EXAMEN DES ARTICLES
Article 2
Financement par l'État de la reconstruction des
écoles publiques de Mayotte
À titre dérogatoire et jusqu'au 31 décembre 2027, l'article 2 autoriserait l'État ou l'un de ses établissements publics à assurer la construction, la reconstruction, la rénovation, la réhabilitation, l'extension, les grosses réparations et l'équipement des écoles publiques à Mayotte, en lieu et place des communes, après avis de celles-ci. Les dépenses résultant de la reconstruction des écoles publiques détruites lors du passage du cyclone Chido sur l'archipel seraient ainsi mises à la charge de l'État ou de l'un de ses établissements publics.
À l'Assemblée nationale, l'article 2 a été modifié afin de renforcer la prise en compte de l'avis des communes, à travers notamment l'introduction d'une procédure d'avis conforme des communes avant l'intervention de l'État. Des obligations pour encadrer les modalités de reconstruction des écoles ont également été introduites, telles que l'obligation de garantir l'accès à des points d'eau potable ou à des plateaux sportifs dans chaque école publique.
Estimant que les écoles devaient être reconstruites au plus vite pour permettre la reprise des enseignements et garantir le droit constitutionnel à l'instruction, la commission s'est montrée favorable à l'objectif poursuivi par ce dispositif, qui permettra de soutenir les communes, confrontées à une situation budgétaire difficile. Elle a par conséquent demandé à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter cet article, modifié par plusieurs amendements destinés à en améliorer la rédaction et à renforcer la souplesse de la procédure, tout en garantissant le respect des libertés locales.
1. En l'état du droit, les communes sont chargées d'assurer la construction et l'entretien des écoles publiques
1.1. Si l'éducation constitue un service public national, les collectivités territoriales disposent cependant de larges compétences en la matière
a) L'éducation est un service public national
Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'éducation, l'éducation constitue un service public national dont l'organisation et le fonctionnement sont assurés par l'État. Celui-ci dispose à ce titre de nombreuses prérogatives et est notamment chargé de :
- définir les voies de formation ;
- fixer les programmes nationaux, ainsi que l'organisation et le contenu des enseignements ;
- définir et délivrer les diplômes nationaux ;
- recruter et gérer les personnels relevant de sa responsabilité, dont il assure également la rémunération4(*) ;
- répartir les moyens qu'il consacre à l'éducation ;
- contrôler et évaluer les politiques éducatives.
b) Les différentes vagues de décentralisation ont cependant octroyé de larges compétences aux collectivités territoriales en matière d'éducation
Bien que l'État exerce un rôle central en matière d'éducation, celle-ci constitue toutefois une compétence partagée entre l'État et les collectivités territoriales.
L'article L. 211-1 du code de l'éducation précise ainsi que « l'éducation est un service public national, dont l'organisation et le fonctionnement sont assurés par l'État, sous réserve des compétences attribuées par le présent code aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public ».
La loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État a ainsi confié la charge des écoles aux communes, la charge des collèges aux départements et la charge des lycées et des établissements d'éducation spéciale5(*) aux régions. Les collectivités territoriales sont alors plus précisément chargées d'assurer la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement des locaux d'enseignement et prennent en charge les dépenses afférentes.
La décentralisation en matière éducative s'est ensuite approfondie avec « l'acte II de la décentralisation ». Les départements et les régions sont ainsi chargés, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, d'assurer l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique6(*) dans les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), et assurent depuis le recrutement et la gestion des techniciens de l'éducation nationale7(*).
1.2. Les communes, qui disposent d'une compétence de longue date en matière d'éducation, sont plus spécifiquement chargées d'assurer la construction et l'entretien des écoles publiques
a) Les communes disposent depuis le XIXe siècle d'une compétence en matière d'éducation
Avant même le premier acte de la décentralisation, les communes étaient dotées de compétences en matière d'éducation.
La loi dite « Guizot » de 18338(*) a ainsi rendu obligatoire, dans chaque commune, l'entretien d'au moins une école primaire élémentaire de garçons, ainsi que la fourniture d'un local et d'un traitement pour l'instituteur.
La loi dite « Falloux » de 18509(*) a ensuite fixé l'objectif d'au moins une école de filles dans les communes de plus de 800 habitants, avant que le législateur n'impose au moins une école publique de filles dans les communes de plus de 500 habitants en 186710(*).
La loi du 19 juillet 1889 sur les dépenses ordinaires de l'instruction primaire publique et les traitements du personnel de ce service a ensuite précisé le rôle et les dépenses prises en charge par les communes au titre de leur compétence en matière d'éducation, à savoir l'entretien des bâtiments des écoles primaires, le logement des maîtres, les frais de chauffage et de nettoyage des classes, l'acquisition et l'entretien du mobilier scolaire, etc.
b) Les communes décident aujourd'hui des créations et des implantations des écoles publiques et sont chargées d'assurer leur construction et leur entretien
En l'état du droit, les communes ont la charge des écoles publiques11(*).
À ce titre, comme prévu par les articles L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales et L. 212-1 du code de l'éducation, c'est au conseil municipal qu'il revient de décider de « la création et de l'implantation des écoles et classes élémentaires et maternelles d'enseignement public après avis du représentant de l'État dans le département ».
Les communes sont en outre propriétaires des
locaux des écoles publiques et en assurent « la
construction, la reconstruction, l'extension, les grosses
réparations, l'équipement et le fonctionnement,
à l'exception des droits dus en contrepartie de la reproduction par
reprographie à usage
pédagogique d'oeuvres
protégées12(*) ». Les dépenses résultant de
l'exercice de cette compétence font partie des
dépenses obligatoires des communes, comme le précise
l'article L. 212-5 du code de l'éducation.
Ces dispositions sont également applicables à Mayotte, comme en dispose la section 3 du chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie du code de l'éducation.
2. Le dispositif proposé : la prise en charge par l'État de la reconstruction des écoles publiques de Mayotte, à la suite du passage du cyclone Chido
2.1. L'article 2 du projet de loi vise à permettre à l'État d'assumer temporairement l'exercice de la compétence de construction et d'entretien des écoles publiques, en lieu et place des communes
Par dérogation au droit existant et jusqu'au 31 décembre 2027, l'article 2 du projet de loi, dans sa version initiale, visait à permettre à l'État (ou à l'un de ses établissements publics désigné par le ministre chargé de l'éducation nationale) d'exercer temporairement la compétence de reconstruction, rénovation, réhabilitation, d'extension, ainsi que les grosses réparations et l'équipement des écoles publiques, en lieu en place des communes.
Les dépenses liées à l'exercice dérogatoire de cette compétence seraient par conséquent supportées par l'État ou par l'établissement public, et non pas par les communes.
L'objectif de ce dispositif est double :
- en premier lieu, il vise à permettre une reconstruction rapide des écoles publiques situées dans des communes qui n'auraient pas nécessairement les capacités financières ou opérationnelles pour garantir une reconstruction dans un délai rapide ;
- en deuxième lieu, il permettrait de bénéficier d'économies d'échelle via la reconstruction concomitante de plusieurs écoles.
Cette mission serait, selon l'étude d'impact13(*), confiée à l'établissement public mentionné à l'article 1er du projet de loi.
Celui-ci pourrait intervenir dans les communes désignées par arrêté du ministre chargé de l'éducation, au regard des dégâts provoqués par le passage du cyclone Chido sur l'archipel. L'avis des communes serait préalablement recueilli, « de manière à ce que la collectivité puisse faire valoir son appréciation sur l'opportunité et les caractéristiques de l'opération envisagée14(*) ».
De même, dans un souci de respect de la libre administration des collectivités territoriales, les communes concernées seraient également consultées sur l'implantation des écoles ainsi que sur le nombre de classes qui seraient ouvertes. Comme souligné par le Conseil d'État dans son avis sur le présent projet de loi15(*), cette consultation permettra aux communes de faire valoir leur appréciation, notamment sur les conséquences des choix faits quant à leur budget ou à leurs moyens.
De plus, les biens affectés aux écoles des communes concernées seraient de plein droit mis à la disposition de l'État ou de l'établissement public, qui exercerait dès lors l'ensemble des droits et obligations du propriétaire ainsi que, en tant que de besoin, les attributions du maître d'ouvrage définies par l'article L. 2421-1 du code de la commande publique. En revanche, les communes conserveraient les droits et obligations résultant de contrats déjà conclus - sauf en cas de conclusion d'un accord avec l'État ou l'établissement public - ainsi que la charge des emprunts déjà contractés par la commune propriétaire au titre des biens mis à disposition.
Les biens seraient remis à leurs propriétaires16(*) au plus tard le 31 décembre 2027, ce qui, pour les biens nouveaux, entraînerait le transfert de la propriété des biens nouvellement construits ainsi que de l'ensemble des droits et obligations y étant attachés. L'État ou l'établissement public conserverait néanmoins les droits et obligations résultant des contrats qu'il aurait conclus, sauf accord avec la collectivité concernée.
La mission de reconstruction des écoles publiques pourrait cependant être prolongée au-delà du 31 décembre 2027, par convention entre l'État ou l'établissement public et les communes concernées, dans le cas où les opérations n'auraient pas été achevées à cette date.
2.2. Les modifications apportées à l'Assemblée nationale tendent à renforcer l'encadrement de l'intervention de l'État en matière de reconstruction des écoles publiques de Mayotte
Plusieurs amendements, adoptés lors de l'examen en commission puis en séance à l'Assemblée nationale, sont venus renforcer l'encadrement du dispositif prévu par l'article 2 du projet de loi.
D'une part, plusieurs amendements adoptés en commission et en séance ont prévu des nouvelles prescriptions pour encadrer les modalités de reconstruction des écoles publiques. Ont ainsi été ajoutées au cahier des charges :
- l'obligation de garantir l'accès à plusieurs points d'eau potable17(*) et à un point de restauration scolaire18(*) au sein des écoles publiques ;
- l'obligation de respecter la réglementation des risques naturels et d'assurer la réduction de la chaleur au sein des établissements, afin de garantir les bonnes conditions d'apprentissage des élèves19(*) ;
- l'obligation de concevoir des toitures de nature à recevoir, ultérieurement, un dispositif de production d'énergies renouvelables telles que des panneaux solaires20(*).
D'autre part, la prise en compte de l'avis des communes a été renforcée, par l'adoption en commission d'un amendement21(*) à l'initiative de la rapporteure, Estelle Youssouffa, qui tend à prévoir que les communes ne pourront être inscrites sur l'arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale, conditionnant l'intervention de l'État ou de l'établissement public, qu'après avis conforme des communes concernées.
Enfin, par l'adoption en séance d'un amendement d'Aurélie Trouvé et de plusieurs de ses collègues22(*), sous-amendé par le Gouvernement23(*), l'article 2 du projet de loi a été complété afin de prévoir que l'échéancier de remboursement des emprunts souscrits par les collectivités territoriales de Mayotte peut être renégocié avec, le cas échéant, l'assistance de l'État pour mener ces négociations.
3. La position de la commission : accepter un dispositif qui permettra de garantir le droit à l'instruction, sous réserve de modifications visant à concilier souplesse et respect des libertés locales
3.1. Un dispositif indispensable pour permettre une reprise rapide des enseignements scolaires
La commission des lois ne peut que souscrire à l'objectif du dispositif proposé, compte tenu de la situation des écoles publiques de Mayotte, avant même le passage du cyclone Chido.
Comme noté par le Conseil d'État dans son avis sur le présent projet de loi24(*), « la situation du parc immobilier scolaire était déjà extrêmement tendue avant les événements météorologiques, ne permettant pas l'accueil dans des conditions satisfaisantes de la population d'âge scolaire ». Le nombre de places disponibles dans les écoles mahoraises est en effet insuffisant pour accueillir l'ensemble des élèves, ce qui a rendu nécessaire l'instauration d'un système de rotation et la mise en place de classes itinérantes.
La situation scolaire à Mayotte
Les capacités d'accueil dans les établissements scolaires mahorais25(*) sont insuffisantes pour permettre l'accueil de l'ensemble des élèves, en raison de la forte croissance démographique que connaît l'archipel, sous l'influence des flux migratoires et du nombre de naissances, en forte hausse. Le nombre d'élèves, qui s'établissait à 63 766 dans le premier degré en 202426(*), a ainsi augmenté de plus de 17 % depuis 202027(*). Ainsi, en raison de hausse continue du nombre d'élèves scolarisés dans l'académie de Mayotte et bien que les estimations varient, il manquerait environ 300 classes28(*), en temps normal, pour accueillir l'ensemble des élèves dans les écoles primaires.
Plusieurs mécanismes ont été mis en place pour faire face à cette problématique et permettre au plus grand nombre de suivre un nombre minimal d'enseignements.
En premier lieu, un système de rotation a été mis en place dans certaines écoles primaires. Comme expliqué à la rapporteure par le ministère de l'éducation nationale, « aujourd'hui, la majorité des 221 écoles fonctionnent en rotation avec une scolarisation pour une part des élèves de 7 h à 12 h et pour une autre part de 12 h 30 à 17 h 30. (...) Dans une commune comme Koungou, deuxième commune de Mayotte en termes de population, toutes les écoles sont en rotation avec deux classes accueillies dans chaque salle et même quatre classes pour les CP et les CE1, dansle cadre des dédoublements prévus pour ces niveaux ». Ce système permet d'accueillir davantage d'élèves, même si le nombre d'heures d'enseignement est réduit.
En second lieu, a également été instauré un système de classes itinérantes, dotées chacune d'un enseignant, qui permet d'accueillir des enfants sur une partie du temps scolaire. Implantées dans une école ou dans un lieu tiers, ces classes itinérantes permettent d'accueillir des enfants n'ayant pas pu obtenir de place dans une école, au moins dix heures par semaine, en rotation. En 2021, douze classes itinérantes avaient été mises en place et avaient permis d'accueillir 1355 élèves.
En dépit de ces mécanismes, entre 6 000 et 10 000 enfants seraient déscolarisés à Mayotte29(*) faute de place dans les écoles.
La situation s'est encore aggravée avec le passage du cyclone Chido. Si aucun bilan définitif n'a encore été établi, « les premières estimations, basées sur des constats effectués dans 23 écoles, font état de destructions de plus de la moitié des surfaces dans 11 écoles, soit 47 % de cet échantillon. On peut ainsi estimer en l'état des données disponibles qu'entre un quart et la moitié des places sont vraisemblablement à reconstruire, soit 16 000 à 32 00030(*) ».
Dans ces conditions, le Conseil d'État a constaté dans son avis sur le présent projet de loi31(*) que la continuité du service public de l'éducation et le respect du droit constitutionnel à l'instruction n'étaient plus assurés. Il est donc indispensable de procéder à la reconstruction des écoles, au plus vite, afin de garantir le respect de ces principes constitutionnels.
Or, la rapporteure constate que les communes ne semblent pas, en grande majorité, en mesure de procéder à la reconstruction rapide des écoles, pour des raisons financières mais tenant également à un manque d'ingénierie. Selon le Conseil d'État, « les communes de Mayotte sont dans l'incapacité, dans les circonstances actuelles, d'y remédier avec les moyens dont elles disposent32(*) ». Dans ce contexte, l'intervention de l'État, au nom de la solidarité nationale et pour permettre une reprise la plus rapide possible des enseignements pour les élèves des écoles primaires, est apparue indispensable aux yeux des membres de la commission.
La rapporteure note de plus que le dispositif proposé est respectueux des libertés locales, dans la mesure où il ne s'agit que d'une intervention temporaire de l'État, et non d'un transfert de compétence.
3.2. Un dispositif qui doit être amélioré, pour garantir le respect des libertés locales tout en permettant une reconstruction rapide des écoles publiques de l'archipel
Si la commission des lois s'est montrée favorable au principe d'une intervention temporaire de l'État, afin d'assurer la reconstruction des écoles publiques de Mayotte, elle a toutefois adopté trois amendements, de façon à améliorer le dispositif prévu.
D'une part, par l'adoption de deux amendements COM-85 et COM-86 de la rapporteure, la commission a amélioré la rédaction de l'article 2 du projet de loi, notamment concernant les obligations relatives aux modalités de reconstruction des écoles. Elle a ainsi précisé, de manière plus concise, que l'État ou l'établissement public chargé de la reconstruction des écoles publiques devrait s'assurer du suivi des normes, notamment en matière de prévention des risques naturels, tels que le risque cyclonique, ou encore d'hygiène et de santé, et de la mise en place d'équipements adaptés aux spécificités de la situation mahoraise.
D'autre part, la commission a adopté l'amendement COM-84 de la rapporteure, afin de renforcer le respect de la libre administration des collectivités territoriales ainsi que la prise en compte de l'avis des communes mahoraises, tout en garantissant une reconstruction rapide des écoles publiques détruites par le cyclone Chido. Elle a ainsi prévu que l'État ou l'établissement public ne pourrait procéder à la reconstruction des écoles publiques de l'archipel, en lieu et place des communes, qu'à la demande des communes concernées. Ce dispositif, plus souple et plus rapide que la procédure d'avis conforme figurant dans le texte transmis au Sénat, évitera toute immixtion de l'État dans le champ des compétences communales sans que les communes l'aient expressément demandé, conciliant ainsi l'exigence d'une reconstruction rapide des écoles pour assurer le droit à l'instruction, avec le respect des libertés locales.
La rapporteure a par ailleurs souhaité attirer l'attention sur la situation des écoles privées sous contrat de Mayotte, également confrontées à des dégâts matériels considérables. Compte tenu de ces difficultés, elle a appelé le Gouvernement à prendre des mesures de soutien en faveur de ces établissements scolaires, pour permettre une reprise des enseignements.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter l'article 2 ainsi modifié.
Article
10
Habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter
les règles relatives à l'occupation ou l'expropriation d'emprises
foncières à Mayotte
L'article 10 tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter les règles en matière d'occupation temporaire ou d'expropriation définitive d'emprises foncières sur le territoire mahorais. L'objectif est de faciliter la reconstruction de l'archipel de Mayotte, caractérisé par un important désordre foncier et par des difficultés d'identification des propriétaires des emprises foncières.
Cet article a été supprimé en séance à l'Assemblée nationale, en raison du caractère insuffisamment circonscrit de l'habilitation.
Si la commission souscrit à l'objectif poursuivi par cet article, elle a demandé à la commission des affaires économiques de maintenir la suppression de l'article, et a appelé le Gouvernement à inscrire directement le dispositif prévu dans la loi, à l'occasion de l'examen en séance publique du projet de loi.
1. Les atteintes au droit de propriété, consacré au niveau constitutionnel, sont particulièrement encadrées
1.1. Le droit de propriété est doté d'une valeur constitutionnelle
Le droit de propriété est défini par le code civil comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements33(*) ».
Il fait partie, selon les termes de l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789, « des droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». L'article 17 de la DDHC précise quant à lui que la propriété est « un droit inviolable et sacré ».
La DDHC faisant partie du bloc de constitutionnalité, le droit de propriété est donc doté, depuis 197134(*), d'une valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs affirmé dans une décision de 198235(*), dans laquelle il a indiqué que « les principes même énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ».
1.2. Le droit de propriété bénéficie à ce titre d'une protection particulière, qui diffère selon la gravité de l'atteinte
Doté d'une valeur constitutionnelle, le droit de propriété bénéficie d'une protection particulière, qui diffère selon la nature de l'atteinte y étant portée, comme le rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel36(*) : « Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ».
a) Le contrôle des privations du droit de propriété
D'une part, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel précitée que l'article 17 de la DDHC est applicable en cas de privation du droit de propriété ou en cas d'atteinte telle que le sens et la portée du droit de propriété s'en trouvent dénaturés.
Dans ce cas, le Conseil constitutionnel vérifie que la loi n'autorise la privation de propriété qu'en cas de nécessité publique légalement constatée et à condition qu'une indemnisation juste et préalable soit versée37(*). Celle-ci « doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain », provoqué par la privation de propriété et la personne se voyant privée de son droit doit pouvoir disposer d'une voie de recours en cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnisation38(*).
Le régime de l'expropriation pour cause d'utilité publique
La procédure d'expropriation permet à une personne publique de contraindre un particulier ou une personne morale à céder un bien, pour réaliser par exemple des ouvrages publics ou des opérations d'aménagement.
Elle constitue une privation du droit de propriété et s'inscrit ainsi dans le cadre fixé par l'article 17 de la DDHC. Pour respecter les exigences posées par l'article précité, l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique précise que « l'expropriation (...) ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête et qu'il ait été procédé, contradictoirement, à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées. Elle donne lieu à une juste et préalable indemnité ».
La procédure s'organise ensuite en deux phases.
Une phase administrative est d'abord organisée, qui donne lieu à l'ouverture d'une enquête publique, destinée à informer le public du dossier (présentation du projet, des coûts, des objectifs, du périmètre délimitant les biens à exproprier, etc.) et à lui permettre de formuler des observations. À l'issue de l'enquête publique, si l'utilité publique du projet est démontrée39(*), le préfet prononce alors une déclaration d'utilité publique, qui donne lieu à l'ouverture d'une enquête parcellaire visant à déterminer avec précision les parcelles à exproprier et identifier les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation. La phase administrative se clôt par l'adoption d'un arrêté de cessibilité par le préfet, fixant avec précision la liste des biens à exproprier, notifié aux propriétaires concernés.
Une phase judiciaire est ensuite organisée. Cette seconde phase donne lieu au transfert de propriété et au versement d'une indemnisation, qui doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. En cas de désaccord entre la personne publique et l'exproprié sur le montant de l'indemnisation, le juge de l'expropriation peut être saisi afin de fixer une indemnité.
b) Le contrôle des atteintes à l'exercice du droit de propriété
En l'absence de privation du droit de propriété, l'article 17 de la DDHC n'est pas applicable, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans une décision de 198540(*), dans laquelle il est indiqué : « Considérant que la loi critiquée n'a ni pour objet ni pour effet d'entraîner la privation du droit de propriété ; que, dès lors, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ».
Les atteintes au droit de propriété n'entraînant pas une privation de ce droit sont donc contrôlées au regard de l'article 2 de la DDHC et peuvent être justifiées par un motif d'intérêt général, sans que le versement d'une indemnisation préalable soit nécessaire.
À titre d'exemple, le Conseil constitutionnel a par exemple considéré qu'une procédure de réquisition de logements vacants ne constituait pas une privation du droit de propriété41(*). Il a estimé qu'une telle procédure limitait, pour une période de temps déterminée, le droit d'usage des locaux réquisitionnés et qu'une telle limitation « ne saurait revêtir un caractère de gravité tel qu'elle dénature le sens et la portée du droit de propriété ». Il a donc contrôlé la procédure au regard des dispositions de l'article 2 de la DDHC et a constaté qu'elle répondait à un objectif de valeur constitutionnelle, à savoir « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent ». Compte tenu de ce motif d'intérêt général et des garanties prévues par le législateur, le Conseil constitutionnel a par conséquent estimé que la procédure prévue était conforme à la Constitution.
De même, les occupations temporaires de propriétés privées, dont le cadre juridique est fixé par la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics, ne constituent pas des privations du droit de propriété au sens de l'article 17 de la Constitution.
Les occupations temporaires de propriétés privées
La loi du 29 décembre 1982 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics prévoit que les occupations temporaires de propriétés privées sont autorisées, sur arrêté préfectoral, pour :
- permettre d'extraire ou ramasser des matériaux ;
- fouiller ou effectuer des dépôts de terre ;
- réaliser les aménagements et ouvrages provisoires nécessaires à la défense nationale et à la sûreté de la navigation aérienne, aux opérations de dépollution ou de remise en état ou aux travaux de réparation des dommages à l'environnement.
Ces occupations ne peuvent durer plus de cinq ans ; au-delà de ce délai, l'administration sera tenue de procéder à l'expropriation.
Le propriétaire du bien faisant l'objet d'une occupation temporaire perçoit de plus une indemnité, dès la fin de l'occupation temporaire.
2. Face au désordre foncier existant à Mayotte et pour faciliter la reconstruction de l'archipel, le projet de loi permettrait une adaptation des règles relatives à l'occupation et à l'expropriation d'emprises foncières
2.1. L'archipel de Mayotte est caractérisé par un important désordre foncier, qui constitue un obstacle à la réalisation de travaux d'utilité publique
a) Le désordre foncier à Mayotte
L'archipel de Mayotte est marqué par un désordre foncier, caractérisé par une carence de titrement42(*), de laquelle découlent d'importantes difficultés pour identifier formellement les propriétaires de terrains. Comme souligné par l'étude d'impact, « l'établissement d'un lien juridique certain entre un bien immobilier et une personne s'avère souvent difficile, voire impossible » et, selon le directeur général des outre-mer, Olivier Jacob, « certains se comportent comme les propriétaires apparents d'un terrain mais n'ont aucun titre [de propriété] ».
Cette situation s'explique par plusieurs facteurs, mis en lumière par la délégation sénatoriale aux outre-mer43(*) :
1° « Des situations d'indivision44(*) (...) devenues inextricables car résultant de dévolutions successorales non réglées45(*) », parfois sur plusieurs générations46(*). Ainsi, le territoire de certaines communes se trouve presque intégralement en situation d'indivision ; c'est le cas par exemple du village de Chiconi, où les trois quarts du territoire sont couverts par deux titres fonciers établis dans les années 1960 et où le nombre d'indivisaires s'élève à plusieurs milliers de personnes ;
2° Un problème de traçabilité de la propriété liée à « la coexistence de plusieurs sources de droit en matière immobilière et foncière47(*) ». Ainsi, un nombre important de transactions ont été réalisées oralement ou sous acte sous seing privé par le passé, et n'ont pas été enregistrées au livre foncier. En effet, l'archipel « reste très imprégné des règles traditionnelles héritées de coutumes africaines et du droit musulman ; la marche vers le droit civil y est laborieuse48(*) ». À titre d'exemple, le passage devant le notaire afin d'enregistrer les transactions immobilières n'est devenu obligatoire qu'au 1er janvier 2008. Des juges spécifiques à Mayotte (les « cadis ») étaient jusqu'alors chargés de rédiger les actes en matière de transactions immobilières et il revenait aux parties de procéder à l'enregistrement de celles-ci. Comme souligné par la délégation sénatoriale aux outre-mer, « certaines personnes détiennent donc au nom de leurs aïeux des titres d'origine qui n'ont jamais été retranscrits sur le livre foncier. Ces personnes ont cédé ou partagé les terrains sans traçabilité juridique formalisée49(*) » ;
3° L'existence de règles exorbitantes du droit commun au début du XXe siècle avec, par exemple, la mise en place du « régime de l'immatriculation » par le décret du 4 février 1911 portant réorganisation du régime de la propriété foncière, qui prévoyait une immatriculation obligatoire des biens, uniquement en cas d'acquisition par les étrangers de biens appartenant à la population locale50(*) ;
4° La pression migratoire, qui provoque de nombreuses occupations illicites, aggravant le désordre foncier et le phénomène de carence de titres.
b) Un obstacle à la réalisation de travaux nécessitant une déclaration d'utilité publique
Le désordre foncier observé à Mayotte constitue, comme l'a relevé le Conseil d'État dans son avis sur le présent projet de loi51(*), « un obstacle à l'engagement de travaux importants ».
Les situations d'indivision et la carence de titrement rendent en effet très complexe l'identification des propriétaires de biens immobiliers ou d'emprises foncières. Or, l'identification des propriétaires ainsi que leur indemnisation est un préalable indispensable pour procéder aux expropriations requises pour la réalisation d'un projet d'utilité publique.
Comme indiqué par la délégation sénatoriale aux outre-mer, « les indivisions et les successions ouvertes ne facilitent pas le montage foncier des opérations d'aménagement. (...) L'agence de services et de paiement (ASP) voit indéniablement dans l'indivision « un facteur bloquant pour le développement de Mayotte, essentiellement sur les parcelles de grande taille qui seraient utilisables pour des projets d'aménagement ». (...) Cette analyse est partagée par M. Ismaël Kordjee, le directeur des affaires foncières et du patrimoine, qui y voit « une cause essentielle de blocage des projets de développement ». (...) L'indivision accompagnée d'une carence de titres fait obstacle à la puissance publique lorsqu'elle souhaite procéder à une expropriation pour cause d'utilité publique et doit procéder à une indemnisation juste et préalable52(*) ».
c) Les mesures instaurées pour réduire le désordre foncier à Mayotte
Plusieurs mesures ont été mises en place afin de réduire le désordre foncier existant à Mayotte.
La convergence vers le droit commun en matière foncière a d'abord été amorcée avec l'établissement d'un cadastre en 1992.
Dans la foulée, une politique de régularisation foncière a été conduite à partir de 1996, « consistant à reconnaître l'occupation coutumière des terres et à attribuer un titre de propriété » par le Centre national pour l'aménagement des structures d'exploitation agricoles53(*).
Le régime de l'immatriculation fixé par le décret du 4 février 1911 précité a par la suite été supprimé par l'ordonnance n° 2005-870 du 28 juillet 2005 portant adaptation de diverses dispositions relatives à la propriété immobilière à Mayotte et modifiant le livre IV du code civil, rendant l'immatriculation et l'inscription des droits réels obligatoires pour tous, de même que le recours à un notaire chargé de rédiger des actes de propriété authentiques pour enregistrer par exemple les transactions immobilières.
Une commission d'urgence foncière (CUF) a également été créée par la loi dite « EROM54(*) », chargée de procéder au titrement des biens fonciers et immobiliers. Sa mission est double : elle consiste d'une part, à collecter et analyser tous les éléments propres à inventorier les biens fonciers et immobiliers dépourvus de titres de propriété ainsi que les occupants ne disposant pas de titre de propriété et, d'autre part, à établir le lien entre un bien et une personne, via la délivrance d'actes de notoriété.
Enfin, pour remédier au désordre foncier observé dans les outre-mer et notamment à Mayotte, la loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 dite « loi Letchimy » a instauré un dispositif visant à faciliter les sorties de situations d'indivision, dérogatoire du droit commun. En temps normal, sauf exception, le consentement de tous les indivisaires est requis pour permettre par exemple la vente du bien immobilier concerné ou son partage. Toutefois, compte tenu des situations d'indivision observées dans les outre-mer, la « loi Letchimy » a prévu la possibilité, pour les successions ouvertes depuis plus de dix ans, de procéder à la vente ou au partage des biens immobiliers, à l'initiative des indivisaires titulaires en pleine propriété de plus de la moitié des droits indivis (et pas à l'unanimité des indivisaires).
Si ces initiatives vont dans le bon sens, elles n'ont toutefois pas permis de résorber l'intégralité du désordre foncier existant à Mayotte.
2.2. Face au désordre foncier, le dispositif prévu par l'article 10 du projet de loi tend à faciliter les expropriations et les occupations d'emprises foncières
Le désordre foncier existant à Mayotte risque, sans adaptation des règles relatives aux expropriations, de ralentir la reconstruction de l'archipel, compte tenu de la nécessité d'identifier les propriétaires des parcelles et de les indemniser avant de pouvoir les exproprier pour procéder aux opérations nécessaires, rendue particulièrement complexe sur l'archipel. Comme souligné par l'étude d'impact, « le droit commun de l'expropriation [obérerait] de fait la capacité d'action des acteurs publics pour la reconstruction de Mayotte face à la situation particulière du territoire en matière de foncier et de propriété ».
Dans ce contexte, l'article 10 du projet de loi, dans sa version déposée par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale, habiliterait le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans les six mois suivant la promulgation du projet de loi, pour prendre des mesures relatives à l'occupation temporaire ou à l'expropriation d'emprises foncières à Mayotte, afin de faciliter la réalisation des ouvrages publics, des opérations d'aménagement, d'équipement, de démolition, de construction et de relogement ainsi que des travaux nécessaires à l'extraction des matériaux de construction indispensables à la réalisation de ces opérations (telles que les ressources minières).
Pour atteindre cet objectif, l'habilitation permettrait plus précisément au Gouvernement de prévoir, de façon temporaire :
- des adaptations ou dérogations aux règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique (notamment en matière d'identification et d'indemnisation préalable des propriétaires des emprises devant faire l'objet d'une expropriation) ;
- une occupation provisoire et réversible, contre indemnisation, d'emprises appartenant à des propriétaires privés, nécessaire à la réalisation des opérations évoquées ci-avant.
Comme l'a indiqué Manuel Valls, ministre des outre-mer, lors de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le 13 janvier 2025, l'idée serait de permettre les réquisitions et les expropriations des parcelles dont le propriétaire reste inconnu et de consigner les indemnités, dans l'attente de l'identification du propriétaire des parcelles réquisitionnées ou expropriées. L'indemnité serait effectivement versée « après la régularisation des situations, grâce à la consignation des sommes dues ». Ce dispositif « pourrait s'accompagner d'un travail de suivi, en lien avec la Commission d'urgence foncière (CUF), afin que les procédures de titrement et d'établissement d'actes de notoriété renforcée puissent être engagées en priorité sur les terrains concernés par des consignations d'indemnités d'expropriation55(*) ». Une autre option envisageable, selon les informations transmises par la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, serait de désigner « une personne chargée de représenter le propriétaire non encore identifié, afin de faire valoir ses intérêts en justice le cas échéant et de percevoir les indemnités dues en ses lieux et place ».
Ce dispositif instaurerait donc une nouvelle procédure de prise de possession anticipée, pour permettre la reconstruction de Mayotte.
2.3. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale
L'habilitation à légiférer par ordonnance prévue par l'article 10 du projet de loi a été supprimée en séance publique à l'Assemblée nationale, par l'adoption de deux amendements identiques de la commission des affaires économiques et d'Aurélien Taché et plusieurs de ses collèges56(*), en raison du caractère trop large de l'habilitation.
Celle-ci aurait en effet permis à l'État, selon Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, de procéder à des expropriations pour « réaliser des projets qui n'ont rien à voir avec l'urgence du cyclone et qui seraient autrement considérés comme illégaux ».
3. Face à la suppression du dispositif initialement proposé par le projet de loi, la commission des lois appelle le Gouvernement à inscrire directement les mesures prévues dans la loi
La commission des lois souscrit à l'objectif de l'article 10 du projet de loi. Il est en effet indispensable d'adapter les règles d'expropriation et d'occupation des biens fonciers et immobiliers, afin de permettre la réalisation des travaux d'intérêt public nécessaires à la reconstruction de Mayotte, en dépit du désordre foncier existant sur l'archipel.
Bien que favorable à cet objectif, elle a toutefois décidé de maintenir la suppression de l'article 10 du projet de loi, pour deux raisons.
D'une part, en application de l'article 38 de la Constitution, l'article 44 bis du règlement du Sénat dispose que « les amendements présentés par les sénateurs ne sont pas recevables s'ils tendent à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, à rétablir ou à étendre une telle autorisation ». Un amendement rétablissant l'article 10 initial du projet de loi serait par conséquent irrecevable et contraire à la Constitution57(*).
Par ailleurs, la rapporteure a constaté, lors des auditions conduites, que le Gouvernement avait d'ores et déjà une idée assez précise des mesures qu'il souhaitait prendre par ordonnance. La commission appelle donc le Gouvernement à inscrire directement dans la loi les adaptations ou dérogations relatives aux règles d'expropriation pour cause d'utilité publique et d'occupation temporaire d'emprises qu'il envisage. Compte tenu de l'urgence à reconstruire Mayotte, l'inscription de ces mesures directement dans le présent projet de loi apparaît nécessaire, pour permettre leur entrée en vigueur rapide.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, de maintenir la suppression de l'article 10.
Article
11
Dérogations à l'obligation de publicité et de mise
en concurrence préalables pour la passation des marchés
publics
Par dérogation aux règles de la commande publique, l'article 11 prévoit que les marchés de travaux nécessaires à la reconstruction de Mayotte et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 2 millions d'euros hors taxes, pourront être négociés sans publicité mais avec mise en en concurrence préalable. Les marchés de travaux, de fournitures et de services nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone Chido et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes, pourront quant à eux être passés sans publicité ni mise en concurrence préalables.
Cet article a été modifié substantiellement à l'Assemblée nationale, qui l'a complété par des mesures destinées à favoriser les petites entreprises mahoraises dans l'attribution des marchés publics (« small business act ») ou dans les plans de sous-traitance, ainsi que par une obligation de publication numérique de certaines données relatives aux marchés passés sans publicité préalable.
Souscrivant à ce dispositif, la commission a demandé à la commission des affaires économiques d'adopter cet article, après avoir supprimé les dispositions relatives à la publication numérique, déjà satisfaites, ainsi que les dispositions portant sur le « small business act », par coordination avec l'introduction d'un article additionnel 13 bis AA réécrivant ces dispositions.
1. Les règles encadrant la procédure de passation d'un marché public imposent en principe une publicité et une mise en concurrence préalables
1.1. La procédure de passation des marchés publics doit en principe faire l'objet d'une mesure de publicité et d'une mise en concurrence préalables
a) Les principes constitutionnels applicables à la commande publique
L'article L. 3 du code de la commande publique récapitule les différents principes devant être respectés dans les procédures de passation des marchés publics, afin d'assurer l'efficacité de la commande publique ainsi que la bonne utilisation des deniers publics. Ces principes regroupent :
- le principe d'égalité de traitement des candidats, qui implique un traitement égalitaire de tous les soumissionnaires et qui interdit toute mesure discriminatoire de nature à favoriser certains candidats ;
- le principe de libre accès à la commande publique, qui conduit à ce que tout opérateur intéressé puisse soumissionner et accéder à un marché public, dès lors qu'il remplit les conditions de participation requises ;
- le principe de transparence, qui implique que l'acheteur fasse connaître la nature de son besoin ainsi que les critères de sélection du titulaire du marché public à l'ensemble des soumissionnaires, de manière claire, précise et univoque.
Ces trois principes sont dotés d'une valeur constitutionnelle, comme le souligne régulièrement le Conseil constitutionnel. Dans une décision de 2003, celui-ci a rappelé que « les dispositions relatives à la commande publique devront respecter les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelés par l'article 1er du nouveau code des marchés publics58(*), aux termes duquel : « Les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures59(*) ».
b) Les règles découlant des principes constitutionnels applicables à la commande publique
Du respect des exigences susmentionnées découle l'application de plusieurs règles dans les procédures de passation des marchés publics. Ces règles sont applicables de plein droit à Mayotte, comme le prévoit l'article L. 1400-1 du code de la commande publique.
· L'obligation de publicité préalable
En premier lieu, les procédures de passation des marchés publics doivent faire l'objet d'une mesure de publicité préalable, via la publication d'un avis de marché public60(*), qui est une annonce publiée par l'acheteur pour informer les opérateurs économiques de sa recherche, récapitulant la nature de la mission, les critères de sélection du candidat retenu, la date limite pour déposer une offre, etc.
La publication d'un avis de marché public permet d'assurer l'égalité de traitement des soumissionnaires - qui disposent tous des mêmes informations, la transparence de la procédure et le libre accès à la commande publique, puisque tous les opérateurs économiques ont accès à l'offre et peuvent dès lors soumissionner.
Les règles de publicité varient cependant selon la nature du marché, son montant et le type d'acheteur. À titre d'exemple, concernant les marchés de travaux :
- la publicité n'est pas obligatoire pour les marchés de travaux dont le montant hors taxes estimé est inférieur à 40 000 €61(*) ;
- la publicité est libre pour les marchés de travaux d'un montant estimé compris entre 40 000 € et 100 000 € hors taxes, c'est-à-dire que l'acheteur décide du support de publicité ;
- la publicité est obligatoire pour les marchés de travaux d'un montant estimé supérieur à 100 000 € hors taxes.
· L'obligation de mise en concurrence préalable
En second lieu, la procédure de passation d'un marché public implique une mise en concurrence préalable, qui permet à l'acheteur de comparer les offres et de choisir « l'offre économiquement la plus avantageuse62(*) ». La procédure de mise en concurrence varie également en fonction du montant du marché.
Les procédures de passation des marchés publics
La procédure de gré à gré s'applique aux marchés de faible montant63(*) ainsi qu'à certains marchés dans des domaines spécifiques64(*). Ces marchés sont passés sans publicité ni mise en concurrence préalables. L'acheteur doit toutefois choisir une offre pertinente et adaptée à ses besoins, respecter le principe de bonne utilisation des derniers publics et ne pas systématiquement faire appel au même prestataire.
La procédure adaptée s'applique aux marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est comprise entre 40 000 € hors taxes et les seuils financiers fixés par la Commission européenne65(*) ainsi qu'à certains marchés spécifiques66(*). Cette procédure permet aux acheteurs de définir leurs propres règles de publicité et de mise en concurrence, dans le respect des principes généraux applicables à la commande publique.
Les procédures formalisées s'appliquent aux marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est supérieure aux seuils financiers fixés par l'Union européenne67(*). Ces marchés doivent être passés selon une procédure d'appel d'offres, une procédure avec négociation ou une procédure de dialogue compétitif.
1.2. Les dérogations aux principes de publicité et de mise en concurrence préalables
a) Les dérogations aux principes de publicité et de mise en concurrence préalables prévues par le code de la commande publique
Des dérogations à l'obligation de procéder à une publicité et une mise en concurrence préalables ont été prévues par le législateur.
Ainsi, les marchés publics peuvent être passés de gré à gré, c'est-à-dire sans publicité ni mise en concurrence préalables, dans certains cas limitativement énumérés68(*), par exemple :
- pour les marchés de faible montant, c'est-à-dire pour les marchés de fournitures ou de services répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 € hors taxes69(*) et pour les marchés de travaux répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes70(*) ;
- lorsqu'une première procédure s'est révélée infructueuse, par exemple si aucune candidature n'a été déposée71(*) ;
- en cas d'urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures, ne permettant pas à l'acheteur public de respecter les délais minimaux72(*). La jurisprudence impose à cet égard l'existence d'un événement imprévisible, d'une urgence incompatible avec les délais prévus par le droit commun et d'un lien de causalité entre cet événement et l'urgence qui en résulte73(*) ;
- lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé, pour des raisons artistiques par exemple74(*).
b) L'introduction d'une nouvelle dérogation, temporaire, au principe de publicité préalable à la suite des émeutes survenues en 2023
Les émeutes ayant eu lien entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, à la suite du décès de Nahel Merzouk lors d'un contrôle routier, ont conduit à l'introduction, par ordonnance, de plusieurs dérogations aux règles de la commande publique, afin de permettre d'engager plus rapidement les travaux de réfection et de restauration des nombreux bâtiments publics endommagés.
Une loi adoptée en urgence en juillet 202375(*) avait ainsi autorisé le Gouvernement, en son article 2, à légiférer par ordonnance pour permettre aux acheteurs publics de déroger à certaines règles de la commande publique.
L'article 1er de l'ordonnance prise sur le fondement de cette habilitation76(*) a introduit une nouvelle dérogation au principe de publicité préalable, en prévoyant que « peuvent être négociés sans publicité mais avec mise en concurrence préalable les marchés de travaux soumis au code de la commande publique nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par des dégradations ou destructions liées aux troubles à l'ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023 et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 1 500 000 d'euros hors taxes ».
Il a aussi précisé que ces dispositions étaient également applicables aux lots dont le montant est inférieur à 1 000 000 € hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
L'objectif de l'introduction de cette dérogation au principe de publicité préalable était de permettre une conclusion plus rapide des marchés de travaux nécessaires à la reconstruction des bâtiments détruits lors des émeutes. Le gain de temps alors estimé par la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances s'établissait à quatre semaines. Aucun bilan du recours à cette dérogation n'a toutefois pu être établi à ce jour.
2. Sur le modèle de la dérogation créée à la suite des émeutes survenues en 2023, le dispositif proposé introduit une dérogation aux principes de publicité et de mise en concurrence préalables
2.1. Les dérogations aux principes de publicité et de mise en concurrence préalables prévues par l'article 11 du projet de loi
a) La dérogation au principe de publicité préalable
D'une part, reprenant les dispositions de l'ordonnance de 2023 précitée, le I de l'article 11 introduit une exception au principe de publicité préalable dans le cadre de la passation d'un marché public.
Il prévoit ainsi que les marchés de travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 2 000 000 € hors taxes, pourront être négociés sans publicité mais avec mise en concurrence préalable.
Ces dispositions seraient également applicables aux lots dont le montant est inférieur à 1 000 000 € hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
b) La dérogation au principe de publicité et mise en concurrence préalables
D'autre part, le II de l'article 11 prévoit que les marchés de travaux, de fournitures et de services nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone Chido et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes, pourront être négociés sans publicité ni mise en concurrence préalables - ce qui constitue un ajout par rapport à l'ordonnance précitée.
Cette dérogation serait également applicable aux lots dont le montant est inférieur à 80 000 € hors taxes pour les marchés de services et de fournitures et à 100 000 € hors taxes pour les marchés de travaux, à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
Comme le prévoit l'article 14 du projet de loi, ces dérogations seraient applicables aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité envoyé, à compter de l'entrée en vigueur de la loi et pour une durée de 24 mois à compter de cette date.
2.2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'article 11 du projet de loi a été complété de manière substantielle durant son examen à l'Assemblée nationale.
Ainsi, lors de son examen en commission, l'article 11 a été complété par des dispositions visant à favoriser les artisans ainsi que les petites et moyennes entreprises établies à Mayotte dans l'attribution des marchés publics, à l'initiative de la rapporteure77(*).
Plusieurs modifications ont ensuite été apportées à ces dispositions lors de l'examen du projet de loi en séance.
D'une part, le champ d'application de la dérogation au principe de publicité préalable prévue par le I de l'article 11 a été restreint, pour qu'elle ne s'applique qu'aux marchés de travaux exigeant des « produits (...) issus de la production française ou européenne78(*) ».
D'autre part, l'article 11 a été complété afin de prévoir, dans un objectif de transparence79(*), que les marchés publics non soumis à publicité en application du présent article, fassent l'objet d'une publication numérique sur les sites internet de la préfecture et de l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte, lors de leur lancement et lors de la passation du contrat.
3. La position de la commission : un dispositif utile pour accélérer la reconstruction de l'archipel, qui doit cependant être modifié, notamment pour le rendre plus opérationnel
3.1. Un dispositif qui permettra d'accélérer la passation des marchés de travaux pour reconstruire Mayotte
La commission a approuvé l'introduction de dérogations aux principes de publicité et de mise en concurrence préalables prévue par l'article 11 du projet de loi.
Elle a en effet estimé que les dispositifs existants ne permettraient pas d'assurer la reconstruction de Mayotte dans des conditions de rapidité et d'efficacité suffisantes.
Tel est le cas notamment des dispositifs d'urgence prévus par les articles L. 2122-1 et R. 2122-1 du code de la commande publique. En effet, comme indiqué dans l'avis du Conseil d'État sur le présent projet de loi80(*), si ces dispositifs pourraient être mobilisés à Mayotte, « l'urgence, au sens du code de la commande publique, est d'interprétation stricte, le Conseil d'État estime, comme il l'avait fait au sujet de la loi consécutive aux violences urbaines de 2023, que les dispositifs juridiques qui existent en matière d'urgence ne permettraient sans doute pas de passer tous les marchés nécessaires à la reconstruction, ce qui justifie l'insertion de dispositions spécifiques dans le projet de loi ».
Entendue par la rapporteure, la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances a également expliqué que ces dispositifs d'urgence, « d'interprétation stricte, ne [peuvent] être mobilisés que pour des prestations strictement nécessaires pour faire face au caractère impérieux de cette urgence (réfection des voies gravement endommagées, consolidation des ouvrages menaçant de s'effondrer, actions de secours aux personnes sinistrées, rétablissement du fonctionnement des réseaux). L'ensemble des marchés relatifs à la reconstruction ou à la réfection des équipements et bâtiments publics endommagés par le cyclone Chido, ne sauraient donc être passés dans ce cadre dérogatoire ».
La commission estime donc nécessaire la création de ces deux dérogations, qui permettront d'accélérer la passation des marchés de travaux visant à reconstruire Mayotte.
La dérogation au principe de publicité préalable permettra en effet aux acheteurs d'économiser le temps de rédaction et de publication d'un avis de marché et donc de réduire la durée de la procédure et devrait raccourcir d'environ quatre semaines le délai de conclusion d'un marché public.
La dispense de publicité et de mise en concurrence permettra quant à elle, selon les informations transmises par la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances :
- un gain de temps, le délai moyen de procédure étant raccourci d'environ 4 semaines ;
- un gain financier pour les acheteurs, qui n'auront pas à supporter des coûts de procédure supérieurs aux gains attendus d'une mise en concurrence, le coût moyen d'une procédure étant estimé à 7 500 euros sans audition des candidats et à 10 500 euros avec audition des candidats ;
- un gain financier pour les entreprises, qui consacreront moins de temps aux formalités procédurales. Le coût d'une procédure pour les entreprises est estimé à 1 550 euros sans audition et à 2 880 euros avec audition et visite du site ;
- une simplification, favorisant l'accès des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) à la commande publique, dès lors que les acheteurs publics, notamment les collectivités territoriales, pourront dialoguer plus aisément avec les entreprises mahoraises, ce qui permettrait ainsi d'accroitre l'impact de la dépense publique sur le tissu économique et l'emploi local.
La commission a enfin estimé que le dispositif présentait un caractère proportionné, compte tenu de son champ d'application circonscrit aux seuls marchés publics nécessaires à la reconstruction et la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido, sur le territoire de Mayotte, et de sa durée d'application, fixée à 24 mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
3.2. Un dispositif qui doit être modifié pour le rendre plus opérationnel
Si elle souscrit aux deux dérogations aux règles de la commande publique créées par le présent article, la commission a néanmoins estimé nécessaire de rendre le dispositif plus opérationnel, en revenant sur certaines modifications apportées par l'Assemblée nationale.
Ainsi, par l'adoption d'un amendement COM-88 de la rapporteure, la condition selon laquelle la dérogation au principe de publicité préalable ne serait applicable qu'aux marchés de travaux pour lesquels les produits seraient issus de la production française ou européenne a été supprimée.
Selon la rapporteure, cette condition risquait de renchérir le prix des offres présentées par les soumissionnaires, dans le cas où les produits devraient être acheminés depuis l'Union européenne par exemple. Elle pourrait en outre décourager certaines entreprises de présenter une offre, si leurs fournisseurs ne sont pas français ou européens, puisqu'elles ne seraient pas éligibles à la procédure de passation des marchés de travaux sans publicité préalable.
Le risque est donc de ralentir voire d'empêcher la passation de certains marchés de travaux indispensables à la reconstruction de Mayotte.
Par ailleurs, à l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-89 tendant à supprimer l'obligation de procéder à une publication numérique sur les sites internet de la préfecture et de l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte, pour les marchés publics passés sans publicité préalable. Ce dispositif est en effet déjà satisfait par le droit en vigueur, puisque l'article R. 2196-1 du code de la commande publique prévoit la publication, par l'acheteur, sur le portail national de données ouvertes, des données essentielles des marchés publics. Ces données portent notamment sur la procédure de passation du marché, sur le contenu du contrat ou encore sur l'exécution du contrat.
La commission a enfin adopté un amendement COM-87 procédant à plusieurs mesures de coordination et supprimant les dispositions visant à favoriser les petites et moyennes entreprises locales dans l'attribution des marchés publics, compte tenu de la création d'un article additionnel dédié - l'article 13 bis AA - à ce dispositif et procédant à sa réécriture.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter l'article 11 ainsi modifié.
Article
12
Dérogation au principe d'allotissement des marchés
publics
Reprenant une mesure instaurée à la suite des émeutes intervenues entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, à la suite du décès de Nahel Merzouk, l'article 12 du projet de loi introduit une dérogation au principe d'allotissement des marchés publics, en prévoyant que les marchés publics passés dans le cadre de la reconstruction de Mayotte, suite au passage du cyclone Chido, pourront faire l'objet d'un marché unique.
Supprimé initialement lors de l'examen en commission à l'Assemblée nationale, l'article 12 a ensuite été réintroduit en séance publique, et complété par des dispositions visant à favoriser les petites entreprises mahoraises dans les procédures de passation des marchés publics.
La commission a demandé à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter cet article, après avoir procédé à des mesures de coordination, notamment pour tenir compte de la création d'un article 13 bis AA, dédié au « small business act ».
1. Les marchés publics obéissent normalement au principe de l'allotissement
1.1. Le principe d'allotissement des marchés publics
Le principe d'allotissement des marchés publics impose que ces derniers soient constitués de plusieurs sous-ensembles appelés « lots » et soient « passés en lots séparés », comme le prévoit l'article L. 2113-10 du code de la commande publique. Il s'applique à l'ensemble des marchés publics, qu'il s'agisse de marchés passés selon une procédure adaptée ou de marchés passés selon une procédure formalisée.
Il revient à l'acheteur de déterminer le nombre, la taille et l'objet des lots, qui peut également limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre, ou le nombre de lots pouvant être attribués à un même acteur économique, afin par exemple de « préserver la concurrence ou d'assurer la fiabilité de l'approvisionnement81(*) ».
Concrètement, à titre d'exemple, pour la construction d'un bâtiment, le marché public doit, en vertu de ce principe, comporter plusieurs lots qui peuvent être : (1) l'électricité, (2) les fenêtres, (3) l'isolation, (4) la maçonnerie et (5) la peinture.
L'objectif de ce principe est de favoriser la concurrence entre les entreprises et de leur permettre, quelle que soit leur taille, d'accéder à la commande publique.
1.2. Les exceptions au principe d'allotissement des marchés publics
Le principe d'allotissement comporte des exceptions limitées, prévues par le code de la commande publique. Ainsi, il ne s'applique pas :
- aux marchés globaux82(*), qui rassemblent les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance et les marchés globaux sectoriels ;
- aux marchés de défense et de sécurité, pour lesquels l'allotissement est facultatif83(*) ;
- si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes84(*) ;
- si l'acheteur décide de ne pas allotir un marché, soit parce qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination, soit car la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations85(*) ;
- lorsque la dévolution en lots séparés risque de conduire à une procédure infructueuse86(*).
1.3. La dérogation au principe d'allotissement introduite à la suite des émeutes intervenues du 27 juin au 5 juillet 2023
Les émeutes intervenues du 27 juin au 5 juillet 2023, à la suite du décès de Nahel Merzouk lors d'un contrôle routier, ont conduit à l'introduction, par ordonnance, de plusieurs dérogations aux règles de la commande publique, afin d'engager plus rapidement les travaux de réfection et de restauration des nombreux bâtiments publics endommagés.
L'article 2 de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 avait en effet habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour permettre aux acheteurs publics de déroger à certaines règles de la commande publique.
Prise sur le fondement de cette habilitation, l'ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 prévoyait ainsi, en son article 2, de façon temporaire, que, « par dérogation aux dispositions des articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique, les marchés nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments [affectés par des dégradations ou destructions liées aux troubles à l'ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023] p[ouvaient] faire l'objet d'un marché unique ».
L'objectif de l'introduction de cette dérogation était de permettre de conclure plus rapidement les marchés publics nécessaires à la reconstruction des bâtiments détruits lors des émeutes. La direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances avait à l'époque estimé le gain de temps, pour l'acheteur public, permis par la dérogation au principe de l'allotissement des marchés publics, à quatre mois environ.
Peu d'acheteurs publics ont toutefois utilisé cette possibilité, comme l'a récemment mis en lumière la commission des lois du Sénat87(*), ce qui n'a pas permis l'établissement d'un bilan de la mise en oeuvre effective de cette dérogation.
2. L'introduction d'une nouvelle dérogation au principe d'allotissement des marchés publics pour remédier aux conséquences du cyclone Chido
2.1. Le dispositif proposé prévoit la possibilité de déroger au principe de l'allotissement des marchés publics pour faire face aux conséquences du cyclone Chido
Reprenant le dispositif introduit à la suite des émeutes intervenues du 27 juin au 5 juillet 2023, l'article 12 du projet de loi institue une nouvelle dérogation au principe d'allotissement des marchés publics. Il prévoit ainsi que, par dérogation aux articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique, les marchés publics nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone Chido pourront faire l'objet d'un marché unique, sans limitation de montant.
Comme le prévoit l'article 14 du projet de loi, cette possibilité serait applicable aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité envoyé, à compter de l'entrée en vigueur de la loi et pour une durée de 24 mois à compter de cette date.
L'objectif de cette dérogation est de passer plus rapidement les marchés publics, en évitant la multiplication des appels d'offres, afin d'engager plus rapidement la reconstruction et la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido.
2.2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
Initialement supprimé durant son examen en commission, l'article 12 du projet de loi a été rétabli en séance par un amendement de la rapporteure Estelle Youssouffa88(*).
Il a en outre été complété, par le même amendement, par des dispositions visant à favoriser les artisans ainsi que les petites et moyennes entreprises établies à Mayotte dans l'attribution des marchés publics, qui seront décrites ci-après89(*).
3. La position de la commission : approuver un dispositif qui permettra d'accélérer la passation des marchés publics indispensables à la reconstruction de Mayotte
La commission a pleinement approuvé le principe de l'introduction d'une dérogation à l'obligation d'allotir les marchés publics, afin de permettre d'enclencher les travaux de reconstruction de Mayotte le plus rapidement possible.
Comme indiqué à la rapporteure par la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances, « il est certain que la possibilité de déroger au principe d'allotissement des marchés publics permet d'accélérer la procédure d'attribution de ces contrats et de simplifier leur exécution. En effet, d'une part, les acheteurs seront dispensés de s'interroger sur le nombre et la consistance des lots susceptibles d'être attribués à des entreprises différentes, de rédiger autant de cahiers des charges que de lots et d'analyser les offres lot par lot. D'autre part, le suivi de l'exécution des prestations sera facilité du fait que l'acheteur aura un interlocuteur unique et les difficultés liées à la multiplicité des intervenants sur les chantiers seront considérablement réduites ».
Le dispositif apparaît en outre proportionné, compte tenu :
- de son champ d'application matériel, limité aux seuls marchés publics nécessaires à la reconstruction et la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido ;
- de son champ d'application géographique, restreint au seul territoire de Mayotte ;
- de sa durée d'application, fixée à 24 mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
Favorable à ce dispositif, la commission n'a par conséquent adopté qu'un unique amendement COM-90, à l'initiative de la rapporteure, visant à supprimer les dispositions visant à favoriser les petites entreprises mahoraises dans l'attribution des marchés publics, par coordination avec l'introduction d'un article additionnel (article 13 bis AA) réécrivant ces dispositions.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter l'article 12 ainsi modifié.
Article
13
Possibilité de recourir aux marchés de
conception-réalisation
L'article 13 prévoit la possibilité, pour les acheteurs, de recourir aux marchés de conception-réalisation pour la reconstruction et la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido, même lorsque les conditions prévues par le droit commun ne sont pas remplies.
Durant son examen à l'Assemblée nationale, l'article 13 a été complété par un dispositif visant à favoriser les petites entreprises mahoraises dans les procédures de passation des marchés publics.
La commission a demandé à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter cet article, après avoir procédé à une mesure de coordination, pour tirer les conséquences de l'introduction d'un article 13 bis AA spécifique au « small business act ».
1. Les marchés de conception-réalisation constituent une dérogation au principe de dissociation des missions de maîtrise d'oeuvre et d'entrepreneur de travaux
1.1. Le principe de non-cumul des missions de maîtrise d'oeuvre et d'entrepreneur de travaux découle de l'obligation d'allotir les marchés publics
Pour les maîtres d'ouvrage énumérés à l'article L. 2411-1 du code de la commande publique90(*), le droit de la commande publique interdit, en principe, le cumul des missions de maîtrise d'oeuvre et d'entrepreneur de travaux, dans le cadre d'un marché public de maîtrise d'oeuvre conclus avec un opérateur économique de droit privé.
Ce principe résulte de l'article L. 2431-1 du code précité, qui dispose que « la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux ». Il constitue un cas d'application du principe d'allotissement des marchés publics, qui rend obligatoire la constitution de lots séparés.
Concrètement, un maître d'ouvrage figurant sur la liste fixée par l'article L. 2411-1 du même code se voit dans l'obligation de passer deux marchés de travaux afin de confier les missions de maîtrise d'oeuvre et d'exécution des travaux à deux acteurs économiques différents.
Les notions de maîtrise d'ouvrage, de maîtrise d'oeuvre et d'entrepreneur dans le droit de la commande publique
Un ouvrage correspond au résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil, destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique.91(*)
Les maîtres d'ouvrage sont les responsables principaux de l'ouvrage et sont chargés à ce titre, entre autres, de s'assurer de la faisabilité et de l'opportunité d'une opération, de déterminer sa localisation, de financer l'opération ou encore de conclure les marchés publics ayant pour objet les études et l'exécution des travaux de l'opération92(*).
Les maîtres d'oeuvre assurent une mission de conception, et sont chargés de réaliser des études pour apporter une réponse (architecturale, technique et économique) au programme défini par le maître d'ouvrage pour réaliser une opération93(*). Plus précisément, la mission de maîtrise d'oeuvre peut comprendre la réalisation des études de projets, l'assistance au maître d'ouvrage pour la passation des marchés de travaux, la direction de l'exécution des marchés de travaux ou encore le pilotage et la coordination du chantier94(*).
Enfin, l'entrepreneur est celui chargé de réaliser les travaux et est aussi appelé « opérateur économique chargé des travaux ».
1.2. Les marchés de conception-réalisation dérogent au principe de dissociation des missions de maître d'oeuvre et d'entrepreneur
Par dérogation à l'article L. 2431-1 du code de la commande publique, les marchés de conception-réalisation, qui font partie des marchés globaux dérogeant au principe de l'allotissement, sont des marchés de travaux qui permettent à l'acheteur de confier à un acteur économique une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux95(*).
Les acheteurs énumérés à l'article L. 2411-1 du code précité ne peuvent conclure un marché de conception-réalisation que dans les cas suivants :
- si des motifs d'ordre technique rendent nécessaires l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage96(*), étant précisé que cette formule ne permet par le recours à ce type de contrat en cas d'urgence97(*) ;
- si un engagement contractuel portant sur l'amélioration de l'efficacité énergétique ou la construction d'un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rend nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage98(*) ;
- si le maître d'ouvrage est un organisme d'habitations à loyer modéré mentionné à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ou une société d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux et que le marché porte sur la réalisation de logements locatifs aidés par l'État, financés avec le concours des aides publiques mentionnées au 1° de l'article L. 301-2 du code de la construction et de l'habitation99(*) ;
- pour certains ouvrages particuliers tels que les ouvrages de bâtiment ou d'infrastructure destinés à une activité industrielle dont la conception est déterminée par le processus d'exploitation100(*).
1.3. Une possibilité supplémentaire de recours au marché de conception-réalisation a été introduite à la suite des émeutes intervenues entre le 27 juin et le 5 juillet 2023
Les émeutes intervenues du 27 juin au 5 juillet 2023 ont entraîné la mise en place, par ordonnance, de plusieurs dérogations aux règles de la commande publique, sur le fondement de l'habilitation délivrée par l'article 2 de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.
Prise sur le fondement de cette habilitation, l'ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023, déjà évoquée supra, autorisait les acheteurs, en son article 3, à « confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l'aménagement des équipements publics et des bâtiments » affectés par des dégradations ou destructions liées aux troubles à l'ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023.
Comme pour les autres dispositifs introduits par cette ordonnance, l'objectif de ces dispositions était d'accélérer la conclusion des marchés publics nécessaires à la reconstruction des bâtiments détruits lors des émeutes, en évitant la multiplication des procédures de passation de marchés publics.
2. La création d'une nouvelle possibilité de recours au marché de conception-réalisation par l'article 13 du projet de loi
Reprenant le dispositif entré en vigueur à la suite des émeutes de juillet 2023, l'article 13 du projet de loi, dans sa version initiale, prévoit la possibilité, pour les acheteurs, de confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l'aménagement des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido, y compris si les conditions prévues par l'article L. 2171-2 du code de la commande publique ne sont pas réunies, ouvrant ce faisant une nouvelle possibilité de recours aux marchés de conception-réalisation.
Comme pour les dérogations précédentes, l'objectif est d'accélérer les procédures de passation des marchés publics, pour permettre d'entamer plus rapidement la reconstruction des bâtiments détruits lors du passage du cyclone Chido.
Conformément à l'article 14 du projet de loi, cette possibilité serait applicable aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité envoyé, à compter de l'entrée en vigueur de la loi et pour une durée de 24 mois à compter de cette date.
Durant son examen en commission à l'Assemblée nationale, l'article 13 a été complété à l'initiative de la rapporteure101(*), pour permettre de favoriser les artisans ainsi que les petites et moyennes entreprises établies à Mayotte dans l'attribution des marchés publics.
3. La position de la commission : accepter un dispositif qui permettra d'entamer plus vite la reconstruction de Mayotte
La commission a accueilli favorablement la création d'une nouvelle voie de recours aux marchés de conception-réalisation, considérant que ce dispositif permettrait d'entamer plus vite l'exécution des travaux de reconstruction, notamment concernant les opérations de grande ampleur, telles que la reconstruction des bâtiments et infrastructures nécessaires au fonctionnement des services publics (établissements scolaires, routes, réseaux électriques, transport interurbain, traitement des déchets, distribution d'eau et assainissement...).
En effet, selon la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances, le recours à un marché de conception-réalisation offrirait un gain de temps estimé en moyenne à quatre semaines.
De plus, comme indiqué dans la contribution écrite transmise à la rapporteure, « le recours aux marchés globaux permet de faciliter la coordination des travaux et renforce l'efficacité globale de la commande publique. En effet, en permettant aux acheteurs publics de confier à un même opérateur économique à la fois les études préalables et la réalisation de l'ouvrage et donc d'associer les entrepreneurs à la conception du bâtiment, ce type de montage permet de créer un processus itératif entre les études de conception et les contraintes de réalisation et une meilleure intégration du processus productif dans la conception de l'ouvrage. En outre l'engagement contractuel du titulaire102(*) sur les coûts et les délais de réalisation sont de nature à garantir une meilleure anticipation budgétaire et une plus grande sécurité pour l'acheteur public qui s'assure plus tôt de la compatibilité entre l'estimation financière initiale (estimation du maître d'ouvrage) et la réalité économique du projet (montant du marché de travaux) ».
Compte tenu des avantages de ce dispositif et de son caractère proportionné, la commission n'a adopté qu'un seul amendement COM-91 de la rapporteure, afin de supprimer les dispositions tendant à favoriser les petites entreprises locales dans l'attribution des marchés publics, par coordination avec l'introduction d'un article additionnel rassemblant les dispositions en lien avec ce sujet et procédant à leur réécriture.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter l'article 13 ainsi modifié.
Article 13 bis AA
(nouveau)
Favorisation des petites entreprises locales dans l'attribution
des marchés publics conclus pour assurer la reconstruction de
Mayotte
Introduit à l'initiative de la rapporteure, l'article 13 bis AA vise à favoriser les entreprises locales dans l'attribution des marchés publics conclus pour assurer la reconstruction de Mayotte.
À cet effet, il introduit d'une part un dispositif permettant aux acheteurs de réserver, à titre facultatif, jusqu'à 30 % du montant estimé de certains marchés passés pour reconstruire Mayotte aux micro-entreprises, PME et artisans locaux (« small business act »).
D'autre part, il impose aux soumissionnaires la présentation d'un plan de sous-traitance formalisant les modalités de sous-traitance aux petites entreprises locales. Dans le cas où le titulaire d'un marché ne serait pas lui-même une micro-entreprise, une PME ou un artisan local, il aurait de plus l'obligation de confier, directement ou indirectement, 30 % du montant estimé du marché à de telles entreprises.
La commission a demandé à la commission des affaires économiques d'adopter cet article, souscrivant pleinement à l'objectif de favoriser les TPE-PME locales dans les procédures de passation des marchés publics, sans que ce dispositif constitue une obligation, qui serait alors susceptible de ralentir la passation des marchés indispensables à la reconstruction de Mayotte.
1. Les principes constitutionnels et européens applicables à la commande publique interdisent en principe toute mesure de préférence locale ou visant à favoriser les petites entreprises
1.1. Les principes de libre accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats s'opposent en principe à la réservation de marchés publics à des entreprises locales ou à des petites entreprises
a) Les principes constitutionnels et européens applicables à la commande publique
Aux termes de l'article L. 3 du code de la commande publique, les acheteurs doivent respecter trois principes fondamentaux, à savoir : le principe d'égalité de traitement des candidats, le principe de libre accès à la commande publique, et le principe de transparence.
Comme indiqué précédemment, ces trois principes sont dotés d'une valeur constitutionnelle, comme souligné à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel103(*).
Concernant le droit de l'Union européenne104(*), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) précise que « la passation de marchés conclus dans les États membres pour le compte de l'État, des collectivités territoriales et d'autres organismes de droit public doit respecter les principes du traité, notamment les principes de la libre circulation des marchandises, de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services, ainsi que les principes qui en découlent, comme l'égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence105(*) ».
Plus particulièrement, les acheteurs publics doivent traiter « les opérateurs économiques sur un pied d'égalité et sans discrimination et [agir] d'une manière transparente et proportionnée »106(*).
b) L'incompatibilité de principe entre des mesures de préférence locale ou visant à favoriser les petites entreprises et les principes fondamentaux de la commande publique
· L'impossibilité de mettre en place des mesures de préférence locale en matière de commande publique
Les principes fondamentaux de la commande publique s'opposent par nature à ce que des marchés publics soient réservés à des petites entreprises locales.
Ainsi, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a estimé en 1992 que le fait de réserver « une partie des travaux aux seuls sous-traitants ayant leur siège social dans la région où les travaux sont exécutifs constitue une discrimination à l'encontre des entreprises établies » en dehors de cette région107(*).
Plus récemment, la CJUE a jugé qu'une « exigence de localisation géographique » avait pour effet d'exclure automatiquement les soumissionnaires ne se situant pas dans la localisation exigée, alors même qu'ils « remplissent éventuellement les autres conditions établies dans les cahiers des charges et les spécifications techniques des marchés considérés ». Elle a par conséquent jugé que cette exigence n'assurait pas un accès égal et non discriminatoire de tous les soumissionnaires au marché public en cause et que cette exigence était par conséquent contraire au droit de l'Union européenne108(*).
· L'impossibilité, sauf exception, de mettre en place des mesures en faveur des PME en matière de marchés publics
De même, les principes constitutionnels et le droit de l'Union européenne, s'opposent en principe à ce que les TPE-PME soient favorisées dans l'attribution des marchés publics.
Ainsi, le Conseil d'État a jugé en 2007 que la fixation d'un nombre minimal de PME admises à présenter une offre conduit « nécessairement à faire de la taille des entreprises un critère de sélection des candidatures ; qu'un tel critère (...) revêt un caractère discriminatoire et méconnaît le principe d'égal accès à la commande publique109(*) ».
Les directives européennes n'admettent quant à elles que dans deux hypothèses très limitées un accès privilégié à la commande publique au profit des opérateurs économiques qui emploient des travailleurs handicapés ou défavorisés110(*) et au profit des entreprises de l'économie sociale et solidaire, afin de promouvoir l'égalité des chances pour tous et contribuer à l'insertion des publics en difficulté dans la société.
Le droit de l'Union européenne encourage en revanche l'adaptation de la passation des marchés publics aux besoins des PME, en suivant notamment les bonnes pratiques présentées « dans le document de travail de la Commission du 25 juin 2008 intitulé « Code européen des bonnes pratiques facilitant l'accès des PME aux marchés publics », qui fournit des orientations sur la manière dont ils peuvent appliquer le cadre régissant les marchés publics en vue de faciliter la participation des PME. À cet effet, et afin de renforcer la concurrence, les pouvoirs adjudicateurs devraient en particulier être encouragés à diviser en lots les marchés importants111(*) ».
Ainsi, si le droit de l'Union européenne et les principes constitutionnels s'opposent en principe à la mise en place de mesures de préférence locale ou réservant l'attribution de marchés publics aux PME, les mesures tendant à favoriser l'accès des PME à la commande publique sont en revanche encouragées. Tel est par exemple le cas du principe d'allotissement des marchés publics ou encore du recours croissant à des clauses et des critères environnementaux112(*), qui apparaissent « favorables à l'attribution d'un marché à une PME »113(*).
1.2. Des mesures de préférence locale ou en faveur des PME peuvent toutefois être admises, dans certains cas très précis
a) La décision « MURCEF » du Conseil constitutionnel
Les marchés publics répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure aux seuils définis par l'Union européenne, à partir desquels le droit de l'Union européenne relatif aux marchés publics est applicable, doivent toujours respecter les principes découlant de l'article L. 3 du code de la commande publique et dotés d'une valeur constitutionnelle.
Toutefois, le Conseil constitutionnel a précisé, lors de l'examen de la constitutionnalité de la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF), que « le législateur peut, dans le but de concilier l'efficacité de la commande publique et l'égalité de traitement entre les candidats avec d'autres objectifs d'intérêt général inspirés notamment par des préoccupations sociales, prévoir un droit de préférence, à égalité de prix ou à équivalence d'offres, en faveur de certaines catégories de candidats ; que, s'il lui est également loisible, dans le même but, de réserver l'attribution d'une partie de certains marchés à des catégories d'organismes précisément déterminées, il ne saurait le faire que pour une part réduite, pour des prestations définies et dans la mesure strictement nécessaire à la satisfaction des objectifs d'intérêt général ainsi poursuivis »114(*).
Le Conseil Constitutionnel a ainsi admis que, pour une part réduite, pour des prestations bien définies et dans la mesure strictement nécessaire à la poursuite de l'objectif d'intérêt général visé, certains marchés publics puissent faire l'objet de réservations.
b) L'exemple du « small business act » en faveur de certains territoires ultramarins
Illustrant cette possibilité, afin de favoriser l'accès des entreprises locales à la commande publique, l'article 73 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017115(*), dite « EROM », a octroyé, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, la faculté aux pouvoirs adjudicateurs, aux entités adjudicatrices et aux acheteurs publics de certains territoires ultramarins de réserver jusqu'à un tiers de leurs marchés aux PME116(*) locales.
Ayant pris fin le 31 mars 2023, ce dispositif bénéficiait aux collectivités territoriales régies par l'article 73 de la Constitution ainsi qu'à trois des cinq collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin). Le dispositif s'appliquait également aux marchés passés par les services et établissements publics de l'État en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
Très encadré, le dispositif prévoyait que le montant total des marchés conclus au cours d'une année ne pouvait excéder 15 % « du montant annuel moyen des marchés du secteur économique concerné conclus par le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice concernés au cours des trois années précédentes ».
Était en outre prévue l'obligation pour les soumissionnaires des marchés d'une valeur supérieure à 500 000 euros hors taxes, de présenter un plan de sous-traitance aux PME locales117(*).
Le champ de ce dispositif était donc très circonscrit en ce qu'il présentait un caractère expérimental et s'appliquait uniquement aux marchés publics passés dans les territoires ultramarins. Il était en outre très encadré et poursuivait un but d'intérêt général, à savoir favoriser le développement des entreprises locales et par conséquent, l'emploi dans les territoires ultramarins.
2. Le dispositif proposé : favoriser les artisans, les micro-entreprises et les PME dans l'attribution des marchés publics conclus pour assurer la reconstruction de Mayotte
Par l'adoption d'un amendement COM-92 de la rapporteure, la commission a prévu un dispositif complet de « small business act », juridiquement plus précis et se substituant aux dispositifs prévus aux articles 11 à 13 bis A et à l'article 14 bis.
2.1. L'introduction de mesures destinées à favoriser les petites entreprises locales dans l'attribution de certains marchés nécessaires à la reconstruction de Mayotte
D'une part, le I de l'article 13 bis AA du projet de loi offre d'une part la faculté aux acheteurs publics de réserver jusqu'à 30 % du montant estimé des marchés passés dans les conditions prévues à l'article 11 aux micro-entreprises et aux PME au sens de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et aux artisans répondant aux critères prévus aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l'artisanat118(*), dont le siège social était établi dans le département de Mayotte au 13 décembre 2024.
Ce dispositif ne serait applicable qu'aux marchés passés dans les conditions prévues par l'article 11 du projet de loi, c'est-à-dire aux marchés bénéficiant des dispenses de publicité préalable ou des dispenses de publicité et de mise en concurrence préalables et d'un montant inférieur aux seuils fixés par l'Union européenne. Les marchés concernés ne sont donc pas régis par le droit de l'Union européenne applicable en matière de commande publique.
Les exigences posées par le Conseil constitutionnel et le droit de l'Union européenne sont remplies en l'espèce. Les marchés concernés ne font l'objet d'une réservation que pour une part réduite, pour des prestations bien définies et dans la mesure strictement nécessaire à la poursuite de l'objectif d'intérêt général. En effet, le dispositif ne concerne que les marchés publics strictement nécessaires à la reconstruction de Mayotte, et seul 30 % du montant estimé des marchés pourrait être réservé aux petites entreprises au maximum. Il poursuit en outre un motif d'intérêt général, à savoir relancer l'activité économique des petites entreprises et des artisans de Mayotte et soutenir l'emploi local.
2.2. L'obligation de confier une part du marché à des micro-entreprises, PME ou artisans lorsque le titulaire d'un marché public n'entre pas dans ces catégories
D'autre part, le II de l'article 13 bis AA tend à imposer aux soumissionnaires ne possédant pas la qualité de micro-entreprise, de PME ou d'artisan, de présenter, dans un plan de sous-traitance, le montant et les modalités de participation de ces entreprises à l'exécution du marché auquel ils postulent.
Lorsqu'ils ne prévoiraient pas de sous-traiter une part de l'exécution du marché à des PME, artisans ou micro-entreprises, les soumissionnaires devraient exposer les motifs de cette décision, qui peuvent par exemple tenir à l'absence d'artisans, de PME ou de micro-entreprises en activité dans le secteur concerné.
Les titulaires d'un marché public n'appartenant pas à ces catégories s'engageraient par ailleurs à confier, directement ou indirectement, 30 % du montant estimé du marché à des micro-entreprises, PME ou à des artisans, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permettrait pas.
Ce dispositif serait applicable aux marchés suivants, à la condition que le montant estimé du marché soit supérieur à 300 000 € hors taxes :
- aux marchés bénéficiant d'une dispense de publicité préalable ou d'une dispense de publicité et de mise en concurrence préalables, dans les conditions prévues par l'article 11 du projet de loi ;
- aux marchés bénéficiant d'une dérogation au principe d'allotissement des marchés publics afin d'assurer la reconstruction de Mayotte ;
- aux marchés de conception-réalisation passés dans le cadre de la reconstruction de Mayotte.
3. La position de la commission : un dispositif proportionné qui favorisera les petites entreprises locales et soutiendra l'emploi, sans ralentir la passation des marchés publics nécessaires à la reconstruction de Mayotte
3.1. Un « small business act » au caractère proportionné, qui permettra de soutenir utilement les petites entreprises locales
La commission s'est montrée favorable aux mesures prévues par le I de l'article 13 bis AA et tendant à favoriser les petites entreprises locales dans l'attribution des marchés publics.
Elle a d'abord estimé que le dispositif proposé présentait un caractère proportionné, justifiant une dérogation au principe d'égalité de traitement des candidats. Le dispositif ne s'appliquerait en effet qu'à certains marchés, c'est-à-dire à ceux strictement nécessaires à la reconstruction des bâtiments et infrastructures endommagés par le cyclone Chido et d'un montant inférieur aux seuils européens. Il ne s'appliquerait par ailleurs que pour une durée limitée de 24 mois à compter de la publication de la présente loi. Enfin, il ne concernerait qu'une part réduite des marchés, de 30 % au maximum.
Ce dispositif ne constituerait en outre pas une obligation, ce qui laissera de la souplesse aux acheteurs et permettra de conclure des marchés publics, même dans le cas où aucune PME ne serait en mesure de répondre aux besoins de l'acheteur. Ainsi, le dispositif proposé ne ralentira pas la conclusion des marchés publics nécessaires à la reconstruction de Mayotte.
3.2. Une obligation de sous-traitance en faveur des petites entreprises locales bienvenue
La commission a également accueilli favorablement les dispositions relatives au plan de sous-traitance et à l'obligation de confier 30 % du montant estimé du marché à des artisans ou à des entreprises locaux.
Ce dispositif contribuera également à associer les artisans, les micro-entreprises et les PME à la reconstruction de Mayotte et à relancer leur activité économique, tout en soutenant l'emploi local.
Le dispositif serait proportionné :
- il ne s'appliquerait pas lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permettrait pas (si aucune PME n'est en mesure de répondre au besoin par exemple) ;
- il ne s'appliquerait qu'aux marchés d'un montant estimé supérieur à 300 000 €, pour éviter d'appliquer ces obligations à des marchés d'un faible montant, ne justifiant pas le recours à la sous-traitance, et pour éviter d'alourdir excessivement la charge administrative des entreprises et des acheteurs, en imposant la formalisation d'un plan de sous-traitance.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter l'article 13 bis AA ainsi rédigé.
Article 13 bis A
(supprimé)
Part minimale d'exécution des marchés de
travaux par des PME et des artisans locaux
Introduit en séance publique à l'Assemblée nationale, l'article 13 bis A dispose que les marchés de travaux passés dans le cadre de la reconstruction de Mayotte devront prévoir une part minimale d'exécution du contrat, que le titulaire du marché s'engagera à confier à des PME ou des artisans locaux.
Par coordination avec l'introduction d'un article 13 bis AA destiné à favoriser des entreprises locales dans l'attribution des marchés publics et pour des raisons de conformité avec le droit de l'Union européenne ainsi que pour ne pas ralentir la conclusion des marchés publics, la commission a demandé à la commission des affaires économiques de supprimer cet article.
1. Inspiré du dispositif prévu par la loi dite « EROM », le dispositif proposé prévoit l'introduction d'un « small business act »
L'article 13 bis A a été introduit par amendement119(*), durant l'examen en séance à l'Assemblée nationale du présent projet de loi.
Il tend à prévoir que pour favoriser le développement d'opérateurs locaux et favoriser leur accès à la commande publique, les marchés de travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido devront prévoir une part minimale d'exécution du contrat, fixée par décret, que le titulaire du marché s'engagera à confier à des PME ou à des artisans locaux.
Ce dispositif apparaît inspiré des dispositions de l'article 73 de la loi dite « EROM » et de l'article 4 undecies du projet de loi de simplification de la vie économique, tel qu'adopté par le Sénat.
Il en diffère toutefois de par son caractère contraignant, alors que les deux articles précités prévoient seulement la faculté de prévoir une part minimale d'exécution du contrat (ou la faculté de réserver une part des marchés) à des PME ou à des artisans locaux.
2. Un dispositif susceptible de ralentir la conclusion des marchés publics nécessaires à la reconstruction de Mayotte et incompatible avec le droit de l'Union européenne
La commission a supprimé l'article 13 bis A par l'adoption de l'amendement COM-93 de la rapporteure, par coordination avec création de l'article 13 bis AA dédié au « small business act », mais aussi pour des raisons tenant à l'incompatibilité avec le droit de l'Union européenne, ainsi qu'au risque que le dispositif proposé ralentisse la conclusion des marchés publics en raison de son caractère contraignant.
2.1. Un dispositif contraire au principe de non-discrimination découlant du droit de l'Union européenne
D'une part, l'article 13 bis A apparaît contraire au principe de non-discrimination résultant du droit de l'Union européenne. Il s'applique en effet à l'ensemble des marchés publics visant à reconstruire Mayotte, quelle que soit leur valeur estimée.
Or, les marchés publics sont, à partir d'un certain seuil fixé par l'Union européenne, soumis au droit de l'Union européenne, et plus particulièrement aux dispositions de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014120(*), qui précise, en son article 18, que les acheteurs « traitent les opérateurs économiques sur un pied d'égalité et sans discrimination et agissent d'une manière transparente et proportionnée »121(*).
Le dispositif proposé, en ce qu'il s'applique à tous les marchés publics, y compris à ceux soumis au droit de l'Union européenne, apparaît donc incompatible avec celui-ci.
2.2. Un dispositif qui pourrait ralentir la conclusion des marchés publics indispensables à la reconstruction de Mayotte
La rapporteure a en outre considéré que le dispositif proposé était peu opportun, en ce qu'il impose de réserver une part minimale d'exécution du contrat à des PME ou à des artisans locaux.
Comme l' a expliqué la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances, « imposer de contracter avec des entreprises mahoraises (...) pourrait soulever des difficultés, au regard de la consistance du tissu économique local, dans les cas où ces opérateurs ne seraient pas en mesure de répondre aux besoins. (...) Pour certains travaux, il n'est pas impossible qu'il n'y ait pas, qu'il n'y ait plus en raison même du cyclone, suffisamment de PME ou d'artisans locaux capables de réaliser les prestations ».
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, de supprimer l'article 13 bis A.
Article 13 bis
(supprimé)
Limitation du recours à la sous-traitance au second
rang
L'article 13 bis, introduit par amendement en commission à l'Assemblée nationale, tend à limiter au second rang la sous-traitance, pour les marchés publics nécessaires à la reconstruction de Mayotte.
Après avoir constaté la fragilité juridique du dispositif proposé et jugé que celui-ci pourrait en outre conduire à l'éviction des TPE-PME des contrats de commande publique, la commission a demandé à la commission des affaires économiques de supprimer cet article.
1. Le principe du libre-recours à la sous-traitance ne connaît que de rares dérogations
1.1. Le principe de libre-recours à la sous-traitance
En matière de marchés publics, la sous-traitance consiste, pour les opérateurs économiques, à confier à une ou plusieurs entreprises tierces, par contrat et sous leur responsabilité, l'exécution d'une partie des prestations du marché public dont ils sont titulaires122(*).
Le sous-traitant direct du titulaire d'un marché public est appelé « sous-traitant de premier rang » et peut à son tour faire appel à un sous-traitant, dit sous-traitant indirect (ou « sous-traitant de second rang »).
Tout titulaire d'un marché public peut avoir librement recours à la sous-traitance. L'article L. 2193-4 du code de la commande publique précise ainsi que « l'opérateur économique peut recourir à la sous-traitance lors de la passation du marché et tout au long de son exécution à condition de l'avoir déclarée à l'acheteur et d'avoir obtenu l'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement ».
Ce principe de libre-recours à la sous-traitance est également consacré par le droit de l'Union européenne. L'article 63 de la directive « marchés publics » du 26 février 2014123(*) permet ainsi à l'opérateur de recourir, pour un marché public déterminé, aux capacités d'autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l'unissent à ces entités.
Le recours à la sous-traitance présente par ailleurs plusieurs avantages, en ce qu'il permet aux entreprises de s'appuyer sur des compétences et des moyens extérieurs, dont ils ne sont pas dotés en interne, pour postuler à l'attribution d'un marché public, ce qui favorise notamment l'accès des PME à la commande publique. La CJUE a à cet égard récemment jugé « qu'il est de l'intérêt de l'Union que l'ouverture d'un appel d'offres à la concurrence soit le plus large possible » et que « le recours à la sous-traitance, qui est susceptible de favoriser l'accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics, contribue à la poursuite de cet objectif124(*) ».
Le seul encadrement du recours à la sous-traitance résulte de l'application de :
- l'article L. 2193-3 du code de la commande publique, qui précise que l'acheteur peut exiger que certaines tâches essentielles du marché ne soient pas sous-traitées, et soient effectuées directement par le titulaire du marché ;
- et de l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, qui dispose que le titulaire d'un marché public est autorisé à sous-traiter uniquement une partie dudit marché, ce qui signifie qu'il ne peut intégralement sous-traiter l'exécution des prestations du marché public pour lequel il a été retenu125(*).
1.2. La limitation du recours à la sous-traitance en matière de surveillance humaine et de gardiennage
Si le principe est celui du libre-recours à la sous-traitance, le législateur a récemment introduit une exception à ce principe. L'article 19 de la loi dite « Sécurité globale126(*) » a ainsi interdit le recours à la sous-traitance au-delà du deuxième rang pour l'exécution de contrats ou marchés relatifs à la surveillance humaine ou au gardiennage de biens meubles ou immeubles.
L'objectif de ces dispositions était d'éviter la sous-traitance « en cascade », alors répandue dans le secteur de la sécurité privée, « avec une longue suite de prestataires qui rend difficile l'évaluation par le donneur d'ordre de la qualité de la prestation, dilue les responsabilités et complique les contrôles assurés par le Conseil national des activités privées de sécurité127(*) ».
2. Le dispositif prévu tend à limiter le recours à la sous-traitance au second rang pour les marchés publics nécessaires pour reconstruire Mayotte
L'article 13 bis a été introduit par un amendement en commission à l'Assemblée nationale, à l'initiative du député Philippe Naillet et de plusieurs de ses collègues128(*).
Il prévoyait initialement que pour l'exécution des « contrats de travaux de bâtiment et des contrats de travaux publics » nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone Chido, la sous-traitance est limitée au second rang pour les marchés passés en lots séparés et au troisième rang pour les marchés non allotis. Il précisait également que le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants. L'objectif avancé par les auteurs de l'amendement était notamment d'éviter la sous-traitance « en cascade », qui favoriserait le travail illégal ainsi que les « entreprises téléphone », sans activité réelle, de même que « la course aux prix anormalement bas ».
Il a ultérieurement été modifié pendant l'examen en séance, par l'adoption de deux amendements identiques de Philippe Gosselin et Jean-Pierre Vigier129(*), afin de « strictement limiter à deux rangs la sous-traitance » pour l'ensemble des marchés publics conclus pour remédier aux conséquences du cyclone Chido.
3. La position de la commission : supprimer un dispositif qui pénaliserait les petites et moyennes entreprises et apparaît fragile juridiquement
À l'initiative de la rapporteure et par l'adoption d'un amendement COM-94, la commission a supprimé l'article 13 bis, considérant que le dispositif présentait des risques juridiques, et qu'il risquait de pénaliser les TPE-PME, à rebours de l'objectif poursuivi par l'introduction d'un « small business act ».
3.1. Une mesure qui risquerait de priver les petites et moyennes entreprises d'un accès à la commande publique
En premier lieu, l'introduction d'une limitation du recours à la sous-traitance telle que prévue par l'article 13 bis du projet de loi pourrait, a contrario de l'objectif poursuivi, pénaliser les TPE-PME et limiter leur accès à la commande publique.
Comme souligné par la CJUE, le recours à la sous-traitance est en effet susceptible de favoriser l'accès des TPE-PME aux marchés publics130(*). A contrario, la limitation du recours à la sous-traitance pourrait évincer les micro-entreprises, les artisans et les TPE-PME de Mayotte des contrats de commande publique passés pour la reconstruction de Mayotte, à rebours de l'objectif poursuivi par les dispositions tendant à favoriser les petites entreprises locales dans l'attribution des marchés publics, introduites à l'article 13 bis AA.
Pour des marchés publics de grande ampleur, les petites et moyennes entreprises sont souvent des sous-traitants de troisième voire de quatrième rang, n'ayant pas les capacités de conduire de tels chantiers. Le recours à la sous-traitance par les grandes entreprises titulaires de marchés publics de grande ampleur favorise par conséquent l'accès à la commande publique des petites entreprises. Limiter le recours à la sous-traitance risquerait de recentrer les candidatures sur des entreprises aux dimensions suffisantes pour assurer elle-même l'exécution du marché sans avoir besoin de recourir, ou très peu, à la sous-traitance.
3.2. Un dispositif fragile d'un point de vue juridique
La commission a en second lieu considéré que le dispositif prévu par l'article 13 bis était trop fragile d'un point de vue juridique.
D'abord, la limitation du recours à la sous-traitance pourrait « être considérée comme une restriction à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services », consacrés par le droit primaire de l'Union européenne, comme relevé par la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances.
Ensuite, une telle mesure pourrait, toujours selon la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances, « être regardée comme portant une atteinte disproportionnée aux principes à valeur constitutionnelle de liberté d'entreprendre et de liberté du commerce et de l'industrie. En effet, le Conseil constitutionnel a jugé que s'il était loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, c'est à la condition « qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi131(*) » ».
Enfin, compte tenu de l'effet d'éviction important que pourrait avoir une limitation du recours à la sous-traitance sur les TPE-PME local, de telles dispositions pourraient être considérées comme portant une atteinte disproportionnée au principe, doté d'une valeur constitutionnelle, de libre accès à la commande publique.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, de supprimer l'article 13 bis.
Article 13 ter
(supprimé)
Informations sur le taux de marges des offres
présentées par les soumissionnaires
Introduit par un amendement adopté en commission à l'Assemblée nationale, l'article 13 ter impose aux soumissionnaires de présenter, dans les offres qu'ils soumettent pour les marchés de travaux, leur taux de marge pour risque et leur taux de marge bénéficiaire, afin de permettre aux acheteurs d'écarter les offres pour lesquelles les marges sont anormalement élevées ou basses.
La commission a estimé que l'objectif poursuivi par cet article était déjà satisfait en droit et que le dispositif proposé serait de nature à ralentir la conclusion des marchés publics nécessaires à la reconstruction de Mayotte. Elle a par conséquent demandé à la commission des affaires économiques de supprimer cet article.
1. Le dispositif proposé tend à imposer aux soumissionnaires la présentation de leurs taux de marge dans leurs offres
Introduit par un amendement adopté en commission à l'Assemblée nationale132(*), l'article 13 ter tend à imposer aux soumissionnaires présentant une offre pour un marché de travaux, d'indiquer dans leur offre, à peine d'irrégularité, leur taux de marge pour risque ainsi que leur taux de marge bénéficiaire. Les acheteurs pourraient alors écarter les offres pour lesquelles ces taux de marge apparaîtraient anormalement élevés ou bien anormalement bas.
L'objectif affiché est d'éviter que les entreprises réalisent des marges excessives ou bien proposent « des offres agressives avec des marges quasi nulles, au détriment de plus petits compétiteurs, notamment locaux ».
2. La position de la commission : supprimer un dispositif déjà satisfait par le droit en vigueur et susceptible de ralentir la conclusion des marchés publics
Par l'amendement d'un amendement COM-95 de la rapporteure, la commission a supprimé l'article 13 ter.
2.1. Un dispositif déjà satisfait par le droit en vigueur
La commission a en premier lieu constaté que le dispositif proposé par l'article 13 ter était déjà satisfait par le droit en vigueur.
Il existe en effet déjà des mécanismes permettant à l'acheteur de détecter des offres anormalement basses, c'est-à-dire celles dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché133(*). Ainsi, l'article L. 2152-6 du code de la commande publique impose à l'acheteur de mettre en oeuvre « tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses ». De plus, lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur peut « exiger que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette », dans des conditions fixées par les articles R. 2152-3 à R. 2152-5 du code de la commande publique.
Concernant les offres anormalement élevées, celles-ci ne sont par définition pas attractives pour les acheteurs, qui doivent garantir la bonne utilisation des deniers publics et qui sont tenus d'attribuer le marché aux soumissionnaires ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse134(*). Cela est d'autant plus vrai pour les marchés soumis à une obligation de mise en concurrence, qui permettent à l'acheteur de comparer directement les offres et d'écarter celles ayant un prix manifestement trop élevé.
Par ailleurs, pour les marchés passés par l'État et ses établissements publics, les articles L. 2196-4 et suivants du code de la commande publique prévoient un dispositif de contrôle des coûts de revient135(*) permettant à l'administration de contrôler la compétitivité du prix proposé par le soumissionnaire, applicable aux marchés « pour lesquels la spécialité des techniques, le petit nombre de candidats possédant la compétence requise, des motifs de secret ou des raisons d'urgence impérieuse ou de crise ne permettent pas de faire appel à la concurrence ou de la faire jouer efficacement ». Ce mécanisme permet à l'acheteur de disposer des outils de contrôle dans les cas où la concurrence ne joue pas pleinement afin de réduire l'asymétrie informationnelle vis-à-vis des fournisseurs.
2.2. Un dispositif susceptible de ralentir la conclusion des marchés de travaux indispensables pour reconstruire Mayotte
La rapporteure a par ailleurs souligné le risque que le dispositif prévu par le présent article ralentisse la conclusion des marchés nécessaires à la reconstruction de Mayotte, compte tenu du temps nécessaire aux soumissionnaires et aux acheteurs pour, respectivement, présenter et décomposer les prix d'une part, et analyser les éléments transmis d'autre part.
Enfin, permettre à un acheteur d'écarter une offre pour la seule raison que la marge serait particulièrement élevée ne paraît pas souhaitable au regard de la liberté des prix et de leur détermination par le jeu de la concurrence et serait susceptible de porter atteinte, compte tenu du caractère général de la mesure, au secret des affaires.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, de supprimer l'article 13 ter.
Article
14
Entrée en vigueur et durée des dérogations aux
règles de la commande publique
L'article 14 du projet de loi fixe à vingt-quatre mois à compter de l'entrée en vigueur du présent projet de loi la durée des dérogations aux règles de la commande publique prévues par le présent projet de loi et précise les marchés auxquels elles seront applicables.
La commission a estimé que cette durée d'application était proportionnée et a par conséquent demandé à la commission des affaires économiques d'adopter l'article, après avoir procédé à une mesure de coordination.
L'article 14 du projet de loi fixe l'entrée en vigueur des dérogations aux règles de la commande publique prévues par le chapitre V du projet de loi et précise la durée d'application de ces dérogations.
Il précise que ces dispositions s'appliqueraient « aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi et pendant un délai de vingt-quatre mois à compter de cette date », excluant ainsi les marchés dont la procédure de passation est déjà engagée avant l'entrée en vigueur du présent projet de loi, comme c'était le cas pour les dérogations aux principes de la commande publique mis en place à la suite des émeutes survenues en juin et juillet 2023136(*).
Ces dispositions ont été modifiées par l'Assemblée nationale, afin de procéder à une mesure de coordination.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission a considéré que cette durée de dérogation était proportionnée. La durée prévue est plus importante que celle prévue pour les dérogations aux règles de la commande publique introduites à la suite des émeutes de 2023137(*), mais elle s'explique par l'importance des dégâts provoqués par le passage du cyclone Chido sur l'archipel, par le nombre de marchés publics à négocier pour mener à bien les nombreuses réparations et travaux de reconstruction, et par la difficulté à réaliser simultanément tous les travaux nécessaires, comme relevé par le Conseil d'État dans son avis sur le présent projet de loi138(*).
À l'initiative de la rapporteure, seul un amendement de coordination COM-96 a été adopté, de façon à tirer les conséquences de la création de l'article 13 bis AA.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter l'article 14 ainsi modifié.
Article 14 bis
(supprimé)
Clause spécifique réservant une part des
marchés publics aux TPE-PME
Introduit en commission à l'Assemblée nationale, l'article 14 bis impose de prévoir une clause spécifique, dans les marchés publics visant à reconstruire Mayotte, réservant aux TPE-PME locales un taux minimal de travaux à réaliser.
Constatant la fragilité juridique du dispositif et par coordination avec l'introduction de l'article 13 bis AA, rassemblant les dispositions relatives au « small business act », la commission a demandé à la commission des affaires économiques de supprimer cet article.
1. Le dispositif proposé tend à imposer aux acheteurs de confier un taux minimal de travaux à réaliser aux TPE-PME, dans le cadre des marchés passés pour la reconstruction de Mayotte
1.1. Le dispositif initial
L'article 14 bis du projet de loi a été introduit en commission à l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement d'Aurélie Trouvé et de plusieurs de ses collègues139(*).
Le dispositif prévoyait que les marchés publics conclus afin de reconstruire Mayotte pourraient inclure une clause spécifique afin :
- d'une part, de réserver un pourcentage minimum de travaux aux TPE locales, pour favoriser le développement économique local et éviter que les grandes entreprises n'obtiennent l'ensemble des marchés publics, évinçant de ce fait les entreprises locales ;
- d'autre part, de surpondérer le score des entreprises non-locales s'engageant à recruter « la main-d'oeuvre mahoraise » pour réaliser les travaux, afin de renforcer les compétences de la population locale et de mobiliser les savoir-faire présents dans l'archipel.
1.2. Les modifications apportées durant l'examen en séance à l'Assemblée nationale
L'article 14 bis a par la suite subi plusieurs modifications durant son examen en séance à l'Assemblée nationale.
D'une part, par l'adoption d'un amendement d'Anchya Bamana et de plusieurs de ses collègues140(*), le dispositif a été étendu pour bénéficier également aux PME locales, et la faculté de réserver une partie des travaux aux entreprises locales a été transformée en obligation.
D'autre part, la possibilité de surpondérer les offres des entreprises non-locales s'engageant à recruter des habitants de Mayotte a été supprimée, pour éviter des « risques d'accaparement des marchés par de grandes entreprises extérieures à Mayotte au détriment des entreprises artisanales locales du bâtiment141(*) ».
2. La position de la commission : supprimer un dispositif fragile d'un point de vue juridique et qui risque de ralentir la conclusion des marchés publics de reconstruction de Mayotte
La commission a considéré que la rédaction de l'article 14 bis n'était, d'une part, pas suffisamment précise et incompatible avec le droit de l'Union européenne. Elle a par ailleurs considéré que ce dispositif risquait de ralentir la conclusion des marchés publics à Mayotte.
Pour toutes ces raisons et par coordination avec la création d'un article 13 bis AA dédié au « small business act », cet article a été supprimé à l'initiative de la rapporteure, par l'adoption d'un amendement COM-97.
2.1. Un dispositif source d'insécurité juridique et qui n'est pas compatible avec le droit de l'Union européenne
En premier lieu, la rédaction proposée ne paraît pas suffisamment précise et pourrait être source d'insécurité juridique et d'effet d'aubaine.
Les notions de « très petites entreprises locales » et de « petites et moyennes entreprises locales » ne sont en effet pas définies, ni dans l'article 14 bis, ni de manière plus générale, dans le droit en vigueur.
Cette imprécision ne permet donc pas de savoir à qui s'appliquent expressément ces dispositions et pourrait générer un effet d'aubaine, ce qui, in fine, pénaliserait les entreprises locales.
La rédaction de l'article 13 bis AA apparaît sur ce point beaucoup plus précise et sécurisante, en ce qu'elle renvoie à des dispositifs existants et précise que seules les entreprises dont le siège social était établi à Mayotte avant le 13 décembre 2024.
En second lieu, l'article 14 bis ne paraît pas, en l'état, compatible avec le principe de non-discrimination résultant du droit de l'Union européenne. Ses dispositions s'appliquent en effet à l'ensemble des marchés publics visant à reconstruire Mayotte, quelle que soit la valeur estimée du besoin auquel ils répondent. Or, les marchés publics sont, à partir d'un certain seuil fixé par l'Union européenne, soumis au droit de l'Union européenne, et plus particulièrement aux dispositions de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014142(*), qui précise, en son article 18, que les acheteurs « traitent les opérateurs économiques sur un pied d'égalité et sans discrimination et agissent d'une manière transparente et proportionnée ».
2.2. Un dispositif qui pourrait ralentir la conclusion des marchés publics indispensables à la reconstruction de Mayotte
La rapporteure a en outre considéré que le dispositif proposé était peu opportun, en ce qu'il impose de réserver une part des travaux à des entreprises locales.
Comme indiqué par la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances, entendue par la rapporteure, « imposer de contracter avec des entreprises mahoraises (...) pourrait soulever des difficultés, au regard de la consistance du tissu économique local, dans les cas où ces opérateurs ne seraient pas en mesure de répondre aux besoins. (...) Pour certains travaux, il n'est pas impossible qu'il n'y ait pas, qu'il n'y ait plus en raison même du cyclone, suffisamment de PME ou d'artisans locaux capables de réaliser les prestations ».
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, de supprimer l'article 14 bis.
Article
15
Versement de subventions et de financements par les collectivités
territoriales et leurs groupements
L'article 15 vise à permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de verser des subventions aux associations s'engageant à utiliser ces fonds pour financer les secours d'urgence au profit des victimes du cyclone Chido et d'octroyer des financements à l'établissement public mentionné à l'article 1er.
Lors de son examen à l'Assemblée nationale, cet article a été enrichi, afin de permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de verser des subventions aux associations et fondations reconnues d'utilité publique s'engageant à utiliser ces fonds pour, par exemple, fournir gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté.
La commission a accueilli favorablement cet article ainsi que les extensions du dispositif apportées à l'Assemblée nationale. Elle a par conséquent demandé à la commission des affaires économiques de l'adopter, après avoir supprimé des dispositions tendant à subordonner la possibilité, pour les collectivités territoriales et leurs groupements, de verser des subventions à des associations et fondations reconnues d'utilité publique, à la désignation d'un commissaire aux comptes en leur sein.
1. L'encadrement du versement de subventions à des associations par les collectivités territoriales et leurs groupements
1.1. Les collectivités territoriales ne peuvent verser des subventions à des personnes morales de droit privé que sous certaines conditions
Les collectivités territoriales et leurs groupements ont la faculté de verser des subventions à des personnes morales de droit privé, parmi lesquelles des associations. Cette faculté est toutefois subordonnée à plusieurs conditions. La subvention doit en effet :
- être justifiée par un intérêt général143(*) ;
- financer une activité entrant dans le champ des compétences de la collectivité territoriale144(*) ;
- répondre à un intérêt public local, c'est-à-dire qu'elle doit présenter un intérêt direct pour sa population145(*) ;
- respecter le principe de neutralité, ce qui exclut par exemple l'attribution de subventions pour des motifs politiques146(*).
À titre d'exemple, le financement, par un département, de la restauration d'un village ne se situant pas sur son territoire, « ne saurait être regardé comme relevant d'un intérêt départemental », compte tenu de l'absence de lien particulier entre le département et la commune concernée, qui serait de nature à justifier la participation de ce département à une telle opération147(*).
1.2. Les exceptions introduites par le législateur
Des exceptions ont toutefois été prévues par le législateur, pour permettre aux collectivités territoriales de subventionner des associations ne présentant pas un intérêt public local ou exerçant des actions n'entrant pas dans le champ des compétences des collectivités territoriales.
Ainsi, les collectivités territoriales sont autorisées, aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, à subventionner des actions internationales à caractère humanitaire.
Par ailleurs, dans une réponse à une question écrite148(*), le ministère de l'intérieur a indiqué que « des subventions ne présentant pas un intérêt direct pour la commune peuvent être accordées dans certains cas. Il en est ainsi notamment des subventions à des associations nationales présentant un intérêt général reconnu, aux victimes d'un cataclysme ».
2. Le dispositif proposé : élargir les possibilités de versement de subventions et d'octroi de financements par les collectivités territoriales et leurs groupements
2.1. La possibilité de verser des subventions aux associations finançant les secours d'urgence au profit des victimes du cyclone Chido
L'article 15 du projet de loi autoriserait tout d'abord les collectivités territoriales et leurs groupements à verser des subventions aux associations s'engageant à financer les secours d'urgence au profit des victimes du cyclone Chido entre le 14 décembre 2024 et le 14 mars 2025.
Comme précisé par l'étude d'impact, « l'objectif de la disposition envisagée est de conforter la possibilité pour l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements de participer au financement des actions d'urgence et de reconstruction de Mayotte, au titre de la solidarité nationale, en levant toute incertitude éventuelle tenant aux règles habituelles de compétence et à la condition d'intérêt public local ».
En effet, sans l'introduction de cette disposition spéciale, le versement de subventions par les collectivités territoriales au profit de telles associations pourrait être contesté devant le juge administratif, au motif, par exemple, qu'il ne s'agirait pas d'un intérêt public local.
2.2. La possibilité d'octroyer des financements à l'établissement public chargé de coordonner la reconstruction de Mayotte
D'autre part, l'article 15 autoriserait les collectivités territoriales et leurs groupements à octroyer des financements à l'établissement public mentionné à l'article 1er du projet de loi et chargé de coordonner la reconstruction de Mayotte.
Ce dispositif est inspiré du mécanisme de souscription nationale créé pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris et prévu par l'article 1er de la loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet, qui autorisait les collectivités territoriales et leurs groupements à « opérer des versements au titre de la souscription nationale auprès de l'État ou de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ».
2.3. Un dispositif élargi lors de son examen à l'Assemblée nationale
Le champ de l'article 15 a été réécrit et élargi durant l'examen à l'Assemblée nationale. Le texte transmis au Sénat permettrait aux collectivités territoriales et à leurs groupements de verser des subventions aux associations et fondations reconnues d'utilité publique149(*) (ARUP - FRUP) s'engageant à financer les secours d'urgence au profit des victimes du cyclone Chido, à fournir gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté et aux associations qui contribuent à favoriser le logement des personnes en difficulté150(*).
La date jusqu'à laquelle les collectivités territoriales et leurs groupements pourront procéder au versement de ces subventions a également été modifiée et est désormais fixée au 17 mai 2025151(*), pour l'aligner sur la date, prévue par l'article 16, jusqu'à laquelle les particuliers bénéficieront d'une majoration du taux de réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons effectués en faveur de Mayotte.
Enfin, en séance, le dispositif a été restreint afin de prévoir que les seules ARUP et FRUP qui pourront percevoir des subventions de la part des collectivités territoriales sont celles bénéficiant de subventions publiques et dotées d'un commissaire aux comptes. Celles n'en étant pas dotées auraient alors l'obligation d'en désigner un. L'objectif est d'assurer la traçabilité des subventions pour vérifier la bonne utilisation des deniers publics.
3. La position de la commission : un dispositif bienvenu pour sécuriser juridiquement les subventions et financements des collectivités territoriales et de leurs groupements
La commission a accueilli favorablement le dispositif prévu par l'article 15, estimant qu'il était de nature à sécuriser juridiquement les subventions qui seront versées par les collectivités territoriales et leurs groupements.
Elle a également accepté l'élargissement du périmètre des associations qui pourront bénéficier de telles subventions, qui participe de la solidarité nationale et de l'intérêt général.
Concernant la portée rétroactive du dispositif, la rapporteure souscrit à l'avis du Conseil d'État, qui l'a admise « compte tenu de l'intérêt général qui s'y attache, pour le financement des mesures les plus urgentes d'aide aux victimes152(*) ».
La commission a toutefois, à l'initiative de la rapporteure, adopté un amendement COM-98 tendant à supprimer l'exigence de perception de subventions publiques et de désignation d'un commissaire aux comptes applicable aux ARUP, pour qu'elles puissent percevoir les subventions versées par les collectivités territoriales.
Si l'objectif poursuivi par cet apport de l'Assemblée nationale, à savoir assurer la traçabilité et la bonne utilisation des subventions versées aux associations, est légitime, le dispositif proposé aurait pour effet d'évincer du bénéfice de cet article des associations assurant une mission d'intérêt général.
Pour les ARUP n'étant pas soumises à l'obligation de désignation d'un commissaire aux comptes153(*), elles n'auraient en effet, pour certaines, pas les moyens d'en désigner un, ou pourraient renoncer à la perception de subventions de la part des collectivités territoriales en raison de la charge administrative créée par l'obligation de désigner un commissaire aux comptes.
De plus, les ARUP sont déjà soumises à des obligations financières et comptables renforcées, qu'elles désignent ou non un commissaire aux comptes. Elles doivent ainsi transmettre aux services de l'État, chaque année, leur bilan, leur compte de résultats, leur rapport moral et financier, etc., ce qui permet déjà le suivi de leurs comptes.
La commission demande à la commission des affaires économiques, saisie au fond, d'adopter l'article 15 ainsi modifié.
* 4 L'article L. 211-8 du code de l'éducation précise que l'État a la charge de la rémunération du personnel enseignant des écoles élémentaires et maternelles, du personnel de l'administration et de l'inspection, du personnel exerçant dans les collèges et lycées, des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que du personnel affecté à l'accompagnement des élèves en situation de handicap durant le temps scolaire et le temps de pause méridienne.
* 5 Les établissements d'éducation spéciale incluent par exemple les établissements régionaux d'enseignement adapté
* 6 Articles L. 213-2 et L. 214-6 du code de l'éducation.
* 7 Les techniciens de l'éducation nationale correspondent aux personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS).
* 8 Loi du 29 juin 1933 sur l'instruction primaire.
* 9 Loi du 15 mars 1850 relative à l'enseignement.
* 10 Loi du 10 avril 1867 sur l'enseignement primaire.
* 11 Article L. 212-4 du code de l'éducation.
* 12 Ibid.
* 13 Voir à la page 19 de l'étude d'impact.
* 14 Extrait de l'avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur le projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 15 Avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 16 Pour les biens nouvellement construits, ceux-ci seraient remis aux collectivités territoriales compétentes.
* 17 Amendement n° CE205 de Dominique Voynet et de plusieurs de ses collègues.
* 18 Amendement n° 224 de Dominique Voynet et de plusieurs de ses collègues.
* 19 Amendement n° CE209 de Dominique Voynet et de plusieurs de ses collègues.
* 20 Amendement n° 204 de Dominique Voynet et de plusieurs de ses collègues.
* 21 Amendement n° CE243 d'Estelle Youssouffa.
* 22 Amendement n° 239 d'Aurélie Trouvé et de plusieurs de ses collègues.
* 23 Sous-amendement n° 320 du Gouvernement.
* 24 Avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 25 L'académie de Mayotte compte 221 écoles, 22 collèges et 11 lycées.
* 26 Note d'information n° 24.41 de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, « Les effectifs dans le premier degré : 6,262 millions d'élèves scolarisés à la rentrée 2024 », octobre 2024.
* 27 Le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré dans l'académie de Mayotte en 2020 s'établissait à 54 204 d'après la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance.
* 28 Sénat, 20 novembre 2024, Question d'actualité au Gouvernement n° 0105G.
* 29 Sénat, 20 novembre 2024, Question d'actualité au Gouvernement n° 0105G.
* 30 Extrait de l'étude d'impact sur le présent projet de loi.
* 31 Avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 32 Ibid.
* 33 Article 544 du code civil.
* 34 Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 sur la loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
* 35 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation.
* 36 Voir par exemple la décision n° 2011-208 QPC du 13 janvier 2012, Consorts B.
* 37 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation.
* 38 Décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 sur la loi portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles.
* 39 Dans sa décision Ville Nouvelle-Est de 1971, faisant application de « la théorie du bilan », le Conseil d'État a jugé que l'utilité publique d'un projet était démontrée à la condition que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social n'étaient pas excessifs au regard de l'intérêt du projet.
* 40 Décision n° 85-189 DC du 17 juillet 1985 sur la loi relative à la définition et à la mise en oeuvre de principes d'aménagement.
* 41 Décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 sur la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
* 42 70 % du foncier à Mayotte n'était pas titré en 2023, comme indiqué par le sénateur Thani Mohamed Soilihi, lors d'un colloque organisé par le Conseil supérieur du notariat le 10 janvier 2023, et portant sur les avancées permises par la mise en oeuvre de la loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.
* 43 Rapport d'information n° 721 (2015-2016) du 23 juin 2016 de Thani Mohamed Soilihi, Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer.
* 44 L'indivision correspond à une situation où un bien appartient indistinctement à plusieurs personnes possédant des droits de même nature sur celui-ci. Par exemple, après un décès, s'il y a plusieurs héritiers, le patrimoine du défunt est en indivision.
* 45 Rapport n° 379 (2017-2018) du 28 mars 2018 de Thani Mohamed Soilihi sur la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.
* 46 Avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 47 Extraits de l'étude d'impact.
* 48 Rapport d'information n° 721 (2015-2016) du 23 juin 2016 de Thani Mohamed Soilihi, Mathieu Darnaud et Laufoaulu sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer.
* 49 Ibid.
* 50 Ibid.
* 51 Avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 52 Ibid.
* 53 Rapport d'information n° 115 (2008-2009) du 27 novembre 2008 de Jean-Jacques Hyest, Michèle André, Christian Cointat et Yves Détraigne à la suite d'une mission d'information effectuée à Mayotte du 1er au 6 septembre 2008.
* 54 Article 116 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.
* 55 Réponses au questionnaire de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages.
* 56 Amendements n° 322 de la commission des affaires économiques et n° 21 d'Aurélien Taché et de plusieurs de ses collègues.
* 57 Décision n° 2021-828 DC du 9 novembre 2021 sur la loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire.
* 58 Le code des marchés publics a été remplacé en 2019 par le code de la commande publique.
* 59 Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 sur la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.
* 60 Aussi appelé « avis d'appel public à la concurrence ».
* 61 À titre dérogatoire et jusqu'au 31 décembre 2025, les marchés de travaux sont dispensés des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables jusqu'à 100 000 € hors taxes, comme le prévoit le décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 relatif au seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux.
* 62 Article L. 2152-7 du code de la commande publique.
* 63 Cette procédure s'applique aux marchés de fournitures et de services d'un montant estimé inférieur à 40 000 € hors taxes et aux marchés de travaux d'un montant estimé inférieur à 40 000 € hors taxes (100 000 € hors taxes, par dérogation, jusqu'au 31 décembre 2025).
* 64 Par exemple, un marché de travaux, fournitures ou services innovants est soumis à la procédure de gré à gré jusqu'à 100 000 € hors taxes.
* 65 Les seuils européens sont fixés, en 2025, à 5,538 M€ pour les marchés de travaux, à 143 000 € pour les marchés de fournitures et services de l'État et à 221 000 € pour les marchés de fournitures et services des collectivités territoriales.
* 66 Cela concerne par exemple les marchés de services sociaux.
* 67 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
* 68 Article L. 2122-1 du code de la commande publique.
* 69 Article R. 2122-8 du code de la commande publique.
* 70 Décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 relatif au seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux.
* 71 Article R. 2122-2 du code de la commande publique.
* 72 Article R. 2122-1 du code de la commande publique.
* 73 Conseil d'État, 8 février 1999, Préfet de la Seine-et-Marne, n° 150919.
* 74 Article R. 2122-3 du code de la commande publique.
* 75 Loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.
* 76 Ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.
* 77 Amendement n° CE271 d'Estelle Youssouffa.
* 78 Amendement n° 63 de Joseph Rivière et de plusieurs de ses collègues.
* 79 Amendement n° 75 de Philippe Gosselin et de plusieurs de ses collègues.
* 80 Avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 81 Considérant 79 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
* 82 Article L. 2171-1 du code de la commande publique.
* 83 Article L. 2313-5 du code de la commande publique.
* 84 Article L. 2113-10 du code de la commande publique.
* 85 Article L. 2113-11 du code de la commande publique.
* 86 Ibid.
* 87 Rapport d'information n° 521 (2023-2024) du 9 avril 2024 de François-Noël Buffet sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023.
* 88 Amendement n° 157 d'Estelle Youssouffa.
* 89 Voir le commentaire de l'article 13 bis AA.
* 90 L'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les offices publics de l'habitat mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation pour les logements à usage locatif aidés par l'État et réalisés par ces organismes et leurs groupements, les organismes privés mentionnés à l'Art. L. 124-4 du code de la sécurité sociale, ainsi que leurs unions ou fédérations, les organismes privés d'habitations à loyer modéré ainsi que les sociétés d'économie mixte, pour les logements à usage locatifs aidés par l'État et réalisés par ces organismes et sociétés.
* 91 Article L. 1111-2 du code de la commande publique.
* 92 Article L. 2421-1 du code de la commande publique.
* 93 Article L. 2431-1 du code de la commande publique.
* 94 Article R. 2431-1 du code de la commande publique.
* 95 Article L. 2171-2 du code de la commande publique.
* 96 Ibid.
* 97 Conseil d'État, 17 mars 1997, Syndicat national du béton armé, des techniques industrialisées et de l'entreprise générale, n° 155573.
* 98 Article L. 2171-2 du code de la commande publique.
* 99 Ibid.
* 100 Article L. 2412-2 du code de la commande publique.
* 101 Amendement n° CE275 d'Estelle Youssouffa.
* 102 Le titulaire d'un marché de conception-réalisation est nécessairement un groupement d'opérateurs économiques, sauf pour les ouvrages d'infrastructures (art. L. 2171-2 CCP).
* 103 Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 sur la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.
* 104 Le département de Mayotte est, en tant que région ultrapériphérique (RUP), pleinement soumis au droit de l'Union européenne.
* 105 CJUE, 22 octobre 2015, Grupo Hospitalario Quiron SA, aff. C-552/13.
* 106 Article 18 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
* 107 CJCE, 3 juin 1992, Commission c/ République italienne, aff. C-360/89.
* 108 Ibid.
* 109 Conseil d'État, 9 juillet 2007, n° 297711.
* 110 Article 20 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
* 111 Considérant 78 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
* 112 L'article L. 3-1 du code de la commande publique, issu de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite « Climat et résilience », dispose ainsi que « [l]a commande publique participe à l'atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, dans les conditions définies par le présent code »
* 113 Rapport remis à la direction des achats de l'État du ministère de l'économie et des finances par Adrien Deschamps, « Développement durable et accès des PME aux marchés publics », juin 2024.
* 114 Décision n° 2001-452 DC du 6 décembre 2001 sur la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.
* 115 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
* 116 Le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique, pris en application de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, détermine les différentes catégories d'entreprises.
* 117 En application du décret n° 2018-57 du 31 janvier 2018 le caractère local de la PME est « déterminé par la localisation de son siège ou de son principal établissement sur le territoire de la collectivité ultra-marine dans laquelle le marché public a vocation à être exécuté ».
* 118 Cela concerne les artisans inscrits au registre national des entreprises en tant que personnes relevant du secteur des métiers et de l'artisanat, employant moins de 11 salariés et exerçant à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'État.
* 119 Amendement n° 34 de Nadège Abomangoli et de plusieurs de ses collègues.
* 120 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
* 121 Le principe de non-discrimination s'applique aussi aux marchés publics inférieurs aux seuils définis par l'Union européenne, dès lors qu'ils présentent un intérêt transfrontalier certain (Cour de justice des communautés européennes, 7 décembre 2000, Telaustria, aff. C-324/98).
* 122 Article L. 2193-2 du code de la commande publique.
* 123 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
* 124 CJUE, 26 septembre 2019, Vitali SpA c/ Autostrade per l'Italia Spa, aff. C-63/18.
* 125 Cour administrative d'appel de Bordeaux, 15 décembre 1997, n° 94BX01637.
* 126 Loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.
* 127 Rapport n° 409 (2020-2021) du 3 mars 2021 de Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé sur la proposition de loi relative à la sécurité globale.
* 128 Amendement n° CE172 de Philippe Naillet et plusieurs de ses collègues.
* 129 Amendements identiques n° 254 de Philippe Gosselin et n° 265 de Jean-Pierre Vigier et plusieurs de ses collègues.
* 130 CJUE, 26 septembre 2019, Vitali SpA c/ Autostrade per l'Italia Spa, aff. C-63/18.
* 131 Décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 sur la loi relative à la sécurisation de l'emploi.
* 132 Amendement n° CE173 de Philippe Naillet et de plusieurs de ses collègues.
* 133 Article L. 2152-5 du code de la commande publique.
* 134 Article L. 2152-7 du code de la commande publique.
* 135 Le coût de revient comprend l'ensemble des dépenses liées à l'exploitation, qui sont nécessaires pour élaborer, produire, vendre et livrer un produit, une prestation ou un service.
* 136 Article 4 de l'ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaire à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.
* 137 Ces dérogations étaient applicables neuf mois à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaire à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.
* 138 Avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 139 Amendement n° CE43 d'Aurélie Trouvé et de plusieurs de ses collègues.
* 140 Amendement n° 142 d'Anchya Bamana et de plusieurs de ses collègues.
* 141 Amendement n° 269 de Jean-Pierre Vigier, Fabrice Brun, Pierre Cordier et Sylvie Bonnet.
* 142 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
* 143 Article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
* 144 Cour administrative d'appel de Lyon, 12 février 2019, n° 17LY00480.
* 145 Conseil d'État, 25 octobre 1957, Commune de Bondy.
* 146 Conseil d'État, 4 avril 2005, Commune d'Argentan, n° 264596.
* 147 Conseil d'État, 16 juin 1997, Département de l'Oise, n° 170069.
* 148 QE AN, 9 juillet 1984, n° 53260.
* 149 Amendements identiques n° CE238 et n° CE68 du Gouvernement et de Marie Lebec et de plusieurs de ses collègues.
* 150 Amendements identiques n° CE67 et n° CE279 de Marie Lebec et de plusieurs de ses collègues et d'Estelle Youssouffa.
* 151 Amendements identiques n° CE232 et n° CE278 du Gouvernement et d'Estelle Youssouffa.
* 152 Avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 153 Une association est obligée de désigner un commissaire aux comptes dans certains cas, par exemple si elle reçoit au moins 153 000 € de subventions publiques ou de dons ouvrant droit à une réduction d'impôt, si elle émet des obligations, ou encore si ses ressources financières dépassent 200 000 € et rémunèrent d'un à trois dirigeants.