CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AUX TRANSPORTS

Article 30 - Taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques - Modifications de l'article 124 de la loi de finances pour 1991

L'article 30 du projet qui nous est soumis procède à deux modifications du régime de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques que la loi de finances pour 1991 a instituée.


• Rappelons que cette taxe frappe les titulaires d'ouvrages de prise d'eau, de rejet d'eau ou d'autres ouvrages hydrauliques.

Elle comporte deux éléments :

- un élément lié à la superficie d'emprise de l'ouvrage, dont le taux est fonction du nombre d'habitants de la commune où est implanté l'ouvrage concerné, avec trois strates de population (moins de 2.000 habitants, de 2.000 à 100.000 habitants, plus de 100.000 habitants) ;

- un élément lié au volume d'eau susceptible d'être prélevé ou rejeté par l'ouvrage. Un coefficient d'abattement a été affecté au taux applicable à ce second élément en fonction de l'usage, agricole ou industriel.

Le chapitre II du décret n° 91-797 du 20 août 1991 modifié relatif aux recettes instituées au profit de VNF a fixé les modalités de calcul et les éléments d'assiette de cette taxe annuelle. L'article 11 de ce décret a notamment fixé le taux de base du deuxième élément de la taxe, lié au volume, à 2,04 centimes par mètre cube prélevable ou rejetable. Ce taux est affecté de coefficients d'abattement, de 24,7 % pour les usages industriels et de 95 % pour les usages agricoles.

Afin de permettre à l'établissement public, Voies navigables de France, de conserver le niveau des recettes estimé initialement et lui permettre ainsi d'équilibrer son budget, la taxe hydraulique doit être chaque année, revalorisée.

Le principe de la mise à niveau annuelle de la taxe a été retenu à la fois pour que le maintien de son montant en francs constants soit le plus effectif possible et pour éviter des augmentations espacées mais de forte valeur relative dont l'acceptation par les assujettis est plus difficile. Depuis la mise en place de la taxe hydraulique, en 1991, seul le taux de base lié au volume a été revalorisé.


• Le produit de la taxe est affecté à l'établissement public Voies navigables de France.

Depuis son institution, la taxe a rapporté les sommes suivantes :

PRODUIT NET DE LA TAXE HYDRAULIQUE

Elle constitue l'essentiel des ressources de l'établissement public.


• Selon l'exposé des motifs du projet de loi, « les éléments pris en compte dans le calcul de la taxe se sont avérés inadaptés au cas des micro-centrales hydroélectriques et des exploitations agricoles situées en zone urbaine, car ils conduisent à percevoir une taxe hors de proportion avec le chiffre d'affaires des exploitants ».

L'article 30 tend à remédier à ces inadaptations en opérant quatre modifications :

- la première consiste, s'agissant d'usage agricole, à plafonner le taux de base appliqué à la surface à un montant de dix francs par mètre carré, qui est le plafond actuel pour les communes de moins de 2.000 habitants. Les exploitations agricoles situées en zone urbaine bénéficieraient de cet aménagement du barème ;

- la seconde consiste, pour les ouvrages hydroélectriques autorisés, en vertu de la loi du 16 octobre 1919 modifiée relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, à limiter l'assiette de la taxe à la portion des canaux située à proximité immédiate des centrales ;

- la troisième consiste, pour les mêmes ouvrages, à plafonner le montant total de la taxe à 5 % du chiffre d'affaires engendré par l'ouvrage ;

- la quatrième consiste à favoriser l'implantation d'ouvrages autorisés en les faisant bénéficier, la première année de mise en exploitation, d'un abattement calculé au prorata temporis de la durée d'exploitation et, pendant les dix années suivant la mise en exploitation initiale de l'ouvrage, d'une réduction de moitié du montant total de la taxe.

Le manque à gagner à attendre, pour la première année d'application, par Voies navigables de France serait de l'ordre de 500.000 francs.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, l'établissement public n'accueille pas favorablement la perspective d'une limitation de la part de l'emprise pour les agriculteurs. D'une part, parce qu'un tel allégement risque de susciter des demandes « en perroquet » de la part des autres assujettis à la taxe, alors même que, si les agriculteurs bénéficient déjà d'un abattement de 95 % au titre du deuxième élément de la taxe, les industriels ne bénéficient que d'un abattement de 24,7 % et que les collectivités publiques ne bénéficient elles, d'aucun abattement. Le nouveau régime implique, en effet, une distorsion préjudiciable aux catégories autres que celles des agriculteurs.

Sous réserve des remarques qui précèdent, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption sans modification de cet article.

Article 31 - Validation de la composition d'une commission d'enquête d'utilité publique

L'article 31 a pour objet de remédier à une erreur qui a entaché d'irrégularité une enquête d'utilité publique menée à propos de la section « Arveyres-Saint-Julien-Puy-Lavèze » de l'autoroute A 89.

Le préfet de la Corrèze a, en effet, saisi, pour désigner la commission d'enquête relative au projet A 89, le président du tribunal administratif de Limoges dont dépend le département de la Corrèze.

Or, l'article R.11-14-3 du code de l'expropriation pose comme principe que le tribunal administratif compétent pour désigner une commission d'enquête est celui « dans le ressort duquel doit être réalisée l'opération ou la plus grande partie de l'opération soumise à enquête... ».

Or, l'A 89 se développant sur 148 km environ en région Aquitaine contre 123 km environ en région Limousin, le préfet de la Corrèze aurait dû logiquement demander au Président du Tribunal administratif de Bordeaux de nommer la commission d'enquête.

Il est vrai que certains arguments plaidaient en faveur de la décision du préfet :

- le tribunal administratif de Limoges a désigné deux commissaires-enquêteurs par département pour les quatre départements traversés. On peut donc affirmer que le fait que le tribunal administratif de Limoges ait été choisi pour désigner les membres de la commission n'a aucunement nui à la représentativité de cette commission. Elle n'a pas abouti, par exemple, à une surreprésentation des commissaires enquêteurs originaires du Limousin) et, de ce fait, n'a pas nui au résultat final de l'enquête. Le vice est donc non substantiel au regard de la doctrine selon laquelle un vice n'est substantiel que « si l'erreur commise a été de nature à exercer une influence déterminante sur le sens de la décision prise » ;

- le différentiel de linéaire entre les deux régions concernées (Aquitaine et Limousin) est de l'ordre de 25 km environ sur un projet qui en comporte 288 km. Il pourrait donc être admis que ce différentiel inférieur à 10 % n'était pas suffisamment significatif pour être jugé rédhibitoire. Par ailleurs, si l'on ajoute au linéaire de l'autoroute proprement dit, le linéaire des bretelles nécessaires au raccordement d'A 89 aux voiries environnantes (cas de l'échangeur d'Ussel-Est par exemple), le différentiel de longueur entre les deux régions tombe à 20 km.

S'agissant des coûts, ils s'établissent, selon les éléments fournis à votre rapporteur, à 7 milliards de francs, pour la partie située en Aquitaine contre 6,7 milliards de francs pour le reste de la section.

Enfin, s'agissant des grands ouvrages d'art non courants, hors ouvrage hydraulique de décharge, quinze sont situés en Limousin contre dix en Aquitaine.

Dès lors que la commission apparaît, compte tenu des remarques qui précèdent, représentative, il a semblé souhaitable -afin d'éviter tout risque d'une annulation du décret de déclaration d'utilité publique fondée sur un éventuel vice de forme- de valider par la voie législative la composition de cette commission.

Une telle validation porte -précise le projet de loi gouvernemental-non sur les actes susceptibles d'être directement déférés devant le juge administratif, mais sur la seule décision du président du tribunal administratif ayant nommé la commission d'enquête.

La validation législative apparaît aux auteurs du projet de loi « indispensable compte tenu de l'urgence de l'opération et de son importance géographique. L'engagement d'une nouvelle enquête retarderait de plus d'un an la réalisation de cette opération qui constitue la première transversale Est-Ouest du centre de la France ».

Soucieuse de l'achèvement rapide de l'A 89, liaison indispensable au maillage de notre territoire 1 ( * ) , votre commission a donné un avis favorable à l'adoption sans modification de cet article.

Article 32 - Fonds de réserve de la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers

La Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers (CAI.NA.G.O.D.) est l'organisme tripartite d'indemnisation de l'inemploi et de gestion de l'intermittence dans la manutention portuaire.

À la suite de la réforme de cette profession, opérée par la loi n° 92-496 du 9 juin 1992, que notre commission avait eu à connaître 1 ( * ) , les attributions de la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers (CAINAGOD) qui avait été instituée par l'article 13 de la loi n° 47-1746 du 6 septembre 1947 -devenu l'article L.521-4 du Code des ports maritimes- ont été restreintes.

A été retiré à la CAINAGOD le soin :

- de proposer les modifications à apporter à la contribution imposée aux employeurs par l'article L. 521-6 du Code des ports maritimes ;

- de fixer, après avis du bureau central de main d'oeuvre (B.C.M.O.) intéressé, les conditions générales dans lesquelles les modifications d'effectifs seront réalisées ;

- de statuer sur les appels formés contre les sanctions prises contre les employeurs ou les dockers sur la base de l'article L. 531-1 du Code des ports maritimes.

Depuis lors, la CAINAGOD n'a plus conservé, en ce domaine, qu'un rôle consultatif auprès du Ministre à qui est confié le soin de statuer dans le cadre de recours hiérarchiques.

A cependant été maintenu sous la responsabilité de la CAINAGOD le soin :

- de tenir à jour, par BCMO, et non plus par port, le registre des ouvriers dockers professionnels mais il ne s'agit plus désormais que des seuls intermittents ou que de ceux des intermittents qui ont obtenu leur mensualisation et peuvent conserver leur carte professionnelle sur la base du texte proposé pour le paragraphe II de l'article L.511-2 du Code des ports maritimes (voir plus haut) ;

- de tenir à jour, par BCMO et non plus par port, la liste des employeurs utilisant la main d'oeuvre des dockers intermittents ;

- d'assurer le recouvrement de la contribution des employeurs prévue au 1° de l'article L. 521-6 du Code des ports maritimes ;

- enfin, d'assurer le paiement, dans chaque BCMO (et non plus dans chaque port), de l'indemnité de garantie, par l'intermédiaire des BCMO, des caisses de congés payés ou de tout autre organisme local prévu, le cas échéant, par les conventions ou accords collectifs en vigueur et assurer, en outre, le paiement de l'indemnité compensatrice prévue.

Avec la réforme de la manutention, l'activité de la CAINAGOD a été bouleversée : le succès de la mensualisation a fait diminuer de façon très importante ses ressources comme ses dépenses. On est passé de 8.000 à 400 dockers intermittents. Le budget de fonctionnement de la caisse est ainsi tombé à 15 millions de francs en 1995, laissant intact un fonds de réserve aujourd'hui disproportionné. Le montant apparent du fonds est de 110 millions de francs et son montant réel, compte tenu d'engagements effectifs, de 70 millions de francs. Selon l'exposé des motifs du projet gouvernemental, le fonds, « d'un niveau normal antérieurement à 1992, est aujourd'hui surdimensionné par rapport aux besoins ».

Or, l'excédent s'est constitué progressivement à partir de cotisations versées par les entreprises de manutention, entreprises qui ont à supporter une partie du poids des plans sociaux ayant permis d'adapter les effectifs des dockers, l'endettement à ce titre pesant, de façon ou non contestable, sur les coûts de manutention pendant plusieurs années.

L'article 32 du projet a donc pour objet de mobiliser la partie excédentaire du fonds de réserve de la CAINAGOD, soit environ 50 millions de francs, pour atténuer les charges liées aux plans sociaux agréées par l'État durant la période de mise en oeuvre de la réforme.

Le dispositif proposé permettrait d'opérer, par reversement de la CAINAGOD aux Caisses de compensation des congés payés, qui ont servi de support local pour la prise en charge de la part « employeur » de ces plans. Cette aide serait répartie en fonction de critères objectifs tenant compte notamment de l'importance du plan social de chaque place portuaire et de la participation de chaque place portuaire, par ses cotisations, à l'excédent ainsi accumulé.

Compte tenu du régime financier de la CAINAGOD, une mesure législative est nécessaire pour autoriser une telle opération.

Les auteurs du projet de loi assurent enfin que le conseil d'administration de la CAINAGOD, qui regroupe les représentants des entreprises, des ouvriers dockers et de l'État, sera associé à l'élaboration du dispositif d'application.

La mesure proposée par l'article 32 répond ainsi aux suggestions du récent rapport « Dupuydauby » qui suggérait de décharger les entreprises de manutention de leurs charges financières et fiscales.

Il convient cependant d'observer que les places portuaires et les entreprises de manutention ne sont pas seules à financer les plans sociaux induits par la loi du 9 juin 1992 et que l'État assure, en fait, le financement de deux des quatre milliards de francs que coûtent les plans.

Pour sa part, l'État n'a pas modifié les conditions offertes aux ouvriers dockers depuis le jour où le plan de modernisation de la filière portuaire a été rendu public, le 28 novembre 1991 : pour les ouvriers dockers âgés de moins de 50 ans, il était proposé une indemnité de départ de 200.000 francs et un congé de conversion de 18 mois avec 65 % du salaire de référence jusqu'à l'âge de 55 ans et 3 mois, puis, le régime d'indemnisation des allocations spéciales du fonds national de l'emploi.

Pour toutes les mesures allant jusqu'à l'âge de 55 ans et 3 mois, l'État s'était engagé à financer 50 % de la charge, mais rien n'empêchait les places portuaires d'offrir aux ouvriers dockers des conditions plus favorables, la participation de l'État ne pouvant toutefois en être affectée. Ainsi, dans les accords locaux, les places portuaires acceptèrent souvent d'augmenter l'indemnité de départ des ouvriers dockers de moins de 50 ans.

Dans certains cas, au Havre et à Marseille notamment, le congé de conversion de 18 mois a été remplacé par une indemnité forfaitaire, ce qui fausse les comparaisons en matière d'indemnités forfaitaires versées aux dockers. Dans beaucoup de petits ports l'indemnité de départ est restée au niveau de 200.000 francs. À Dunkerque elle a été portée à 250.000 francs, du moins dans un premier temps. À Nantes et Bordeaux, des indemnités forfaitaires ont atteint 450.000 francs, voire 500.000 francs. À Marseille et au Havre les indemnités ont été de l'ordre de 500.000 francs, voire 600.000 francs dans certains cas au Havre. À Bayonne, on trouve le cas d'une indemnité de licenciement atteignant 650.000 francs. En outre, un port comme le Havre a également accepté une indemnité forfaitaire ; pour quelques dockers cette indemnité supplémentaire a même dépassé le million de francs.

Au total, les subventions de la part de l'État et de la part locale pour le financement des plans sociaux dans les différents bureaux centraux de la main d'oeuvre (BCMO) sont les suivantes :

FINANCEMENT DES PLANS SOCIAUX

Ce tableau doit être complété par les plans complémentaires mis en oeuvre en 1994 dans plusieurs ports (Bordeaux, Calais, Boulogne, Caen et la Rochelle) dont le coût est le suivant :

FINANCEMENT DES PLANS COMPLÉMENTAIRES

On peut, pour finir, observer que la mesure proposée -qui s'apparente, en réalité, à une délégation au pouvoir réglementaire, sous la forme d'un décret- n'est limitée par aucune autre expression que celle de « partie » du fonds de réserve qui pourrait être utilisée pour contribuer à financer l'exécution des plans sociaux

Sous cette réserve, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption sans modification de cet article.

* 1 Cf. rapport n° 343 (Sénat 1993-1994) p. 208.

* 1 Cf. rapport n° 353 (Sénat 1991-1992).

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