III. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER ET L'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

A. LES CRÉDITS DE L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS À L'ÉTRANGER (AEFE)

Suivant les termes de la loi du 6 juillet 1990 qui l'a instituée, l'AEFE est chargée de quatre missions :

- assurer pour les enfants français à l'étranger le service public d'éducation ;

- assurer l'accueil d'élèves étrangers afin de contribuer au rayonnement de la langue et de la culture française ;

- assurer la coopération entre les systèmes éducatifs français et étranger ;

- aider les familles des élèves français ou étrangers à supporter les frais liés à l'enseignement élémentaire, secondaire ou supérieur et stabiliser les frais de scolarité.

La subvention à l'Agence s'élèvera en 1999 à 1,96 milliard de francs contre 1,49 milliard de francs dans la loi de finances initiale de 1998.

Les crédits de 1999 prévoient 20 millions de francs de mesures nouvelles en faveur des bourses scolaires.

L'Agence perçoit en outre une participation des établissements pour la rémunération des résidents, ainsi que des ressources propres dont le montant n'est pas encore évalué, mais dont l'ordre de grandeur est indiqué dans le tableau ci-après.

RECETTES DE L'AEFE (comparaison 1997/98)

 

Compte financier

1997

Budget primitif

1998

Subvention des affaires étrangères

1 408,9

1 496,1

Subvention de la coopération

363,9

368,4

Participation des établissements à la rémunération des résidents

329,2

338,6

Produits financiers

8,5

9,0

Autres recettes

4,0

2,9

Total recettes

2 114,7

2 215,1

Source : Rapport d'activité de l'AEFE.

B. L'EXÉCUTION DES MISSIONS

1. Le réseau et la scolarisation

L'Agence assure le fonctionnement de trois catégories d'établissements scolaires à l'étranger : les établissements en gestion directe, les établissements conventionnés, pour la plupart gérés par des associations de parents d'élèves ; les établissements simplement homologués, qui bénéficient de quelques subventions de fonctionnement et de bourses, et sont associés aux programmes d'inspection et aux actions de formation continue, on dénomme ces derniers " établissements hors réseau ", mais il convient de les intégrer au réseau de l'enseignement français à l'étranger au sens large. Celui-ci comprend plus de 400 établissements (dont 66 en gestion directe et 204 conventionnés) dans quelque 125 pays, ayant scolarisé 156.084 élèves durant l'année scolaire 1997-1998, contre 157.015 pendant l'année 1996-1997. Il convient d'observer à cet égard que le chiffre théorique du public " scolarisable " des enfants français à l'étranger s'élève à 250 000, selon l'Association démocratique des Français à l'étranger.


 

1995-1996

1996-1997

1997-1998

%

Français

62 170

64 090

64 605

41,4

Nationaux

71 995

71 735

70 680

45,3

Etrangers tiers

21 462

21 190

20 799

13,3

TOTAL

155 627

157 015

156 084

100

Conformément à la politique définie pour l'Agence, les effectifs des élèves français progressent (+2 435), alors que ceux des élèves nationaux et étrangers tiers tendent à diminuer.

L'Europe de l'Ouest est le continent où l'effectif scolarisé dans des établissements liés à l'AEFE est le plus important (36.658 en 1997-1998). Elle est immédiatement suivie par l'Afrique (36.202 élèves scolarisés, pays hors champ de compétence du secrétariat d'Etat chargé de la coopération compris) puis par l'Amérique latine (23.292 élèves), le Maghreb (21.215), le Moyen Orient (17.017), l'Amérique du Nord (9.892), l'Asie-Océanie (8.539) et enfin l'Europe centrale et orientale avec 2.669 élèves. L'Europe centrale et orientale a connu la plus forte progression des effectifs scolarisés dans des établissements gérés ou conventionnés par l'AEFE.

2. Le corps enseignant

Quatre catégories d'enseignants

Les personnels en poste à l'étranger, relevant de l'AEFE sont régis par le décret du 31 mai 1990 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement à l'étranger. Ils relèvent de trois catégories :

- les expatriés : le décret, dans son article 2, indique que les personnels recrutés hors du pays d'affectation sont dit " personnels expatriés ".

- les résidents sont les personnels établis dans le pays depuis trois mois ou plus et recrutés sur place. Sont également dits " personnels résidents " les agents établis depuis moins de trois mois, qui pour suivre leur conjoint ont élu domicile dans le pays d'exercice de ce conjoint.

- les ex-CSN (coopérants du service national) sont les volontaires du service national actif chargés d'enseignement qui demeurent en fonctions pour terminer l'année scolaire en cours au moment où ils sont dégagés de leurs obligations au titre du service national, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre chargé du budget et, selon le cas, du ministre des affaires étrangères ou du ministre délégué à la coopération. La loi du 28 octobre 1997 a instauré un volontariat civil dans les domaines actuellement concernés par le SNA. Un projet de loi est en cours de préparation pour définir les conditions d'exécution de ce volontariat qui revêt une importance capitale pour remplacer à partir de 2002 les 500 coopérants servant actuellement dans le réseau.

L'Agence connaît une quatrième catégorie de personnel : les recrutés locaux. Dans les établissements en gestion directe, ces agents bénéficient d'un contrat local signé par le chef d'établissement. Bien que participant à la mission de l'établissement public, ces agents ne sont pas mentionnés dans le décret du 31 mai 1990 précédemment évoqué. Plus de soixante recours ont été intentés par des recrutés locaux français du Maroc devant le tribunal administratif dans le but de se faire reconnaître la qualité d'agent public et un statut de contractuel de fonction publique française. Dans les établissements conventionnés les recrutés locaux signent un contrat avec l'association gestionnaire, l'Agence n'est donc pas leur employeur. Ils sont, comme les recrutés locaux des établissements en gestion directe, soumis à la législation locale.

Les effectifs

En 1997-98, les établissements en gestion directe ou conventionnés de l'AEFE employaient environ 1.859 expatriés, 3.665 résidents, ainsi que quelque 11.000 recrutés locaux et 400 coopérants du service national.

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit la poursuite de la politique de substitution de postes de résidents à des postes d'expatriés, un des moyens utilisés afin de réduire les dépenses d'un poste qui représente 85 % des dépenses de l'AEFE. C'est ainsi que 63 postes d'expatriés seront transformés en autant de postes de résidents. Par ailleurs, 70 emplois supplémentaires d'enseignants résidents titulaires seront affectés dans le réseau d'établissements français à l'étranger. Cette mesure porte à 140 le nombre d'emplois de résidents titularisés créé depuis 1998.

Les rémunérations

L'analyse financière du salaire des 6 premiers mois de l'année 1998 indique un niveau moyen de rémunération mensuelle pour chacune des catégories et par zone de compétence des ministères de tutelles (pays hors champ pour le ministère des affaires étrangères et pays du champ pour le ministère de la coopération) de :


 

Champ

hors champ

Expatriés décret 1990

45 626

45 130

Expatriés décret 1967

52795

53 652

Résidents

17 765

17 410

ex-CSN PC

22 684

24 479

On doit noter la perpétuation d'une distorsion du système de rémunération en raison de la transformation de postes d'expatriés, en poste de résidents. Dans certains pays, le vivier local n'existant pas et pour maintenir la qualité de l'enseignement, les établissements ont tendance à recruter leurs résidents en France. Ceux-ci obtiennent outre la rémunération liée à leur contrat avec l'AEFE une prime de cherté de vie déterminée localement, plus ou moins importante selon les difficultés de recrutement. Il arrive aussi que certains avantages en nature soient accordés, notamment pour le logement et le voyage du congé annuel. Ainsi, les charges des établissements augmentent-elles, de même que celles de l'Agence, par le biais des droits de scolarité et des bourses scolaires. Ces éléments limitent la portée des économies générées par la conversion des emplois budgétaires.

3. Frais de scolarité et bourses

Une évolution préoccupante des frais de scolarité

La loi portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger précise en son article 2 alinéa 4 que l'établissement public a pour objet d'aider les familles des élèves français ou étrangers à supporter les frais liés à l'enseignement élémentaire, secondaire ou supérieur tout en veillant à la stabilisation des frais de scolarité.

Il est difficile d'apprécier l'évolution de ceux-ci en raison :

- de la diversité des financements du coût de l'enseignement français à l'étranger : subvention de l'Etat français, contributions des parents d'élèves, concours des entreprises françaises, voire des Etats d'accueil ;

- du mode de gestion : public pour les établissements en gestion directe, privé pour les établissements conventionnés ;

- de l'exécution des budgets dans les diverses monnaies locales ce qui introduit des incidences financières liées au phénomène change-prix (inflation dans le pays et parité de la monnaie locale par rapport au franc).

Pour toutes ces raisons les données financières relatives aux établissements du réseau ne sont pas homogènes et sont difficiles à analyser.

L'AEFE a néanmoins cherché à mener une étude sur la base des documents reçus des établissements. Les séries de données complètes ont été assez rares. De plus le concept de droit de scolarité est fort différent d'un établissement à l'autre. Aucun enseignement général n'a donc pu être tiré de cette étude.

L'Agence s'est alors orientée vers l'exploitation des données issues du logiciel des bourses scolaires et vers la mise en place d'un modèle d'analyse.

Parallèlement, des efforts d'harmonisation des documents budgétaires ont été demandés aux établissements.

L'étude des données du logiciel des bourses scolaires a porté sur les années scolaires 1993/1994, 1994/1995 et 1995/1996. Elle a pris en compte les seuls frais de scolarité et de réinscription annuelle, et retrace l'évolution des tarifs. Le modèle démontre que l'inflation et l'effet change sont des paramètres déterminants dans la hausse des tarifs.

En définitive, l'AEFE a constaté, pour les années scolaires 1994-1995 et 1995-1996, des hausses de tarifs dans une grande majorité d'établissements (85 % en 1994 et 87 % en 1995). Cette augmentation est relativement forte, pour près de la moitié des établissements elle est supérieure à 10 % en monnaie locale. On remarque également que les établissements qui perçoivent les frais en francs pratiquent des augmentations nettement inférieures aux augmentations théoriques résultant de l'application du modèle.

Aucune récollection de l'évolution des droits de scolarité en 1998 ne semble encore disponible.

Les bourses

Le coût de l'enseignement français à l'étranger étant supporté pour moitié par les parents d'élèves, le système des bourses, qui représentent 8 % du budget de l'AEFE, apporte aux familles un soutien indispensable.

Les crédits des bourses scolaires augmenteront de 20 millions de francs en 1999, après une augmentation de 12 millions de francs en 1998. Les bourses scolaires permettent de prendre en considération la diversité des situations familiales et locales afin de favoriser la scolarisation des jeunes Français dans le réseau de l'Agence. Cette mesure devrait permettre de réduire dans la plupart des cas la charge maximale des dépenses scolaires à quelque 20% du revenu disponible des familles.

Le système est ouvert aux élèves fréquentant les établissements gérés ou conventionnés par l'AEFE, les établissements homologués et les établissements non homologués qui assurent au moins la moitié des heures d'enseignement en français.

En 1997, 18.000 élèves (dont 15.500 dans les établissements conventionnés et en gestion directe) ont bénéficié d'une bourse. Plus d'un enfant français sur quatre a ainsi bénéficié d'une bourse scolaire. Le nombre des boursiers n'est pas encore évalué en 1998.

Les élèves étrangers ne bénéficient pas de ce système.

Cependant, l'action des associations de parents d'élèves qui acceptent, dans certains pays, de prendre en charge un effort de solidarité en faveur d'élèves étrangers dont les familles connaissent des difficultés financières pallie, dans une certaine mesure, les conséquences de cette situation. Ces bourses d'établissement peuvent représenter un pourcentage important des frais de scolarité, allant jusqu'à 10 % du total dans certaines écoles d'Afrique du Nord.

Une autre forme d'aide aux familles est constituée par les bourses francophones, créées par l'AEFE pour assurer aux familles appartenant aux pays en voie de développement de la communauté francophone la prise en charge du " différentiel " existant, dans les établissements AEFE entre le montant des scolarités dues par les élèves étrangers et le montant des droits de scolarité des élèves français. L'AEFE leur consacre un budget annuel de 8 millions de francs, correspondant à environ 40 % des besoins.

Ce dispositif apparaît très insuffisant. On peut en particulier s'interroger sur une situation qui conduit à exclure les enfants des classes moyennes des établissements français par manque de places comme en raison du poids excessif des frais de scolarité dans le revenu des familles, ce qui aura nécessairement des conséquences fâcheuses à terme sur la francophonie et sur le rayonnement culturel et économique de la France.

Un nouveau système de bourses d'excellence

Le ministère des affaires étrangères a mis au point en 1998 un dispositif nouveau de bourses d'excellence, nommé programme Eiffel, destiné à la formation de décideurs dans les domaines politique et administratif, mais surtout économique et industriel. Amorcé par réarrangement et redéploiement de l'existant, la montée en puissance progressive de ce qui pourrait constituer le socle d'un grand programme de 1 000 bourses en l'an 2000 demeure toutefois conditionnée par l'affectation de moyens nouveaux sur plusieurs années.

Les 50 millions de francs dégagés pour 1999 devraient permettre la mise en place de 300 de ces bourses dès le début de l'année.

On notera à cet égard que le rapport sur la politique d'immigration, établi récemment à la demande du premier ministre par M. Patrick Weil, s'interrogeait sur les moyens d'attirer en France les meilleurs étudiants étrangers.

En effet, sur les 6 000 bacheliers qui proviennent chaque année des centres d'examen hors de France, plus de 2 000 sont étrangers. Même si l'on retire de ce nombre les étrangers qui peuvent financer leurs études supérieures sur leurs ressources propres, il reste un potentiel d'au moins 1 500 étudiants qui auraient vocation à bénéficier de l'enseignement supérieur français et à constituer de futures élites francophones et francophiles, voire, comme le suggèrait le rapport Weil, à revenir exercer comme enseignants dans les établissements français de l'étranger.

On constate, parallèlement, que la France, qui occupait depuis des décennies la seconde place en nombre d'étudiants accueillis, a été dépassée par la Grande-Bretagne (dont l'effectif d'étudiants étrangers a doublé en quatre ans), l'Australie connaissant également une progression remarquable. De plus, notre place est proportionnellement encore plus modeste auprès des pays émergents notamment d'Asie, qui constituent pourtant un enjeu considérable d'influence aussi bien économique, politique et technologique que culturel.

Ce rappel confirme la pertinence des orientations de l'AEFE qui visent à faire des lycées français le lieu d'une meilleure information sur l'offre française de formation et sur l'orientation dans nos universités. A travers les projets d'établissement, les forums-emploi et la généralisation de l'accès à Internet, ils doivent compléter le rôle indispensable joué dans ce domaine par les centres de ressources placés auprès des services culturels.

D'autres efforts sont entrepris. Ainsi, le ministère des affaires étrangères a pris l'initiative de lancer une politique dans ce domaine en coopération avec le ministère de l'éducation nationale dans le cadre d'une charte pour la promotion des formations supérieures et l'accueil des étudiants étrangers signée au moins de mai 1997. Son principal instrument se concrétise sous la forme d'un GIP commun à ces deux administrations, en instance de création.

On ne peut conclure cet examen des modalités de l'accueil des étudiants étrangers sans évoquer le rôle essentiel de la politique des visas. Interrogé sur ce point par votre rapporteur lors de l'audition du 5 novembre dernier, M. Charles Josselin a estimé que les conditions d'octroi des visas devaient tenir compte de cette priorité, et les services culturels devront participer au " repérage " des élites universitaires et culturelles susceptibles d'être accueillies en France.

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