Avis n° 87 (1996-1997) de M. Albert VECTEN , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 2 décembre 1996

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N° 87

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME V

ENSEIGNEMENT AGRICOLE

Par M. Albert VECTEN, Sénateur.

1 Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Jean-Pierre Lafond, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Mathieu, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros : Assemblée nationale (10ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et TA. 590. Sénat : 85 et 86 (annexe n° 3) (1996-1997).

Lois de finances.

Mesdames, Messieurs,

Le budget de l'enseignement agricole a comme les autres, et sans doute davantage que les autres dépenses d'éducation, contribué ces dernières années à l'effort de maîtrise des dépenses imposé par l'indispensable remise en ordre des finances publiques.

Les effets en ont été sensibles, comme en témoignent les moyens perpétuellement redéployés mais toujours insuffisants de l'enseignement technique public, la mise à niveau sans cesse différée des aides aux établissements privés sous contrat, la misère persistante et la rénovation hésitante de l'enseignement supérieur, l'érosion constante et la régulation récurrente des crédits de la formation et de l'animation en milieu rural.

Pour gênantes qu'elles aient pu être, ces conséquences inévitables d'une rigueur nécessaire n'avaient jusqu'à présent pas modifié le cap de la modernisation de l'enseignement agricole, poursuivie depuis plus de dix ans dans une rare continuité de l'action Gouvernementale et soutenue par tous les acteurs et partenaires de cet enseignement.

En revanche, la décision prise cette année par le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation de limiter à 2 % par an la croissance des effectifs, et en tout cas celle des moyens, de l'enseignement agricole est d'une toute autre portée.

Le débat qu'elle suscite n'oppose pas, comme certains voudraient le faire croire, les tenants de la « fuite en avant » de l'enseignement agricole aux partisans de sa « croissance raisonnée » -en d'autre termes, les « irresponsables » aux « responsables ».

Personne en effet n'a jamais soutenu que l'enseignement agricole devait se développer en dehors de toute préoccupation relative à ses débouchés. L'objet principal de sa rénovation, et le souci permanent de ses responsables, ont été au contraire d'adapter les formations offertes à l'évolution des besoins de l'économie agricole et rurale. Le rapport Rémond de 1994 s'est situé dans le prolongement de cette préoccupation en recommandant la création d'un observatoire des formations agricoles. Votre rapporteur et votre commission avaient exprimé leur entier accord avec cette suggestion, et il y a tout lieu de regretter que la mise en place de l'observatoire, que M. Jean Puech avait souhaité engager dès le début de l'année 1995, n'ait pu intervenir avant le mois de décembre 1996.

Au demeurant, comme l'exposera le présent rapport, l'augmentation des effectifs de l'enseignement agricole, comme celle, qui l'a précédée, des effectifs du second degré de l'éducation nationale, résulte essentiellement de l'allongement de la scolarité. Elle se traduit donc principalement par une très nette élévation des niveaux de qualification, mais n'a que fort peu d'influence sur le nombre des arrivées sur le marché du travail.

Mais le « quota » de 2 % ne procède pas d'une analyse des débouchés de l'enseignement agricole. Son objet, comme l'a souligné pour s'en féliciter le rapporteur spécial du budget de l'agriculture à l'Assemblée nationale, est de mettre en place un « encadrement a priori des dépenses » : « l'évolution des emplois et des crédits a été déterminée en fonction de cette norme, bien qu'il apparaisse qu'elle ne sera pas respectée. » Elle ne l'a pas été, et ne pouvait d'ailleurs pas l'être, en dépit de très nombreux refus d'inscription dans les établissements tant publics que privés, du seul fait de « l'effet volume » résultant de la poursuite des filières et de la durée plus longue de la formation.

« L'objectif de croissance » se réduit donc au « toisage » des dépenses.

Outre qu'on peut s'étonner de cette méthode inédite de limitation de l'offre d'éducation, il convient de s'interroger sur ses conséquences.

Dans l'immédiat, elle ne contribuera évidemment pas à améliorer l'accueil des élèves, le fonctionnement des établissements, la qualité de l'enseignement.

Mais, au delà, le « quota » de 2 % remet en cause la politique d'élévation des niveaux de qualification, de rénovation et de diversification des formations qui est à l'origine du succès de l'enseignement agricole, et qui en a fait un remarquable instrument au service du développement du secteur agricole et para-agricole, et de la revitalisation du monde rural.

Il rouvre même un débat que semblait avoir définitivement clos la réussite de l'enseignement agricole rénové : celui de son rattachement à l'éducation nationale. À cet égard, votre rapporteur regrette que les propos tenus par le ministre le mois dernier au Sénat lors du débat sur l'agriculture aient pu encourager certains à penser que limiter les dépenses d'enseignement permettrait d'augmenter les dépenses d'intervention, ou d'autres à croire que le rattachement à l'éducation nationale représentait désormais la seule chance d'améliorer le traitement budgétaire de l'enseignement agricole.

Quelque puissants que soient les motifs qui militent en faveur de la réduction des dépenses publiques -et l'efficacité réelle, sur ce plan, du contingentement de l'enseignement agricole reste à démontrer- il n'est pas souhaitable que la loi de finances, qui est l'instrument de réalisation des politiques définies par le législateur et par le Gouvernement, devienne le moyen de les modifier.

De manière plus générale, d'ailleurs, et comme l'a très bien dit -à propos de la révision du régime céréalier- le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, il n'est pas acceptable « de répondre à une mesure conjoncturelle par une modification structurelle ».

Votre commission espère donc que l'encadrement budgétaire ne deviendra pas le critère essentiel des missions et de l'avenir de l'enseignement agricole.

Elle souhaite surtout que le débat budgétaire, et plus encore la future loi d'orientation, permettent de rassurer sur ce point les différentes composantes de l'enseignement agricole, les familles et les jeunes à qui il a donné une nouvelle image des métiers de la terre, et les nombreux élus pour qui il représente la meilleure chance de développer l'emploi et l'activité dans les territoires ruraux.

*

* *

PREMIÈRE PARTIE : LE TOISAGE DU BUDGET DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

1. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS


• L'évolution des dotations de loi de finances à loi de finances

Les crédits de l'enseignement agricole et de la formation en milieu rural inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 s'élèvent, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, à 6.187,48 millions de francs, soit une progression de + 2,26 % par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances pour 1996 (6.050,99 millions de francs).

Ce taux de progression traduit une rupture par rapport au rythme de progression observé les années précédentes (+ 4,9 % pour le budget 1994, un peu plus de 7 % pour les budgets 1995 et 1996), qui n'étaient pourtant pas non plus des années de largesses budgétaires.

Ce net ralentissement de l'évolution des crédits tient pour l'essentiel au toisage des moyens de l'enseignement technique, calculés sur la base d'une augmentation de 2 % des effectifs, alors que cette augmentation a été en fait de 5,9 %. Mais la baisse des dépenses d'aide aux familles et l'amputation (- 11 %) des crédits de formation et d'animation en milieu rural y contribuent aussi.

Les crédits disponibles en 1996

Les mesures de régulation budgétaire

Cette année encore, les crédits d'investissement de l'enseignement agricole public ont payé un lourd tribut à la régulation budgétaire : 21,98 millions de francs d'autorisations de programme et 6,36 millions de francs de crédits de paiement ont été annulés. Ces annulations ont en particulier amputé les crédits de rénovation des établissements d'enseignement supérieur, dont le plan pluriannuel de remise à niveau n'est, à ce rythme, pas près d'arriver à son terme.

ENSEIGNEMENT ET FORMATION AGRICOLE :

BUDGET 1996 ET PROJET DE BUDGET POUR 1997 : COMPARAISON DES PRINCIPALES CATÉGORIES DE DÉPENSES

Autres victimes habituelles des mesures d'annulation, les crédits de la formation et de l'animation rurale ont également été durement touchés : - 26,24 millions de francs, cette diminution des moyens n'étant que très partiellement compensée par des reports de crédits de 6,27 millions de francs.

* Des reports de crédits ont également été effectués sur le chapitre 43-22 (subventions à l'enseignement privé), à hauteur de 18 millions de francs.

II. LES PRINCIPALES CATÉGORIES DE DÉPENSES

On examinera successivement les moyens consacrés à l'enseignement public, aux aides à l'enseignement privé sous contrat, aux aides aux familles et aux actions de formation et d'animation en milieu rural.

A. L'ENSEIGNEMENT PUBLIC

Partie intégrante du service public de l'éducation, l'enseignement public agricole en est, budgétairement, le parent pauvre. Les moyens lui ont en effet toujours été beaucoup plus chichement mesurés qu'à l'éducation nationale. Cette inégalité de traitement est particulièrement criante cette année : le taux de progression des moyens de fonctionnement de l'enseignement public agricole, dont les effectifs augmentent de 4,2 % est en effet de 1,7 % , celui des crédits de l'enseignement scolaire, dont les effectifs diminuent, est de 1,5 % .

Votre rapporteur s'est souvent élevé contre cette situation.

La responsabilité première en incombe au ministère du budget, qui a toujours eu tendance à considérer les dépenses d'enseignement agricole comme des dépenses agricoles plutôt que comme des dépenses d'enseignement.

Elle ne pourra que s'aggraver si le ministre de l'agriculture lui-même entretient cette confusion en toisant les dépenses d'enseignement pour limiter leur croissance au sein de son budget et en accréditant l'idée que les moyens affectés à l'enseignement agricole sont « pris » sur les autres actions de son ministère.

Parce qu'il a préservé sa spécificité, ses liens avec le milieu rural et les professions du secteur agricole et sa remarquable réactivité aux besoins en formations de ce secteur, le rattachement de l'enseignement agricole au ministère de l'agriculture constitue pour ce dernier -et pour l'ensemble des professions qui relèvent de son action- un avantage que peuvent lui envier bien d'autres ministères « techniques ».

Mais cet avantage a une contrepartie : il confère au ministre de l'agriculture la responsabilité d'assurer dans des conditions convenables le fonctionnement d'une partie du service public de l'éducation.

1. L'évolution des crédits de l'enseignement agricole public

Ils s'établissent, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, à 3.157,26 millions de francs, soit une progression de 1,5 % par rapport aux crédits de 1996.


Les dépenses de fonctionnement

Les dépenses ordinaires s'élèveront en 1997 à 3.097,35 millions de francs, en hausse de 1,7 %.

Sur ce total, les dépenses en personnel représentent 2.774,95 millions de francs (+ 2,05 %).

Les dépenses de fonctionnement des établissements (278,16 millions de francs) ne progressent quant à elles que de 0,78 %, grâce au renfort de 6,4 millions de francs au titre du « nouveau contrat pour l'école », qui compensent pour partie des mesures d'économie.


Les dépenses en capital

Par rapport à la loi de finances pour 1996, elles accusent une nette diminution : - 23 % pour les autorisations de programme (60,35 millions de francs ), - 10 % pour les crédits de paiement (59,91 millions de francs).

Elles sont toutefois supérieures aux montants régulés des crédits de 1996 (56,52 millions de francs en autorisations de programme et 53,99 millions de francs en crédits de paiement).

Il est à noter que la présentation budgétaire des crédits d'investissement de l'enseignement agricole permet désormais, comme l'avait souhaité votre commission, de distinguer entre les dépenses de maintenance et d'entretien des bâtiments et les constructions ou équipements nouveaux.

Pour l'enseignement technique, il est prévu 5,9 millions de francs en autorisations de programme et 6,3 millions de francs en crédits de paiement au titre des travaux de maintenance et de mise en conformité, ainsi qu'un petit crédit de 230.000 francs pour l'équipement informatique, audiovisuel, scientifique et technologique des établissements.

Pour l'enseignement supérieur, les moyens consacrés au plan pluriannuel de remise à niveau du parc immobilier -particulièrement vétuste et inadapté- des établissements sont calculés « au minimum » :

- pour les dépenses de gros entretien et de maintenance, dont le coût total avait été évalué à 230 millions de francs en 1993, les réalisations à la fin de 1996 ne s'élèvent qu'à 56 millions de francs, soit une partie de la première tranche (90 millions de francs) consacrée aux travaux les plus urgents (sécurité, réseaux internes, clos et couvert...).

12 millions de francs seront consacrés en 1997 à la poursuite de ces travaux, soit un rythme d'exécution qui risque fort de transformer le plan pluriannuel en plan pluridécennal.

- pour les dépenses de construction et d'équipements réalisées, hors Ile-de-France, dans le cadre des contrats de plan État-région, il est prévu un engagement total de l'État de 148 millions de francs pour la période 1994-1998 : la tranche d'exécution 1996 s'est élevée à 20 millions de francs.

Pour l'Ile-de-France, où existe une forte concentration d'établissements anciens, l'État doit contribuer à parité avec la région à un programme de 145 millions de francs couvrant la période 1995-1997.

Face à ces engagements, les crédits inscrits au budget 1997 représentent 39 millions de francs en autorisations de programme et 37,56 millions de francs en crédits de paiement.

2. Les moyens en personnels

L'enseignement agricole, tant technique que supérieur, souffre depuis plusieurs années d'une très grave insuffisance de ses moyens en personnels.

« L'encadrement a priori » des moyens n'est évidemment pas fait pour améliorer cette situation, qui devient franchement catastrophique dans l'enseignement technique, et reste aussi mauvaise dans l'enseignement supérieur.

a) Les personnels enseignants de l'enseignement technologique et professionnel

Les créations de postes prévues -au plus juste- en fonction du « quota de 2 % » ne sont évidemment pas à la hauteur des besoins créés par une hausse des effectifs de 4,2 %. Par ailleurs, le budget ne comporte aucune mesure de résorption de la précarité, qui représente 20 % des effectifs budgétaires.

Les créations de postes

Afin de rompre avec la pratique qui consistait, pour faire face aux besoins de chaque rentrée, à alourdir les effectifs de non-titulaires par des recrutements « provisoires » anticipant sur les créations de postes du budget de l'année suivante (pratique d'ailleurs révélatrice de l'insuffisance chronique de ces créations de postes), les rentrées sont désormais préparées 18 mois à l'avance. La loi de finances de chaque année doit ainsi permettre de rémunérer, en année pleine, les enseignants en formation qui seront affectés à la rentrée et, à partir du mois de septembre, les enseignants stagiaires qui entreront en formation en vue de leur affectation à la rentrée de l'année suivante.

Le budget de l'année 1996, qui était la dernière année de transition vers ce dispositif, avait prévu 140 créations d'emplois pour les rentrées 1996 et 1997 : 92 devaient être effectives à la rentrée 1996, et 48 étaient destinées à recruter à partir de septembre 1996 des enseignants stagiaires en vue de leur affectation à la rentrée 1997.

Si l'on tient compte du fait que les effectifs scolarisés à la rentrée 1996 ont augmenté de 2.774 élèves (pour 92 postes) et que les 48 postes de la rentrée 1997 permettront tout juste d'assurer le « suivi » de 20 ouvertures de classe, on mesure que l'effort de création de postes en 1996 et 1997 n'est pas de nature à améliorer la couverture des besoins.

Le projet de budget pour 1997 s'inscrit dans la même tendance puisqu'il prévoit seulement 70 créations de postes de certifiés pour le recrutement, en septembre 1997, de 70 stagiaires qui seront « devant les élèves » à la rentrée 1998.

L'enseignement technique agricole bénéficiera également en 1997, au titre du « nouveau contrat pour l'école » (rééchelonné, comme tous les engagements pluriannuels de l'État, en application de la politique de réduction des dépenses publiques), de 5 postes de conseillers principaux d'éducation.

Le problème lancinant de l'emploi précaire

Le projet de budget ne comporte aucune mesure permettant la résorption de l'emploi précaire, qui concerne quelque 2.000 contractuels. Environ 770 emplois en équivalent temps plein sont occupés par des agents contractuels d'État (ACE), auxquels s'ajoutent des agents contractuels régionaux (ACR) qui sont, eux, rémunérés sur les crédits de vacation du chapitre 31-96, et représentent environ 600 emplois en équivalent temps plein.

Ces personnels auront accès à des concours réservés organisés par le ministère de l'agriculture en application des dispositions de la future loi relative à l'emploi dans la fonction publique.

La première session de ces concours pourrait être organisée dès la fin de l'année 1997.

Toutefois, compte tenu du nombre de postes actuellement vacants et des effectifs de contractuels qui pourront se présenter aux concours, la résorption de l'emploi précaire ne sera pas possible (non plus que dans l'éducation nationale où la proportion de non-titulaires n'est cependant que de 8 %), sans créations de postes par transformation de crédits d'heures supplémentaires. Dans l'éducation nationale, 1.375 postes ont déjà été créés en 1994 et 1995 par ce moyen.

Lors de la préparation des lois de finances pour 1995 et 1996, le ministère de l'agriculture avait également demandé la mise en place d'un plan pluriannuel de transformation en emplois d'une partie des crédits de vacation et d'heures supplémentaires : 600 créations d'emplois auraient été nécessaires, par tranches annuelles de 150 ou 200 emplois.

Cette demande avait été refusée. Elles n'a, cette année, pas été renouvelée.

Les mesures de revalorisation

Les mesures de revalorisation de la fonction enseignante se traduisent dans le projet de budget par 56 créations d'emplois de hors classe (2,5 millions de francs), 20 transformations d'emplois d'instituteurs spécialisés en P.L.P.A. 2 (0,7 million de francs), 20 transformations d'emplois de P.C.E.A. en professeurs agrégés (0,6 million de francs) et une nouvelle tranche de 198 transformations d'emplois de P.L.P.A.I. en P.L.P.A. 2 (1,6 million de francs).

b) Les personnels enseignants de l'enseignement supérieur

Le projet de budget prévoit 6 créations d'emplois d'enseignants dans l'enseignement supérieur, dont 2 postes de professeurs et 4 postes de maîtres de conférence, ce qui porte à 800 le nombre des emplois d'enseignants-chercheurs, auxquels s'ajoutent 202 postes d'ingénieurs et d'enseignants de l'enseignement secondaire, et 59 postes de contractuels (dont 16 lecteurs de langues étrangères), soit au total 1.061 emplois d'enseignants.

Ces 6 créations de postes font suite à 10 créations nettes en 1995 et 5 en 1996.

On ne peut guère en attendre une amélioration des taux d'encadrement, qui se détériorent par rapport à ceux des grandes écoles comparables, et encore moins les considérer comme un signe annonciateur d'une véritable rénovation de l'enseignement supérieur.

Revalorisation de la condition enseignante

Les mesures indemnitaires prévues en 1997 au titre de l'application du plan de revalorisation des enseignants-chercheurs représentent 1 million de francs de mesures nouvelles correspondant à des primes accordées dans le cadre de contrats pédagogiques, de contrats d'encadrement doctoral et de recherche ou de contrats de charges administratives.

c) Les personnels non-enseignants

À la rentrée 1996, les effectifs étaient de 3.944 postes ATOSS dans l'enseignement technique et de 1.346 postes ITA et ATOSS dans l'enseignement supérieur.

Les créations d'emplois prévues en 1997 se limitent à deux créations de postes d'infirmières dans l'enseignement technique au titre du « nouveau contrat pour l'école », et à 4 emplois de personnels de formation et de recherche dans l'enseignement supérieur.

En revanche, 57 des quelque 140 postes ATOSS précédemment gelés dans l'enseignement technique ont été supprimés.

Au risque de lasser, votre rapporteur ne peut que répéter une fois de plus que cette lente érosion des effectifs n'est pas tolérable, et qu'elle constitue un autre exemple de la différence de traitement entre l'enseignement relevant de l'éducation nationale et celui relevant du ministère de l'agriculture.

B. L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ

Les subventions à l'enseignement technique et supérieur privé sous contrat s'élèveront en 1997, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, à 2.382,64 millions de francs, en hausse de 5,2 %.

Ce taux de progression paraît, comme les années précédentes, plus favorable que celui des crédits de l'enseignement public. Mais, comme les années précédentes, cette différence s'explique par l'impact des mesures de mise à niveau de certaines aides -cette année, il s'agit du rattrapage, amorcé l'an dernier et déjà retardé, de la subvention de fonctionnement à l'élève versée aux établissements à temps plein- et par la comparaison des chiffres de loi de finances à loi de finances, qui ne prend pas en compte les crédits de report.

Mais, l'an prochain, les subventions à l'enseignement technique privé seront « toisées », comme les crédits de l'enseignement public, en fonction de l'objectif de limitation à 2 % de la croissance des effectifs, qui n'a pu davantage être respecté dans le privé -les effectifs totaux augmentant de 7,1 %- que dans le public.

Quant aux subventions aux écoles d'ingénieurs sous contrat, elles sont maintenues au même niveau que l'an dernier.

1. Les subventions à l'enseignement technique privé

Elles s'élèveront à 2.281,7 millions de francs pour les subventions de fonctionnement, et à 1,85 million de francs, en crédits de paiement, pour les subventions d'investissement que l'Assemblée nationale a relevées de 0,2 million de francs.

a) Les subventions de fonctionnement

Le tableau ci-après indique leur répartition par catégorie d'établissement :

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1997

RÉPARTITION DES AIDES AU FONCTIONNEMENT

DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE PRIVÉS

(CHAPITRE 43-22)


Les aides au fonctionnement des établissements à temps plein

Elles comprennent la rémunération des personnels enseignants et de documentation, qui sont des contractuels de l'État, et la subvention de fonctionnement à l'élève, destinée à couvrir les autres dépenses de fonctionnement des établissements sous contrat et à assurer, en application du principe de parité, une prise en charge totale des frais correspondant à la scolarisation des élèves externes.

La rémunération des personnels contractuels

Les crédits prévus s'élèvent à 1.029,49 millions de francs, en hausse de 3,6 %.

Cette augmentation inclut 50 créations de postes de contractuels, aucune création de postes n'ayant été prévue en 1996.

Compte tenu d'une hausse des effectifs de quelque 6 % à la rentrée 1996, nettement supérieure au « quota de 2 % » appliqué au calcul des moyens, ces créations de postes n'empêcheront pas une dégradation de 10 % des taux d'encadrement.

La subvention de fonctionnement à l'élève

Son montant sera affecté en 1997 de deux manières :

- la limitation à 2 % de la hausse des effectifs pris en compte ;

- l'étalement sur une année supplémentaire du plan de rattrapage de l'aide, dont la première étape a eu lieu l'an dernier. Il convient de souligner que cet étalement revient, au cas particulier, non pas à étaler sur un an supplémentaire l'octroi d'une aide nouvelle, mais à retarder à nouveau d'un an la mise à niveau d'une aide qui ne devait déjà atteindre le montant prévu par la loi que 14 ans après le vote de cette loi.

En effet, 10 ans après l'adoption de la loi réformant les aides aux établissements privés, la subvention à l'élève externe, qui devrait -en application du principe de parité- être égale aux frais de fonctionnement par élève constatés dans l'enseignement public, représentait en 1994 la moitié de ce coût de référence (3.905 francs pour 6.432 francs), un décalage du même ordre étant constaté dans la prise en charge partielle des frais de demi-pension et d'internat.

La « mise à niveau » prévue en 1995 par le « plan Puech » devait permettre d'assurer en 1998, sur la base des coûts estimés en 1994 1 ( * ) , le rattrapage intégral de la subvention représentative des coûts de fonctionnement à l'élève externe, et de porter à 50 % du coût moyen observé dans les établissements publics la part « hébergement » accordée pour les élèves internes (de 2.077 francs à 4.022 francs en 1998), la part « restauration » accordée pour les demi-pensionnaires devant quant à elle rester au même niveau (1.328 francs en 1994).

L'étalement du plan jusqu'en 1999 -qui, joint à l'effet du quota de 2 %, se soldera par une perte nette pour les établissements de plus de 30 millions de francs pour la seule année 1997- devrait se traduire par un « rattrapage différencié » des aides : le taux de rattrapage de la subvention à l'élève externe ne serait pas remis en cause en 1997, en revanche la part hébergement ne sera pratiquement pas augmentée.

Cette solution a été jugée préférable à un étalement général du rattrapage des parts en 1997 mais elle pourra difficilement être prolongée dans les mêmes termes les années suivantes.

Elle ne modifie pas, en tout cas, le montant des crédits prévus pour les subventions de fonctionnement à l'élève, qui, en fonction de l'étalement du plan Puech et de la limitation du nombre des élèves pris en compte (soit 52.012 élèves sur 54.145 inscrits), devrait s'élever en 1997 à 444,9 millions de francs, soit une augmentation de 8,7 % par rapport aux dépenses prévues au titre de 1996 (409,3 millions de francs).

La subvention forfaitaire à l'élève versée aux établissements à rythme approprié

Les établissements « à rythme approprié » ne perçoivent qu'une aide unique de l'État, sous la forme d'une subvention forfaitaire à l'élève qui est égale au produit du nombre de formateurs (calculé en fonction du nombre et du niveau de scolarisation des élèves) par le coût du poste de formateur, déterminé par référence au coût moyen des postes correspondants d'enseignants contractuels dans les établissements à temps plein.

L'effectif pris en compte a été, comme dans les autres composantes de l'enseignement agricole, calculé sur la base d'une hausse de 2 % des effectifs 1996.

Or, cette année, les établissements à rythme approprié ont accueilli 8,4 % d'élèves supplémentaires (près de 3.600 élèves).

Les associations passant avec l'État des contrats fixant le nombre maximal des élèves qui peuvent être accueillis dans les établissements, et certains de ces contrats ayant récemment fait l'objet d'avenants, l'application du « quota » conduit, dans certains établissements, à une situation particulièrement absurde.

En fonction de cette situation, il a été décidé de supprimer la revalorisation du coût du poste de formateur qui devait intervenir en 1997 (la dernière ayant eu lieu en 1995), afin de permettre, à crédit égal, l'attribution de l'aide à un plus grand nombre d'élèves.

Toutefois, il faut observer que cette « souplesse » est d'effet très limité : ainsi les maisons familiales et rurales, qui représentent l'essentiel des établissements de cette catégorie, ne recevront aucune aide pour 1.000 de leurs nouveaux élèves.

Au total, les crédits de subvention à l'élève des établissements à rythme approprié s'élèveront en 1997 à 780,58 millions de francs, en hausse de 3 % (représentant à la fois le « quota » d'effectifs et le montant initialement prévu pour la revalorisation du coût des postes) par rapport aux dépenses de 1996 (757 millions de francs).

b) Les subventions d'investissement

Elles continuent leur rapide régression, et sont ramenées à 1,2 million de francs en autorisations de programme (contre 1,8 l'an dernier) et à 1,85 million de francs en crédits de paiement (contre 2,8 l'an dernier).

2. Les subventions à l'enseignement supérieur privé

a) Les subventions de fonctionnement

Elles avaient augmenté l'an dernier de 2,5 %. En 1997, elles ne bénéficieront même pas d'un « quota » de 2 %, ni d'une réévaluation tenant compte de l'inflation, puisqu'elles sont reconduites en francs courants à leur niveau de 1996, soit 97,4 millions de francs.

Les bases de calcul (effectifs à la rentrée et valeur du point d'indice) n'ont en effet pas été modifiées, et la subvention à l'élève devrait s'établir à 30 412 francs en 1997.

b) Les subventions d'investissement

Elles sont de 1,4 million de francs en autorisations de programme (contre 2 millions de francs en 1996), et 1,67 million de francs en crédits de paiement (1,7 million de francs en 1996).

C. L'AIDE AUX FAMILLES

Les crédits du chapitre 43-21 -483,2 millions de francs en 1997- accusent une baisse de 1,8 % par rapport à 1996.

Les bourses de l'enseignement technique et supérieur

En dépit de la réévaluation des taux des bourses (4.822 francs en moyenne dans l'enseignement technique et 15.004 francs dans l'enseignement supérieur), les crédits des bourses baissent en fonction de la baisse du nombre des boursiers, elle-même imputable à l'absence de réévaluation, depuis plusieurs années, des conditions de revenus mises à l'octroi des bourses.

* Les crédits de bourses de l'enseignement technique diminuent ainsi de 6,1 millions de francs, pour s'établir à 437,95 millions de francs.

* Les crédits de bourses de l'enseignement supérieur s'élèveront quant à eux à 39 millions de francs (- 1,5 million de francs).

Le tableau ci-après indique l'évolution en 1995 et 1996 du nombre des élèves et étudiants boursiers et du taux moyen des bourses :

Les bourses de stages à l'étranger

Les crédits de stages à l'étranger, après avoir été portés en 1996 à 6,1 millions de francs grâce à l'appoint de crédits du « nouveau contrat pour l'école » , chuteront en 1997 à 4,9 millions de francs, soit un étiage inférieur au niveau qui avait été le leur depuis leur création (5 millions de francs).

Les crédits de ramassage scolaire (1,35 million de francs) sont reconduits en francs courants, ce qui correspond à une régression en valeur.

D. LES ACTIONS DE FORMATION EN MILIEU RURAL

Les documents budgétaires ne donnent qu'une idée très approximative du montant et de la répartition des crédits de formation en milieu rural (chapitre 43-23), qui sont régulièrement sujets, en cours d'année, à des « mouvements divers » (annulations, reports, transferts), dont le solde est non moins régulièrement négatif.

L'érosion constante des crédits inscrits chaque année en loi de finances ne constitue donc qu'un indice de la tendance à la baisse qu'ils accusent d'année en année, et reflète généralement celle qu'ils ont déjà connue en cours d'exercice.

Le projet de budget ne fait pas exception à cette règle, puisqu'il prévoit une baisse de - 10,7 % des crédits du chapitre 43-23, qui passeraient de 184,88 millions de francs à 165,01 millions de francs, compte tenu de 0,44 million de francs de crédits supplémentaires obtenus par l'Assemblée nationale.

Toutes les actions financées sont affectées par cette baisse, même l'apprentissage, à la seule exception, charte de l'installation oblige, des stages de préparation à l'installation.

Les stages de préparation à l'installation

Pour acquérir la capacité professionnelle agricole, les candidats à l'installation doivent effectuer un stage de 6 mois en exploitation agricole ou en entreprise, et participer à un stage de préparation à l'installation (« stage de 40 heures »). Des actions particulières sont en outre prévues dans le cadre du programme PIVOINE (« programme d'insertion et de valorisation des opportunités pour l'installation de nouveaux exploitants »), inscrit dans la charte de l'installation et destiné à faciliter l'installation de jeunes hors du cadre familial, ou de jeunes ayant déjà eu une autre expérience professionnelle.

* Les dépenses afférentes aux stages de 6 mois sont évaluées pour 1997, sur la base de 6.000 stagiaires, à 79,7 millions de francs (indemnités de stages et de tutorat et bourses de stagiaires).

* Les dépenses correspondant aux « stages 40 heures » devraient représenter 9,55 millions de francs pour 11.000 stagiaires.

* Les actions du programme PIVOINE devraient s'élever à 2 millions de francs.

Pour faire face à ces dépenses, dont le montant total est ainsi estimé à 91,25 millions de francs, des crédits de 79 millions de francs sont inscrits à l'article 10 du chapitre 43-23 : un financement de 10 millions de francs du Fonds social européen devrait contribuer à les compléter.

L'apprentissage

Les effectifs des 126 CFA agricoles ont connu une nouvelle progression de 2.000 apprentis en 1995-1996, année pendant laquelle ils ont accueillis 17.700 jeunes.

Les crédits du ministère de l'agriculture sont consacrés :

- au fonctionnement des CFA à recrutement national conventionnés par le ministère, qui ne sont plus que 5, l'un d'entre eux ayant été « décentralisé » en 1996 : ce mouvement devrait se poursuivre ;

- aux contrats de plan État-région ;

- à des études d'adaptation du dispositif d'apprentissage : ces actions, engagées en 1994, sont en voie d'achèvement.

Ces crédits seront ramenés en 1997 de 15,65 à 11,96 millions de francs (- 23 %).

Le programme national de formation

Il permet de subventionner des formations dont le recrutement et les débouchés s'étendent à plusieurs régions ou à l'ensemble du territoire.

De « recentrage » en « recentrage » des actions, le nombre des centres de formation aidés s'est déjà nettement restreint, et l'aide a été limitée à des formations d'intérêt national. Les crédits correspondant à ces actions, augmentés de 0,4 million de francs à l'Assemblée nationale, seront à nouveau fortement réduits en 1997, passant de 25,78 à 17,21 millions de francs (- 33 %).

L'animation rurale

Ses moyens sont réduits, compte tenu de 0,04 million de francs supplémentaires obtenus par l'Assemblée nationale, de 22,45 à 17,07 millions de francs, soit une nouvelle diminution de 24 % des crédits, qui se passe, malheureusement, de tout commentaire ...

Les actions de formation des actives agricoles

Enfin, après un long dépérissement, les crédits de formation en faveur des femmes, réduits en dernier lieu à 10,1 millions de francs en 1996 (et « régulés » à 8,58 millions de francs), seront purement et simplement supprimés en 1997.

Il avait été indiqué à votre rapporteur que ces actions spécifiques s'adressaient à un public de plus en plus restreint, le niveau de formation initiale des actives agricoles leur permettant désormais de suivre les filières normales de formation continue.

Certes, mais la suppression brutale de ces crédits, qui ne se retrouvent sur aucune des autres lignes du chapitre, n'en constitue pas moins un nouveau recul de l'effort global de formation en milieu rural.

*

* *

DEUXIÈME PARTIE : FAUT-IL ASSUJETTIR L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE À UN RÉGIME DE QUOTAS ?

Le contingentement des effectifs et des moyens de l'enseignement agricole, ainsi que son recentrage annoncé, et déjà amorcé, sur les filières de production et de transformation, ont de quoi surprendre.

La méthode en elle-même est choquante. Le souci de maîtrise de la dépense publique n'est en effet jamais allé jusqu'à refuser d'accorder au système éducatif des moyens en rapport avec l'évolution de la demande de formation -quitte à calculer ces moyens au plus juste.

Limiter l'offre d'éducation à hauteur de moyens prédéterminés constitue donc une démarche inédite, qui revient à remplacer la priorité aux dépenses d'éducation par une priorité aux économies sur l'éducation. Ce n'est sans doute pas ce qu'il convient de faire pour éviter que la nécessaire réduction des dépenses publiques obère notre avenir social et économique, et d'abord l'avenir de notre jeunesse.

On doit aussi s'interroger très sérieusement sur les conséquences de ce choix.

La justification et le réalisme du « quota de 2 % » soulèvent bien des interrogations.

Son application entraînera en tout cas une remise en cause des orientations qui sont à l'origine de la remarquable réussite de l'enseignement agricole, et des résultats de cette réussite.

Enfin, il est certain qu'en 1997 « l'encadrement a priori des dépenses » aggravera considérablement l'insuffisance des moyens aussi bien de l'enseignement technique -où l'année scolaire 1996-1997 est celle de la mise en place des baccalauréats professionnels- que de l'enseignement supérieur, qui manquera cette année encore des moyens nécessaires à sa rénovation.

A. UN « QUOTA » QUI SOULÈVE BIEN DES INTERROGATIONS

Les critères du contingentement à 2 % des effectifs demeurent inexpliqués, et, faute d'avoir pris en compte « l'effet stock » qui commande pour une large part l'évolution des effectifs en formation, ce quota s'est révélé inapplicable. On peut même sérieusement douter de son efficacité en termes de réduction des dépenses publiques.

1. Un contingentement inutile ?

Votre rapporteur n'a pu obtenir aucune information sur les critères qui ont conduit à limiter à 2 % la croissance « raisonnée » des effectifs. Le seul argument invoqué, l'évolution des effectifs par rapport à celle des débouchés, ne justifie pas une mesure aussi drastique.

Assiste-t-on vraiment, en effet, à une explosion des effectifs de l'enseignement agricole ?

Il est vrai qu'après de longues périodes de quasi stagnation puis de lente progression, le nombre des élèves scolarisés dans l'enseignement agricole a récemment -c'était à la rentrée 1993- amorcé une nette remontée (+5 %), qui s'est poursuivie sur le même rythme à chacune des trois rentrées de 1994, 1995 et 1996.

Mais ce phénomène n'a rien de surprenant, ni de particulièrement inquiétant.

Il faut en effet se souvenir que la modernisation de l'enseignement agricole, la mise en place de ses filières et l'harmonisation de ses cursus avec ceux de l'éducation nationale sont aussi très récentes.

Il est donc parfaitement normal que les évolutions profondes qu'a connues l'ensemble du secteur éducatif, qui avaient commencé de se dessiner il y a plus de vingt ans avant d'arriver à maturité dans les dix dernières années, ne se soient manifestées que beaucoup plus tardivement dans l'enseignement agricole.

En effet, ce que traduit essentiellement l'augmentation récente des effectifs de l'enseignement agricole, ce sont les conséquences, dans cet enseignement, de l'allongement de la formation scolaire, qui en lui-même ne modifie pas le volume des « sorties » de diplômés ni celui de la demande d'emploi.

a) L'augmentation des effectifs résulte de l'allongement de la scolarité

Elle ne correspond pas en effet à un engouement aussi inattendu qu'irrationnel pour l'enseignement agricole. Elle résulte, pour l'essentiel, du fait que cet enseignement ne s'est engagé qu'avec beaucoup de retard dans l'évolution qui, dans l'éducation nationale, s'était amorcée depuis le début des années 70 : l'allongement de la scolarité.

L'enseignement agricole n'« explose » pas : il cède simplement à son tour, à son rythme, en fonction de ses caractéristiques et avec un retard imputable à celui de l'évolution de ses structures, au tropisme des « 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat ».

On constate en effet :

- que ses effectifs ont évolué selon un rythme certes très inégal, mais qu'en longue période leur accroissement est encore très inférieur à celui qu'ont connu les effectifs de l'éducation nationale pendant la « montée en puissance » de l'allongement de la scolarité ;

- que, comme dans le second degré de l'éducation nationale, le gonflement des effectifs de l'enseignement agricole correspond à celui des effectifs des formations longues ;

- que l'augmentation des effectifs ne se traduit pas par une augmentation des sorties sur le marché du travail.

Une progression des effectifs très tardive mais d'une ampleur modérée en longue période

La stagnation des effectifs de l'enseignement agricole a été, avec le trop faible niveau de qualification auquel il conduisait ses élèves et sa spécialisation trop étroite, une des raisons qui ont conduit d'abord à augmenter ses moyens à partir du début des années 1980, puis à le réformer profondément à la suite des lois de 1984.

Ses effectifs n'avaient en effet guère évolué entre 1971 et 1982 (de 115.700 à 123.000 élèves).

Entre 1985 et 1992, leur progression a été régulière mais est restée très lente : on est passé de 131.681 à 135.490 élèves, soit à peine 3 % sur 8 ans.

Ce n'est qu'à partir de la rentrée 1993 qu'est intervenu un très net « changement de braquet » : les effectifs ont augmenté de 25 % sur quatre rentrées scolaires.

Mais si la course a été menée selon un rythme très irrégulier, on constate à l'arrivée que l'évolution sur quelque 25 ans de l'enseignement agricole a été d'une ampleur qui reste très modérée au regard de celle de l'enseignement relevant de l'éducation nationale :

- Entre 1971/1972 et 1995/1996, les effectifs du second degré agricole -hors enseignement supérieur court (BTSA)- ont augmenté de 24,3 % (de 112.842 à 140.249 élèves).

- Sur la même période, la progression des effectifs scolarisés dans l'éducation nationale aux niveaux d'enseignement correspondants (4e et 3e professionnelles ou technologiques, second cycle du second degré professionnel, général et technologique) a été de plus de 41 % (de 1,647 à 2,324 millions d'élèves), tandis que s'affirmait la tendance à la généralisation des études longues.

Une progression des effectifs qui résulte de celle des formations longues.

L'évolution comparée des effectifs aux différents niveaux d'enseignement montre bien que, comme dans l'éducation nationale, l'augmentation des effectifs de l'enseignement agricole reflète directement celle de l'accès aux formations longues.

Que le « décollage » des effectifs ait été beaucoup plus tardif dans l'enseignement agricole s'explique aisément.

L'enseignement agricole s'est en effet lancé dans la course à l'allongement de la scolarité avec deux handicaps :

* L'écrasante prépondérance des formations de niveau V (CAPA et BEPA), qui représentaient 73 % de ses effectifs en 1971, et encore 68 % en 1985, cette proportion plus faible étant d'ailleurs uniquement due à l'augmentation des effectifs accueillis en BTSA.

* La lente « modernisation » des cursus scolaires : pendant la fulgurante progression, dans l'éducation nationale, de l'accès au baccalauréat (de 30 % à 63,7 % d'une classe d'âge entre 1973 et 1995) les BTA représentaient encore, dans l'enseignement agricole, l'essentiel des diplômes de niveau IV, à côté d'un seul baccalauréat général agricole (le bac D').

Les premières filières des baccalauréats technologiques spécifiques à l'enseignement agricole n'ont en effet été ouvertes qu'en 1993, en même temps que le bac D' faisait place à un baccalauréat général de la série S, et il a fallu attendre la rentrée de septembre dernier pour voir se mettre en place des classes de première conduisant à des baccalauréats professionnels agricoles.

Néanmoins, les chiffres mettent en évidence la corrélation entre l'augmentation des effectifs et celle des formations longues :


Entre les années scolaires 1985/1986 et 1995/1996, la croissance totale des effectifs a été de + 21 %.


• Mais les effectifs des formations de niveau V sont restés stables :
90.03 7 élèves en 1985, 88.652 en 1995.


La progression des effectifs a donc uniquement concerné :

- le niveau IV (BTA, baccalauréats) : + 62 % (de 32.000 à 52.000 élèves) ;

- le niveau III (BTSA) : + 104 % (de 9.648 à 19.705 élèves).

b) ... et n'a aucune raison de se traduire par une « explosion » des demandes d'emploi

Quelles conclusions peut-on tirer de cette rapide analyse de l'augmentation des effectifs ?

Essentiellement trois :


La croissance des effectifs due à l'allongement de la scolarité va sans doute se poursuivre -au rythme notamment des ouvertures de filières de baccalauréats technologiques et professionnels, mais aussi de l'évolution des taux des poursuites d'études, l'enseignement agricole se caractérisant par la mise en place de « filières de promotion » permettant aux diplômés d'accéder à une qualification supérieure, et donc par de forts taux de poursuite d'études. Mais elle se traduira, en raison notamment de cette caractéristique, par une élévation du niveau de qualification, et non par une augmentation du nombre des « sorties » de l'enseignement agricole.

Ce qui à la fois relativise le problème des débouchés et fait entrevoir les possibles effets pervers d'un contingentement des augmentations d'effectifs qui pèserait sans doute autant sur la poursuite d'études que sur les flux nets d'entrées.


L'évolution des effectifs totaux n'a pas eu de rapport direct avec celle du nombre des diplômés ou des « sorties » de l'enseignement agricole sur le marché du travail.

L'exemple des premières années de « croissance rapide » de l'enseignement agricole est à cet égard significatif :

- sur les quatre années scolaires 1992/1993 à 1995/1996, les effectifs ont augmenté de 18 % ;

- le nombre des diplômés, tous niveaux confondus, n'a cependant augmenté que de 4,7 % entre les promotions de 1993 et celles de 1996, et compte tenu des taux très élevés de poursuite d'études, le taux de progression des arrivées sur le marché du travail a sans doute été encore nettement inférieur.

* L'évolution future du nombre des diplômés résultera quant à elle essentiellement de trois facteurs :

* l'évolution des effectifs de niveau V : il est d'ailleurs significatif que ces effectifs aient recommencé à croître au moment où s'achevait, avec l'annonce de la création des nouveaux baccalauréats, la mise en place des « filières de promotion » : l'espoir d'accéder au niveau IV a certainement été, au même titre que la bonne insertion professionnelle des titulaires de CAPA et de BEPA, une des raisons de cette reprise.

* l'évolution des taux de poursuite d'études ;

* le fonctionnement des « passerelles » entre les filières agricoles et
celles de l'éducation nationale, notamment au niveau de l'entrée en seconde
ou en BTSA ;

2. Un quota impossible à respecter

L'objectif de croissance des effectifs fixé par le ministre a été largement dépassé, puisque l'enquête suivant la rentrée scolaire de septembre 1996 a fait apparaître, en dépit de très nombreux refus d'inscription, une nouvelle augmentation de. 5,9 %, soit environ 9.450 élèves, qui se répartit de la façon suivante entre les différentes catégories d'enseignement :

a) Les raisons du dépassement

Ces dépassements ne sont évidemment pas le résultat d'une ignorance délibérée des consignes ministérielles. Ils étaient sans doute inévitables, essentiellement pour deux raisons :

La première, et la principale, est que l'objectif de 2 % ne tenait pas compte de « l'effet de stock » qui imposait mécaniquement une progression supérieure à 2 % des effectifs totaux, en raison :

* de la poursuite des filières : quand on a ouvert à une rentrée une filière, et donc une classe correspondant à la première année de cette filière, il faut bien ouvrir ensuite les classes suivantes. Cet effet a sans doute été relativement circonscrit, en particulier dans l'enseignement public, les restrictions budgétaires de ces dernières années ayant réduit les « ouvertures nettes » de classes. Mais il fallait quand même compter avec la « montée en puissance » des baccalauréats technologiques, ou avec les ouvertures de classes correspondant à des formations nouvelles ou rénovées, par exemple à la mise en place à la rentrée 1995 des nouveaux CAPA en deux ans, ainsi qu'avec la répartition inégale des filières entre les différentes catégories d'établissement (l'enseignement privé compte beaucoup plus de filières courtes, tandis que l'enseignement public a concentré ses efforts -et redéployé ses moyens- sur les filières longues).

* de l'allongement de la scolarité, dont les effets sont potentialisés dans l'enseignement agricole par le développement récent des formations de niveau IV, notamment des nouveaux baccalauréats (qui débouchent cette année sur une reprise de la progression des BTSA) et par la mise en place de « filières de promotion » favorisant la poursuite d'études des diplômés et leur accès à une qualification de niveau supérieur.

* des effets cumulés de la reprise depuis 1993 des augmentations d'effectifs dans les formations de niveau V (CAPA, BEPA, 4e et 3e) ces formations, après avoir nettement baissé entre 1985 et 1992, avaient en effet presque retrouvé en 1995 leur niveau de 1985, et ont progressé de 5.700 élèves à la dernière rentrée.


En second lieu, il convient de prendre aussi en compte le fait que la planification centralisée a ses limites, surtout quand elle est quelque peu improvisée : même si l'objectif fixé avait été plus réaliste, il était de toute façon difficile d'escompter que la somme des décisions intervenues dans chaque établissement coïnciderait avec le résultat souhaité au niveau national...

b) Les refus d'inscription

Pourtant, contrairement à ce que pourrait laisser croire l'augmentation des effectifs, les établissements ont effectivement essayé de se conformer à la règle des 2 %, ce qui s'est traduit par de très nombreux refus d'inscription.

La rigueur budgétaire avait d'ailleurs déjà pesé sur l'évolution des effectifs. Les établissements d'enseignement agricole sont loin, en effet, d'avoir accueilli ces dernières années « tous ceux qui se présentaient ».

Le premier indice en a été l'inversement de la tendance au rééquilibrage des effectifs entre public et privé. Parce que l'évolution de leurs effectifs est plus facilement maîtrisable par le ministère que celle des établissements privés, et parce que le développement des formations longues n'a pu être obtenu qu'au prix de nombreuses fermetures de formations courtes, dont les effectifs ont recommencé à croître, les établissements publics ont connu depuis 1993 une baisse relative de leurs effectifs : ils accueillaient, à la rentrée 1993, 43,7 % des effectifs scolarisés, ils ne représentent plus, à la rentrée de 1996, que 40,8 % des effectifs totaux, soit une proportion très voisine de celle observée avant la réforme de 1984 et le début de la rénovation.

L'an dernier, le resserrement des moyens s'était déjà traduit par une poussée des refus d'inscription dans les établissements : au moins 1.500 élèves n'avaient pu trouver de place dans les établissements publics, et plus de 1.000 dans les établissements privés à temps plein.

Ce mouvement s'est indiscutablement amplifié cette année : les établissements privés à temps plein évaluent à 2.300 le nombre des élèves qu'ils n'ont pu accueillir et, pour les établissements à rythme approprié, ce nombre serait de l'ordre de 2.500. Pour ce qui est de l'enseignement public, le ministère de l'agriculture n'a fourni aucun chiffre. Les estimations qu'a pu recueillir votre rapporteur, et qui sont cohérentes avec l'évolution des chiffres communiqués par des établissements privés, varient entre 3.000 et 5.000 refus d'inscription.

Certes, ces chiffres sont certainement supérieurs au nombre des candidats malheureux, qui ont pu tenter leur chance dans des établissements appartenant à ces trois catégories. Mais ils sont significatifs d'une certaine « fermeture » de l'enseignement agricole, sur les conséquences de laquelle il convient de s'interroger.

3. Une mesure d'économie peu efficace

« L'encadrement a priori » des dépenses ne peut manquer de se traduire par une importante décélération des crédits de formation du ministère de l'agriculture.

Mais les élèves refusés dans l'enseignement agricole vont en général s'inscrire dans d'autres filières, et alourdir les charges pesant sur d'autres budgets. Ces transferts ont même de fortes chances de se solder par une aggravation nette des dépenses publiques, car la plupart des formations sont plus coûteuses, à l'élève, que les formations de l'enseignement agricole -ce sera encore plus vrai l'an prochain, puisque 6 % d'effectifs supplémentaires seront accueillis dans les établissements d'enseignement agricole avec des moyens prévus pour 2 %.

Certes, certains élèves qui n'ont pu entrer dans l'enseignement agricole renonceront à poursuivre leur formation. Mais ce n'est évidemment pas en offrant aux jeunes « comme seule alternative la rue ou l'ANPE », pour reprendre le raccourci éloquent de notre collègue Jean-Claude Carle 2 ( * ) , et en économisant sur le plus productif des investissements, l'investissement dans la formation, qu'il convient de chercher à réduire les déficits publics.

B. LA REMISE EN CAUSE DES OBJECTIFS ET DES RÉSULTATS DE LA MODERNISA TION DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

Les objectifs -unanimement approuvés- de la modernisation de l'enseignement agricole étaient de trois ordres :

- élargir la vocation de l'enseignement agricole pour l'adapter aux nouvelles exigences de l'agriculture moderne, au développement des activités para-agricoles et aux divers modes de développement du monde rural :

- élever le niveau général de formation dans l'enseignement agricole, et le « désenclaver » en harmonisant les cursus et en favorisant les passerelles entre enseignement agricole et enseignement relevant de l'éducation nationale ;

- faire de l'enseignement agricole une partie intégrante du service public de l'éducation tout en préservant la spécificité de cet enseignement, en particulier son profond enracinement dans le monde agricole et rural.

L'enseignement agricole a, on le sait, parfaitement relevé ces défis et, parce qu'il est devenu du même coup une voie de promotion et de réussite, il constitue aujourd'hui une exception et un exemple au sein de l'ensemble de l'enseignement technologique et professionnel.

La logique des « quotas » et du recentrage des formations est malheureusement peu compatible avec le maintien de ces orientations et de ces résultats.

1. La remise en cause de la diversification de l'enseignement agricole : peut-on dissocier « enseignement agricole » et « enseignement rural » ?

Le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche avait annoncé que la « croissance maîtrisée » des effectifs devait s'accompagner d'une priorité donnée aux formations conduisant à des métiers dans la production et la transformation, et surtout à l'installation de jeunes agriculteurs.

Lors de ses interventions au Sénat dans le débat sur l'agriculture, il a donné un sens extrêmement fort à cette priorité en soulignant que les formations de l'aménagement de l'environnement et des services ne relevaient pas de la vocation exclusive du ministère de l'agriculture, et en affirmant qu' » il n'est plus de la vocation du ministre de l'agriculture d'être le ministre de l'enseignement rural ».

Votre rapporteur ne peut souscrire à cette affirmation, ni se résigner à un repli de l'enseignement agricole sur un champ étroit de compétences, ce qui ne saurait en faire, pas plus aujourd'hui qu'hier, un outil efficace pour enrayer le déclin de la population active agricole et le dépérissement du milieu rural.

La diversification des formations agricoles a permis de les adapter à l'évolution des métiers agricoles et para-agricoles, d'exploiter de nouveaux « gisements » d'emplois et a déjà donné à de nombreux jeunes une chance de rester ou de revenir dans le monde rural et d'y développer un projet professionnel.

Certes, même si ces nouvelles formations se situent sur des créneaux perçus comme « porteurs », il importe d'en affiner le pilotage en fonction du suivi et de l'analyse de débouchés dont l'importance et surtout le rythme de développement sont parfois encore mal explorés : mais le contingentement des effectifs n'est sans doute pas une réponse adaptée à ces besoins.

a) La diversification de l'enseignement agricole est la condition de son efficacité au service du développement de l'économie agricole et de la revitalisation rurale

On ne peut que soutenir la courageuse et vigoureuse impulsion donnée à la relance de l'installation.

Votre rapporteur souhaite vivement sa réussite et se félicite que, grâce à la modernisation de l'enseignement agricole, elle puisse s'appuyer sur des capacités de formation adaptées à ses exigences.

Cependant, la relance de l'installation ne saurait suffire à elle seule à maintenir et moins encore à restaurer l'activité en milieu rural, notamment dans les régions où le mouvement de regroupement des exploitations se poursuit et restreint les possibilités offertes aux candidats à l'installation.

En outre, il convient de rappeler que la filière de la production n'est pas forcément celle où l'évolution des débouchés sera la plus favorable ni celle où les chances d'une insertion professionnelle réussie sont les plus faciles à apprécier.

D'autre part, il faut aussi rappeler qu'après avoir été la conséquence de l'exode rural, la désertification est aujourd'hui un des obstacles à la reprise des exploitations.

Pour rompre ce cercle vicieux, il est donc indispensable d'encourager une certaine diversité de l'activité en milieu rural, y compris au niveau des services. Comme l'avait d'ailleurs souligné le ministre de l'agriculture, « sans agriculture, c'est la mort de nos campagnes, mais sans services dans les campagnes, c'est la mort de l'agriculture ».

b) L'élargissement des champs professionnels couverts par l'enseignement agricole l'a ouvert sur des créneaux que l'on peut considérer comme prometteurs,

Les « nouvelles formations » mises en place dans les secteurs de la gestion et de l'entretien de l'espace rural ou de l'environnement correspondent à des besoins évidents, et soutenus par une demande sociale qui ne cessera sans doute de s'affirmer.

Les formations du secteur des services, qui sont beaucoup plus anciennes mais qui semblent être une des cibles principales de la volonté de « recentrage » de l'enseignement agricole, correspondent aussi à de véritables gisements d'emplois. C'est notamment le cas des services aux personnes, c'est également le cas, par exemple, des activités liées au développement du « tourisme vert ».

Le développement de ces formations ne semble pas avoir pesé sur les excellents résultats en matière d'insertion professionnelle de l'enseignement agricole, ni remettre en cause la forte corrélation généralement constatée, dans les champs de compétence de l'enseignement agricole, entre formation et emploi.

Les études récentes réalisées par l'établissement national d'enseignement supérieur agronomique de Dijon sur le devenir professionnel des diplômés de BEPA et de BTSA semblaient en effet indiquer que les titulaires de diplômes correspondant aux « nouvelles filières » des secteurs horticoles, paysagers, de maîtrise de l'eau, ou de la production forestière bénéficiaient de taux d'insertion comparables à ceux observés dans les filières plus traditionnelles.

En ce qui concerne les services, ces enquêtes mettaient notamment en évidence la bonne insertion professionnelle des titulaires de BEPA d'auxiliaire social en milieu rural.

Certes, on ne songera pas à nier que les formations correspondant à de nouveaux champs d'activité, dont le rythme de développement et les débouchés potentiels sont encore mal connus ou imparfaitement mesurables nécessitent un pilotage particulièrement attentif et d'importants efforts d'information et de prospective.

C'est exactement dans ce but que le rapport Rémond avait proposé la création d'un observatoire de l'enseignement et de la formation professionnelle agricole, dont on peut s'étonner d'ailleurs que l'on n'ait pas attendu (ni hâté) la mise en place avant de décréter un taux de « croissance raisonnée » des effectifs.

Mais, en tout état de cause, le cadrage des effectifs ne saurait tenir lieu d'instrument d'analyse du marché de l'emploi et il serait peu admissible, s'agissant d'un sujet aussi important, pour la société et pour chaque élève ou étudiant, que l'ajustement des formations à l'offre d'emploi, que le souci de l'insertion professionnelle des jeunes serve d'alibi à la contrainte budgétaire.

2. La remise en cause de l'exemplarité de l'enseignement agricole

L'enseignement agricole est aujourd'hui le seul enseignement technologique et professionnel qui « marche » : loin d'être perçu comme une voie d'échec et de relégation, il représente aujourd'hui, pour les jeunes qui y entrent, une orientation choisie et, parce qu'elle a été choisie, une orientation souvent réussie.

Il a, à ce titre, parfaitement rempli le rôle qui lui incombait en tant que composante du service public de l'éducation : il a contribué à assurer l'égalité des chances et la promotion de ses élèves en même temps qu'il améliorait le niveau général de formation dans des secteurs vitaux de l'économie nationale.

En limitant dans des proportions drastiques l'accès à l'enseignement agricole, le quota de 2 % remet aussi en cause ses performances, et la place d'excellence qu'il s'est acquise au sein du service public de l'éducation.

Un enseignement qui a renouvelé l'intérêt des jeunes pour les professions agricoles et para-agricoles

On dit souvent que l'enseignement agricole offre une « deuxième chance » à beaucoup de jeunes. C'est exact, mais si certains jeunes, qui étaient en situation d'échec dans l'enseignement relevant de l'éducation nationale (où ils sont, il convient de le rappeler, contraints de commencer leur scolarité), s'épanouissent et réussissent ensuite dans l'enseignement agricole, c'est tout simplement parce qu'ils y trouvent des formations conformes à leurs aspirations, débouchant sur des métiers qu'ils connaissent, et qui leur permettront d'exercer leur activité professionnelle dans un « milieu de vie » qu'ils ne souhaitent pas quitter.

C'est pourquoi votre rapporteur ne saurait considérer, comme le ministre de l'agriculture, que l'enseignement agricole « sort complètement de son rôle » lorsqu'il accueille des jeunes venus y tenter cette « deuxième chance ».

Quel serait en effet le rôle de l'enseignement agricole s'il n'était pas d'accueillir et de former au plus haut niveau de qualification possible les jeunes qui veulent s'orienter vers les professions des secteurs agricole et para-agricole et qui veulent rester ou revenir dans le monde rural ?

C'est en partie au nouvel attrait qu'il a suscité pour ces professions que l'enseignement agricole doit son succès actuel, et le ministre de l'agriculture devrait être le premier à s'en féliciter.

Une filière de réussite

Mais l'exemplarité de l'enseignement agricole tient aussi au fait qu'il est devenu une filière de réussite, ce qui en fait malheureusement une exception au sein de l'enseignement technologique et professionnel.

Deux indices en témoignent :

- le regain de faveur, que connaissent, dans l'enseignement agricole, les formations de niveau V, qui démontre que les formations professionnelles courtes, dès lors qu'elles sont bien intégrées dans l'environnement socio-économique, gardent tout leur intérêt, mais qui tient aussi au fait que ces formations représentent, dans l'enseignement agricole, une voie d'accès efficace à des qualifications plus élevées :

- les taux de poursuite d'études : le bon fonctionnement des « filières de promotion » mises en place dans l'enseignement agricole est aussi un des atouts et une des originalités de cet enseignement. Ces filières permettent à des élèves qui n'auraient peut-être pas atteint le niveau IV par l'entrée directe en seconde d'arriver, à leur rythme, au BTA ou au baccalauréat, voire au BTSA.

L'application du quota de 2 % ne pourra malheureusement que contrarier ces évolutions

D'une part, elle obligera -comme on l'a vu cette année- à « trier » les candidats à l'entrée dans l'enseignement agricole.

Outre que l'institution d'un numerus clausus à l'entrée en quatrième, en filière professionnelle courte ou en seconde paraît difficilement conciliable avec les principes d'organisation du service public de l'éducation, comme d'ailleurs avec l'intérêt bien compris des professions auxquelles prépare l'enseignement agricole, elle pose le problème des critères de cette « sélection ».

Ne retiendra-t-on, comme il paraîtrait logique, que les titulaires des meilleurs dossiers scolaires ? On risque fort alors d'écarter beaucoup d'élèves dont « l'échec » dans la scolarité générale n'est pas forcément, on l'a vu, un indice significatif de leur capacité de réussite dans les filières agricoles.

D'autre part, la sélection des nouveaux inscrits ne suffira peut-être pas, compte tenu de la tendance à l'allongement de la scolarité, à contenir l'augmentation des effectifs dans les 2 % fatidiques. Devra-t-on aussi envisager de limiter les poursuites d'études ? Ce serait à la fois porter une atteinte peu admissible au droit des élèves à poursuivre leur formation et risquer d'affaiblir les remarquables performances de l'enseignement agricole rénové en matière d'élévation des niveaux de qualification et de diversification des parcours de réussite.

C. LA POURSUITE INCERTAINE DE LA RÉNOVATION

La rénovation de l'enseignement agricole n'est pas achevée : dans l'enseignement technique, on l'a déjà indiqué, les filières de baccalauréats professionnels sont mises en place à partir de cette année, et la rénovation de certaines formations est encore en cours. Dans l'enseignement supérieur, tout ou presque reste encore à faire, et les projets sont bien flous.

L'incertitude quant à l'avenir de l'enseignement agricole et la réduction immédiate des moyens consécutive à « l'encadrement a priori » des dépenses ne faciliteront certainement pas la réalisation des progrès qui restent à accomplir.

1. L'enseignement technique entre la mise en place des baccalauréats professionnels et l'amorce du « recentrage » des formations

La rentrée 1996 a été dominée à la fois par la poursuite de la rénovation pédagogique et par un premier effort de « recentrage » des formations.

a) La rénovation pédagogique

Elle se traduit par la mise en place du baccalauréat professionnel, la poursuite du développement des baccalauréats technologiques, et le développement de nouvelles passerelles entre le BTSA et les formations universitaires.

Le baccalauréat professionnel

Longtemps attendues, les premières filières de baccalauréats professionnels propres à l'enseignement agricole ont été ouvertes à la rentrée 1996.

357 classes de première (6.000 élèves) conduisant à quatre « bac pro » ont été ouvertes (170 dans l'enseignement public, 79 dans les établissements privés à temps plein et 108 dans l'enseignement privé à rythme approprié), pour l'essentiel en remplacement de classes de BTA :

- « recentrage » oblige, 221 de ces classes correspondent à la filière « conduite et gestion de l'exploitation agricole » (3.600 élèves) ;

- 116 concernent les filières « productions horticoles » et « travaux paysagers » (2.300 élèves) ;

- 20 concernent la filière « agro-équipements » (250 élèves).

Les baccalauréats technologiques

36 filières nouvelles ont été ouvertes dont une vingtaine prennent la place de filières de BTA ou de bac S -dont l'insuccès relatif face à la concurrence des bacs technologiques semble se confirmer.

Le baccalauréat technologique, trois ans après sa mise en place, accueille en première, à la rentrée 1996, 6.250 élèves, et 5.500 en terminale.

Les nouvelles passerelles vers l'enseignement supérieur

Le ministère de l'agriculture a annoncé le projet de création d'un diplôme national de technologie spécialisé (DNTS) agricole qui contribuera à diversifier l'offre de formation après le BTSA.

Dans le même esprit, la voie d'accès aux écoles d'ingénieur et de vétérinaires après une classe préparatoire post BTSA est confirmée. Enfin, dans le cadre d'une convention passée avec l'université Paul Sabatier de Toulouse, trois classes préparant les titulaires de BTSA à entrer en licence ont été ouvertes : outre les poursuites de formation individuelle, ce dispositif ouvre des possibilités pour la formation des futurs enseignants de l'enseignement agricole.

b) La « priorité » accordée aux formations liées à la production et à la transformation

La priorité aux formations dirigées vers la production se manifeste tout particulièrement dans la répartition des nouvelles filières de « bac pro ». Le secteur de la transformation ne bénéficiera en revanche que de 8 ouvertures de BEPA, bac pro et BTSA. Dans le secteur de l'aménagement, 70 ouvertures de BEPA, bac pro et BTSA (avec 50 fermetures de BTA) ont été réalisées, enfin le secteur des services n'a bénéficié que de 18 ouvertures de BEPA et de BTA.

- Parallèlement, le ministère de l'agriculture a engagé une réflexion d'ensemble en vue de la rénovation complète des filières de formation du secteur des services.

2. La rénovation de l'enseignement supérieur

La rénovation de l'enseignement supérieur, qui accueillait en 1995/1996, 10.853 étudiants, dont 3.276 dans les écoles privées d'ingénieur, reste largement à faire, tant en raison de l'insuffisance de moyens que d'un certain flou dans ses orientations.

* Pourtant, le rapport remis en 1994 par notre collègue Pierre Laffitte au ministre de l'agriculture avait tracé les axes prioritaires d'adaptation des formations supérieures agricoles aux enjeux économiques, sociaux et professionnels :

- la qualité, l'hygiène et la sécurité alimentaire ;

- les technologies agro-alimentaires ;

- la valorisation non-alimentaire des produits agricoles ;

- l'aménagement des paysages et la gestion de l'espace rural.

Mais ce schéma, qui garde -toute son actualité- ne se traduit encore qu'assez peu dans les faits.

* Par ailleurs, le ministère de l'agriculture est très conscient de la double nécessité d'améliorer la « lisibilité » des formations et des cursus, et d'encourager l'émergence de « pôles » de dimension internationale associant les établissements agricoles publics et privés et les universités.

Le projet de loi d'orientation agricole devrait permettre de clarifier ces orientations. Il faut espérer qu'il prévoira aussi les moyens de les réaliser, et de tirer l'enseignement supérieur agricole d'une misère préoccupante, tant au niveau des moyens de fonctionnement que des équipements.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Albert Vecten sur les crédits de l'enseignement agricole inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 au cours d'une séance tenue le mercredi 13 novembre 1996, sous la présidence de son président M. Adrien Gouteyron.

Un très large débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Affirmant son attachement à la spécificité de l'enseignement agricole, M. Alain Gérard a relevé que dans le département du Finistère, en raison du regroupement des exploitations, il était très difficile de promouvoir l'installation de jeunes, malgré les efforts déployés en ce sens par le Conseil général. Il s'est donc demandé si la diminution du nombre des exploitations ne devait pas conduire à s'interroger sur les débouchés de l'enseignement agricole.

M. Jean-Claude Carle a dit partager entièrement les interrogations du rapporteur pour avis et a noté que s'il paraissait légitime de se préoccuper des débouchés de l'enseignement agricole, ce problème méritait d'être traité autrement que dans le cadre de la maîtrise des dépenses budgétaires. Rappelant que l'enseignement agricole réussissait mieux que les autres filières de l'enseignement technologique et professionnel, notamment en matière de qualification et d'insertion de ses élèves, il s'est étonné de la différence de traitement budgétaire de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole, et a souligné que 250 à 300 millions de francs supplémentaires auraient suffi pour assurer à cet enseignement une évolution de ses moyens en rapport avec celle de ses effectifs.

Rappelant l'ancienneté du débat sur la spécificité de l'enseignement agricole et son rattachement éventuel à l'éducation nationale, M. James Bordas s'est pour sa part prononcé contre ce rattachement et a mis en relief le rôle que jouait l'enseignement agricole dans l'aménagement du territoire et la formation des jeunes en milieu rural. Il a cependant estimé impossible, compte tenu du contexte budgétaire général, de se prononcer contre l'adoption du budget de l'enseignement agricole, l'effort de maîtrise des dépenses publiques devant être partagé par tous.

M. Robert Castaing a exprimé son accord avec les préoccupations du rapporteur pour avis, en prenant l'exemple des centres de formation d'apprentis agricoles, qui accueillent beaucoup de jeunes dans le milieu rural dont ils sont issus, leur offrent des formations correspondant à leur environnement socioprofessionnel, et leur évitent de grossir les rangs des victimes de la « fracture sociale » en leur permettant souvent de trouver le chemin de la réussite et d'une insertion professionnelle dans le secteur agricole.

M. André Diligent s'est demandé si l'accroissement des effectifs de l'enseignement agricole ne constituait pas un paradoxe, compte tenu de la diminution du nombre des agriculteurs.

M. Marcel Vidal s'est associé aux critiques formulées par le rapporteur pour avis et a contesté que l'avenir de l'enseignement agricole puisse être envisagé selon des critères essentiellement budgétaires. Se déclarant partisan de la spécificité de l'enseignement agricole et de la poursuite des efforts consentis pour l'adapter à l'évolution de l'emploi et des besoins de formation du monde rural, il a également attiré l'attention sur le rôle qui devait être le sien dans le contexte européen, et a noté à cet égard que l'Office franco-allemand pour la jeunesse s'attachait à promouvoir les échanges et les stages destinés aux jeunes qui s'engagent dans les professions agricoles.

M. Jean Bernadaux a souhaité que soient précisées les raisons qui militent contre le rattachement de l'enseignement agricole à l'éducation nationale.

Tout en avouant n'être pas un spécialiste de l'enseignement agricole, dont il avait cependant constaté les résultats exemplaires en matière d'intégration professionnelle et sociale, M. Ivan Renar a estimé regrettable qu'à un débat structurel soit apportée une réponse conjoncturelle et budgétaire, et qu'il ne convenait pas que l'avenir de l'enseignement agricole soit tranché au détour du débat budgétaire. Il a également remarqué que ce n'était sans doute pas en fonction du nombre des exploitations qu'il fallait apprécier les effectifs de l'enseignement agricole, compte tenu des compétences très diverses et très techniques qu'exige le développement d'une profession de plus en plus difficile.

M. Guy Poirieux a estimé que l'élargissement du recrutement de l'enseignement agricole et la très large diversification des formations, notamment dans le secteur des services, pouvaient expliquer que le ministre se pose la question de son « recentrage » mais a regretté que ce débat ait lieu à l'occasion d'un débat budgétaire. Soulignant le rôle bénéfique de l'enseignement agricole dans le milieu rural, il a regretté que le ministre de l'agriculture n'ait pas été entendu par la commission sur le projet de budget de l'enseignement agricole.

M. André Egu, donnant l'exemple de l'Ille-et-Vilaine, où l'enseignement agricole a toujours cherché et réussi à s'adapter aux besoins en formation du monde rural, même s'ils n'étaient pas limités aux activités de production, a jugé que son rattachement à l'éducation nationale, au sein de laquelle il serait « noyé », le priverait de cette faculté d'adaptation et de cette capacité de réaction, et il a dit partager les inquiétudes exprimées par le rapporteur pour avis sur l'avenir de l'enseignement agricole.

Le président Adrien Gouteyron, après avoir précisé que la commission devrait entendre le ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation sur le volet « formation » du futur projet de loi d'orientation agricole, s'est demandé si les propos tenus par le ministre lors du débat sur l'agriculture n'avaient pas dépassé sa pensée au risque de faire douter, certainement à tort, de son attachement à l'enseignement agricole. Reconnaissant que le projet de budget de l'enseignement agricole posait un vrai problème, il a souhaité que le débat budgétaire permette au ministre de préciser sa position et ses intentions.

Se félicitant du nombre et de la qualité des interventions, M. Albert Vecten, rapporteur pour avis, est convenu de la situation difficile dans laquelle se trouvait le ministre de l'agriculture, confronté aux multiples « crises » qui ont secoué récemment le monde agricole et qui ajoutent à l'inconfort de la position, notamment dans la conjoncture actuelle, des ministres dits « dépensiers » lors de leurs négociations avec le budget. II s'est à cet égard étonné que certains représentants de la profession semblent considérer qu'une limitation des effectifs de l'enseignement agricole, voire son transfert à l'éducation nationale, puisse permettre d'augmenter les moyens d'intervention du ministère de l'agriculture, puisqu'en tout état de cause les charges pesant sur le budget de l'État ne seraient pas diminuées.

Il a cependant regretté qu'aucune explication de la limitation de la progression des effectifs à 2 % n'ait pu être donnée, et que les propos du ministre tenus au Sénat puissent rallumer le débat sur le rattachement de l'enseignement agricole à l'éducation nationale, et être interprétés comme une remise en cause de sa remarquable rénovation et de sa réussite.

M. Albert Vecten a noté qu'il paraissait en particulier difficile de dissocier l'enseignement agricole de « l'enseignement rural » : les professions para-agricoles, les services de proximité, les métiers de l'aménagement contribuent aussi à la vitalité de l'économie rurale, et à la création d'un environnement indispensable au développement des activités de production et de transformation. Si l'enseignement agricole se limitait aux métiers de la production et de la transformation, beaucoup de jeunes seraient dissuadés de rester dans le milieu rural et s'engageraient dans des filières dont les débouchés sont plus aléatoires encore, le coût budgétaire souvent plus élevé, et qui les détourneraient sans doute définitivement des métiers du secteur agricole et para-agricole. Si l'on veut sauver la ruralité, il faut bien permettre aux jeunes de rester dans le milieu rural et d'y exercer une activité.

Certes, a noté le rapporteur pour avis, personne ne soutient qu'il faille augmenter indéfiniment les effectifs sans se préoccuper des débouchés. C'est d'ailleurs dans ce souci qu'il a été décidé de créer un observatoire des formations agricoles. Mais le « quota » de 2 % procède d'un impératif budgétaire et non d'une analyse des débouchés, et il suscite de nombreuses inquiétudes sur l'avenir de l'enseignement agricole.

Reprenant la parole, le président Adrien Gouteyron est convenu qu'il serait nécessaire que le ministre puisse donner quelques apaisements et quelques explications supplémentaires, notamment en ce qui concerne la limitation à 2 % de la croissance des effectifs, qui correspond à une démarche tout à fait inhabituelle.

M. Guy Poirieux, affirmant s'associer à la plupart des interrogations formulées par le rapporteur pour avis, s'est demandé si, pour tenir compte du contexte budgétaire général, il ne serait pas préférable que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat pour exprimer ses inquiétudes et obtenir les éclaircissements nécessaires.

Rejoignant ces propos, M. Jean Bernadaux a noté que cette position serait cohérente avec celles prises par la commission sur d'autres budgets et avec l'effort de maîtrise des dépenses publiques.

M. Albert Vecten, rapporteur pour avis, a réaffirmé qu'il lui paraissait impossible, en conscience et compte tenu des positions qui avaient été prises sur de précédents budgets de l'enseignement agricole, de proposer à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits pour 1997 de l'enseignement agricole. Il est néanmoins convenu que le contexte de maîtrise de la dépense publique pouvait justifier que la commission ne donne pas un avis défavorable mais s'en remette à la sagesse du Sénat.

Suivant les propositions de son rapporteur, la commission a alors décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits pour 1997 de l'enseignement agricole, les commissaires du groupe communiste, républicain et citoyen s'abstenant et les commissaires du groupe socialiste ne prenant pas part au vote.

* 1 qui seront réévalués en fonction de l'évolution moyenne du point d'indice.

* 2 JO Sénat. Séance du 6 novembre 1996, p. 5424.

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