II. LE MARCHÉ COMMUNAUTAIRE DE L'ÉNERGIE
Rappelons que l'Union européenne ne s'étant pas vu reconnaître, par les traités, de compétence spécifique dans le domaine énergétique, c'est par le biais de l'instauration du marché unique et de la concurrence que la Commission européenne a entrepris une déréglementation du secteur.
Si la France a joué un rôle moteur dans l'adoption d'un certain nombre de directives concernant le transit de l'électricité et du gaz et la transparence des prix, elle s'est en revanche opposée aux projets de la Commission concernant la réalisation du marché intérieur du gaz et de l'électricité.
Le coeur du dispositif envisagé par la Commission est constitué par une clause d'Accès des Tiers au Réseau (ATR), permettant aux gros consommateurs (dans un premier temps) d'acheter leur gaz et leur électricité au fournisseur de leur choix, fut-il implanté à l'étranger.
Cette clause se heurte aux grands acquis de la politique énergétique française que sont la sécurité des approvisionnements, l'obligation de fourniture et la protection du consommateur. Elle pose le redoutable problème de la capacité du système à investir, c'est-à-dire à assurer sa survie. En effet, les entreprises seraient alors privées d'une assurance minimale de débouchés, alors que les investissements énergétiques sont considérables et programmés sur le long terme.
La plupart des États membres s'étant prononcés négativement en la matière, la Commission a décidé de revoir ses propositions, en liaison avec le Parlement européen. Dans ce cadre, la France a proposé un modèle alternatif à l'ATR, modèle dit de « l'acheteur unique », où la concurrence à la production est organisée par la voie d'appel d'offres, le réseau conservant sa mission d'intérêt économique général en assurant seul la commercialisation de l'électricité.
Le Conseil européen des ministres de l'énergie a adopté, le 1er juin 1995, le principe de la coexistence en Europe des deux systèmes, ATR et acheteur unique, sous des réserves qui restent à préciser (concept de consommateur éligible, notamment).
Votre commission souhaite que le Gouvernement veille à ce que ce dispositif garantisse l'efficacité et la compétitivité reconnues du système électrique et gazier français.
À cet égard, il faut rappeler que le rapport de M. Franck Borotra 1 ( * ) , récemment élaboré au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, avant qu'il ne soit nommé ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, a affirmé que « le Gouvernement français doit considérer que l'ouverture à la concurrence offerte par le système de l'acheteur unique constitue une dernière concession faite à la Commission », ceci au nom de la défense des intérêts de la nation.
* 1 Rapport d'information n° 2260 : « Faut-il défendre le service public ? » - Assemblée nationale.