RAPPORT
Mesdames, Messieurs,
Ce projet de budget est le troisième que présente devant nous M. Roger Romani depuis qu'il a pris en charge la question des rapatriés.
Devenu ministre chargé des relations avec le Parlement, dans le Gouvernement formé par M. Alain Juppé le 18 mai dernier et reconduit dans ses fonctions, le 7 novembre dernier, M. Roger Romani est chargé par le décret d'attribution du 1er juin 1995 1 ( * ) d'exercer les attributions relatives aux rapatriés.
A ce titre, il a autorité sur le service de coordination des actions en faveur des rapatriés et sur le service central des rapatriés et fait appel, en tant que de besoin, à l'Agence Nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer (ANIFOM).
Pour l'exercice de cette mission, M. Roger Romani présente la particularité de n'avoir pas de budget en propre puisque les lignes de crédits le concernant sont rattachées à différents ministères.
Même sans « bleu » budgétaire, la réalité financière des actions en faveur des rapatriés n'en est pas moins incontestable puisqu'elle recouvre au total 6,6 milliards de francs en hausse de 7,51 % sur l'année dernière.
Après avoir rappelé les caractéristiques de la population rapatriée nous distinguerons au sein de ce budget les dépenses qui correspondent aux engagements anciens de l'État, de celles qui résultent des mesures prises depuis mars 1993.
I. LA RÉALITÉ COMPOSITE DE LA POPULATION RAPATRIÉE
Tributaire de circonstances historiques diverses, la qualité de rapatriée, même si elle ne fait pas l'objet d'une définition législative précise, recouvre aujourd'hui une population d'approximativement 1,4 million de personnes.
A. UNE DÉFINITION LARGE QUI RECOUVRE UNE RÉALITÉ DIVERSIFIÉE
Aucun texte législatif ou réglementaire ne définit exhaustivement les critères qui conditionnent la qualité de rapatriés : celle-ci ne résulte pas de l'attribution d'un statut particulier mais se déduit plutôt de l'exercice du droit à bénéficier de la solidarité nationale.
Ainsi, l'article premier de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français pose-t-il un principe : « les Français ayant dû ou estimé devoir quitter, par suites d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France pourront bénéficier du concours de l'État, en vertu de la solidarité nationale affirmée par le Préambule de la Constitution de 1946, dans les conditions prévues par la présente loi ».
Pour procéder à l'ouverture d'un dossier de rapatriement et éventuellement à la délivrance d'une attestation de rapatrié au vu de cet énoncé de principe, l'Administration tient compte de plusieurs éléments d'appréciation : le territoire d'origine du demandeur, sa nationalité, son installation dans le territoire qu'il a quitté avant l'accession à l'indépendance de celui-ci, la date de son retour, son âge au moment du rapatriement et sa domiciliation en France.
Deux catégories de rapatriés peuvent ainsi être distinguées :
- les personnes françaises de souche européenne qui ont choisi après l'indépendance de se réinstaller en France métropolitaine ;
- les personnes françaises nées dans des territoires devenus depuis lors indépendants et qui se sont installées en France métropolitaine.
Cette dernière catégorie recouvre notamment les harkis qui, aux termes de l'article premier de la loi n° 94-488 du 12 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, se caractérisent à la fois par leur engagement, aux côtés de l'armée française, dans les forces supplétives en Algérie, par la jouissance de la nationalité française conservée après l'indépendance ou acquise par déclaration récognitive en France et, enfin, par la domiciliation en France ou, par la suite dans un autre pays de l'Union européenne.
En définitive, si l'on devait tenter de définir de la manière la plus synthétique possible la population rapatriée, il conviendrait de se référer à l'ensemble des personnes de nationalité française installée outre-mer dans d'anciens territoires placés sous l'autorité de la France et qui ont pris la décision de les quitter définitivement après que ces territoires eurent accédé à l'indépendance.
B. UNE POPULATION HÉTÉROGÈNE
L'évaluation la plus récente du nombre de français rapatriés au sens de la loi du 26 décembre 1961 précitée, date du 31 décembre 1994 et résulte de l'actualisation des données du dernier référendum : elle fait état de 1 483 048 personnes.
La mise en oeuvre de la loi « informatique et libertés » limite les possibilités de suivi de cette population. La répartition en fonction de son territoire d'origine permet néanmoins de mesurer son caractère hétérogène marquée par une certaine prévalence des personnes originaires d'Afrique du Nord.
Que l'on se place sur le plan démographique ou politique, cette population a un poids important, parce qu'elle représente, au-delà du nombre, une communauté soudée par un passé : que son père soit « pied noir » ou venu d'Indochine, le fils ou la fille de rapatrié né en métropole se considère souvent comme appartenant aussi à ce groupe et revendique cette « identité ».
POPULATION RAPATRIÉE PAR TERRITOIRE D'ORIGINE
* Les population de ces deux territoires ayant été cumulées jusqu'en 1977, cette méthode a été poursuivie.
Source : Service Central des rapatriés
Sur la base des déclarations de résidence faite par les bénéficiaires de la loi du 16 juillet 1987, il apparaît que les rapatriés indemnisés, au nombre total de 410 000, sont implantés de manière globalement plus dense dans la moitié sud de la France, avec des zones de concentration particulièrement fortes sur le littoral méditerranéen, la vallée de la Garonne, Paris et la région parisienne ainsi que les départements proches du Rhône.
Les rapatriés indemnisés sont le plus présents dans les départements des Bouches-du-Rhône (44 269), des Alpes-Maritimes (35 968), du Var (28 168), de l'Hérault (26 288) ainsi qu'à Paris (23 617).
L'analyse par strate d'âge montre des données distinctes selon que l'on considère les auteurs (ou personnes dépossédées) au nombre de 161 737 ou les ayants droit (231 791).
44,5 % des auteurs ont aujourd'hui plus de 75 ans : cela s'explique par le fait qu'ils étaient propriétaires de leurs biens au moment où se sont produits les événements ayant conduit à leur spoliation, ce qui supposait une aisance financière liée à la maturité. En revanche, les ayants-droit sont sensiblement plus jeunes puisque les plus de 75 ans ne représentent que 11,8% de leur population et que les moins de 55 ans représentent une proportion de 41,6 %.
Comme on le verra, le vieillissement progressif de la population rapatriée n'est pas sans incidence budgétaire compte tenu des dispositifs mis en place pour le rachat des cotisations de retraite.
* 1 décret n° 95-752 du 1er juin 1995 relatif aux attributions du ministre des relations avec le Parlement, JO du 2 juin 1995