N° 67
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME X
COMMUNICATION AUDIOVISUELLE
Par M. Jean-Paul HUGOT,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Adrien Gouteyron,
président
; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis
Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar,
vice-présidents
; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André
Maman, Mme Danièle Pourtaud,
secrétaires
;
MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean
Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel
Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel
Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre
Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger
Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre,
Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc,
MM. Pierre Martin
,
Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar,
Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux,
Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat,
René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
et
66
(annexe n°
8
)
(1998-1999).
Lois de finances
.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de budget de la communication audiovisuelle pour 1999 présente
quelques bonnes apparences : les moyens des organismes augmenteront de
2,6 %, ce qui permettra la mise en place de mesures nouvelles parfois
significatives.
Cependant, si l'on entre dans le détail des orientations
adoptées, si l'on examine leur pertinence au regard des objectifs du
projet de loi sur la communication audiovisuelle bientôt discuté
par l'Assemblée nationale - et l'on se souvient que le ministre de la
culture et de la communication a présenté son budget comme une
préfiguration des orientations du projet de loi - on se trouve face
à d'inextricables contradictions.
Plutôt piquante serait de prime abord la contradiction entre le
radicalisme des objectifs publicitaires affichés pour les prochaines
années, et la modestie du premier pas consenti dans le cadre de ce
" budget de préfiguration ".
Inquiétante est en revanche la contradiction entre les estimations de
recettes publicitaires présentées pour 1999 et les
réalités du marché. Celui-ci pourrait bien
précéder le gouvernement dans la voie de la régression des
ressources propres des chaînes. Pénurie et déficits se
profilent.
Plus grave encore apparaît à terme la contradiction entre le
démantèlement immédiat des ressources budgétaires
des chaînes et la réduction planifiée de leurs ressources
propres. Il faudra pourtant mobiliser massivement les ressources
budgétaires pour faire face aux besoins de financement du secteur public
de l'an 2000, quand une situation financière dégradée aura
placé la télévision publique dans une position
concurrentielle difficile face au secteur privé (il ne faut pas craindre
de parler de concurrence, prétendre mettre les organismes publics
à l'abri de toute "
logique commerciale "
n'a pas de
sens : il faudra bien qu'ils entrent en concurrence avec les chaînes
privées sur le marché des programmes, pour sauvegarder une
audience qui est la raison d'être de la télévision publique
généraliste).
Sur quelle autre source de financement que les crédits
budgétaires pourra-t-on alors compter ? Votre commission appelle
depuis plusieurs années l'attention des gouvernements sur les faibles
perspectives de recettes nouvelles que la redevance offre. Ce
prélèvement posera en effet problème quand
l'évolution de la communication audiovisuelle lui aura donné un
caractère manifestement artificiel et dépassé. Le
gouvernement semble en prendre conscience puisque l'augmentation des taux sera
alignée en 1999 sur la hausse des prix. Encore faudrait-il en tirer les
conclusions nécessaires en ce qui concerne l'évolution des autres
recettes.
Derrière ce budget apparemment anodin et plutôt sympathique, se
profile ainsi une logique régressive que votre commission des affaires
culturelles entend dévoiler - c'est le propos de son rapport sur les
crédits de 1999 - puis combattre : ce sera son objectif au cours de
l'examen très prochain du projet de loi sur le secteur public de la
communication audiovisuelle.
I. LE BUDGET DE 1999 : MOINS DE FOND QUE D'APPARENCES
A. DES MOTIFS DE SATISFACTION
1. Des moyens en augmentation et l'amorce d'une nouvelle structure de financement
Dans son
rapport pour avis sur les crédits de 1998, votre rapporteur avait
dénoncé trois graves défauts du projet de budget :
- la contradiction entre l'intention affichée du ministre d'inverser la
" spirale infernale " de l'accroissement relatif des recettes
publicitaires de l'audiovisuel public, et la légère progression
de celles-ci dans le projet de budget pour 1997 ;
- l'augmentation sensible de la redevance, ressources que l'évolution
globale de la communication audiovisuelle condamne à la
régression, et l'absence de réflexion sur le financement future
de l'audiovisuel public ;
- la concentration accrue des crédits budgétaires sur
France 2 et France 3, et la voie ouverte à des
régulations déstabilisatrices pour la gestion de ces organismes,
ce risque " conjoncturel " étant épargné
à la Sept-Arte et à La Cinquième.
Les propositions du projet de budget pour 1999 semblent répondre
largement à ces critiques :
- les ressources publiques augmentent de 3,2 %, et les ressources propres
de 1,3 %, ce qui porte à 69,4 % la part des financements
publics dans les budgets des organismes, contre 69 % en 1998 ;
- si le produit de la redevance doit augmenter de 3,2 %, son taux
n'augmentera que de 1,2 %, ce qui représente un alignement sur la
hausse des prix ;
- l'égalité semble rétablie entre les chaînes
publiques. Le budget de France 2 augmentera de 2,5 %, celui de
France 3 de 3,6 %, celui de La Cinquième de 2,9 %
après une augmentation de 6,7 % en 1998, celui d'Arte de 2,9 %
après une augmentation de 7,3 % en 1998, celui de RFO de 3 %
et celui de Radio France de 2,4 %. Par ailleurs, la régulation
budgétaire de 1998 a été répartie de façon
apparemment équitable entre les organismes. L'arrêté
d'annulation du 17 janvier 1998 a en effet porté sur 11 millions de
francs, 5 millions de francs étant supportés par le budget
de France Télévision, 3 millions de francs par celui de
la Sept-Arte, et 3 millions de francs par celui de La Cinquième.
A ces orientations qui corrigent les plus manifestes " erreurs de
tir " du budget de 1998, s'ajoute une augmentation globale des ressources
du secteur public, qui passeront en 1999 de 18 milliards de francs
à 18,5 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de
2,6 % par rapport à 1998.
(en %)
|
Loi de finances initiale 1997 |
Loi de finances initiale 1998 |
Loi de finances initiale 1999 |
Ressources publiques |
69,1 |
69 |
69,4 |
Publicité parrainage |
25,7 |
26,1 |
26 |
Autres ressources propres |
5,2 |
4,9 |
4,6 |
Total |
100 |
100 |
100 |
Source : Ministère de la culture et de la communication
2. Des mesures nouvelles apparemment significatives
Les
mesures nouvelles du projet de budget de 1999 s'élèvent à
334,5 millions de francs ainsi répartis :
INA
: (13,8 millions de francs)
L'enveloppe consacrée aux mesures nouvelles permettra à
l'Institut de développer le processus de numérisation et de
modernisation de la chaîne de traitement et d'exploitation des archives,
de façon à améliorer les services rendus au diffuseurs par
l'INA et à conforter ses ressources commerciales. En outre, le lancement
d'un plan de sauvegarde et de restauration des archives donnera à l'INA
les moyens de mieux remplir sa mission patrimoniale.
France 2
: (158,2 millions de francs)
Les moyens supplémentaires accordés à France 2 iront
au renforcement des investissements de la chaîne en matière
d'information et de coproduction de fictions cinématographiques et
télévisuelles. Ce choix budgétaire
" conforte le
rôle fédérateur et de référence de la
chaîne en matière de programmes ",
selon la
présentation des crédits faite par le " jaune
budgétaire " du secteur public de la communication audiovisuelle.
France 3
: (68,1 millions de francs)
La mesure nouvelle de 68,1 millions de francs sera consacrée
à la poursuite du développement des programmes régionaux,
renforçant ainsi la vocation première de France 3. Il sera
de ce fait possible de financer en 1999 un programme hebdomadaire de 26 minutes
dans chaque région, et de lancer huit nouvelles éditions locales,
après les six nouveaux journaux lancés en 1998.
la Sept-Arte
: (36,9 millions de francs)
Le budget supplémentaire attribué à la chaîne est
destiné pour une grande part à l'enrichissement de l'antenne,
notamment au financement d'une amélioration des programmes de
l'avant-première partie de soirée, et à la diffusion d'une
cinquantaine de documentaires supplémentaires (29,9 millions de
francs). Il permettra par ailleurs, à hauteur de 7 millions de
francs , de couvrir le supplément de charges fonctionnelles du GEIE-ARTE
en 1999.
La Cinquième
: (12,8 millions de francs)
La mesure nouvelle permettra à la Cinquième, d'une part,
d'élargir à hauteur de 5,5 millions de francs ses marges de
manoeuvre en matière de programmes et, d'autre part, de consacrer
7,3 millions de francs à la banque de programmes et de services
pour enrichir les sites existants et développer de nouvelles
implantations, notamment dans des lieux culturels.
RFO
: (10,3 millions de francs )
La mesure nouvelle de 10,3 millions de francs doit permettre à RFO
de développer ses programmes propres et d'en enrichir le contenu.
Radio France
: (10,2 millions de francs)
La mesure nouvelle devra permettre à Radio France de mieux assurer les
principaux objectifs de sa modernisation. S'agissant des différentes
antennes, la priorité est à l'amélioration de la politique
d'offre de programmes et au renforcement de l'information, notamment sur France
Inter.
RFI
: (24,2 millions de francs)
Cette mesure nouvelle est principalement destinée à assainir la
situation financière de RFI. Il est en effet apparu indispensable de
reconstituer le fonds de roulement de la société, affecté
par les déficits d'exploitation enregistrés depuis 1996 du fait
de suppression de crédits budgétaires, et de la
réalisation seulement partielle de la réduction, dont les effets
avaient été anticipés dès 1997, des frais de
diffusion sur ondes courtes en 1997 et 1998.
Ces choix semblent répondre à certains souhaits traditionnels du
législateur.
• Votre rapporteur ne peut que se féliciter de l'affirmation
explicite du rôle fédérateur et de référence
de France 2 en matière de programmes. Après
l'évocation, à la fin de 1997, du rôle de la Sept-Arte et
de La Cinquième comme
" références majeures du
secteur audiovisuel public ",
le ministre de la culture et de la
communication revient à une conception plus équilibrée et
plus juste du secteur public : France Télévision est le
coeur du dispositif, en fonction de l'idée, partagée par votre
rapporteur, que les chaînes publiques ont une mission
d'intégration qui les conduit à proposer au grand public la gamme
de programmes la plus vaste possible
1(
*
)
.
• Votre rapporteur apprécie le développement des
programmes régionaux de France 3. Il correspond à la mission
spécifique de la chaîne au sein de la télévision
publique généraliste, et va préparer France 3
à mieux affronter, sur un terrain fondamental pour elle en termes
d'audience, la concurrence que le développement de la communication
locale ne va pas manquer d'intensifier à terme.
Votre rapporteur relève, à cet égard, la volonté
légitime des acteurs privés de l'audiovisuel d'investir un
domaine dans lequel une forte demande sociale de communication de
proximité se traduit par des audiences particulièrement
intéressantes pour les services qui ont su y répondre, que ce
soit France 3, selon les modalités décrites dans
l'encadré ci-après, M6, avec ses décrochages locaux, ou la
" télévision locale de plein exercice ", dont la
réglementation de la publicité télévisée et
la politique jusqu'à récemment assez " malthusienne "
du CSA ont jusqu'à présent bridé le développement.
FRANCE 3 ET LA COMMUNICATION LOCALE
France 3
comprend treize directions régionales qui diffusent plus de 10 000
heures de programmes régionaux, d'informations régionales et
d'éditions locales.
La chaîne diffuse deux éditions régionales, quotidiennes,
de 12 heures 15 à 12 heures 30 et de 19 heures 08
à 19 heures 18. Un " tout image " régional de
trois minutes termine en outre le 19/20 chaque soir à
19 heures 55.
En matière d'information de proximité, France 3 diffuse
actuellement dix-sept éditions locales quotidiennes, entre
18 heures 56 et 19 heures 03, à Albi, Bayonne,
Boulogne, Brest, Genève, Lille, Le Mans, Marseille, Metz, Nantes,
Nîmes, Perpignan, Rennes, La Rochelle, Rodez, Toulon et Tours. Elle
propose également neuf éditions
" pluridépartementales " sur le même créneau
horaire, en Alsace, Aquitaine, Bourgogne, Centre, Corse, Franche-Comté,
Ile-de-France, Picardie et Rhône-Alpes.
Ces éditions locales et pluridépartementales recueillent une
forte audience : de 40 % à 70 % de parts de
marché, dont bénéficie le journal régional qui
suit, qui recueille lui-même de 40 % à 50 % d'audience.
L'ensemble des éditions régionales et locales représente
près de 4 700 heures annuelles. Ce secteur est l'axe
stratégique de la politique de développement de France 3, le
projet de plan triennal de développement des éditions locales et
de proximité prévoit la création d'une vingtaine de
journaux nouveaux en trois ans avec l'objectif de couvrir l'ensemble du
territoire à la fin de l'an 2000.
• Votre rapporteur approuve enfin l'enrichissement de la banque de
programmes et de services (BPS) de La Cinquième, ainsi que le
développement de ses implantations.
La BPS est un instrument original élaboré par La Cinquième
dans le cadre de la mission de faciliter l'accès au savoir que la loi
lui assigne. Elle permet, à partir de la consultation d'un catalogue sur
Internet, le téléchargement, par satellite ou autres moyens de
communication numérique à haut débit, de programmer images
et documents.
A la fin de 1998, 400 sites d'expérimentation devraient être en
service et faciliter l'évaluation des besoins auxquels ce service permet
de répondre en matière d'éducation et de formation.