B. LES AUTRES MESURES
1. Le reprofilage de l'exonération pour première embauche
L'exonération de cotisations patronales pour l'embauche
d'un
premier salariée, instaurée par la loi n° 89-18 du
13 janvier 1989 portant diverses dispositions d'ordre social, vient
à échéance le 31 décembre 1998.
Cette exonération porte sur la totalité de la part patronale des
cotisations, pendant les 24 mois suivant l'embauche s'il s'agit d'un
contrat à durée indéterminée, ou pendant
18 mois s'il s'agit d'un contrat à durée
déterminée. Ce dispositif s'applique en moyenne à
75.000 embauches par an, pour un coût estimé à
2,7 milliards de francs en 1997 et 3,2 milliards de francs en 1998.
L'article 4 du projet de loi de financement propose de reconduire
l'exonération pour quatre ans, jusqu'au 31 décembre 2001,
mais en limitant sa portée sur deux points :
- la rémunération prise en compte est plafonnée au
niveau du SMIC ;
- tout cumul avec une autre mesure d'exonération de cotisations
patronales, ou avec un mode forfaitaire de détermination des
cotisations, est exclu.
L'économie afférente est estimée à
130 millions de francs pour 1999 et à 800 millions de francs
en année pleine, les nouvelles règles ne s'appliquant qu'au flux
d'entrée dans le dispositif.
Votre rapporteur pour avis n'est pas défavorable à la
rationalisation d'une mesure d'exonération qui génère
vraisemblablement d'importants effets d'aubaine. Toutefois
,
le plafond
du SMIC proposé apparaît excessivement bas
. Par ailleurs, il
se demande si la prolongation, sous une forme modifiée, d'un dispositif
existant ne devrait pas être assimilée à un dispositif
nouveau au regard de l'article L.131-7 du code de la
sécurité sociale, qui pose le principe de la compensation par
l'Etat de toute nouvelle exonération de cotisations sociales.
2. La consolidation de certaines recettes existantes
a) L'assujettissement des fausses locations-gérances
L'article 5 du projet de loi de financement propose
d'assujettir expressément aux cotisations sociales et à la CSG,
les revenus tirés de la location-gérance d'une entreprise
commerciale, industrielle ou artisanale, lorsque le bénéficiaire
de ces revenus y exerce une activité professionnelle.
Il s'agit de faire échec aux montages "d'auto-location-gérance"
visant à échapper aux cotisations sociales normalement assises
sur toute rémunération d'activité.
b) Le transfert à l'administration fiscale du recouvrement de la CSG sur les BIC non professionnels
L'article 5 du projet de loi de financement propose
également de transférer la compétence du recouvrement de
la CSG et de la CRDS sur les bénéfices industriels et commerciaux
(BIC) ou non commerciaux (BNC) non professionnels. Ces revenus sont assujettis
à la CSG et à la CRDS, mais exonérés de cotisations
sociales. Les URSSAF, qui sont actuellement théoriquement
chargées de leur recouvrement, ne les connaissent pas en pratique.
Il est donc proposé d'assujettir les BIC et BNC non professionnels non
plus à la CSG sur les revenus d'activité, mais à la CSG
assise sur les revenus du patrimoine, qui est recouvrée efficacement par
les services fiscaux. Ce transfert a pour conséquence de les assujettir
au prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine.
Le gain de cette mesure est estimé à 70 millions de francs,
dans l'hypothèse où la totalité des 700 millions de
francs de BIC et BNC non professionnels échapperaient actuellement
à la CSG et à la CRDS.
Votre rapporteur pour avis appelle l'attention sur la charge que ces
règles nouvelles pourraient représenter pour certains secteurs
d'activité, tels celui de la pêche artisanale. Il serait
souhaitable que les sommes dues au titre des exercices antérieurs
à 1999 ne donnent pas lieu à redressement.
c) La correction de la contribution de l'industrie pharmaceutique de 1996
L'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du
24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au
rétablissement de l'équilibre financier de la
sécurité sociale avait mis à la charge de l'industrie
pharmaceutique une contribution exceptionnelle d'un rendement total de
2,5 milliards de francs. Cette contribution se compose de trois
contributions assises, respectivement, sur les dépenses de
publicité, sur la progression du chiffre d'affaires et sur le chiffre
d'affaires lui-même, déduction faite des dépenses
éligibles au crédit d'impôt recherche.
Ce dernier élément fait actuellement l'objet d'une contestation
devant le Conseil d'Etat. En effet, les dépenses éligibles au
crédit d'impôt recherche sont par définition les seules
dépenses de recherche réalisées en France. Certains
laboratoires étrangers, dont les filiales françaises assujetties
à la contribution ne réalisent aucun investissement de recherche,
ont estimé que cet abattement introduit une discrimination contraire aux
règles de concurrence européennes. Le Conseil d'Etat a saisi la
CJCE d'une question préjudicielle sur ce point, et le Gouvernement
estime probable une annulation de la part de la contribution assise sur le
chiffre d'affaires, soit une perte de 1,2 milliard.
L'article 7 du projet de loi de financement propose donc de modifier
l'assiette de la contribution de 1996, en supprimant l'abattement au titre des
dépenses de recherche. Parallèlement, le taux de la contribution
serait abaissé de 1,7 % à 1,47 %, afin de laisser
inchangé son produit. Ces modifications se traduiraient par un versement
complémentaire d'environ 70 millions de francs demandé aux
laboratoires qui ont consenti un effort de recherche important, qui serait
redistribué aux autres laboratoires.
Votre rapporteur pour avis reste perplexe à l'égard d'une
disposition qui modifie rétroactivement une contribution
déjà perçue, dans le but de la valider
préventivement par rapport à une décision de justice
à venir. Le sens de l'arrêt définitif du Conseil d'Etat
n'est d'ailleurs pas acquis, puisque les règles de concurrence
européennes ne font pas obstacle, d'une manière
générale, à la territorialité des impôts
nationaux.
d) La mise en conformité de la taxe sur les premix
L'article 29 de la loi de financement de la
sécurité
sociale pour 1997 a instauré une taxe sur les boissons dite "premix",
résultant du mélange de boissons non alcoolisées et
d'alcools forts.
Cette taxe, dont le rendement n'a été que de 3 millions de francs
en 1997, a été instaurée dans le but de décourager
le développement du marché des premix, qui visait
particulièrement la clientèle des jeunes.
La taxe sur les premix soulève plusieurs difficultés juridiques.
L'instruction fiscale qui en précisait l'assiette et les conditions de
recouvrement a été annulée par une décision du
Conseil d'Etat en date du 8 juillet dernier. Par ailleurs, la Commission
européenne a engagé une procédure précontentieuse,
considérant que la taxe contrevient à la directive
européenne sur les droits d'accises et introduit une discrimination
à l'encontre des seuls premix résultant d'un mélange
d'alcools forts.
L'article 9 du projet de loi de financement propose donc d'élargir le
champ de la taxe sur les premix à tous les types d'alcools, y compris
les alcools dits "intermédiaires" comme le vin ou la bière. En
contrepartie, seuls les premix conditionnés en récipients de
moins de 60 centilitres seraient taxés. En clair, il s'agit de
laisser en dehors du champ de la taxe les mélanges traditionnels
à base de vin ou de rhum qui sont vendus au litre, et non pas en
cannettes.
Votre rapporteur pour avis rappelle qu'il s'était interrogé
sur la compatibilité de la taxe sur les premix avec le droit
communautaire dès sa création, en 1996. Il craint que la
modification proposée ne suffise pas à la mettre en
conformité avec la directive sur les droits d'accises, et reste perplexe
à l'égard de la nouvelle discrimination introduite en fonction du
conditionnement des boissons.
3. La diminution des cotisations d'accidents du travail
La
branche accidents du travail du régime général est
structurellement excédentaire depuis 1995. Cette situation n'est pas
normale, dans la mesure où les règles de fixation des cotisations
de la branche sont conçues de manière à couvrir exactement
ses dépenses. Les taux de cotisation sont individualisés pour
chaque entreprise en fonction de la valeur de son risque propre. Un taux net de
cotisation nationale est fixé chaque année en fonction du rapport
entre les prestations versées au cours des trois dernières
années et la masse salariale sur la même période.
Le taux net est inchangé depuis 1996, où il a été
fixé à 2,26 %. Compte tenu de ce taux de cotisation, la
branche accidents du travail a dégagé en 1998 un excédent
de 1,7 milliard de francs.
Le Gouvernement a décidé d'abaisser le taux net de cotisation
à 2,21 % pour 1999, ce qui correspond à une diminution des
charges des entreprises de 1 milliard de francs. Cette diminution de taux
est déjà intégrée dans le compte tendanciel de la
branche accidents du travail.
Votre rapporteur pour avis est d'autant plus favorable à cette baisse
des cotisations d'accidents du travail qu'il l'avait déjà
proposée l'an dernier.
Il regrette toutefois que la diminution
des charges envisagée ne soit pas aussi importante que les marges de
manoeuvre auraient pu le permettre, puisque l'excédent prévu de
la branche accidents du travail continue d'augmenter en 1999, pour atteindre
1,9 milliard de francs.