N° 87

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME V

ENSEIGNEMENT AGRICOLE

Par M. Albert VECTEN, Sénateur.

1 Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Jean-Pierre Lafond, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Mathieu, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros : Assemblée nationale (10ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et TA. 590. Sénat : 85 et 86 (annexe n° 3) (1996-1997).

Lois de finances.

Mesdames, Messieurs,

Le budget de l'enseignement agricole a comme les autres, et sans doute davantage que les autres dépenses d'éducation, contribué ces dernières années à l'effort de maîtrise des dépenses imposé par l'indispensable remise en ordre des finances publiques.

Les effets en ont été sensibles, comme en témoignent les moyens perpétuellement redéployés mais toujours insuffisants de l'enseignement technique public, la mise à niveau sans cesse différée des aides aux établissements privés sous contrat, la misère persistante et la rénovation hésitante de l'enseignement supérieur, l'érosion constante et la régulation récurrente des crédits de la formation et de l'animation en milieu rural.

Pour gênantes qu'elles aient pu être, ces conséquences inévitables d'une rigueur nécessaire n'avaient jusqu'à présent pas modifié le cap de la modernisation de l'enseignement agricole, poursuivie depuis plus de dix ans dans une rare continuité de l'action Gouvernementale et soutenue par tous les acteurs et partenaires de cet enseignement.

En revanche, la décision prise cette année par le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation de limiter à 2 % par an la croissance des effectifs, et en tout cas celle des moyens, de l'enseignement agricole est d'une toute autre portée.

Le débat qu'elle suscite n'oppose pas, comme certains voudraient le faire croire, les tenants de la « fuite en avant » de l'enseignement agricole aux partisans de sa « croissance raisonnée » -en d'autre termes, les « irresponsables » aux « responsables ».

Personne en effet n'a jamais soutenu que l'enseignement agricole devait se développer en dehors de toute préoccupation relative à ses débouchés. L'objet principal de sa rénovation, et le souci permanent de ses responsables, ont été au contraire d'adapter les formations offertes à l'évolution des besoins de l'économie agricole et rurale. Le rapport Rémond de 1994 s'est situé dans le prolongement de cette préoccupation en recommandant la création d'un observatoire des formations agricoles. Votre rapporteur et votre commission avaient exprimé leur entier accord avec cette suggestion, et il y a tout lieu de regretter que la mise en place de l'observatoire, que M. Jean Puech avait souhaité engager dès le début de l'année 1995, n'ait pu intervenir avant le mois de décembre 1996.

Au demeurant, comme l'exposera le présent rapport, l'augmentation des effectifs de l'enseignement agricole, comme celle, qui l'a précédée, des effectifs du second degré de l'éducation nationale, résulte essentiellement de l'allongement de la scolarité. Elle se traduit donc principalement par une très nette élévation des niveaux de qualification, mais n'a que fort peu d'influence sur le nombre des arrivées sur le marché du travail.

Mais le « quota » de 2 % ne procède pas d'une analyse des débouchés de l'enseignement agricole. Son objet, comme l'a souligné pour s'en féliciter le rapporteur spécial du budget de l'agriculture à l'Assemblée nationale, est de mettre en place un « encadrement a priori des dépenses » : « l'évolution des emplois et des crédits a été déterminée en fonction de cette norme, bien qu'il apparaisse qu'elle ne sera pas respectée. » Elle ne l'a pas été, et ne pouvait d'ailleurs pas l'être, en dépit de très nombreux refus d'inscription dans les établissements tant publics que privés, du seul fait de « l'effet volume » résultant de la poursuite des filières et de la durée plus longue de la formation.

« L'objectif de croissance » se réduit donc au « toisage » des dépenses.

Outre qu'on peut s'étonner de cette méthode inédite de limitation de l'offre d'éducation, il convient de s'interroger sur ses conséquences.

Dans l'immédiat, elle ne contribuera évidemment pas à améliorer l'accueil des élèves, le fonctionnement des établissements, la qualité de l'enseignement.

Mais, au delà, le « quota » de 2 % remet en cause la politique d'élévation des niveaux de qualification, de rénovation et de diversification des formations qui est à l'origine du succès de l'enseignement agricole, et qui en a fait un remarquable instrument au service du développement du secteur agricole et para-agricole, et de la revitalisation du monde rural.

Il rouvre même un débat que semblait avoir définitivement clos la réussite de l'enseignement agricole rénové : celui de son rattachement à l'éducation nationale. À cet égard, votre rapporteur regrette que les propos tenus par le ministre le mois dernier au Sénat lors du débat sur l'agriculture aient pu encourager certains à penser que limiter les dépenses d'enseignement permettrait d'augmenter les dépenses d'intervention, ou d'autres à croire que le rattachement à l'éducation nationale représentait désormais la seule chance d'améliorer le traitement budgétaire de l'enseignement agricole.

Quelque puissants que soient les motifs qui militent en faveur de la réduction des dépenses publiques -et l'efficacité réelle, sur ce plan, du contingentement de l'enseignement agricole reste à démontrer- il n'est pas souhaitable que la loi de finances, qui est l'instrument de réalisation des politiques définies par le législateur et par le Gouvernement, devienne le moyen de les modifier.

De manière plus générale, d'ailleurs, et comme l'a très bien dit -à propos de la révision du régime céréalier- le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, il n'est pas acceptable « de répondre à une mesure conjoncturelle par une modification structurelle ».

Votre commission espère donc que l'encadrement budgétaire ne deviendra pas le critère essentiel des missions et de l'avenir de l'enseignement agricole.

Elle souhaite surtout que le débat budgétaire, et plus encore la future loi d'orientation, permettent de rassurer sur ce point les différentes composantes de l'enseignement agricole, les familles et les jeunes à qui il a donné une nouvelle image des métiers de la terre, et les nombreux élus pour qui il représente la meilleure chance de développer l'emploi et l'activité dans les territoires ruraux.

*

* *

PREMIÈRE PARTIE : LE TOISAGE DU BUDGET DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

1. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS


• L'évolution des dotations de loi de finances à loi de finances

Les crédits de l'enseignement agricole et de la formation en milieu rural inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 s'élèvent, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, à 6.187,48 millions de francs, soit une progression de + 2,26 % par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances pour 1996 (6.050,99 millions de francs).

Ce taux de progression traduit une rupture par rapport au rythme de progression observé les années précédentes (+ 4,9 % pour le budget 1994, un peu plus de 7 % pour les budgets 1995 et 1996), qui n'étaient pourtant pas non plus des années de largesses budgétaires.

Ce net ralentissement de l'évolution des crédits tient pour l'essentiel au toisage des moyens de l'enseignement technique, calculés sur la base d'une augmentation de 2 % des effectifs, alors que cette augmentation a été en fait de 5,9 %. Mais la baisse des dépenses d'aide aux familles et l'amputation (- 11 %) des crédits de formation et d'animation en milieu rural y contribuent aussi.

Les crédits disponibles en 1996

Les mesures de régulation budgétaire

Cette année encore, les crédits d'investissement de l'enseignement agricole public ont payé un lourd tribut à la régulation budgétaire : 21,98 millions de francs d'autorisations de programme et 6,36 millions de francs de crédits de paiement ont été annulés. Ces annulations ont en particulier amputé les crédits de rénovation des établissements d'enseignement supérieur, dont le plan pluriannuel de remise à niveau n'est, à ce rythme, pas près d'arriver à son terme.

ENSEIGNEMENT ET FORMATION AGRICOLE :

BUDGET 1996 ET PROJET DE BUDGET POUR 1997 : COMPARAISON DES PRINCIPALES CATÉGORIES DE DÉPENSES

Autres victimes habituelles des mesures d'annulation, les crédits de la formation et de l'animation rurale ont également été durement touchés : - 26,24 millions de francs, cette diminution des moyens n'étant que très partiellement compensée par des reports de crédits de 6,27 millions de francs.

* Des reports de crédits ont également été effectués sur le chapitre 43-22 (subventions à l'enseignement privé), à hauteur de 18 millions de francs.

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