EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER - LA PRESTATION DE SERVICES D'INVESTISSEMENT
CHAPITRE PREMIER
LES SERVICES D'INVESTISSEMENT
Ce chapitre définit successivement, en application de la directive du 10 mai 1993, les instruments financiers, les services d'investissement et les services connexes.
La commission des Finances propose de distinguer, à l'article premier, trois catégories d'instruments financiers, -les valeurs mobilières, les parts ou actions d'organismes de placement collectifs et les instruments financiers à terme- avant d'en décliner le contenu dans trois articles additionnels après l'article premier.
Dans la mesure où ce dispositif évite les nombreuses redondances de l'article premier du projet de loi et prévient toute difficulté d'interprétation des textes en vigueur dès lors qu'il ne s'y réfère plus, votre commission des Lois vous propose de l'approuver, étant entendu que ces dispositions ne touchent à aucun moment au régime juridique des instruments qu'elles énumèrent. Tel est notamment le cas des titres de créance négociables émis sur le fondement de l'article 19 de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 que la commission des Finances fait figurer au nombre des valeurs mobilières au sens de la « présente loi ».
Dans le même esprit, votre commission des Lois tient à rappeler que l'énumération, par l'article 3, des services connexes aux services d'investissement, ne saurait avoir aucune incidence sur le régime juridique d'exercice des activités concernées, en particulier sur la définition du périmètre du droit donnée par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires. Ces activités continuent donc à ne pouvoir être exercées en France que selon les règles qui les régissent.
Pour lever toute éventuelle ambiguïté, elle vous propose d'adopter un amendement tendant à rappeler que ces services dits connexes s'exercent dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui régissent les activités concernées.
CHAPITRE II
LES PRESTATAIRES DE SERVICES D'INVESTISSEMENT
Article 4
Monopole de la prestation de services d'investissement
§ I - Un monopole
Dans un paragraphe I. cet article dispose que les services d'investissement ne peuvent être fournis à titre de profession habituelle à des tiers que par des prestataires de services d'investissement remplissant les conditions définies dans le chapitre II du titre premier du projet de loi. Ce paragraphe établit donc un monopole des entreprises d'investissement et des établissements de crédit autorisés à fournir des services d'investissement sur la fourniture, à titre habituel, de tels services.
Seuls échappent à ce monopole les institutions, services, entreprises et organismes énumérés à l'article 11 du projet de loi :
- le Trésor public,
- la Banque de France,
- les instituts d'émission d'outre-mer,
- La Poste,
- les entreprises d'assurance et de réassurance,
- les OPCVM, les Fonds communs de créances (FCC) et les SCPI ainsi que les sociétés chargées de leur gestion,
- les entreprises qui ne fournissent des services d'investissement qu'à leur société « mère » ou aux sociétés « soeurs » (c'est-à-dire les sociétés que celle-ci contrôle),
- les entreprises ne gérant que des FCP d'entreprise,
- les personnes fournissant un service d'investissement de manière accessoire à une activité professionnelle,
-
• les courtiers en marchandises qui ne fournissent
un service d'investissement qu'à leurs contreparties et dans la mesure
nécessaire à l'exercice de leur activité principale.
En outre, ne sont pas soumises à l'obligation de recourir à une entreprise d'investissement pour réaliser des négociations et des cessions sur un marché réglementé, -autrement dit échappent à l'obligation d'intermédiation-, les cessions actuellement énumérées au dernier alinéa de l'article 1 er de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs qui sont reprises au paragraphe I de l'article 23 du projet de loi, c'est-à-dire celles effectuées :
- entre deux personnes physiques,
- entre deux sociétés dont l'une possède directement ou indirectement au moins 20 % du capital de l'autre,
- entre deux sociétés contrôlées par une même entreprise,
- entre sociétés d'assurance appartenant au même groupe,
- entre personnes morales et organismes de retraite ou de prévoyance dont elles assurent la gestion.
- La commission des Finances propose, à juste titre, d'inscrire les dispositions du paragraphe I dans une section particulière constituée à la fin du chapitre II et regroupant les interdictions d'exercer. Elle a en outre retenu une formulation impérative, reprise de la loi bancaire, pour faire interdiction à toute personne autre qu'un prestataire de services d'investissement de fournir à des tiers des services d'investissement, à titre de profession habituelle.
•
Votre commission des Lois vous demande
d'approuver ce dispositif.
§ II et III - Sanctions pénales
• Le paragraphe II de l'article 4 définit
deux délits :
- l 'atteinte au monopole des prestataires de services d'investissement posé au paragraphe I, définie comme la fourniture de services d'investissement à des tiers à titre de profession habituelle sans y avoir été autorisé dans les conditions prévues à l'article 9, c'est-à-dire sans avoir reçu l'agrément du Comité des établissements de crédit après approbation du programme d'activité par le Conseil des marchés financiers ;
- l'atteinte au monopole d'intermédiation sur les négociations et les cessions portant sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé.
S'agissant du premier délit, il convient de préciser que les personnes mentionnées à l'article 11 échappent à toute sanction, dans la mesure où la loi les autorise expressément à fournir de tels services, dans les limites de leur statut.
Votre commission des Lois estime que cette exception devrait être rappelée dans le dispositif pénal afin de prévenir toute erreur d'interprétation.
Pour sa part, le second délit sanctionne les atteintes à l'obligation de concentration énoncée à l'article 24 qui autorise toutefois les opérations de gré à gré sur les instruments habituellement négociés sur un marché réglementé à condition qu'elles soient effectuées par un intermédiaire autorisé, c'est-à-dire une entreprise d'investissement ou un établissement de crédit agréé à cet effet.
Votre commission des Lois estime là encore nécessaire de rappeler, dans le dispositif pénal, que les opérations énumérées dans les six derniers alinéas du paragraphe I de l'article 23 constituent autant d'exceptions à l'obligation d'intermédiation.
Ces deux infractions sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 2,5 millions de francs d'amende.
• Les personnes physiques encourent en outre les
peines
complémentaires
suivantes :
- l'interdiction des droits civiques, civils, et de famille dans les conditions prévues à l'article 131-26 du code pénal (droit de vote, éligibilité, droit d'exercer une fonction juridictionnelle, d'être expert devant une juridiction, de représenter ou d'assister une partie devant la justice, droit de témoigner en justice, droit d'être tuteur ou curateur, pendant cinq ans) ;
- l'interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale pendant cinq ans ;
- la fermeture, pour cinq ans, des établissements ou de l'un ou plusieurs des établissements ou de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés :
- la confiscation de la chose ayant servi ou destinée à servir à la commission de l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée aux frais du condamné dans les lieux et pour la durée indiquée par la juridiction.
Le prononcé de ces peines complémentaires et leur portée et les modalités de leur exécution relèvent de l'appréciation du juge.
• Le paragraphe III étend aux
personnes morales
la
responsabilité
pénale
éventuelle des deux délits
définis au paragraphe II.
Lorsqu'une personne morale est déclarée pénalement responsable de l'une de ces infractions, elle encourt les peines prévues à l'article 131-37 du code pénal, soit :
- une amende dont le taux maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques, soit, en l'espèce, 12,5 millions de francs ;
- une ou plusieurs des peines énumérées à l'article 131-39 du code pénal, soit en l'espèce, l'interdiction d'exercer, à titre définitif ou temporaire, une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture de l'établissement de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, l'exclusion des marchés publics, l'interdiction de faire appel public à l'épargne, l'interdiction d'émettre des chèques.
Peuvent en outre être prononcés la confiscation de la chose ayant servi ou étant destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, tout comme l'affichage ou la diffusion de la décision.
Votre commission des Lois vous propose de retenir ces dispositions pénales du projet de loi. Il lui semble toutefois qu'elles trouveraient mieux leur place dans un titre spécifique regroupant les sanctions pénales qu'elle vous propose de créer après le titre IV.
Elle vous demande en conséquence d'adopter :
- un premier amendement tendant à supprimer les paragraphes II et III de l'article 4,
- un deuxième amendement tendant à insérer un titre additionnel après le titre IV,
- enfin un troisième amendement reprenant, sous réserve de deux précisions, les paragraphes II et III de l'article 4 dans un article additionnel figurant dans ce titre additionnel (voir infra : titre additionnel après le titre IV).
L'introduction d'un titre pénal spécifique permettra de lire plus aisément, comme un ensemble cohérent et complet, la loi qui vous est proposée pour régir les services d'investissement. A l'image de la loi bancaire du 24 janvier 1984, elle regrouperait ainsi les sanctions pénales dans son dernier titre.
Afin que celui-ci soit complet, votre commission des Lois vous propose d'y faire figurer en outre les infractions reprises de la loi bancaire, que le paragraphe XII de l'article 59 du projet de loi se contente de compléter dans cette loi pour les rendre applicables aux entreprises d'investissement.
Articles additionnels après l'article 10
Retrait d'agrément
(amendements n° 25 et 26 présentés par la commission des Finances)
• La commission des Finances propose
d'insérer, après l'article 10, deux articles additionnels
précisant respectivement les conditions et les conséquences du
retrait d'agrément d'un prestataire de services d'investissement et d'un
gérant de portefeuille.
Dans leur dernier alinéa, ces articles reprennent le dernier alinéa de l'article 19 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qui prévoit que le retrait d'agrément fait obligation à l'établissement d'entrer en liquidation.
Or la portée de cette disposition est contestée, les tribunaux de commerce ayant admis l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard d'établissements de crédit frappés d'un retrait d'agrément et en état de cessation des paiements.
La difficulté tient en fait à la formulation retenue par la loi de 1984 qui impose la liquidation de l'établissement de crédit mais sans évoquer explicitement celle de la personne morale qui a reçu l'agrément pour effectuer des opérations de banque.
• Votre commission des Lois estime que rendre
applicables aux prestataires de services d'investissement des dispositions dont
la portée n'est pas certaine n'est pas satisfaisant. La coexistence au
sein de certains établissements de crédit entre les
activités bancaires et les activités financières rend
cette extension d'autant plus préjudiciable qu'elle pourrait conduire
à la liquidation d'un établissement de crédit alors que
seul l'agrément pour exercer des services d'investissement lui aurait
été retiré.
En conséquence, elle vous propose d'adopter deux sous-amendements aux amendements de la commission des Finances pour modifier les dispositions relatives aux conséquences juridiques du retrait d'agrément. Il serait ainsi précisé que :
- le retrait d'agrément entraîne la cessation immédiate des activités pour lesquelles il avait été délivré,
- que lorsque ces activités constituent tout son objet social, l'entreprise, -c'est-à-dire la personne morale-, entre en liquidation, dans les conditions du droit commun de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales ou si, elle est en état de cessation des paiements, dans le cadre des procédures prévues par la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 ;
- que lorsque ces activités ne constituent qu'une partie de cet objet, l'entreprise doit cesser d'exercer ces activités de prestation de services d'investissement mais qu'elle peut continuer à exercer ses autres activités.
Dans tous les cas, -cessation partielle d'activités ou liquidation-, l'entreprise demeure soumise au contrôle de la commission financière (l'actuelle commission bancaire dont la commission des Finances propose de changer la dénomination), ou de la COB s'il s'agit d'une société de gestion de portefeuille, et ne peut effectuer que les opérations strictement nécessaires à l'apurement de sa situation. En outre, elle ne peut faire état de sa qualité de prestataire de services d'investissement sans préciser qu'elle est en liquidation ou en cessation de ces activités.
Ainsi rédigées, ces dispositions n'interdisent pas, le cas échéant, la cession des activités pour lesquelles l'agrément a été retiré, sous réserve bien entendu que le repreneur obtienne l'agrément.
• Dans la mesure où cette solution
paraît équilibrée et susceptible de résoudre les
incertitudes actuelles, votre commission des Lois vous propose en outre de
l'étendre aux établissements de crédit dont
l'agrément pour réaliser des opérations de banque est
retiré. Tel est l'objet de l'amendement introduisant un article
additionnel après l'article 63
du projet de loi qui modifie
dans le même sens la rédaction du dernier alinéa de
l'article 19 de la loi bancaire.