B. LA LUTTE CONTRE L'ABSENTÉISME : UNE SOURCE D'ÉCONOMIES CONSIDÉRABLES DANS UNE LOGIQUE D'ÉQUITÉ PUBLIC/PRIVÉ
Dans la fonction publique, l'absentéisme constitue toujours un phénomène d'une ampleur plus importante que dans le secteur privé.
Ainsi, malgré un rattrapage considérable entre 2022 et 2023, période au cours de laquelle le nombre moyen de jours d'absence pour raison de santé au cours de l'année a reculé de 2,5 jours dans la fonction publique et de seulement 1,4 jour dans le secteur privé, les fonctionnaires se sont, en moyenne, absentés 12 jours de leur poste pour ce motif en 2023, contre 10,3 jours dans le secteur privé.
Les trois versants connaissent à cet égard des situations très différentes, avec, en moyenne, 8,4 jours d'absence pour les agents de la fonction publique de l'État hors enseignants, 9,3 jours pour les enseignants, 14 jours pour les agents de la fonction publique hospitalière et 14,7 jours pour ceux de la fonction publique territoriale.
Nombre moyen de jours d'absence pour raison de
santé
au cours de l'année, par personne,
dans la fonction
publique et dans le secteur privé
Source : Rapport annuel sur l'état de la fonction publique, édition 2024
Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite porter d'un à trois jours le délai de carence en cas de congé de maladie dans la fonction publique et ramener à 90 % le taux de remplacement de la rémunération des agents publics pendant les trois premiers mois d'arrêt, comme c'est le cas dans le secteur privé29(*).
Le délai de carence dans la fonction publique
En 2012, le législateur a instauré un jour de carence dans la fonction publique en cas d'arrêt maladie30(*). Abrogé l'année suivante31(*), ce dispositif a été réintroduit à compter de 201832(*).
En pratique, l'agent ne bénéficie du maintien de sa rémunération et du versement de prestations en espèces de la part de l'employeur qu'à compter du deuxième jour de congé de maladie.
Durant la période d'arrêt, le fonctionnaire perçoit l'intégralité de son traitement pendant trois mois, puis la moitié pendant les neuf mois suivants33(*).
Le coût pour les employeurs publics des absences pour raisons de santé est évalué par l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) à 15 milliards d'euros en 2022, tandis que le rétablissement du jour de carence aurait permis à l'État d'économiser 134 millions d'euros en 202334(*).
Selon l'Igas, l'allongement du délai de carence à trois jours induirait une économie de l'ordre de 112 millions d'euros pour le budget de l'État et de 289 millions d'euros pour l'ensemble de la fonction publique. À niveau d'absentéisme identique, la diminution du taux de remplacement représenterait, quant à elle, 300 millions d'euros de moindres dépenses pour chaque versant.
Leviers incitatifs de réduction de
l'absentéisme
relatifs à la prise en charge de la
rémunération des agents publics absents pour raison de
santé et chiffrage des économies budgétaires qu'ils
permettraient de réaliser
Leviers |
Économies budgétaires (en millions d'euros) |
|||
FPE |
FPT |
FPH |
Total |
|
Instauration d'un 2ème jour |
67 |
74 |
33 |
174 |
Instauration d'un 2ème et
3ème jours |
112 |
122 |
54 |
289 |
Mise en place d'un taux de remplacement à 90 % de la rémunération en arrêt maladie |
300 |
300 |
300 |
900 |
Source : IGF/Igas, Revue de dépenses relative à la réduction des absences dans la fonction publique, juillet 2024
Le rapporteur est favorable à la mise en oeuvre de ces mesures, qui permettraient d'associer les agents publics au redressement de la trajectoire des finances publiques, en leur appliquant, dans une logique d'équité, les règles opposables aux travailleurs du secteur privé35(*).
De fait, comme l'a montré l'Insee, la réintroduction du jour de carence dans la fonction publique a entraîné une diminution de 23 % de la fréquence des absences dans l'éducation nationale, qui représente 16 % des agents publics, et de 5% du nombre cumulé de jours d'absence pour maladie ordinaire, principalement pour ce qui concerne les arrêts de courte durée36(*).
Au surplus, le rapporteur insiste sur la nécessité d'analyser plus en profondeur les causes des congés de maladie et de mieux contrôler la pertinence de leur prolongation.
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La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 148 « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » inscrits au projet de loi de finances pour 2025.
Ces crédits seront examinés en séance publique le 7 décembre 2024
* 29 Articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale ; articles L. 1226-1 et D. 1226-1 du code du travail.
* 30 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 105.
* 31 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 126.
* 32 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 115.
* 33 Article L. 822-3 du code général de la fonction publique.
* 34 IGF/Igas, Revue de dépenses relative à la réduction des absences dans la fonction publique, juillet 2024.
* 35 Dans les faits, selon l'IGF et l'Igas, 70 % des salariés du secteur privé bénéficient du maintien de l'intégralité de leur salaire par leur employeur en application d'un accord de branche ou d'entreprise.
* 36 Insee, Quel est l'effet du « jour de carence » sur les absences pour maladie des personnels de l'Éducation nationale ?, Insee analyses n° 95, juillet 2024.