N° 56

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 novembre 1998

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Jacques OUDIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1106 , 1147, 1148 et T.A. 192.

Sénat
: 50 (1998-1999).

Sécurité sociale.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les Français sont légitimement attachés à leur système de protection sociale fondé sur la solidarité nationale. Ce pilier fondateur de la République, voulu en 1945 par Charles De Gaulle, est depuis garanti par ses successeurs.

Notre pays se caractérise par un niveau de prélèvements sociaux parmi les plus élevés des pays développés. Ces ressources suffisent désormais pour assurer toutes les missions de solidarité souhaitables, à la condition d'être mieux gérées. Des économies substantielles peuvent être réalisées, grâce à des redéploiements de moyens.

Chacun sait que la France ne présente pas des critères de santé meilleurs que ceux de pays qui dépensant moins pour leur système de soins. Les orientations pour une efficacité accrue de l'assurance maladie sont connues : évaluer, régionaliser, contractualiser, restructurer, informatiser.

Il serait incohérent, dans un espace européen ouvert et concurrentiel, de préserver une exception française qui consisterait à majorer toujours plus les prélèvements sur les entreprises et les salariés, au risque de les décourager et les faire fuir.

Le Gouvernement de M. Alain Juppé a lancé en novembre 1995 un plan de réforme de la sécurité sociale, dont les principes sont toujours d'actualité : impliquer le Parlement, remédier aux problèmes à long terme, maîtriser les dépenses, associer les acteurs.

Votre rapporteur pour avis se félicite du progrès déterminant que constitue la discussion annuelle de la loi de financement de la sécurité sociale.

A l'appui de ce rendez-vous annuel, l'information du Parlement est améliorée par le travail de fonds accompli depuis 1995 par la Cour des comptes, à la demande de votre commission des finances, pour évaluer les politiques de protection sociale et clarifier les comptes sociaux.

Le Gouvernement actuel a critiqué les orientations de son prédécesseur, mais ne propose rien d'autre. Il refuse de poursuivre des politiques reposant sur une vision de long terme, alors que des pans entiers du système de protection sociale sont perturbés, telles les branches famille et maladie, ou menacés, telle la branche vieillesse.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 repose sur un équilibre précaire grâce aux recettes générées par la croissance, tandis que les problèmes essentiels sont reportés. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie fixé pour l'an prochain apparaît irréaliste. Les outils de contrôle des dépenses de soins sont en panne. Le fonds de réserve des régimes de retraite par répartition proposé est un dispositif en trompe-l'oeil.

Les partenaires sociaux gestionnaires des caisses, qui ont admis l'opportunité de la maîtrise des dépenses, donnent des signes de lassitude et s'interrogent sur la signification de leur engagement.

Ces considérations ont amené votre commission des finances à donner un avis défavorable à l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT

A. LES ÉVOLUTIONS PASSÉES

L'horizon des lois de financement de la sécurité sociale est strictement annuel. Votre rapporteur pour avis estime qu'une mise en perspective, par un retour sur les évolutions passées est éclairante.

Les comptes de la protection sociale, qui figurent en annexe G du projet de loi de financement, fournissent des séries sur longue période. Leur champ est sensiblement plus large que celui du projet de loi de financement, puisqu'il inclut les régimes complémentaires, les régimes d'indemnisation du chômage, les mutuelles, les régimes d'entreprises et les régimes d'intervention sociale des administrations publiques.

1. Le poids des prestations sociales dans le PIB

En 1997, le montant global des prestations de protection sociale versées par l'ensemble des régimes de protection sociale s'élève à 2.426 milliards de francs. La part des prestations dans le PIB, dite "taux de redistribution sociale", s'établit à 29,8 %, en retrait de 0,3 point sur l'année précédente. Ce taux est passé de 25,9 % à 29,8 % entre 1981 et 1997, soit un accroissement moyen de 0,24 point par an. Cette progression ne s'est pas effectuée de façon uniforme.

Entre 1981 et 1985, les prestations rapportées au PIB connaissent une forte hausse de 2,3 points, puis une diminution de 1,1 point entre 1985 et 1989, due principalement à la reprise de la croissance économique. Jusqu'en 1993, la conjonction d'une croissance ralentie du PIB et de la progression des prestations à un rythme deux fois plus rapide fait remonter la part des prestations à 30,1 %. Dans la période récente, le fléchissement du taux d'évolution des dépenses de prestations de protection sociale, à un rythme un peu inférieur à celui de la croissance du PIB, conduit la part de ces dernières en 1997 à un niveau inférieur de 0,3 point à celui atteint en 1993. Le taux de redistribution sociale semble avoir atteint un palier d'environ 30 % depuis 1993.

Les dépenses liées à la santé, à la vieillesse et à l'emploi, progressent à des rythmes nettement supérieurs à ceux du PIB, qui se traduisent par des gains en part du PIB de respectivement 1,7 point, 1,2 point et 0,8 point sur la période 1981-1993.

Le retour à une croissance des prestations plus modérée que celle du PIB à partir de 1994 interrompt le parallélisme de ces évolutions par risques. En 1997, seuls les risques "vieillesse" et "divers" (RMI essentiellement) ont accru leur part dans le PIB par rapport à la situation acquise en 1993. Les autres risques régressent légèrement, le risque emploi reculant plus fortement de 0,4 point.

Sur longue période, le dynamisme de la progression des prestations sociales est encore plus frappant, bien que les années récentes marquent une certaine stabilisation. Le mouvement est particulièrement accentué entre 1990 et 1993. Après avoir atteint un maximum de 25,4 % du PIB, la part des prestations sociales redescend à 25 % en 1994 et 1995. Elle remonte à 25,2 % les deux dernières années.

Le graphique ci-dessous montre que, sur la période 1971-1997, le taux de croissance des prestations sociales a constamment été supérieur à celui du PIB, sauf entre 1987 et 1989, et entre 1994 et 1995.

Le taux de socialisation des revenus mesure la part du revenu disponible brut des ménages issue des prestations sociales. Ce taux est passé de 29,9 % en 1981 à 36 % en 1997. Depuis 1993, ce taux s'est stabilisé, à l'instar de la part des prestations sociales dans le PIB.



2. L'évolution du besoin de financement de la protection sociale

Sur la période 1990-1997, le taux de croissance des cotisations est inférieur de un point en moyenne annuelle à celui de l'ensemble des ressources hors transferts. Seules les années 1995 et 1996 font exception, avec des hausses plus rapides que celles de l'ensemble des ressources.

Après deux années de progression modérée de 2,4 % en 1993 et 1994, les cotisations s'accroissent de 4,5 % en 1995, illustrant ainsi l'amélioration de la situation de l'emploi. Malgré l'accroissement du chômage à partir du troisième trimestre de 1995, la hausse est encore de 4,6 % en 1996 du fait d'une forte augmentation des cotisations de salariés et d'indépendants et plus encore des cotisations sur prestations de retraites et d'allocations chômage. Le fort ralentissement constaté en 1997, où l'accroissement n'est que de 0,6 %, est dû à la baisse des cotisations salariés, du fait du remplacement de 1,3 point de cotisations maladie par un point de CSG élargie au 1 er janvier 1997.

Si les cotisations constituent la principale ressource du compte, leur évolution ne rend pas compte de celle du total des ressources. A côté des transferts internes entre régimes, le financement public constitué des impôts et taxes affectés prend une place grandissante.

A partir de 1990, le solde du compte de la protection sociale se dégrade fortement, devenant négatif dès 1992.

Les besoins de financement prennent une ampleur sans précédent en 1993 et, dans une moindre mesure, les quatre années suivantes. Ce déséquilibre représente 3,2 % des dépenses de protection sociale, hors transferts, l'année la moins favorable. Celui-ci a, d'une part, une composante conjoncturelle, les rentrées de cotisations étant extrêmement sensibles à la conjoncture économique. D'autre part, il existe un décalage structurel pour certains risques entre l'évolution des dépenses et les recettes.

La dégradation du solde est cependant progressivement réduite à partir de 1994 grâce au maintien de l'affectation à la protection sociale de recettes fiscales élevées et à la forte progression des cotisations en 1995 et 1996 et au ralentissement de la croissance des prestations versées. L'aggravation constatée en 1997 résulte de décisions prises en matière d'indemnisation du chômage.

3. La structure du financement de la protection sociale

La part des cotisations, qui dépassait 71 % en 1981, s'est réduite d'un point au cours de la décennie 1980. Elle est en décroissance rapide de 1970 (70 %) à 1997 (64,5 %). Parallèlement, la part d'impôts et taxes affectés progresse sur cette dernière période de plus de 5,5 points, et celle des transferts de près de 2 points.

La hausse du financement public s'inscrit dans une perspective d'accroissement du besoin de financement du système, mais aussi dans une volonté de clarifier la distinction entre la solidarité nationale et la solidarité professionnelle.

L'introduction de la CSG en 1991, puis l'augmentation de son taux en 1993 s'inscrit dans cette évolution. Le mouvement est encore amplifié avec la majoration de un point de la CSG en janvier 1997 et de 4,1 points en janvier 1998 (2,8 pour les retraites). L'accroissement de la part de la CSG étend l'effort de contribution à un ensemble de revenus plus large que les seuls revenus salariaux, dont les revenus issus du patrimoine et les retraites.

L'évolution de la structure du financement de la protection sociale en France s'inscrit dans un mouvement plus général en Europe. Pour la moitié des pays de l'Union européenne, les cotisations sociales représentent plus des deux tiers des recettes courantes de protection sociale en 1995.

La France est le pays où cette proportion est la plus élevée, avec un taux de 76,8 % en 1995. Dans une moindre mesure, le mode de financement repose essentiellement sur des cotisations en Belgique, en Allemagne, au Pays-Bas et dans les pays du sud de l'Europe. Au sein de l'Union européenne, les pays qui accordent une part prépondérante aux ressources d'origine fiscale sont minoritaires. Il s'agit du Danemark, où ces ressources représentaient 72,1 % du total en 1995, et des pays anglo-saxons (Irlande : 63,6 %, Royaume-Uni : 60,6 %). L'entrée dans l'Union européenne de la Suède et de la Finlande vient renforcer ce dernier groupe de pays, alors que l'Autriche a un système de financement proche du système allemand.

L'évolution des structures de financement tend dans la majorité des pays, à donner un poids plus important aux ressources d'origine fiscale, au détriment de celles provenant des cotisations employeurs. Sur la période 1980-1995, on observe une tendance assez générale à la diminution du poids des cotisations et à un renforcement des financements d'origine fiscale. Mais cette tendance est encore trop faible ou trop récente, pour gommer des disparités qui demeurent très importantes.

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