C. LES LACUNES DU FONDS DE RÉSERVE

Le principe de "répartition provisionnée" dont s'inspire le fonds de réserve proposé par le Gouvernement est intéressant. Mais le dispositif est si imprécis et lacunaire qu'il doit être considéré comme purement " symbolique ", selon la propre expression de la ministre de l'Emploi et de la solidarité.

1. Des financements indéterminés

L'article 2 du projet de loi de financement propose de constituer le fonds de réserve sous la forme d'une nouvelle section au sein du FSV. Trois catégories de ressources lui seraient affectées :

Une fraction, fixée par arrêté interministériel, de l'excédent de C3S affectée au FSV après répartition prioritaire entre la CANAM, l'ORGANIC et la CANCAVA.

Cette fraction devrait être fixée à 2 milliards de francs en 1999, sur un total de 5,6 milliards de C3S affecté au FSV.

Cette ressource, d'un montant tout à fait insuffisant, apparaît fragile. Le dynamisme de la C3S dépend fortement de la conjoncture économique. Par ailleurs, les besoins de financement des régimes de non salariés ne peuvent que s'accroître et résorber l'excédent disponible.

Tout ou partie du résultat excédentaire de la première section, dans des conditions fixées par arrêté interministériel.

Le solde prévisionnel de la section "opérations de solidarité" du FSV serait excédentaire de 2,1 milliards de francs en 1999, ce qui porterait son solde cumulé à 4,7 milliards de francs. Toutefois, le Gouvernement ne semble pas avoir prévu de reversement à la section "fonds de réserve".

" Toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ."

La portée juridique de cette disposition apparaît des plus douteuses. L'Assemblée nationale a d'ailleurs supprimée la référence aux dispositions réglementaires.

Le Gouvernement a annoncé son intention d'affecter au fonds de réserve le produit de la cession prochaine du capital des caisses d'épargne, qui est évalué à 17 milliards de francs.

Au cours des débats, la possibilité d'une affectation du produit des privatisations et celle d'une surcotisation ont été aussi évoquées par le Gouvernement.

Dans l'immédiat, le fonds de réserve ne bénéficie d'aucune ressource stable et assurée, et les montants qui lui sont pour l'instant affectés sont manifestement hors de proportion avec les sommes nécessaires. Il n'est d'ailleurs pas possible d'évaluer exactement celles-ci tant que les missions du fonds ne sont pas définies.

Pour fixer les idées, le rapport du Conseil d'analyse économique, qui préconise d'alimenter le fonds de réserve par une surcotisation, évalue le flux de recettes annuel nécessaire à 45 milliards de francs.

2. Des missions et des modalités de gestion non définies

Les missions du fonds de réserve ne sont aucunement précisées. Simplement, son champ d'intervention est défini comme éta nt au bénéfice de la branche vieillesse du régime général et des régimes alignés.

Deux options sont théoriquement possibles : le fonds de réserve peut avoir pour but, soit de lisser simplement l'augmentation future des cotisations d'assurance vieillesse, soit de générer des revenus suffisants pour minorer durablement le niveau futur des cotisations.

Dans le premier cas, le montant visé s'exprime en centaines de milliards de francs. Dans le second cas, il s'exprime en milliers de milliards de francs. Le rapport du Conseil d'analyse économique évalue le montant des réserves nécessaires pour diminuer de 10 points le niveau des cotisations en 2040, selon les hypothèses, entre 1,7 et 2,5 fois le montant de la masse salariale.

Le texte proposé ne définit ni le taux actuariel d'évaluation de la dette implicite des régimes de retraite par répartition, ni le taux de provisionnement, ni le niveau optimal des réserves qui en résulte.

Les modalités de gestion du fonds de réserve ne sont pas mieux définies. Le texte initial prévoit simplement un comité de surveillance, composé notamment de parlementaires. L'Assemblée nationale a précisé qu'y participeraient des représentants des syndicats.

Toutefois, la nécessaire indépendance du fonds de réserve apparaît incompatible avec son intégration au FSV, simple établissement administratif de l'Etat. De même, le professionnalisme de la gestion financière des réserves du fonds n'est pas garanti.

Tel que proposé, le fonds de réserve des retraites par répartition n'est pas opérationnel et votre rapporteur pour avis ne peut lui être favorable.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 4 novembre sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission des finances a procédé, sur le rapport de M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, à l'examen du projet de loi n° 50 (1998-1999) de financement de la sécurité sociale pour 1999 .

A titre liminaire, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a présenté quatre observations.

Premièrement, il a rappelé que les masses du budget social sont considérables, les prestations de l'ensemble de régimes de sécurité sociale étant passées de 1.772 milliards de francs en 1996 à 1.944 milliards de francs en 1999, ce qui correspond à un taux moyen de croissance annuelle de 3,1 %.

Deuxièmement, il a observé que le dynamisme des dépenses sociales varie selon les branches : de 1996 à 1999, les dépenses d'accidents du travail ont augmenté de 0,4 % par an ; les dépenses de prestations familiales ont augmenté de 2,3 % par an, et les dépenses de retraite de 4,2 %.

Il a précisé que les dépenses d'assurance maladie augmenteraient en moyenne de 2,2 % sur la même période, dans l'hypothèse peu vraisemblable d'une prolongation de l'effet modérateur du plan Juppé.

Troisièmement, il a indiqué que les prélèvements sociaux étaient passés de 16 % du PIB en 1970 à 21 % en 1980, et 23 % en 1990, pour atteindre un maximum de 25,4 % en 1993, puis se stabiliser aux environs de 25,2 % du PIB. Il a souligné que les prélèvements sociaux représentent désormais 47,7 % du total des prélèvements obligatoires, les prélèvements de l'Etat n'en représentant que 33,5 %.

Quatrièmement, il a relevé que la sécurité sociale est de plus en plus largement financée par des ressources de nature fiscale, le montant des impôts et taxes affectées à la sécurité sociales s'élevant à 438,6 milliards de francs en 1999, en progression de 8,8 % par rapport à 1998. Il a précisé que l'essentiel de ces recettes affectées est constitué par la CSG, dont le produit s'établira à 352 milliards de francs, en progression de 11,4 % par rapport à 1998.

Le rapporteur pour avis, après avoir souligné la nécessité de conserver une vision globale des prélèvements obligatoires, s'est déclaré favorable à la constitution d'une commission spéciale pour l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, commune à la commission des finances et à la commission des affaires sociales.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis , a souligné que le total des soldes de trésorerie des régimes, tel qu'il apparaît dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, n'est pas identique au besoin de financement des administrations de sécurité sociale, au sens de Maastricht, des différences de champs et de conventions comptables interdisant toute comparaison. Il a indiqué que la capacité de financement des administrations de sécurité sociale est estimée à 0,15 point de PIB pour 1999, ce qui correspond à un montant de 13 milliards de francs, supérieur au solde de 3,3 milliards de francs qui ressort du projet de loi de financement.

Il a indiqué que les prévisions tendancielles font état d'un déficit du régime général de 13,3 milliards de francs en 1998 et du retour à un léger excédent de 300 millions de francs en 1999, ces comptes tendanciels intégrant une baisse des cotisations d'accidents du travail de 1 milliard de francs, tandis que pour l'ensemble des régimes de base, l'excédent serait de 3,3 milliards de francs en 1999.

Le rapporteur pour avis a estimé que la prévision générale de croissance qui sous-tend le projet de loi de financement de la sécurité sociale, identique à celle du projet de loi de finances, appelle les mêmes réserves.

Il a considéré que l'hypothèse d'une progression de la masse salariale de 4,3 % en 1999 apparaissait peu vraisemblable, en raison de la modération salariale qui accompagnera la réduction du temps de travail.

Il a exprimé un fort doute à l'égard de l'évolution prévue des dépenses d'assurance maladie. Soulignant que les comptes tendanciels reposent sur l'hypothèse d'une progression des dépenses d'assurance maladie qui ne se situerait pas dans le prolongement de 1998, soit + 3,4 %, mais qui serait calée sur l'Objectif National de Dépenses d'Assurance Maladie (ONDAM) fixé pour 1999, soit + 2,6 %, il a estimé que le Gouvernement confondait ainsi évolution tendancielle et objectif volontaire.

Evoquant l'équilibre général du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a considéré que le Gouvernement utilisait les marges de manoeuvre conjoncturelles procurées par la croissance pour financer des dépenses structurelles, en courant le risque d'une dégradation brutale du solde de la sécurité sociale si la croissance n'était pas au rendez-vous.

Après avoir précisé que, dans le rapport annexe, le Gouvernement s'engageait à réformer l'an prochain l'assiette des cotisations patronales sans augmenter la charge globale des entreprises, il a estimé que la commission devait affirmer clairement que l'équilibre financier de la sécurité sociale repose d'abord sur une maîtrise effective des dépenses.

S'agissant des recettes, le rapporteur pour avis a indiqué que la mesure principale consistait dans la réaffectation de 5,6 milliards de francs d'excédents de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui iront au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ces recettes supplémentaires permettant au FSV de financer des dépenses nouvelles au profit de la branche vieillesse et d'alimenter un fonds de réserve des retraites. Il a souligné que ce changement d'affectation de la C3S s'effectuerait aux dépens du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), et donc indirectement du budget de l'Etat.

Il a relevé que les autres mesures relatives aux recettes n'avaient pas pour objet de procurer d'importantes ressources supplémentaires, à l'exception d'un amendement relatif au droit de consommation sur les tabacs introduit par l'Assemblée nationale.

Il a alors énuméré les principales mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale :

- une réduction de l'exonération de cotisations sociales pour première embauche, qui génère une économie de 130 millions de francs ;

- une correction de la contribution exceptionnelle de l'industrie pharmaceutique et de la taxe sur les premix, destinée à les rendre plus conformes au droit communautaire ;

- un relèvement de 30 % à 100 % du taux d'exonération de cotisations sociales pour les associations d'aide à domicile, qui correspond à une demande du Sénat, mais est gagé sur un contingentement contestable du nombre d'heures exonérées de cotisations pour les particuliers âgés de plus de 70 ans ;

- une ponction sur les trésoreries du fonds pour l'emploi hospitalier et du fonds de compensation pour la cessation progressive d'activité des agents territoriaux, destinée à combler le déficit de 500 millions de francs du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (FATIACL). Il a rappelé qu'en 1997, les réserves du FATIACL, qui s'élevaient à 4,5 milliards de francs, ont été affectées au financement de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ;

- enfin, un relèvement du droit de consommation sur les tabacs censé procurer une recette supplémentaire de 1 milliard de francs.

Le rapporteur pour avis a estimé que cette mesure, proposée par les députés avec l'avis favorable du secrétaire d'Etat à la santé, pourrait s'avérer contre-productive car une hausse impromptue de la fiscalité sur le tabac remettrait en cause l'accord intervenu entre les fabricants et le ministère des finances . Il a précisé que cet accord prévoit une augmentation des prix à la production en 1999, qui procurera une recette identique de 1 milliard de francs, et que sa rupture risquait de déclencher une guerre des prix, qui serait néfaste à la fois en termes de santé publique et en termes de rendement fiscal.

S'agissant des dépenses, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a indiqué que le Gouvernement engageait 5,4 milliards de dépenses nouvelles nettes, financées par le dynamisme espéré de la C3S et de la CSG.

Pour la branche famille, il a énuméré les dépenses suivantes : 6,2 milliards de francs seront consacrés à la suppression du plafond des allocations familiales (4,7 milliards de francs), à l'extension des allocations familiales jusqu'à 19 ans (500 millions de francs), à l'accroissement du fonds d'action sociale de la CNAF (600 millions de francs), à l'amélioration de l'allocation de logement familial (200 millions de francs) et à l'extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant (200 millions de francs).

Le rapporteur pour avis a précisé que ces 6,2 milliards de francs de dépenses nettes seront gagés par le recul d'un an des seuils de majoration pour âge des allocations familiales (850 millions de francs), et surtout par le transfert à l'Etat du financement de l'allocation de parent isolé (4,2 milliards de francs). En net, les charges de la branche famille seront alourdies d'1,2 milliard de francs.

Il a rappelé que la budgétisation de l'allocation parent isolé (API) serait financée par un abaissement de 16.380 à 11.000 francs du plafond du quotient familial qui n'apparaît pas justifié si l'on considère qu'il n'y a pas de raison de faire payer aux familles la suppression du plafonnement des allocations qui leur a été imposé l'an dernier, et que le quotient familial doit avoir un effet redistributif horizontal et non pas vertical, c'est-à-dire en fonction du nombre des enfants et non pas en fonction du niveau de revenu.

Pour la branche maladie, il a énuméré les dépenses suivantes : 1,2 milliard de francs seront consacrés notamment au dépistage organisé des cancers (250 millions de francs), à la création d'un fonds pour la qualité des soins de ville (500 millions de francs), à l'extension des bénéficiaires de l'assurance décès (300 millions de francs), et au transfert à la sécurité sociale du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie (150 millions de francs).

Pour la branche vieillesse, il a énuméré les dépenses suivantes : 2,3 milliards de francs seront globalement consacrés au relèvement de 1,2 % des pensions de retraite (2 milliards de francs), au relèvement de 2 % du minimum vieillesse (200 millions de francs) et au relèvement de 2 % du minimum de pension de réversion (100 millions de francs).

Pour la branche accidents du travail, il a énuméré les dépenses suivantes : 700 millions de francs seront consacrés à l'amélioration des conditions de reconnaissance des maladies professionnelles (350 millions de francs) et à la revalorisation des rentes d'accidents du travail (350 millions de francs).

Evoquant la régulation des dépenses d'assurance maladie, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a estimé que le Gouvernement avait une responsabilité majeure dans le dérapage des dépenses d'assurance maladie en 1998, car pendant un an Mme Aubry et M. Kouchner n'ont eu de cesse de récuser la réforme de M. Juppé et de dénoncer la "maîtrise comptable" des dépenses. Il a souligné que, alors que le premier ONDAM fixé à 1,7 % pour 1997 a été respecté, l'ONDAM de 1998, pourtant fixé à 2,3 %, devrait être dépassé de quelque 6 milliards de francs, soit une hausse effective de 3,4 %.

Le rapporteur pour avis a estimé que tous les instruments de la régulation apparaissaient aujourd'hui en panne ou en retard : l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) n'est toujours pas opérationnelle ; le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) n'est pas encore généralisé ; la mise à jour de la nomenclature comme le codage des actes sont encore à l'étude ; les agences régionales de l'hospitalisation n'ont pas le soutien politique qui leur est nécessaire ; l'informatisation du système de santé, qui conditionne l'efficacité de tous les autres instruments de régulation, est en phase expérimentale.

Il a indiqué que le projet de loi de financement fixait l'ONDAM à 629,8 milliards de francs pour 1999, ce qui correspond à un taux d'augmentation de 2,6 % par rapport à l'ONDAM de 1998. Cependant, il a souligné que si le non respect de l'ONDAM en 1998 se confirmait, la progression de l'ONDAM en 1999 ne serait plus que de 1,6 % par rapport aux dépenses réalisées, et que les objectifs pourraient même être négatifs pour les postes qui dérapent le plus en 1998, tel celui des spécialistes (+ 6,4 % en glissement annuel) ou des cliniques privées (+ 6,7 %). Il a estimé que le Gouvernement n'apparaissait pas aujourd'hui en mesure de faire respecter globalement l'ONDAM, ni de contrôler les transferts de dépenses, ou "déports", entre les différentes enveloppes qui le composent, et que toute la crédibilité du dispositif s'en trouvait amoindrie.

Il a indiqué que le projet de loi de financement proposait de pérenniser le mécanisme des reversements demandés aux médecins en cas de dépassement de l'ONDAM, qui a perdu sa base juridique avec l'annulation des conventions médicales par le Conseil d'Etat.

Il a ajouté que le projet de loi de financement proposait également d'instaurer un mécanisme de reversement pour les laboratoires pharmaceutiques, qui jouerait si les dépenses de médicaments augmentaient plus vite que l'ONDAM. Il a estimé ce dispositif critiquable, parce que les progrès de la médecine et les phénomènes de "déport" peuvent expliquer une progression des dépenses de médicaments plus rapide que l'ensemble des dépenses de santé, et que le mécanisme de reversement vide de son sens la politique conventionnelle conduite par le comité économique du médicament, qui repose sur des engagements prix-volumes des laboratoires. Il a rappelé que la France bat des records de consommation médicamenteuse, tandis que son industrie pharmaceutique perd du terrain dans la compétition internationale, et que seule la politique conventionnelle paraissait de nature à enrayer cette spirale.

Le rapporteur pour avis a estimé que la maîtrise comptable des dépenses d'assurance maladie était légitime et nécessaire, car elle apparaît comme une condition de la qualité des soins.

Evoquant le fonds de réserve pour les retraite, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a rappelé que selon le rapport du Plan de 1995 sur les perspectives à long terme des retraites, à droit constant, le besoin de financement du régime général en 2015 serait d'un peu plus de 100 milliards de francs, celui du régime des fonctionnaires civils de 80 milliards de francs, et celui des fonctionnaires territoriaux de 70 milliards de francs. Il a précisé que la dégradation serait rapide à compter de 2005, lorsque les classes nombreuses de l'après-guerre arriveront à l'âge de la retraite.

Face à ce problème, il a estimé que le fonds de réserve proposé par le Gouvernement était un dispositif en trompe-l'oeil.

Il a ainsi considéré que sa dotation initiale de 2 milliards de francs n'était pas à la mesure du problème, même si elle devait être complétée par le produit de la cession des parts représentatives de droits de propriété sur les caisses d'épargne, comme l'a annoncé le Gouvernement, soit environ 15 milliards de francs. Il a rappelé que le rapport du Conseil d'analyse économique qui préconisait la mise en place de ce fonds évaluait le flux annuel de recettes nécessaire pour l'alimenter à 45 milliards de francs. Le rapporteur pour avis a par ailleurs regretté que le texte proposé ne définisse ni les missions, ni les modalités de gestion du fonds.

Il a ajouté que la principale raison d'être du fonds de réserve était de masquer la stratégie de temporisation du Gouvernement qui, sous prétexte de consultations complémentaires, repoussait encore les réformes structurelles inévitables. Il a estimé particulièrement regrettable le retard pris dans la mise en place des fonds d'épargne retraite, sur le principe desquels tout le monde semble finalement d'accord.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis , a enfin évoqué les plafonds de trésorerie fixés par le projet de loi de financement pour les régimes de sécurité sociale autorisés à recourir à des ressources non permanentes.

Il a rappelé que le plafond de trésorerie du régime général, fixé initialement à 20 milliards de francs pour 1998, avait dû être relevé par décret à 31 milliards en cours d'année, le projet de loi demandant au Parlement de ratifier ce décret. Il a souligné que le dépassement du plafond initial résultait essentiellement de la décision prise par le Gouvernement de majorer l'allocation de rentrée scolaire, la CNAF devant faire l'avance en trésorerie de cette dépense non prévue de 6,3 milliards de francs, jusqu'à ce que l'Etat la rembourse dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1998.

Après avoir indiqué que le projet de loi de financement propose un plafond de trésorerie de 2,5 milliards pour la CNRACL, le rapporteur pour avis a estimé que l'autorisation d'endettement ainsi donnée à ce régime n'était pas acceptable. Considérant que la CNRACL est structurellement excédentaire et que seule l'importance des transferts de compensation à sa charge, qui représentent 40 % de ses prestations, expliquent son déficit, il a jugé absurde qu'elle s'endette pour financer les transferts. Il a regretté que le Gouvernement reporte encore la réforme nécessaire des régimes spéciaux qui sont liés par la surcompensation.

M. Alain Lambert, président, a souscrit à la déclaration du rapporteur pour avis en faveur d'une participation accrue de la commission des finances à l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Après s'être déclaré également favorable à cette proposition, M. Philippe Marini, rapporteur général , a considéré que la proposition des députés de majorer, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le droit de consommation sur les tabacs dont le barème est par ailleurs modifié par le projet de loi de finances posait un problème de méthode.

Il a estimé que le fonds de réserve pour les retraites était un "cautère sur une jambe de bois" car sa dotation initiale de 2 milliards de francs est hors de proportion avec les montants nécessaires au fonctionnement d'un fonds de ce type. Il a souhaité connaître les modalités prévues pour sa gestion.

M. Paul Loridant, après s'être déclaré également soucieux de la cohérence entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, a considéré que l'on ne pouvait faire grief au Gouvernement de mettre en place un système de répartition provisionnée, le fonds de réserve proposé n'étant qu'un début. Il a affirmé la nécessité d'un débat sur le mode de gestion et la propriété du fonds, considérant que ce dernier ne devait appartenir ni aux employeurs, ni à l'Etat, mais aux futurs retraités.

M. Alain Lambert, président, s'est inquiété de l'impact d'une baisse de la croissance sur les comptes sociaux et s'est interrogé sur le partage des rôles entre l'Etat et les partenaires sociaux pour la gestion de l'assurance maladie.

En réponse aux intervenants, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis , a précisé que le projet de loi de financement ne définissait ni les missions ni les modalités de gestion du fonds de réserve pour les retraites et qu'un écart d'un point sur la croissance de la masse salariale se traduirait par une perte de cotisations de 9 milliards de francs pour le régime général. Il a estimé les risques de dérapage des dépenses aussi inquiétants que ceux de moins-values sur les recettes.

Il a considéré que l'évolution du mode de financement de l'assurance-maladie posait la question du maintien d'une gestion paritaire, et que l'Etat devrait réaffirmer ses responsabilités en la matière.

La commission a alors donné un avis globalement défavorable à l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

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