron, Xavier de Villepin, Maurice Schumann, Jean Delaneau, Jacques Habert,
Alain Peyrefitte, Guy Penne, Ivan Renar et Jacques Legendre.