N° 149 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
TOME VI Fascicule 1 SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE Sport |
Par M. Jean-Jacques LOZACH, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Mireille Conte Jaubert, Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Virginie Lucot Avril, Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Maurice Perrion, Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
AVANT-PROPOS
À l'issue d'un été 2024 exceptionnel, marqué par le succès des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, les attentes vis à vis de l'État étaient grandes, à la mesure des engagements pris par les pouvoirs publics pour faire de la France une nation sportive. Le sport est unanimement reconnu comme une composante de l'éducation, de l'insertion et comme un outil majeur de santé publique. Les JOP en ont démontré l'importance pour la cohésion nationale et le rayonnement de la France à l'international.
Au regard de ces attentes, la désillusion des acteurs du mouvement sportif est grande. La perspective d'une loi d'héritage olympique s'éloigne. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une baisse de 25 % des crédits du sport. Si la diminution des crédits du programme de financement des JOP est logique, la régression du programme 219 « Sport », dans de telles proportions, est plus inattendue : ce programme perd en effet 182 M€ (- 23 %). Quant au plafond des taxes affectées à l'Agence nationale du sport (ANS), il baisse de 6 M€ (- 4 %).
Au total, hors JOP, le budget du sport baisse de 188 M€ soit - 20 %.
Les politiques publiques du sport subiront, par ailleurs, la réduction des moyens des collectivités territoriales qui sont en première ligne pour financer l'investissement dans les équipements sportifs et en assurer le bon fonctionnement.
Cette évolution budgétaire compromet l'héritage olympique. Alors que les Jeux ont créé une véritable dynamique d'adhésion dans les fédérations sportives, les moyens ne seront pas au rendez-vous pour convertir cet effet, par essence passager, en une dynamique durable.
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés au sport au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2025.
L'évolution des crédits du sport depuis 2018 (CP, M€)
-25 %
Pour le rapporteur, l'évolution budgétaire compromet la possibilité d'un véritable héritage olympique.
I. LE BUDGET DU SPORT POUR 2025 : LA FIN DE LA « PARENTHÈSE ENCHANTÉE »
Ce budget 2025 est une déconvenue pour l'ensemble des acteurs du mouvement sportif : « gueule de bois », « désillusion », « fin de la parenthèse enchantée ». Les mots entendus par le rapporteur lors de ses auditions sont sans ambiguïtés. Ce budget ne permettra pas de pérenniser l'effet des JOP, alors que l'augmentation du nombre de licenciés sportifs à la rentrée 2024 est réelle, estimée à 10 % environ (les chiffres définitifs étant en attente).
A. UN PROGRAMME « SPORT » EN RECUL SUR PLUSIEURS POLITIQUES CLÉS
P219 « Sport » : de la LFI 2024 au PLF 2025 (en M€)
Par rapport à la loi de finances pour 2024, les crédits du programme 219 « Sport » baissent de 10 % en autorisations d'engagement (AE) et de 23 % en crédits de paiement (CP). Cette diminution intervient après l'annulation de 50,5 M€ de crédits (en AE et en CP) par le décret du 21 février 2024.
La non-reconduction de mesures spécifiques aux JOP permet logiquement d'économiser 66 M€ de crédits, consacrés en 2024 à la billetterie populaire, aux primes aux médaillés, à la Grande Cause Nationale en faveur du sport, ou encore à l'animation territoriale des Jeux. Mais, au-delà, des économies sont réalisées sur plusieurs politiques clés pour le développement de la pratique sportive.
· La réalisation des objectifs du plan « Génération 2024 » est reportée.
Si les AE sont maintenues, aucun CP nouveau n'est inscrit pour la réalisation du plan « Génération 2024 », ce qui permet d'économiser 100 M€. Le dispositif sera financé, l'an prochain, par les reports de crédits non consommés en 2024. Pour rappel, ce plan de 300 M€ prévoit la réalisation de 5 000 équipements sur trois ans dont 500 équipements structurants (150 M€), 3 000 équipements de proximité (120 M€) et 1 500 cours d'école « actives » (30 M€). Un tiers des projets sont situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce plan fait suite à un premier plan « 5 000 équipements », doté de 200 M€ en 2022 et 2023, qui a permis d'accompagner la mise en place ou la rénovation d'environ 5 300 équipements.
Le rapporteur regrette le report de ces investissements. Ceux-ci sont en effet nécessaires, quoiqu'insuffisants.
Les collectivités locales sont confrontées à des coûts d'investissement et de fonctionnement qui s'accroissent du fait d'équipements vieillissants. D'après l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), la France compte environ 270 000 équipements sportifs (hors sites et espaces de sports de nature) dont 61 % ont été mis en service avant 1995. Deux tiers de ceux-ci n'ont jamais été rénovés. En particulier, les piscines construites dans le cadre du plan « 1 000 piscines » des années 1970 doivent être modernisées. La situation de nombreuses piscines est préoccupante en raison de leur vétusté, de leurs coûts énergétiques, mais aussi du fait de la difficulté à recruter des maîtres-nageurs. Or l'apprentissage de la natation demeure un enjeu essentiel alors qu'environ 1 000 décès par noyade sont encore recensés chaque année en France. Les investissements sont insuffisants.
Construction et rénovation de piscines en 2024
La France compte environ 6 050 bassins de natation. La moitié des équipements aquatiques publics ont été construits avant 1977, notamment dans le cadre du Plan « 1 000 piscines » défini à la fin des années 1960. Plus de 70 % ont été construits avant 1995.
Pour 2024, les données provisoires sont les suivantes : 37 projets relatifs à des piscines sont financés par l'ANS au titre de l'axe 3 du Plan « Génération 2024 » dédié aux équipements structurants dont 21 projets de construction (8,7 M€) et 16 projets de rénovation (4,46 M€) pour un montant total de subventions attribuées de 13,16 M€. Par ailleurs, 3 projets de bassins mobiles sont financés au titre de l'axe 1 du même plan, dédié aux équipements de proximité, pour un montant total de subventions attribuées de 0,07 M€. Au total 40 projets de piscine sont financés pour un montant total de subventions attribuées de 13,23 M€.
Parallèlement à la nécessité de rénover les équipements structurants, les communes doivent prendre en compte l'évolution des pratiques et proposer des équipements adaptés de proximité.
Les deux plans « 5 000 équipements » ont apporté un début de réponse à ces problématiques, ce qui est insuffisant au regard des besoins.
En outre, la planification des équipements sportifs doit être améliorée en tenant compte de l'implantation des infrastructures existantes et des usages réels, afin de parvenir à un maillage territorial cohérent. Un marché d'étude de l'occupation des équipements sportifs doit être lancé par le ministère des sports et l'ANS en 2025.
· Les dispositifs destinés aux jeunes sont revus à la baisse.
Les dispositifs « Pass'Sport » et « 2 heures de sport supplémentaires au collège » (2HSC) sont fusionnés. Leur enveloppe s'élève à 86,4 M€ pour 2025 dont 75 M€ pour le Pass'Sport et 11,4 M€ pour 2HSC. 14 M€ d'économies sont réalisés sur ces deux composantes (soit plus que le coût du seul dispositif 2HSC).
Le Pass'Sport est une allocation de rentrée sportive de 50 euros pour financer l'inscription dans une association sportive. 1,4 million de jeunes en ont bénéficié en 2023. Le taux de recours à ce dispositif, sous condition de ressources, est en augmentation. La diminution des crédits implique une évolution des conditions de recours au Pass'Sport, c'est-à-dire un recentrage du public cible.
Le dispositif 2HSC connaît de nombreuses difficultés d'application. Les 714 collèges pressentis pour expérimenter le dispositif ne se sont pas tous engagés. Sa généralisation n'est plus envisagée. Le dispositif est converti en une part collective du Pass'Sport, centré sur les zones REP/REP+, venant en soutien du programme « accueil élargi 8h-18h ».
· La subvention à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) passe de 11,4 M€ en 2024 à 10,9 M€ en 2025 (- 4 %). Les capacités de contrôle de l'AFLD ont été rehaussées de 8 000 prélèvements par an en 2018 à 12 000 en 2024. Le Gouvernement propose, en outre, de diminuer le plafond d'emplois de l'AFLD à 50 ETP (- 2 ETP). Or le surcroît d'activité lié aux Jeux de Paris a été pris en charge non par ce plafond d'emplois mais dans le cadre du contrat liant Paris 2024 à l'AFLD. Par ailleurs, le législateur a étendu les compétences de l'AFLD en 2021 pour répondre aux nouvelles exigences du Code mondial antidopage et créer deux nouveaux départements (pour les enquêtes et le renseignement, d'une part, et pour l'éducation et la prévention, d'autre part). La baisse du plafond d'emplois risque de remettre en cause la capacité de l'AFLD à exercer ses nouvelles compétences.
· Aucune enveloppe n'est prévue pour la pérennisation des emplois socio-sportifs. La création de 1 000 emplois de ce type a été annoncée par le Président de la République en octobre 2023. L'ANS a réduit cet objectif à 750, en l'absence de visibilité sur le financement. En l'absence d'enveloppe dédiée en 2025, ces emplois risquent d'être financés au détriment d'autres.
Le rapporteur regrette la non-reconduction de ce dispositif.
· S'agissant des moyens humains, les crédits consacrés à la rémunération des conseillers techniques sportifs (CTS) sont stables (132 M€) ainsi que leur nombre (1 442).
Depuis le 1er janvier 2021, les compétences déconcentrées de l'État en matière de sport, de jeunesse, d'éducation populaire, d'engagement et de vie associative relèvent des services du ministère de l'éducation nationale. Les dépenses de fonctionnement et de personnel des délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et au sport (DRAJES) sont intégrées au programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » de la mission « Enseignement scolaire », à l'exception des dépenses relatives aux CTS. Le ministère de l'éducation nationale ne dispose pas d'outils lui permettant de distinguer les ETPT consacrés à la politique du sport.
En 2023 et 2024, 56 ETP ont été créés pour renforcer le contrôle des établissements d'activités physiques et sportives avec deux axes prioritaires : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) et la lutte contre le séparatisme. Depuis 2020, la cellule Signal-Sports a recensé 1 800 signalements dans le cadre de la lutte contre les VSS. La loi du 8 mars 2024, issue de la proposition de loi de notre collègue Sébastien Pla, a renforcé le contrôle de l'honorabilité. Ces contrôles nécessitent des moyens renforcés.
Plan « Génération 2024 », sport scolaire, emplois d'éducateurs socio-sportifs : les annonces se succèdent mais les réalisations sont très partielles.