N° 187

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 décembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole
et le
renouvellement des générations en agriculture,

Par M. Jean-Claude ANGLARS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Philippe Tabarot, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Didier Mandelli, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

2436, 2600 et T.A. 300

Sénat :

639 (2023-2024) et 184 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté, le 4 décembre 2024, le rapport pour avis de Jean-Claude Anglars sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Face aux enjeux polymorphes auxquels sont soumis des agriculteurs aux premières loges du changement climatique, ce projet de loi entend définir des orientations et mobiliser des outils pour anticiper les profonds bouleversements agricoles, dans une logique d'adaptation et de résilience. À ce titre, les évolutions concernant la formation et l'innovation sont primordiales pour préparer aux agricultures de demain.

Si la commission partage naturellement l'objectif d'une agriculture économiquement et écologiquement viable, rémunératrice, diversifiée, durable, répartie sur l'ensemble du territoire et capable de produire une alimentation saine, sûre, nutritive et accessible à tous, conformément au principe de souveraineté alimentaire, elle souhaite toutefois mettre en garde contre la stérilité d'une opposition entre agriculture et environnement. Les productions agricoles sont marquées par une forte dépendance à la fertilité des sols et au fonctionnement des écosystèmes, et par conséquent à la biodiversité et au climat.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale a permis de combler plusieurs angles morts du texte initial, avec notamment des orientations plus précises sur les modèles agricoles à favoriser, les transitions à accompagner ainsi que la simplification et l'allégement de certaines procédures et règlementations inutilement complexes.

La commission partage cet objectif de lisibilité des normes environnementales, qu'elle a approfondi en prévoyant notamment l'unification du régime juridique applicable à la haie pour les gestionnaires et exploitants, que les bâtiments agricoles continuent à être décomptés des espaces artificialisés, y compris après 2031, pour éviter que la stratégie « ZAN » de lutte contre l'artificialisation des sols ne soit contraire aux enjeux de souveraineté alimentaire et que la laine puisse être valorisée comme fertilisant, dans une logique d'économie circulaire.

La commission a ainsi émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi, sous le bénéfice de l'adoption des six amendements du rapporteur pour avis.

I. NOTRE SYSTÈME AGRICOLE FACE AUX DÉFIS PROTÉIFORMES DU « MUR CLIMATIQUE » : UN PROJET DE LOI QUI NE RÉPOND QUE PARTIELLEMENT ET IMPARFAITEMENT AUX ENJEUX

A. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, UN DÉFI SANS PRÉCÉDENT POUR LA PÉRENNITÉ DES EXPLOITATIONS AGRICOLES

L'agriculture est l'un des secteurs d'activité les plus sensibles à l'évolution du climat et les plus dépendants du fonctionnement des écosystèmes. La nouvelle donne climatique expose directement les agriculteurs à des pressions inédites, qui mettent sous tension leurs pratiques et leurs activités : les effets du changement climatique sur l'élevage et les récoltes sont d'ores et déjà une réalité dans les territoires, ainsi que l'illustrent les études agronomiques portées notamment par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).

Source : commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

En se fondant sur un scénario de réchauffement global à + 4°C d'ici la fin du siècle, hypothèse plausible en l'état des évolutions climatiques observées et projetées, notamment par le GIEC1(*), les productions agricoles et forestières seront fortement affectées en France, particulièrement après 2050, par des impacts en cascade sur les ressources en eau, les sols et la biodiversité.

La sécurisation de l'accès à la ressource en eau pourrait devenir, dans un avenir proche, un défi majeur pour la majorité des exploitations agricoles. On estime ainsi qu'au milieu du siècle, la variabilité saisonnière des précipitations pourrait s'accroître significativement, que l'humidité des sols baisserait et que l'évapotranspiration continuerait à s'accroître (+ 3 % en moyenne depuis 2002), réduisant le volume d'eau disponible pour les besoins des végétaux.

La rapidité des évolutions climatiques, qui se produisent à un rythme désormais perceptible à l'échelle de la vie active, plaide fortement pour une consolidation de la souveraineté alimentaire et agricole de la France. Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, « ces défis imposent également un regard lucide sur la viabilité future de nos modèles agricoles et une adaptation des systèmes de production pour préserver les ressources naturelles tout en pourvoyant alimentation et biomasse pour de multiples usages ». Ce texte envisage ainsi d'élever la protection et le développement de l'agriculture au rang d'objectif prioritaire de l'action publique.

Pour garantir la durabilité et la pérennité de notre souveraineté alimentaire, il est impératif d'accompagner les exploitants de manière à mieux anticiper ces bouleversements climatiques et à déterminer des voies d'adaptation pertinentes, au meilleur coût pour la collectivité. En s'appuyant sur les résultats de la recherche agronomique, en tenant compte des évolutions climatiques au plus près des territoires et en accompagnant les exploitations vers des modèles plus résilients, la commission estime possible de concilier compétitivité agricole, préservation de l'environnement et durabilité des systèmes alimentaires. Opposer activités agricoles et biodiversité ne peut que conduire à l'impasse.


* 1 https://report.ipcc.ch/ar6syr/pdf/IPCC_AR6_SYR_SPM.pdf

Partager cette page