Avis n° 80 (1995-1996) de M. Guy PENNE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 28 novembre 1995
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INTRODUCTION
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CHAPITRE I - UN BUDGET DIFFICILE POUR UNE DIRECTION
GÉNÉRALE RÉFORMÉE
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CHAPITRE II - LES CENTRES, INSTITUTS ET ALLIANCES
: UN RÉSEAU EN VOIE DE MODERNISATION, FRAGILISÉ PAR LES
INCERTITUDES BUDGÉTAIRES
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CHAPITRE III - L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT
FRANÇAIS À L'ÉTRANGER
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CHAPITRE IV - QUEL AVENIR POUR NOTRE ACTION
AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE ?
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A. L'ÉTAT DES LIEUX : L'ACTION
TÉLÉVISUELLE EXTÉRIEURE
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B. L'ACTION RADIOPHONIQUE EXTÉRIEURE
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C. LE FINANCEMENT DE L'AUDIOVISUEL
EXTÉRIEUR
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D. DES CHOIX À VENIR
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A. L'ÉTAT DES LIEUX : L'ACTION
TÉLÉVISUELLE EXTÉRIEURE
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CHAPITRE V - LA FRANCOPHONIE
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
N°80
SÉNAT
PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès verbal de la séance du 28 novembre 1995 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1996 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME II
RELATIONS CULTURELLES EXTÉRIEURES
Par M. Guy PENNE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon
Voir les numéros :
Assemblée nationale :
Sénat :
Lois de finances.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Evoquer les crédits consacrés à notre action culturelle extérieure est, comme d'ailleurs pour l'ensemble des crédits du ministère des Affaires étrangères, un exercice difficile. Il s'agit en effet de plaider pour la préservation -dans un contexte politique et financier où désormais la seule idée de maintenir des crédits relève de l'hérésie- d'actions dont, par hypothèse, peu de Français de « l'intérieur » sont à même d'apprécier la portée, le résultat ou l'influence. Rares en effet sont ceux qui seraient prêts à « descendre dans la rue » pour militer en faveur du renforcement des moyens de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques.
Et pourtant !
Avec 35 % des crédits du ministère des Affaires étrangères, la Direction générale, à travers ses écoles, ses centres et instituts culturels, les alliances françaises, et le rôle qu'elle joue dans le développement de l'audiovisuel extérieur, doit remplir la mission essentielle de promotion et d'explication de la France à l'étranger.
Par delà l'enseignement de notre langue et la promotion de notre culture, il s'agit de créer ou de conforter notre influence politique et économique dans le monde. Ces actions favorisent à terme des opportunités industrielles et commerciales qui conditionnent en partie notre développement économique.
Le rapporteur des crédits de notre action culturelle extérieure ne peut donc que témoigner de son inquiétude devant leur dégradation régulière et les prélèvements massifs dont il font l'objet en cours d'année.
Il n'aura guère, comme seul motif de satisfaction, que la très relative bienveillance budgétaire dont bénéficient, à l'exception de RFI, l'audiovisuel extérieur et ses structures, de taille modeste certes, mais qui font finalement assez bien ce que les opérateurs nationaux, publics ou privés, ont longtemps négligé. Notre ambition en ce domaine est grande, mais les moyens qu'on lui donne sont bien en-deçà de ceux dont disposent nos partenaires allemands et britanniques.
Votre rapporteur se félicitera aussi de la restructuration engagée des services de la Direction générale vers plus de cohérence et des initiatives tendant à regrouper, à l'étranger, les différents services d'action culturelle et linguistique. Mais à quoi servent ces réformes si les moyens d'action sont aussi lourdement réduits d'année en année ? Notre réseau culturel, dont on dénonce parfois la lourdeur excessive, ou la trop grande multiplicité de ses implantations, est l'une de notre singularité. Si une rationalisation s'imposait, son affaiblissement en revanche conduirait à le banaliser.
CHAPITRE I - UN BUDGET DIFFICILE POUR UNE DIRECTION GÉNÉRALE RÉFORMÉE
A. LA DIRECTION GÉNÉRALE UN AN APRÈS LA RÉFORME
La mise en oeuvre de la réforme de la direction générale semble avoir porté ses premiers fruits.
A l'administration centrale, l'organigramme nouveau permet de mieux appréhender l'évolution de la coopération culturelle. La Mission multilatérale assure une meilleure prise en compte de la dimension multilatérale de notre coopération culturelle. Elle rend possible un suivi régulier et précis des actions conduites dans le cadre de la Commission européenne, de la Banque Mondiale, du PNUD, de l'UNESCO etc. afin notamment de rechercher et de susciter les cofinancements de projets.
Une meilleure intégration de la coopération linguistique et éducative dans le cadre de nos établissements culturels permet une meilleure cohérence dans l'action. La coopération décentralisée -où interviennent collectivités locales, ONG etc.-, est reconnue comme modalité de coopération à part entière avec la mise en place d'un service spécifique.
Les services extérieurs de la Direction générale ont également bénéficié de ce mouvement. La création des 36 centres de coopération culturelle traduit la nécessaire unification d'un réseau, en même temps que l'extension de l'autonomie financière permet la mobilisation de ressources externes. Une meilleure allocation des moyens financiers et humains permet de mieux cibler certaines actions (audiovisuel, coopération universitaire) et certaines priorités géographiques (Liban, Turquie, Inde, Indochine).
Les personnels sont donc appelés à participer à une réforme qui, pour l'essentiel, valorise les efforts consentis, bien qu'elle s'accompagne d'une déflation substantielle d'effectifs et que rien ou presque n'est encore fait pour conforter la carrière de certains d'entre eux ni améliorer leurs rémunérations .
Le tableau suivant synthétise l'évolution depuis 1992 des différents titres du budget de la DGRCST.
B. UN BUDGET DIFFICILE QUI AFFECTE LES MISSIONS
1. Budget annuel-budget « réel »
Le budget du ministère des affaires étrangères s'élèvera à 15,1 milliards de francs. Sur ce total, les crédits affectés aux relations culturelles extérieures atteignent, en loi de finances 1996, tous titres confondus y compris la francophonie, 5 268 millions de francs contre 5 357 millions de francs en 1995, soit en diminution de 1,7 %. Derrière cette présentation habituelle permettant de comparer la loi de finances initiale d'une année sur l'autre, soit le budget annuel, il convient de rechercher le budget réel, résultant des décrets successifs qui viennent « geler » certaines dotations, au plus grand mépris des opinions et votes parlementaires, et qui, dans le cadre de collectifs, subit l'annulation des crédits précédemment gelés, voire des amputations supplémentaires.
Les tableaux suivants retracent, pour la DGRCST, les différentes régulations ayant affecté le budget 1995 et leurs incidences sur les actions culturelles extérieures.
Répartition par chapitre des régulations budgétaires 1995 pour la DGRCST |
||||
Montant LFI 1995 |
Annulation |
Gel |
% annulation/LFI |
|
Réseau culturel Titre III |
485 |
0 |
||
Enseignement français à l'étranger AEFE et OUCFA |
1 432 |
80 |
10 |
5,61 |
Crédits d'intervention ch. 42-10 |
3 331 |
93 |
201 |
2,79 |
Investissements ch 57-10 |
78 |
nd |
nd |
|
subventions d'investissements ch 68-80 |
30 |
5 |
5 |
17 |
Incidence des régulations sur les différentes actions |
||
Crédits programmés initialement en 1995 |
Crédits régulés en 1995 |
|
Enseignement français à l'étranger |
1 432 |
80,3 |
Francophonie |
67 |
3,2 |
Action culturelle |
931 |
29,2 |
Communication |
885 |
3,8 |
Coopération scientifique, technique et éducative |
1 380 |
41,3 |
Divers et ajustements |
68 |
15,3 |
TOTAL |
4 763 |
173,1 |
La prochaine loi de finances rectificative qui sera soumise au parlement ne manquera pas, une ultime fois dans cette année 1995, à force de nouvelles régulations, d'affecter la continuité de notre action culturelle extérieure, qui risque de perdre, peu à peu, sa cohérence , surtout à l'égard de nos partenaires.
2. Le fonctionnement de notre réseau culturel : les crédits du Titre III
Les crédits de fonctionnement de la direction générale s'élèveront, en 1996, à 1,9 milliard de francs, en hausse de 2,7% par rapport à 1995.
Ces crédits correspondent essentiellement aux dépenses de personnel du réseau culturel -Instituts, centres, alliances- ainsi qu'au personnel des établissements d'enseignement français à l'étranger relevant de l'AEFE ou de l'office universitaire et culturel français pour l'Algérie.
Les personnels des établissements culturels verront leurs effectifs réduits de 10 emplois de chargés de mission d'enseignement pour les établissements culturels . L'économie générée par cette diminution s'élève à 4,5 millions de francs. 6,2 millions de francs en mesures nouvelles permettront l'exécution de la dernière tranche du plan Durafour de revalorisation des rémunérations publiques et 22,1 millions de francs serviront à corriger l'incidence des variations change/prix sur les dépenses de rémunérations et de fonctionnement.
L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger recevra 50,3 millions de francs en mesures nouvelles , ce montant étant le solde de différentes mesures positives et négatives. On retiendra en particulier :
- l'effet change/prix et la revalorisation des rémunérations qui justifient 20,4 millions de francs de mesures nouvelles
- 23 millions de francs prélevés l'an passé sur son fonds de roulement qui sont réintégrés dans le budget en crédits de bourses scolaires , lesquelles s'élèveront, en 1996, à 185 millions de francs soit une reconduction nominale par rapport à 1995.
- 9 millions de francs qui permettront d'appuyer la réforme pédagogique et l'équipement des laboratoires scientifiques
- 6 millions de francs qui renforceront le programme d'investissement du réseau.
- 1,5 million de francs pour le financement du Haut Conseil de la francophonie.
Parmi les mesures d'économies, 28 emplois d'expatriés sont supprimés et remplacés par 28 emplois de résidents, générant une économie de 2,7 millions de francs.
3. Les crédits d'intervention de la DGRCST : un recul préoccupant au titre IV
Le titre IV concernant la DGRCST bénéficiera de 3 154 millions de francs, soit une diminution de 5,30 % (- 177 millions de francs) par rapport à la loi de finances initiale 1995.
Le solde de 177 millions de francs résulte de mesures nouvelles positives et négatives :
- 5,9 millions de francs permettront la revalorisation des rémunérations de ceux des personnels d'action culturelle rémunérés sur ce titre IV, c'est-à-dire dont l'emploi ne repose pas sur un poste budgétaire durable.
- l'audiovisuel extérieur reçoit, en mesures nouvelles, 44,8 millions de francs dans le cadre de la 3e annuité du plan audiovisuel à 5 ans décidé par le conseil audiovisuel extérieur le 22 avril 1994.
- 30 millions de francs en mesures nouvelles seront affectés à la formation des boursiers étrangers en France dans le domaine de la coopération éducative et linguistique et dans celui de la coopération scientifique pour les pays prioritaires. Cette somme est d'ailleurs réduite à 20 MF après l'adoption d'un amendement par un amendement par l'Assemblée nationale.
Les économies portant sur les crédits d'intervention proprement dits atteignent 241 millions de francs . Cette réduction particulièrement drastique de la ligne budgétaire la plus sensible pour notre action culturelle et risque d'entraîner rapidement la restructuration de notre réseau culturel, elle affectera la dotation de RFI et contraindra à réduire de nombreux programmes spécifiques : bourses, aide à diverses ONG, appui à la diffusion à l'étranger du cinéma français, soutien à l'AFAA, jusqu'à la révision du programme des classes bilingues et des filières universitaires francophones.
Toutes ces actions qui seront affectées ont leur importance, mais il est clair que quelques-unes d'entre elles ont un caractère essentiel pour la promotion de notre langue et la connaissance de notre culture : le cinéma français , par l'attraction qu'il peut exercer auprès des publics étrangers est un véhicule prioritaire de l'une et de l'autre. Les économies que certains postes devront réaliser dans ce domaine sont un signal grave. Il en est de même des classes bilingues et des filières francophones dont on peut, à juste titre, souligner l'intérêt qu'ils représentent pour les gouvernements et les élèves étrangers.
Les deux tableaux suivants récapitulent, sur les 7 dernières années, la répartition des crédits de coopération culturelle , sur le plan géographique tout d'abord puis par grands secteurs de coopération.
L'analyse de la programmation géographique, démontre, singulièrement en se référant aux pourcentages, la montée en puissance de notre coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale (4,7 % en 1989, 11,28 % en 1995), la hausse également sensible de nos échanges avec l'Asie (9,6 % en 1995, 7,22 % en 1989), et le tassement relatif avec le Maghreb, le Proche et Moyen-Orient , l'Afrique subsaharienne et l'Amérique du Nord.
Sur le plan de la répartition fonctionnelle, le doublement des crédits concernant l'action audiovisuelle extérieure -en partie imputable à la budgétisation de RFI sur le budget du ministère des affaires étrangères- est le fait le plus marquant.
Cette diminution des crédits d'intervention de la DGRCST est à comparer aux crédits français consacrés aux programmes européens PHARE ou TACIS qui atteindront 2 milliards de francs.
Il n'est pas sûr que la multilatéralisation de notre aide aux pays d'Europe centrale et orientale soit à terme, source bénéficies politiques ou commerciaux, au contraire de ce qui se passe en Afrique, où notre présence ancienne garantit un taux de retour favorable.
4. La préservation des crédits d'investissement
Les titres V et VI progressent de 37,5 millions de francs en crédits de paiement.
Le titre V rassemble les crédits d'investissement destinés aux établissements appartenant à l'Etat (lycées, centres et instituts culturels). Les établissements d'enseignement recevront 30 millions de francs en autorisations de programme et 35 millions de francs en crédits de paiement. Votre rapporteur se réjouit de ce que l'achat de l'école de Damas apporte une solution à un problème urgent sur lequel il avait déjà précédemment insisté. Les autres opérations pourraient concerner les travaux liés à la sécurité et aux grosses réparations. Cela étant, d'autres mesures ont aussi un caractère d'urgence, comme à Prague. Pour leur part les instituts et centres culturels bénéficieront de 25 millions de francs en autorisations de programme et 51 millions de francs en crédits de paiement, principalement destinés à la construction du Centre de Santiago.
Sur le titre VI (subventions d'investissements), 55 millions de francs en autorisations de programme et 60 millions de francs en crédits de paiement permettront le financement :
- de la création d'un fonds de coopération "aide-projet" pour les pays hors champ (30 millions de francs) 1 ( * ) , et l'aide à divers projets de développement (13 millions de francs) ;
- de l'informatisation de l'agence de presse égyptienne et du doublement de la puissance de l'émetteur de la SOMERA à Chypre, financement étalé sur deux ans ;
- d'assurer des investissements dans le réseau des Alliances françaises (9 millions de francs en autorisations de programme et 9 millions de francs en crédits de paiement), singulièrement en Amérique du Nord et en Europe.
CHAPITRE II - LES CENTRES, INSTITUTS ET ALLIANCES : UN RÉSEAU EN VOIE DE MODERNISATION, FRAGILISÉ PAR LES INCERTITUDES BUDGÉTAIRES
Le réseau culturel français à l'étranger se propose de faire peau neuve : réunion des différents services intervenant au sein d'une structure unique, mise en cohérence des projets et des programmes, interlocuteur unique pour nos partenaires locaux, tels sont les maîtres-mots de la réforme en cours.
A. LES CENTRES CULTURELS ET DE COOPÉRATION LINGUISTIQUES (CCCL)
Après plusieurs années d'existence séparée, les centres culturels et les bureaux de coopération linguistique et éducative fusionnent pour donner naissance à un nouvel établissement, le CCCL . Le ministère des affaires étrangères décrit ainsi les objectifs de la réforme : « donner une meilleure lisibilité et une cohérence accrue à notre présence culturelle et linguistique à l'étranger, rationaliser nos moyens et renforcer la légitimité de nos établissements culturels », en s'inscrivant davantage dans les préoccupations du pays concerné. L'objectif est également d'adapter le réseau aux pays à système fédéral ou régional. A terme, ce regroupement concernera également les centres de coopération scientifique et technique.
Mieux intégré à la politique définie par le ministère et l'ambassade, le CCCL voit son action élargie au domaine culturel, à l'information par la mise en place de centres de ressources, à la promotion de la langue française et de la coopération éducative . Le fonds d'intervention pour les centres de ressources sur la France contemporaine permet d'accorder à des établissements culturels une subvention spécifique destinée à accroître leur offre documentaire sur la France contemporaine. Les établissements sont donc invités à mettre l'accent sur les nouveaux supports d'information : CD Rom etc.
B. LE RAPPROCHEMENT DES ALLIANCES ET DES CENTRES
La réforme de la DGRCST a confirmé le principe d'un soutien financier substantiel aux alliances -dont il faut rappeler qu'elles ont un statut d'association de droit local-, qui s'est élevé, tous titres confondus, à 200 millions de francs en 1995. Toutefois ce soutien budgétaire est désormais conditionné par la mise en oeuvre d'un partenariat contractuel , par lequel les Alliances les acceptent ou prennent l'initiative de s'intégrer dans la mise en oeuvre de notre action culturelle extérieure. Les « contrats sur objectifs » passés entre les alliances et la DGRCST concerneront de larges domaines de notre action culturelle : organisations de cours de langue, manifestations culturelles et artistiques, participation à des programmes de coopération éducative, scientifique et technique, en liaison avec nos interlocuteurs locaux, et diffusion documentaire (installation de centres de ressources sur la France contemporaine, activités de diffusion audiovisuelle par RFI, CFI ou TV5).
Dans le même temps, se poursuit le rapprochement structurel des deux réseaux -Alliances/Centres et instituts- Les dernières actions ont par exemple pris la forme de substitutions comme à Lisbonne et Rome, où les cours de français, précédemment dispensés par l'institut ou le centre culturel ont été transférés aux alliances. Une procédure comparable devrait être menée à Glasgow, où l'antenne de l'Institut français d'Edimbourg pourrait voir ses activités culturelles transférées à l'Alliance française qui assume jusqu'à présent l'ensemble des cours de langue. A l'inverse, à Copenhague, l'institut français a repris les cours dispensés par l'alliance française.
L'autre formule, expérimentée à Kiev et à Saint-Petersbourg, consiste à conférer à un responsable unique l'Alliance et le centre culturel.
C. QUELLES RESSOURCES ?
Cette valorisation des relais locaux de notre action culturelle est la bienvenue ; elle permet la conduite cohérente d'une stratégie culturelle d'ensemble et permet une meilleure lisibilité des moyens mis en oeuvre. Mais notre action culturelle, et singulièrement linguistique, repose aussi sur les hommes et les femmes qui travaillent dans ces instances. Ce point continue d'être le talon d'Achille de notre réseau. En particulier en terme d'effectifs : le plan de rationalisation à 5 ans prévoit la suppression nette de 110 emplois rémunérés en titre III (agents d'encadrement pédagogique, culturel, scientifique, technique ou agents administratifs, rattachés au décret du 28 mars 1967). Ces allégements d'effectifs concernent donc 8 % des personnels culturels qui sont sur ce plan les premiers sacrifiés de l'ensemble des personnels du ministère des affaires étrangères. Là encore, le palliatif consiste à recruter du personnel local rémunéré sur le titre IV, lequel subit en 1996 une diminution de 177 millions de francs.
Dans la mise en oeuvre de ce plan, 3 zones seront plus particulièrement sollicitées , chacune d'elles étant privée d'une trentaine d'emplois :
- l'Amérique latine : Alliances et centres du Mexique, de l'Argentine et du Brésil
- l'Europe et singulièrement le Portugal et l'Italie
- l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient (Egypte et Maroc).
Même s'il existe dans certaines de ces zones, notamment au Maroc, une réserve abondante d'enseignants, le prélèvement général qui a été ainsi opéré affectera nombre de nos actions culturelles dans les pays concernés.
La création par compensation de postes dans des zones prioritaires où la demande s'accroît -PECO, pays de l'ex-Indochine- est une mesure qui va dans le bon sens. Mais ces créations par compensation, risquent aussi de se heurter au mur des ressources budgétaires contraintes.
En 1995, dans le cadre de la programmation régulée du titre V, l'enveloppe globale attribuée aux instituts, centres culturels et centres culturels et de coopération linguistique s'est élevée à 193 MF, soit 174,1 MF de fonctionnement et 18,9 MF au titre des fonds d'intervention suivants :
- Fonds d'intervention pour les projets d'établissement relatifs au premier siècle du cinéma (FIPEC) : 980 000 F ;
- Fonds d'équipement et de rénovation (FER) : 5,4 MF ;
- Fonds d'équipement et de rénovation audiovisuel : 1,17 MF ;
- Fonds d'intervention pour les bibliothèques et les centres de ressources : 11,4 MF.
En 1996, l'ensemble de la dotation pour les centres, instituts et alliances sera réduit de 16,5 MF (- 6,24%).
CHAPITRE III - L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER
A. L'AGENCE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1996
La part du ministère des affaires étrangères dans la subvention accordée à l'Agence s'élèvera, pour 1996, à 1 417 778 144 F, soit une progression de 3,75 %. Cette évolution, dans le contexte de contrainte des dépenses publiques, permet de pourvoir la totalité des emplois budgétaires qui lui sont alloués.
Toutefois, la nécessité de maintenir au minimum les bourses scolaires à leur niveau de 1995 (185 millions de francs), conduira l'Agence à arbitrer à la baisse d'autres crédits, importants pour les établissements : les subventions de fonctionnement (- 7,27 %), le jury du baccalauréat (- 4,57 %) et les projets d'établissement (- 3,54 %).
En effet, 95 % de la subvention permettent d'assurer les rémunérations des enseignants. Les autres recettes de l'agence proviennent des « remontées » des établissements (environ 300 millions de francs). C'est sur cette marge essentielle que l'agence peut agir de façon autonome pour les actions d'entretien et de promotion du réseau, y compris les subventions d'investissement. Or, c'est cette marge-là qui se réduit progressivement, privant ainsi l'Agence des effets positifs qu'elle est en droit de retirer de son statut d'établissement public.
Au titre V du projet de loi de finances pour 1996, l'article 57-10 60 fait apparaître des crédits d'investissement de 30 millions de francs en autorisations de programme et 35 millions de francs en crédits de paiement (+ 10 millions de francs).
B. UN BILAN FAVORABLE À PARFAIRE
Cinq années après sa création, on est en mesure de proposer un véritable bilan de l'AEFE. Celui-ci est assez positif, et contrairement à ce que certains avaient pu craindre, aucun bouleversement de notre réseau d'établissements n'a été engendré par la mise en place de cette instance.
Des outils de gestion on été créés qui permettent la tenue du réseau sur les plans du personnel, des questions comptables et financières : équipement informatique, système de calcul des participations des établissements, agence comptable, service du budget, tableau d'emplois résidents/expatriés.
Par ailleurs, depuis un an, l'implantation d'une partie des services de l'Agence à Nantes est effective. Les services généraux et de gestion des personnels sont désormais installés sur le site de Breil IV du ministère des affaires étrangères. La direction et les autres services -finances et bourses scolaires- étant pour leur part installés au 57 boulevard des Invalides à Paris.
Pour autant, des mesures restent à prendre afin de donner sa pleine signification au principe d'un établissement public , disposant par essence d'une véritable autonomie par rapport au ministère de tutelle. Cela devrait se traduire par la constitution d'un personnel propre à l'agence. A l'heure actuelle, 58 agents sur 90 sont mis à disposition par les ministères des affaires étrangères, de la coopération et de l'Education nationale.
Le transfert à l'Agence de crédits de fonctionnement, dépendant encore des ministères de tutelle, relève de la même logique.
Enfin un retard affecte l'aménagement des textes constitutifs de l'agence et notamment le décret du 22 novembre 1990. Cet aménagement devrait concerner :
- l'ouverture accrue aux représentants des parents d'élèves et des entreprises françaises implantées à l'étranger, du conseil d'administration de l'agence
- l'intégration du budget des établissements en gestion directe dans le budget de l'agence, sans affecter l'autonomie financière desdits établissements
- l'assouplissement des conditions de recrutement d'enseignants titulaires pour les établissements qui disposent des moyens de les financer .
C. L'ÉVOLUTION DES EFFECTIFS D'ENSEIGNANTS
La part respective des enseignants expatriés et résidents connaît depuis 1992, une évolution constante : l'accroissement des résidents et la diminution corrélative du nombre d'expatriés, comme en témoigne le tableau joint :
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Expatriés |
2 109 |
2 109 |
2 104 |
2 069 |
1 988 |
1 953 |
Résidents |
3 445 |
3 445 |
3 565 |
3 575 |
3 655 |
3 690 |
Total |
5 554 |
5 554 |
5 669 |
5 644 |
5 643 |
5 643 |
Depuis 1993, l'effectif global des enseignants connaît donc une régression (- 26 postes). Cet effectif étant depuis 1995 stabilisé à 5 643.
A l'intérieur de cet effectif global, des transformations d'effectifs sont opérées depuis 1995 dans le cadre du schéma d'adaptation des réseaux. En 1995, 85 postes d'expatriés 2 ( * ) avaient été supprimés et compensés par la création de 85 postes de résidents. Pour 1996, ce mécanisme entraînera la suppression de 35 postes d'expatriés (28/7) pour 35 postes de résidents créés.
Ce mécanisme de transformations d'effectifs a le seul mérite de générer des économies importantes compte tenu du coût respectif des expatriés et des résidents, mais il est rarement favorablement perçu par les parents d'élèves puisque la qualité de l'enseignement dispensé s'en trouve évidemment affectée.
Au moins convient-il d'engager au bénéfice des résidents des actions de formation sur le terrain . Celles-ci figurent parmi les priorités de l'Agence qui envisage d'accroître de 15 % les crédits afférents à ce poste.
De surcroît, la créa tion, par compensation, de postes de résidents ne peut pas être réalisée partout. La clause des trois mois de résidence dans le pays, figurant dans le décret du 31 mai 1990, est une première barrière à franchir. Sa suppression, envisagée dans le cadre d'un aménagement du décret, constamment reporté, faciliterait candidatures et recrutements. Le risque existe certes de voir, par ce biais, se présenter de vrais-faux résidents, recrutés directement en métropole et concurrençant alors les résidents authentiques. Mais si cette transformation a ses mérites sur le plan de l'économie réalisée, elle a aussi ses limites : les effectifs d'expatriés dans l'ensemble du réseau ont atteint leur étiage. La présence d'une part importante d'expatriés traduit la volonté de l'Etat de considérer le réseau de ses établissements à l'étranger comme le relais de l'enseignement national et le nombre d'enseignants titulaires expérimentés, ayant exercé en métropole -ou ayant vocation à le faire- est significatif de cette osmose entre les deux réseaux -français et international.
Il en résulte enfin une grave injustice : les établissements riches situés dans des pays à haut niveau de vie seront en mesure de continuer à recruter des enseignants résidents dont le niveau de rémunération ne sera pas si éloigné des traitements proposés aux expatriés. Dans d'autres régions du monde en revanche, les établissements ne disposant que de faibles ressources seront placés devant un mur : fermer des classes ou recruter localement des personnels peu expérimentés.
Il serait enfin possible, à effectifs constants d'expatriés, d'envisager un redéploiement à partir de certaines zones particulièrement riches alors qu'existe à l'évidence un potentiel, un « vivier » important de résidents. C'est le cas notamment en Europe occidentale où l'on compte 402 postes d'expatriés et 1 126 postes de résidents. L'aménagement et l'actualisation de la carte scolaire demeurent donc à l'ordre du jour . Sans doute conviendrait-il à présent de raisonner davantage en termes de crédits qu'en termes de postes.
D. QUELLE POLITIQUE POUR L'AGENCE ?
Ces considérations positives que ne peut manquer de porter votre rapporteur ne lui interdisent pas, cependant, de s'interroger sur certains aspects de notre stratégie d'enseignement à l'étranger : cette réflexion permet de confirmer quelques certitudes mais aussi de s'interroger sur certaines évolutions.
Les certitudes sont bien connues : l'objectif de notre réseau est de scolariser, aussi près que possible de ce qui existe en France, les enfants français dont les parents sont appelés à travailler et vivre à l'étranger. Il est aussi d'accueillir, autant que faire se peut, les enfants « nationaux », originaires des pays où nos établissements sont implantés. C'est là un véhicule essentiel pour l'apprentissage de notre langue, de notre culture et, à terme, l'assurance de disposer de personnes dont la familiarité avec la France est un appui considérable pour notre présence économique et notre influence en général. C'est au passage la raison pour laquelle votre rapporteur ne regrette pas que le projet, un temps évoqué, de faire de l'Agence un rectorat pour l'enseignement à l'étranger n'ait finalement pas vu le jour. Non seulement ce rectorat n'aurait été, pour un aussi vaste ministère que celui de l'Education nationale, que la « cinquième roue du carrosse », mais il aurait aussi privé la DGRCST de la « fenêtre politique » -enseignants, parents d'élèves-, que constitue la gestion du réseau, ce qui est essentiel pour un ministère dont il faut bien reconnaître, pour le déplorer, que les crédits qu'il reçoit, et surtout ceux qu'il ne reçoit pas, ne mobilisent pas les foules. En revanche, toute formule pour impliquer non exclusivement, mais de façon plus importante, l'éducation nationale doit être recherchée.
Des certitudes, mais aussi des interrogations . Dans certains pays, en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, nous avons été conduits progressivement à faire de notre réseau une structure d'enseignement de substitution . En d'autres termes, les établissements français sont pris d'assaut par les nationaux ce qui dispense les responsables locaux de réfléchir à la réforme pourtant indispensable, de leurs propres systèmes éducatifs. Dans ces conditions, notre réseau permet de voir perdurer, si tant est qu'il ne les encourage pas, des inégalités flagrantes entre ceux des nationaux dont les revenus permettent d'accéder à nos établissements et la masse des autres, au sein desquels pourtant se trouve souvent la clientèle à laquelle notre réseau souhaiterait s'ouvrir en priorité.
Il faut également reconnaître que la réforme de 1990 n'a pas mis un terme à l'une des préoccupations prioritaires de nos compatriotes, à la hausse croissante des droits d'écolage . La réforme des rémunérations, qui était une nécessité tant les écarts de rémunérations étaient forts entre enseignants selon le statut dont ils relevaient, a été et demeure encore à l'origine d'une hausse des participations des établissements et donc de celle des parents d'élèves.
Une frustration durable s'est installée que l'évolution récente n'apaisera guère. En effet, une enquête menée par l'Agence, destinée à apprécier précisément l'incidence des évolutions de change sur les coûts d'écolage démontre qu'en monnaie locale, en moyenne, ceux-ci augmentent de 10 %, quand ces mêmes droits, mesurés en francs, n'évoluent qu'entre 3 et 5 %. Sur deux ans, en monnaie locale, 27 % des frais ont augmenté entre 10 et 20 % comme le récapitule le graphique ci-dessous.
Notre réseau gagnerait à ce que la politique qui le conduit soit clairement réaffirmée et en particulier les objectifs qui lui sont assignés. A cet égard, une première réponse a été donnée par M. Burkard, nouveau directeur de l'Agence, lors de la dernière session du CSFE. Notre réseau a pour vocation prioritaire la scolarisation des Français et des ressortissants des pays de l'Union européenne -que ce soit en Europe ou hors d'Europe-, l'appui aux entreprises françaises désireuses de s'implanter durablement dans un pays et enfin l'appui à la francophonie .
Avec l'Agence, le réseau est devenu plus cohérent, mieux structuré. Il reste à indiquer un cap et s'y tenir. A cet égard, la succession en cinq ans de cinq directeurs à la tête de l'Agence a peut-être contribué à perdre un temps précieux. Il faut espérer que ces bégaiements des débuts sont aujourd'hui révolus.
CHAPITRE IV - QUEL AVENIR POUR NOTRE ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE ?
Il apparaît parfois paradoxal qu'à l'heure où l'audiovisuel national s'est détaché des structures étatiques et où la pertinence d'une démarche audiovisuelle se mesure, outre à la richesse-même de ses programmes, également à la liberté qui la sépare du pouvoir politique, notre action audiovisuelle extérieure ne relève guère que de l'impulsion de quelques ministères, en priorité de celui des affaires étrangères.
A cela sans doute une bonne et une mauvaise raison :
- La « mauvaise » raison part d'un constat : les opérateurs audiovisuels français, publics ou privés, se sont longtemps désintéressés de l'audiovisuel extérieur. Leur stratégie de programme se fonde prioritairement sur la conquête d'une audience nationale, seule à même de générer à leurs yeux les ressources recherchées. Ce désintérêt perdure aujourd'hui, même si certains opérateurs commencent à percevoir l'intérêt d'une telle ouverture vers l'international (Canal Plus en particulier).
- La « bonne raison » c'est que depuis une dizaine d'années, les gouvernements successifs ont pris conscience de l'importance primordiale que représentait, pour notre action culturelle certes mais aussi pour notre influence dans le monde, la mise au point d'un réseau audiovisuel mettant à la disposition des téléspectateurs et auditeurs du monde entier, des images et des sons français, une lecture française des évolutions politique, économique et culturelle.
C'est dans ce contexte que sont nés ou que se sont développés les trois pôles de notre action audiovisuelle internationale, RFI la plus ancienne, puis TV5 et CFI, auxquels viennent désormais se greffer, le progrès technologique aidant, de nouveaux opérateurs.
A. L'ÉTAT DES LIEUX : L'ACTION TÉLÉVISUELLE EXTÉRIEURE
Sur le plan télévisuel, deux sociétés, TV 5 et Canal France international, constituent l'ossature de la démarche française.
1. La carte d'identité de TV 5 et de CFI
a) TV 5 Europe
TV 5 Europe a été créée en janvier 1984, pour regrouper 3 chaînes françaises (TF1, France 2 et France 3), la chaîne suisse SSR et la chaîne belge RTBF. En 1986, s'est adjoint TV 5 Québec Canada, diffusée depuis 1988 en Amérique du Nord. La société Satellimages qui est le support juridique de TV 5 est devenue Société anonyme en 1990. A cette occasion, aux premiers partenaires se sont ajoutés la Société financière de radiodiffusion (SOFIRAD) et l'Institut national de l'Audiovisuel (INA).
b) CFI
Celle-ci fut initialement conçue, en 1990, comme une banque de programmes audiovisuels afin de favoriser la distribution culturelle internationale par la diffusion de programmes par satellite en direction, dans un premier temps, des pays du champ.
Les programmes que CFI met à la disposition des télévisions étrangères sont libres de droits et peuvent être repris sur les réseaux nationaux. 60 % des programmes sont des reprises des chaînes françaises, le reste provenant des producteurs de cinéma et de télévision, voire des télévisions partenaires elles-mêmes.
45 télévisions étrangères ont, à ce jour, passé accord avec CFI, 25 en Afrique francophone, 9 en Europe centrale et orientale, 3 dans la péninsule indochinoise, 6 dans le pourtour méditerranéen.
En contrepartie de la mise à disposition de matériel de réception, d'enregistrement et, éventuellement de sous-titrage, ces télévisions se sont engagées à rechiffrer un certain quota d'émissions prélevées dans le catalogue de CFI.
2. Une couverture mondiale
a) TV 5
Quatre satellites permettent de diffuser TV 5 dans plus de 100 pays :
- Hot Bird 1 permet la diffusion en Europe et dans le bassin méditerranéen dans une zone recouvrant le nord du Maroc, la côte est de l'Irlande, l'Ukraine et une partie de la Turquie.
- Intelsat 702 diffuse sur l'ensemble de l'Afrique.
- Anik E 2 diffuse le signal TV 5 Québec-Canada sur l'Amérique du Nord.
- Panamsat porte le signal TV 5 Québec-Canada sur l'Amérique Latine et les Caraïbes.
b) CFI
Cinq satellites permettent à CFI de couvrir une large partie du monde (du Cap Vert aux Philippines).
- Intelsat VI sur l'Europe centrale et orientale et l'Afrique.
- Arabsat 1 C, satellite régional, sur le Proche et Moyen-Orient et les pays du Golfe.
- Intelsat VII sur l'Asie.
- Palapa B, satellite régional indonésien diffusant sur le Sud-Est asiatique et l'Australie.
- Intelsat VI permet une diffusion expérimentale en Amérique Latine.
3. Des programmes améliorés pour une audience mieux ciblée
a) TV 5
Depuis 1993, TV 5 diffuse 24 heures sur 24. La programmation initiale, essentiellement le résultat d'une juxtaposition parfois artificielle des programmes des différents partenaires, a été déjà améliorée. L'effort doit être poursuivi afin de fidéliser un public plus large.
Dans cette perspective, des accords ont été passés entre TV 5 et l'UGC d'une part et l'USPA d'autre part, afin d'augmenter la part de films ou d'émissions de fiction. TV 5 enfin s'implique directement pour produire 15 % du temps d'antenne dans le domaine de l'information et des magazines ce qui permettra de conforter, sinon de générer, une identité propre à la chaîne.
Enfin, la vocation de cette chaîne décrite comme celle de la langue française, justifie que la grille de programmes comporte plusieurs émissions liées à l'enseignement du français.
L'audience atteint un niveau respectable. En Europe, 32 millions de foyers câblés peuvent capter TV 5. Au Canada, l'opérateur TV 5 Québec-Canada a fait passer à 20 heures par jour la programmation pour une audience de 5,9 millions de foyers dont 1,8 au Québec, qui fait de TV 5 la première chaîne francophone sur tout le Canada.
Aux Etats-Unis, la diffusion quotidienne n'est que de 2 heures pour une audience évaluée à 4 millions de foyers. L'extension aux Etats-Unis est freinée par le coût très élevé des droits de diffusion. L'idée d'une chaîne payante est à l'étude, elle pourrait concerner quelque 2 millions de foyers francophones.
Si les ressources budgétaires étaient réunies, il serait possible de créer en 1996 une chaîne TV 5-USA, dont la programmation privilégierait le cinéma et le sport sous-titré en anglais.
En Amérique Latine, tous les pays peuvent recevoir TV 5, à l'exception du Mexique, pour des raisons techniques. 2,4 millions de foyers sont susceptibles de recevoir TV 5. Malheureusement, l'échec du lancement du satellite Panamsat 3 fin 1994 va retarder l'amélioration de la diffusion sur ce continent. L'aménagement de la programmation est cependant en cours : accroissement de la durée de diffusion, restructuration de la grille en fonction des fuseaux horaires et sous-titrage des films en espagnol.
En Afrique, où TV 5 a été officiellement lancée en 1992 à Dakar, TV 5 Europe, diffusé par Statsionar l'est désormais, depuis juin 1995, par Intelsat 702, plus performant. Au programme européen est insérée une programmation africaine de 2 heures hebdomadaires, grâce à l'aide de l'Agence de coopération culturelle et technique. Le développement en Afrique du système micro-ondes Microwave Multichannel Distribution Service (MMDS) qui permet une diffusion proche du câble (couverture locale, canaux nombreux, réception simple) laisse espérer une percée pour la chaîne hors des seules capitales.
En Asie, TV 5, grâce à Statsionar peut être repris, notamment au Cambodge. La montée prochaine de TV 5 sur Asiasat 2 devrait améliorer la couverture de cette zone par la mise en place d'un bouquet de chaînes attractif, aux côtés de la Deutsche Welle.
b) CFI
C'est en Afrique francophone que les émissions de CFI sont le plus utilisées (de 50 à 90 %), pour 1 200 heures environ de reprises mensuelles. Vient ensuite le Moyen-Orient avec 320 heures par mois, l'Europe de l'Est (200 heures) et l'Asie du Sud-Est (150 heures, en particulier au Vietnam et au Cambodge, avec dans ces deux pays une coopération complémentaire pour la création d'un journal télévisé quotidien).
4. Quelles perspectives pour 1996 et au-delà ?
Elles ont été tracées par le Conseil pour l'audiovisuel extérieur de la France (CAEF) du 22 avril 1994 qui avait affirmé le projet de plan d'action quinquennal d'action audiovisuelle proposée par le ministère des Affaires étrangères. L'une des orientations retenues tendait à clarifier les rôles respectifs de TV 5 et de CFI pour ensuite mieux les coordonner.
a) CFI : promouvoir l'image française
Tant dans sa fonction de banque d'images que dans le cadre de sa réception directe, CFI sera la chaîne de la promotion de l'image de la France, y compris auprès des non francophones. Ses capacités de diffusion, qui s'étoffent, seront un support privilégié à l'exportation de programmes français. Surtout, cette capacité même la conduit à développer une régionalisation de ses programmes. Après le lancement en 1945 d'un programme spécifique pour l'Europe centrale et orientale et pour l'Asie, la régionalisation concernera le Moyen-Orient et l'Amérique Latine. En 1996, la tendance sera accentuée pour que chaque zone reçoive un programme propre. Ce ciblage de l'audience, condition primordiale de son développement, CFI pourra encore ultérieurement l'affirmer en recourant au cryptage que permettent les nouvelles techniques de diffusion.
Enfin, CFI innovera par la création, dans le domaine de l'information, d'un « tout images » international en plusieurs langues sur l'ensemble du réseau. Par ailleurs, un journal international quotidien en français et anglais présentant le point de vue français sur l'actualité internationale pourrait être mis à l'antenne en 1996.
La possibilité pour CFI de créer des filiales pourrait valoriser son action. La diffusion d'une chaîne arabophone réciproquement à la diffusion de CFI dans les pays du Golfe, pourrait en être une première concrétisation.
b) TV 5
Le même Conseil pour l'audiovisuel extérieur de la France de 1994 a assigné à TV 5 les missions suivantes, confirmées et enrichies par le dernier CAEF du 23 novembre 1995 :
- valorisation de l'image de la France et défense de la langue française,
- meilleure adaptation de l'offre de programmes à la demande (plus de films et de fiction). En outre, la régionalisation de ses programmes est l'un des objectifs de TV 5 : 4 grilles seront clairement distinguées : l'une pour l'Europe, adaptée à la marge pour l'Afrique et l'Asie, une pour le Canada, une pour l'Amérique Latine, une pour les Etats-Unis,
- mise en place de bouquets de programmes thématiques (chaîne musicales, sportives et d'information).
c) Les synergies télévisuelles extérieures
La constitution de bouquets de programmes permettra leur multiplication thématique. Ainsi en Europe, MCM, Arte et Canal Horizon rejoindront sur les satellites Eutelsat 30° Est, TV 5 Euronews et Radio-France. Le canal d'Arte devrait être utilisé dans un an pour constituer un bouquet avec d'autres chaînes publiques.
En Afrique, MCM, Canal Horizon, TV 5, CFI et d'autres chaînes thématiques pourront préparer un bouquet numérique dont la diffusion s'appuiera sur le réseau MMDS micro-ondes.
Au-delà du travail de fond, c'est aussi au niveau des structures que la complémentarité se concrétise : CFI devrait entrer dans le capital de TV 5 à hauteur de 22 %, cédés par la Sofirad. Les deux opérateurs partageront désormais des locaux communs afin de dégager des économies d'échelle -accueil, standard, informatique, équipements communs-.
d) Le service public audiovisuel national à l'extérieur : France 2 et Arte
Nos sociétés nationales de télévision s'impliquent peu à peu dans le paysage télévisuel extérieur. Ainsi, depuis juin 1989, la diffusion de France 2 via le satellite Télécom 1 C puis Télécom 2 B lui permet de couvrir une vaste zone en Europe, y compris orientale, et en Afrique du Nord. En Tunisie, France 2 est diffusée depuis l'été 1985 sur le 2e réseau hertzien.
En outre, les débordements hertziens permettent la reprise intégrale des programmes de France 2 par les réseaux câblés de Belgique et de Suisse francophone ainsi que par certains réseaux de Hollande et de RFA. Présente enfin dans le bouquet de chaînes sur Télécom 2A, France Supervision (chaîne diffusée en 16/19e) émet 8 heures par jour depuis 1994 et diffuse des reprises d'émissions de France 2 et des programmes originaux -sports, spectacles, documentaires, etc ...-.
Aux Etats-Unis, la percée de France 2 a longtemps été limitée au journal de 20 heures diffusé en léger différé sur les réseaux câblés de New York, puis de Chicago. Grâce au satellite, le journal est désormais accessible sur le réseau câblé des principales métropoles nord-américaines.
Il convient enfin de signaler l'accord passé en 1993 entre France 2 et le département de l'information de l'OLP pour la mise en oeuvre d'une future télévision palestinienne.
Enfin, France 2, par l'intermédiaire de sa participation à TV 5 fournit 27 % des programmes de la chaîne francophone. France 2 est également la principale source de programmes CFI.
Par ailleurs, Arte, chaîne culturelle franco-allemande créée en 1991, a connu en 1995 quelques changements : l'extension de sa plage horaire (19 heures à 3 heures) ; le développement de sa couverture hertzienne conjointement à celle de la Cinquième qui accroît sa zone de diffusion de 20 %. Enfin, Arte est désormais installée sur Eutelsat d'où elle a vocation à former un bouquet de programmes francophones pour l'Europe et le Maghreb -autour de TV 5 avec MCM, Euronews et Canal Horizon-.
Enfin la Sept -partenaire français de Arte- fournit des programmes à CFI pour atteindre, par ce biais, l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient.
Le Conseil pour l'audiovisuel extérieur de la France a donc engagé une remise en ordre des nombreux opérateurs de l'audiovisuel extérieur qui développaient chacun, légitimement, des ambitions propres, qu'il s'agisse des types de programmes ou des zones géographiques couvertes. Il reste que ces structures audiovisuelles sont finalement modestes -si on les compare à leurs principaux concurrents britannique, américain ou allemand- en particulier sur le plan des budgets qui ne leur sont en rien comparables. La France consacre chaque année un peu plus d'un milliard de francs à l'audiovisuel extérieur, les budgets de nos concurrents atteignent le double.
Le plan audiovisuel extérieur, par bonheur relativement épargné, mais pour combien de temps, par les réductions budgétaires, est une composante primordiale de notre diplomatie culturelle, laquelle, aux yeux de votre rapporteur conditionne très largement la perception de notre pays à l'étranger. Ainsi, la reprise des essais nucléaires a pu, ici et là, ternir l'image de notre pays. Dans un tel contexte, il est clair que la présence, dans les pays les plus affectés par cette décision, de relais culturels actifs, disposant de moyens suffisants pour exercer une coopération attractive qui s'inscrit dans la durée, est absolument indispensable.
Un programme audiovisuel ambitieux s'impose dans lequel il était d'ailleurs regrettable que nos opérateurs nationaux ne s'investissent pas davantage .
B. L'ACTION RADIOPHONIQUE EXTÉRIEURE
Trois sociétés interviennent principalement dans le cadre de notre action radiophonique extérieure : RFI, la Sofirad et Radio France.
1. RFI
RFI reste le pilier de cette action extérieure ; placée au 3e rang des radiodiffuseurs internationaux, elle a diffusé en 1995 80 000 heures en langues étrangères (16 langues au total). Surtout elle conçoit et diffuse 24 h/24 le Service Mondial en français. Son taux d'écoute est estimé à 30 millions d'auditeurs, dont 65 % en Afrique et au Maghreb, le reste essentiellement en Europe de l'Est.
Son mode de diffusion privilégié demeure l'onde courte -au confort d'écoute encore aléatoire- ; toutefois les extensions récentes ont permis de développer des diffusions en FM, notamment en Afrique. La priorité était surtout de développer la diffusion FM en Amérique latine (Montevideo notamment) désormais possible grâce au satellite Panamsat. C'est en Asie-Océanie que la diffusion ondes courtes demeure le plus problématique, du fait de l'éloignement des émetteurs et d'une insuffisante couverture satellitaire. Malgré les nombreuses démarches effectuées auprès du gouvernement thaïlandais pour la construction d'un centre émetteur, celle-ci reste encore à l'état de projet. Il est à craindre qu'il soit finalement abandonné.
En fait, Phnom-Penh est la seule ville d'Asie à reprendre en FM 24 h/24, le service mondial en français.
C'est en Europe centrale et orientale que la diffusion satellitaire permet une déclinaison assez riche des modes de reprises de RFI. Ce peut être la radio bilingue (Bucarest avec Radio delta), les stations relais rediffusant de 20 à 24 h/24 le service mondial en français (Sofia, Prague et Vilnius, et récemment Sofia où sont diffusées des émissions en bulgare réalisées sur place et de l'information du service mondial en français). Enfin la diffusion prend aussi la forme de reprises ponctuelles de programmes en langues étrangères (Pologne, Roumanie et Ukraine).
2. La Sofirad
Trois sociétés filiales de la Sofirad concentrent leurs actions sur certaines zones géographiques : RMC-Moyen Orient (Somera), diffuse en ondes moyennes en français et en arabe. Avec 13 millions d'auditeurs par jour, elle vient en second rang derrière la BBC. La Somera a traversé une crise financière qui a nécessité au cours des derniers exercices le vote d'une subvention d'équilibre de 28 millions de francs de la part du ministère des Affaires étrangères.
En Europe centrale et orientale, la Sofirad intervient par sa filiale Eurinvest pour le développement de Radio Nostalgie (Russie, Moldavie, Hongrie, Roumanie).
La Sofirad intervient également aux Antilles-Caraïbes par Radio-Caraïbes international qui diffuse quotidiennement une émission, en créole et en anglais, le bulletin d'information de RFI. Par ailleurs, elle produit une émission de sensibilisation à la langue française.
3. Radio France
Celle-ci, a priori, n'a pas vocation à dépasser le cadre national mais elle est investie, de par son cahier des charges, d'une mission européenne. Elle intervient comme prestataire de programmes, notamment musicaux, à l'égard des radios de l'Est. Enfin, grâce au satellite, Radio France diffuse, sur l'Europe et le bassin méditerranéen, trois de ses programmes nationaux : France Info, France Inter et France Culture Europe.
4. Quelle politique radiophonique extérieure pour demain ?
Le dernier CAEF de novembre 1995 a décidé d'organiser, autour de RFI, le pôle radiophonique extérieur. Le nouveau plan de développement avait assigné dès 1994 à la station de nouveaux objectifs :
- régionaliser, pour l'adapter, le Service mondial en français,
- assurer une durée minimum aux différentes sections de langues étrangères pour permettre une meilleure efficacité,
- généraliser la présence de RFI sur satellites pour développer la FM dans les principales villes du monde,
- réduire les émetteurs ondes courtes (de 20 à 12) à Allouis-Issoudun ; abandonner le centre ondes courtes de Djibouti et poursuivre la négociation pour l'émetteur de Thaïlande,
- renforcer les synergies entre Radio France et RFI en matière de programmes.
C'est donc, et votre rapporteur s'en félicite, à un nouveau souffle que RFI peut prétendre. Il reposera sur une meilleure définition de l'onde courte -celle-ci, longtemps critiquée, souvent à juste titre pour l'inconfort d'écoute qu'elle génère, pourra bénéficier des nouvelles techniques numériques qui amélioreront significativement la qualité de diffusion-. Le maillage réalisé par RFI sur le monde par ce mode de diffusion n'est donc pas nécessairement voué à l'obsolescence.
RFI s'attachera à développer sa présence sur satellites au-delà des 7 qu'elle occupe actuellement.
La politique de partenariat avec des radios étrangères devra être poursuivie afin de conforter son rôle de radio de proximité, comme elle l'a déjà fait dans une vingtaine de villes africaines, une trentaine de villes européennes et une dizaine d'autres dans le reste du monde.
Enfin il faut se féliciter du rapprochement qui se dessine entre RFI et Radio France : il portera sur les programmes, les bouquets satellitaires, la formation, les correspondants communs, les locaux et les moyens techniques. RFI pourra ainsi faire une plus large place à la diffusion à l'antenne des programmes de Radio France. C'est cette direction que le dernier CAEF du 23 novembre dernier a confirmé, en faisant de RFI le pôle radiophonique extérieur, regroupant Radio-France et la SOMERA.
C. LE FINANCEMENT DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR
En 1995, le projet de loi de finances initiales prévoyait 889,9 millions de francs pour les échanges et coopérations dans le domaine audiovisuel (42-10-30), le projet de loi de finances pour 1996 est en retrait puisqu'il prévoit un total de 874,3 millions de francs (en diminution de 15,6 millions de francs). Cette réduction affecte principalement la dotation de RFI .
Pour cette troisième année du plan audiovisuel à 5 ans qui prévoit, à terme, un "plus" budgétaire de 500 MF, les mesures nouvelles s'élèveront à 44,8 millions de francs pour l'action télévisuelle extérieure : 21,4 millions de francs, destinés notamment à la régionalisation des programmes, 15,4 millions de francs pour TV 5 pour améliorer la grille de la chaîne et 8 millions de francs pour le bouquet satellitaire asiatique.
Pour chacun des trois opérateurs audiovisuels, la dotation du ministère des Affaires étrangères et leur budget total s'établit comme suit :
RFI (en MF)
1994 |
1995 |
1996 |
|
Part MAE |
465,1 3 ( * ) |
449,3 |
385,3 |
Budget total |
608,1 |
654,1 |
735,3 |
CFI (en MF)
1994 |
1995 |
1996 |
|
Part MAE |
86,2 |
111,3 |
132,7 |
Budget total |
145 |
173,3 |
200,8 |
TV 5 (en MF)
1994 |
1995 |
1996 |
|
Part MAE |
133 |
158,3 |
173,7 |
Budget total |
223,2 |
259,7 |
284,2 |
D. DES CHOIX À VENIR
Le plan quinquennal pour l'audiovisuel extérieur a le mérite de proposer une remise en cohérence de nos nombreux opérateurs : à couverture géographique comparable et partagée, à chacun son niveau d'objectifs et sa dotation budgétaire en conséquence.
Mais, dans ce domaine où les initiatives auront finalement précédé le plan d'actions coordonnées, il faut également s'interroger sur les finalités, la politique et la méthode. Il faut ainsi faire le départ entre ce qui relève d'une part de notre mission de souveraineté -consistant, à l'exemple de RFI à émettre sur la plus vaste zone possible- et la logique commerciale qui privilégie par exemple tel ou tel mode de diffusion -réseau hertzien, cryptage satellite, FM/ondes courtes-...
Ce distinguo s'applique à la diffusion mais aussi à la programmation. Un certain type de programmation -film, fictions- coûteuse en droits requiert des moyens financiers importants. Mais par son attractivité accrue, elle permet de fidéliser un public et de faire pièce à la concurrence. Les décisions prises par certains professionnels pour développer la diffusion et la distribution d'oeuvres françaises à l'étranger, quitte à réduire dans un premier temps les droits auxquels ils peuvent prétendre, sont encourageantes.
A contrario, une programmation moins sophistiquée répond au besoin exprimé par certains pays ne disposant d'aucune industrie audiovisuelle et où la concurrence ne s'exerce pas encore.
Enfin, il nous faut adopter désormais une stratégie différenciée en fonction des pays visés et plus précisément de leur niveau de solvabilité. Dans les pays solvables, ou qui le sont potentiellement -Asie, Amérique latine, mais principalement Europe centrale et orientale- la mise à disposition gratuite de programmes, en permettant le développement à faible coût d'un système audiovisuel national, se retourne à terme contre nous. Nos partenaires n'hésitent plus à se retourner vers la concurrence en acquérant, au prix du marché des produits audiovisuels américains et britanniques.
Entre logique de présence et logique d'influence, logique d'assistance ou logique commerciale, logique de la langue ou logique du message, des choix restent à faire qui conditionnent pour demain la crédibilité du paysage audiovisuel extérieur français.
Le CAEF du 23 novembre dernier a consacré cette remise en cohérence de nos structures de l'audiovisuel extérieur : un pôle radio autour de RFI, un pôle télévisuel -Télévision France International-, regroupant CFI et TV 5 et accueillant dans son capital France Télévision, la Cinquième et la Sept-Arte. L'ensemble bénéficiera de 442 MF de ressources sur la période 1994-1998.
Ce plan a le mérite d'impliquer, dans notre ambition internationale extérieure, les opérateurs nationaux que sont Radio-France et France Télévision. Une inconnue demeure concernant notre stratégie satellitaire : sera-t-il possible de faire davantage bénéficier nos opérateurs audiovisuels extérieurs de satellites européens dont on connaît les performances, tels que Eutelsat et ASTRA ?
CHAPITRE V - LA FRANCOPHONIE
Du 2 au 4 décembre prochain, les 47 Etats ayant le français en partage vont se réunir à Cotonou, capitale du Benin, pour tenir leur 5e Sommet.
Avant ce cinquième rendez-vous, la France aura procédé à un réaménagement de sa structure ministérielle pour la francophonie. Votre rapporteur salue, dans la réintégration du secrétariat d'Etat auprès du ministère des Affaires étrangères, le retour à un bercail qu'il n'aurait jamais dû quitter. La francophonie est certes affaire de culture, mais elle est aussi pour notre dimension internationale, un outil d'influence et de partenariat et, partant, relève prioritairement d'une action politique extérieure.
Cette dimension politique de la francophonie a été explicitement reconnue, au niveau multilatéral, aux Sommets de Chaillot et de Maurice. Elle s'est exprimée à plusieurs reprises, à travers des observations d'élections conduites dans le cadre du processus de démocratisation des pays d'Afrique francophone, à travers également des prises de position communes face aux crises qui ont affecté Haïti, le Rwanda, le Burundi. Certes, on peut regretter que ces prises de position ne débordent guère le cadre francophone proprement dit pour témoigner de positions partagées sur des situations qui lui sont extérieures. Ainsi, se définit aussi une approche commune à l'égard des problèmes du siècle prochain qui furent l'enjeu d'importantes et récentes conférences multilatérales : la Conférence du Caire sur la population, celle de Copenhague sur le développement social, celle de Pékin sur les femmes et sur l'Agenda des Nations Unies pour le développement.
Il reste que la cohérence des valeurs qui réunit ces 47 Etats ne trouve guère sa traduction dans une structure institutionnelle qui reste, elle, caractérisée par sa diversité, pour ne pas dire complexité ou nébuleuse.
Votre rapporteur avait, dans son dernier rapport, dressé l'inventaire des instances, nationales ou internationales, qui participent à l'action francophone. Conseils, associations, opérateurs, conférences, Agence, forums et comités, rivalisent certes d'initiatives créatrices positives, mais ne contribuent pas à donner à la famille francophone une claire visibilité. La France pourrait, il est vrai, donner l'exemple. On y dénombre cinq intervenants (secrétariat d'Etat à la Francophonie, ministère de la Coopération, Haut Conseil de la francophonie, délégation générale à la langue française, Conseil supérieur de la langue française) -avec certes des compétences et des niveaux hiérarchiques spécifiques-, pour, en clair, faire une seule chose, au demeurant essentielle, promouvoir la langue française.
On se prend à souhaiter, pour ce qui est du volet international de la francophonie, une structure plus simple dont le moindre des mérites ne serait pas de permettre une meilleure identification politique de ce que fait la communauté francophone dans le monde, sans parler d'une clarté budgétaire accrue. Une organisation internationale ne serait-elle pas de nature à relever ce pari, au sein de laquelle chacun des acteurs actuels poursuivrait sa tâche mais dans un cadre unique et clair, sous l'autorité d'un secrétaire général et le contrôle de l'Assemblée interparlementaire ?
CONCLUSION
La diplomatie culturelle a longtemps été une spécificité française. Elle le demeure sans doute mais doit désormais s'exercer avec des ressources de plus en plus mesurées et faire face à une concurrence déterminée.
Chez nos partenaires, le changement est perceptible. Il risque d'être interprété comme le signal fâcheux d'un désengagement progressif alors que la demande qui nous est adressée se développe et se diversifie.
Chacun observe que les urgences intérieures font passer au second plan ce qui fut longtemps une stratégie prioritaire à l'extérieur. Toutefois en ce domaine, il n'est pas de seconde chance et le terrain perdu ne peut-être reconquis.
EXAMEN EN COMMISSION
Votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 22 novembre 1995.
A l'issue de l'exposé de M. Guy Penne, rapporteur pour avis, un débat s'est engagé entre les commissaires.
M. Jacques Habert a déploré la baisse continue, au fil des ans, des crédits d'action culturelle. Se félicitant toutefois de la préservation de la dotation de l'AEFE, il a regretté que la création de celle-ci ait abouti à solliciter les établissements eux-mêmes et donc les parents d'élèves, affectés par la hausse des droits d'écolage. Il a souhaité qu'il soit procédé à des aménagements réglementaires afin de faciliter les recrutements d'enseignants détachés administratifs. M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a fait observer que le ministère des affaires étrangères ne disposait guère de moyens de pression pour faire en sorte que ses crédits soient préservés. Il a reconnu, avec M. Jacques Habert, que l'aménagement du décret de 1990 sur les enseignants, prenait du retard. Il a enfin estimé opportun qu'un débat de fond ait lieu sur la finalité de la politique de l'enseignement français à l'étranger et sur ses moyens.
Mme Monique Ben Guiga, constatant que le maintien des structures de notre action culturelle extérieure s'accompagnait d'une forte réduction de leurs moyens, s'est interrogée sur ce que la commission pouvait faire pour tenter d'enrayer cette évolution. Elle a d'autre part rappelé que le ministère des affaires étrangères ne concourait qu'à hauteur de 20 % de l'ensemble des crédits consacrés par la France à son action extérieure. Elle a enfin déploré l'incapacité dans laquelle se trouvait le ministère des affaires étrangères, faute de moyens, de répondre à la demande de documents d'état civil, qui concernait 5 à 6 millions de nos compatriotes.
M. Xavier de Villepin, président, a estimé que le premier souci de la commission devait être d'obtenir une présentation claire et exhaustive de l'ensemble des crédits qui concourent à l'action extérieure de la France, afin d'en permettre une remise en ordre.
M. Charles Pasqua a rappelé qu'il revenait évidemment au ministre des affaires étrangères de conduire notre politique extérieure, alors que les moyens lui faisaient cruellement défaut. Il a estimé inacceptable l'insuffisance des moyens nécessaires à la délivrance de documents administratifs. Puis, évoquant notre enseignement à l'étranger, M. Charles Pasqua a fait observer que le développement économique de la France était en partie conditionné à notre capacité à conquérir des marchés extérieurs. Or de nombreux Français hésitent à s'expatrier, en particulier à cause des inquiétudes qu'ils éprouvent quant à l'éducation de leurs enfants. Il importait donc, a-t-il conclu, que les Français expatriés ne soient pas traités différemment des autres, sur le plan de l'enseignement.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a signalé que des moyens supplémentaires étaient nécessaires, notamment au Liban où la Mission laïque française cherche à construire de nouvelles écoles dans le sud du pays. Il a également souligné les difficultés que rencontraient nos compatriotes désireux de s'expatrier.
Après que M. Guy Penne eût indiqué à M. Philippe de Gaulle les effectifs d'enfants scolarisés dans notre réseau d'enseignement à l'étranger -environ 200.000-, M. Jean Clouet a fait observer que la législation actuelle ne permettait pas aux maires de connaître la proportion d'élèves étrangers présents dans les écoles de leurs communes. Il a également souhaité connaître l'état récapitulatif des crédits de l'action de l'Etat à l'étranger. M. Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est pour sa part interrogé sur les concours financiers des collectivités locales dans ce domaine.
M. Xavier de Villepin, président, a indiqué aux commissaires que des documents existaient déjà, faisant d'une part l'inventaire des crédits concourant à l'aide au développement consentie par la France et présentant, d'autre part, les crédits de toute nature destinés à l'action extérieure. Il a rappelé l'annonce faite par le Gouvernement d'élaborer, à partir de 1996, un véritable budget de l'action extérieure de la France. Il a fait observer que les crédits d'investissement pour l'enseignement français à l'étranger ne permettaient pas de satisfaire la demande. Evoquant la nécessité soulignée par M. André Dulait de faire des choix dans notre action diplomatique compte tenu du contexte financier, M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que ceux-ci seraient difficiles, certaines régions ayant un intérêt essentiel pour notre pays, notamment le Maghreb et l'Afrique.
La commission a alors adopté l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996, Mme Monique Ben Guiga, au nom du groupe socialiste, et Mme Danielle Bidard-Reydet, au nom du groupe communiste, indépendant et citoyen, votant contre.
* 1 réduit de 900 000 francs, après adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale.
* 2 67 pour les affaires étrangères, 18 pour la coopération
* 3 moins 15 millions de francs en régulation