CHAPITRE III - L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER
A. L'AGENCE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1996
La part du ministère des affaires étrangères dans la subvention accordée à l'Agence s'élèvera, pour 1996, à 1 417 778 144 F, soit une progression de 3,75 %. Cette évolution, dans le contexte de contrainte des dépenses publiques, permet de pourvoir la totalité des emplois budgétaires qui lui sont alloués.
Toutefois, la nécessité de maintenir au minimum les bourses scolaires à leur niveau de 1995 (185 millions de francs), conduira l'Agence à arbitrer à la baisse d'autres crédits, importants pour les établissements : les subventions de fonctionnement (- 7,27 %), le jury du baccalauréat (- 4,57 %) et les projets d'établissement (- 3,54 %).
En effet, 95 % de la subvention permettent d'assurer les rémunérations des enseignants. Les autres recettes de l'agence proviennent des « remontées » des établissements (environ 300 millions de francs). C'est sur cette marge essentielle que l'agence peut agir de façon autonome pour les actions d'entretien et de promotion du réseau, y compris les subventions d'investissement. Or, c'est cette marge-là qui se réduit progressivement, privant ainsi l'Agence des effets positifs qu'elle est en droit de retirer de son statut d'établissement public.
Au titre V du projet de loi de finances pour 1996, l'article 57-10 60 fait apparaître des crédits d'investissement de 30 millions de francs en autorisations de programme et 35 millions de francs en crédits de paiement (+ 10 millions de francs).
B. UN BILAN FAVORABLE À PARFAIRE
Cinq années après sa création, on est en mesure de proposer un véritable bilan de l'AEFE. Celui-ci est assez positif, et contrairement à ce que certains avaient pu craindre, aucun bouleversement de notre réseau d'établissements n'a été engendré par la mise en place de cette instance.
Des outils de gestion on été créés qui permettent la tenue du réseau sur les plans du personnel, des questions comptables et financières : équipement informatique, système de calcul des participations des établissements, agence comptable, service du budget, tableau d'emplois résidents/expatriés.
Par ailleurs, depuis un an, l'implantation d'une partie des services de l'Agence à Nantes est effective. Les services généraux et de gestion des personnels sont désormais installés sur le site de Breil IV du ministère des affaires étrangères. La direction et les autres services -finances et bourses scolaires- étant pour leur part installés au 57 boulevard des Invalides à Paris.
Pour autant, des mesures restent à prendre afin de donner sa pleine signification au principe d'un établissement public , disposant par essence d'une véritable autonomie par rapport au ministère de tutelle. Cela devrait se traduire par la constitution d'un personnel propre à l'agence. A l'heure actuelle, 58 agents sur 90 sont mis à disposition par les ministères des affaires étrangères, de la coopération et de l'Education nationale.
Le transfert à l'Agence de crédits de fonctionnement, dépendant encore des ministères de tutelle, relève de la même logique.
Enfin un retard affecte l'aménagement des textes constitutifs de l'agence et notamment le décret du 22 novembre 1990. Cet aménagement devrait concerner :
- l'ouverture accrue aux représentants des parents d'élèves et des entreprises françaises implantées à l'étranger, du conseil d'administration de l'agence
- l'intégration du budget des établissements en gestion directe dans le budget de l'agence, sans affecter l'autonomie financière desdits établissements
- l'assouplissement des conditions de recrutement d'enseignants titulaires pour les établissements qui disposent des moyens de les financer .
C. L'ÉVOLUTION DES EFFECTIFS D'ENSEIGNANTS
La part respective des enseignants expatriés et résidents connaît depuis 1992, une évolution constante : l'accroissement des résidents et la diminution corrélative du nombre d'expatriés, comme en témoigne le tableau joint :
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Expatriés |
2 109 |
2 109 |
2 104 |
2 069 |
1 988 |
1 953 |
Résidents |
3 445 |
3 445 |
3 565 |
3 575 |
3 655 |
3 690 |
Total |
5 554 |
5 554 |
5 669 |
5 644 |
5 643 |
5 643 |
Depuis 1993, l'effectif global des enseignants connaît donc une régression (- 26 postes). Cet effectif étant depuis 1995 stabilisé à 5 643.
A l'intérieur de cet effectif global, des transformations d'effectifs sont opérées depuis 1995 dans le cadre du schéma d'adaptation des réseaux. En 1995, 85 postes d'expatriés 2 ( * ) avaient été supprimés et compensés par la création de 85 postes de résidents. Pour 1996, ce mécanisme entraînera la suppression de 35 postes d'expatriés (28/7) pour 35 postes de résidents créés.
Ce mécanisme de transformations d'effectifs a le seul mérite de générer des économies importantes compte tenu du coût respectif des expatriés et des résidents, mais il est rarement favorablement perçu par les parents d'élèves puisque la qualité de l'enseignement dispensé s'en trouve évidemment affectée.
Au moins convient-il d'engager au bénéfice des résidents des actions de formation sur le terrain . Celles-ci figurent parmi les priorités de l'Agence qui envisage d'accroître de 15 % les crédits afférents à ce poste.
De surcroît, la créa tion, par compensation, de postes de résidents ne peut pas être réalisée partout. La clause des trois mois de résidence dans le pays, figurant dans le décret du 31 mai 1990, est une première barrière à franchir. Sa suppression, envisagée dans le cadre d'un aménagement du décret, constamment reporté, faciliterait candidatures et recrutements. Le risque existe certes de voir, par ce biais, se présenter de vrais-faux résidents, recrutés directement en métropole et concurrençant alors les résidents authentiques. Mais si cette transformation a ses mérites sur le plan de l'économie réalisée, elle a aussi ses limites : les effectifs d'expatriés dans l'ensemble du réseau ont atteint leur étiage. La présence d'une part importante d'expatriés traduit la volonté de l'Etat de considérer le réseau de ses établissements à l'étranger comme le relais de l'enseignement national et le nombre d'enseignants titulaires expérimentés, ayant exercé en métropole -ou ayant vocation à le faire- est significatif de cette osmose entre les deux réseaux -français et international.
Il en résulte enfin une grave injustice : les établissements riches situés dans des pays à haut niveau de vie seront en mesure de continuer à recruter des enseignants résidents dont le niveau de rémunération ne sera pas si éloigné des traitements proposés aux expatriés. Dans d'autres régions du monde en revanche, les établissements ne disposant que de faibles ressources seront placés devant un mur : fermer des classes ou recruter localement des personnels peu expérimentés.
Il serait enfin possible, à effectifs constants d'expatriés, d'envisager un redéploiement à partir de certaines zones particulièrement riches alors qu'existe à l'évidence un potentiel, un « vivier » important de résidents. C'est le cas notamment en Europe occidentale où l'on compte 402 postes d'expatriés et 1 126 postes de résidents. L'aménagement et l'actualisation de la carte scolaire demeurent donc à l'ordre du jour . Sans doute conviendrait-il à présent de raisonner davantage en termes de crédits qu'en termes de postes.
D. QUELLE POLITIQUE POUR L'AGENCE ?
Ces considérations positives que ne peut manquer de porter votre rapporteur ne lui interdisent pas, cependant, de s'interroger sur certains aspects de notre stratégie d'enseignement à l'étranger : cette réflexion permet de confirmer quelques certitudes mais aussi de s'interroger sur certaines évolutions.
Les certitudes sont bien connues : l'objectif de notre réseau est de scolariser, aussi près que possible de ce qui existe en France, les enfants français dont les parents sont appelés à travailler et vivre à l'étranger. Il est aussi d'accueillir, autant que faire se peut, les enfants « nationaux », originaires des pays où nos établissements sont implantés. C'est là un véhicule essentiel pour l'apprentissage de notre langue, de notre culture et, à terme, l'assurance de disposer de personnes dont la familiarité avec la France est un appui considérable pour notre présence économique et notre influence en général. C'est au passage la raison pour laquelle votre rapporteur ne regrette pas que le projet, un temps évoqué, de faire de l'Agence un rectorat pour l'enseignement à l'étranger n'ait finalement pas vu le jour. Non seulement ce rectorat n'aurait été, pour un aussi vaste ministère que celui de l'Education nationale, que la « cinquième roue du carrosse », mais il aurait aussi privé la DGRCST de la « fenêtre politique » -enseignants, parents d'élèves-, que constitue la gestion du réseau, ce qui est essentiel pour un ministère dont il faut bien reconnaître, pour le déplorer, que les crédits qu'il reçoit, et surtout ceux qu'il ne reçoit pas, ne mobilisent pas les foules. En revanche, toute formule pour impliquer non exclusivement, mais de façon plus importante, l'éducation nationale doit être recherchée.
Des certitudes, mais aussi des interrogations . Dans certains pays, en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, nous avons été conduits progressivement à faire de notre réseau une structure d'enseignement de substitution . En d'autres termes, les établissements français sont pris d'assaut par les nationaux ce qui dispense les responsables locaux de réfléchir à la réforme pourtant indispensable, de leurs propres systèmes éducatifs. Dans ces conditions, notre réseau permet de voir perdurer, si tant est qu'il ne les encourage pas, des inégalités flagrantes entre ceux des nationaux dont les revenus permettent d'accéder à nos établissements et la masse des autres, au sein desquels pourtant se trouve souvent la clientèle à laquelle notre réseau souhaiterait s'ouvrir en priorité.
Il faut également reconnaître que la réforme de 1990 n'a pas mis un terme à l'une des préoccupations prioritaires de nos compatriotes, à la hausse croissante des droits d'écolage . La réforme des rémunérations, qui était une nécessité tant les écarts de rémunérations étaient forts entre enseignants selon le statut dont ils relevaient, a été et demeure encore à l'origine d'une hausse des participations des établissements et donc de celle des parents d'élèves.
Une frustration durable s'est installée que l'évolution récente n'apaisera guère. En effet, une enquête menée par l'Agence, destinée à apprécier précisément l'incidence des évolutions de change sur les coûts d'écolage démontre qu'en monnaie locale, en moyenne, ceux-ci augmentent de 10 %, quand ces mêmes droits, mesurés en francs, n'évoluent qu'entre 3 et 5 %. Sur deux ans, en monnaie locale, 27 % des frais ont augmenté entre 10 et 20 % comme le récapitule le graphique ci-dessous.
Notre réseau gagnerait à ce que la politique qui le conduit soit clairement réaffirmée et en particulier les objectifs qui lui sont assignés. A cet égard, une première réponse a été donnée par M. Burkard, nouveau directeur de l'Agence, lors de la dernière session du CSFE. Notre réseau a pour vocation prioritaire la scolarisation des Français et des ressortissants des pays de l'Union européenne -que ce soit en Europe ou hors d'Europe-, l'appui aux entreprises françaises désireuses de s'implanter durablement dans un pays et enfin l'appui à la francophonie .
Avec l'Agence, le réseau est devenu plus cohérent, mieux structuré. Il reste à indiquer un cap et s'y tenir. A cet égard, la succession en cinq ans de cinq directeurs à la tête de l'Agence a peut-être contribué à perdre un temps précieux. Il faut espérer que ces bégaiements des débuts sont aujourd'hui révolus.
* 2 67 pour les affaires étrangères, 18 pour la coopération