N° 149

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

TOME VI

Fascicule 1

SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE

Sport

Par M. Jean-Jacques LOZACH,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Mireille Conte Jaubert, Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Virginie Lucot Avril, Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Maurice Perrion, Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

AVANT-PROPOS

À l'issue d'un été 2024 exceptionnel, marqué par le succès des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, les attentes vis à vis de l'État étaient grandes, à la mesure des engagements pris par les pouvoirs publics pour faire de la France une nation sportive. Le sport est unanimement reconnu comme une composante de l'éducation, de l'insertion et comme un outil majeur de santé publique. Les JOP en ont démontré l'importance pour la cohésion nationale et le rayonnement de la France à l'international.

Au regard de ces attentes, la désillusion des acteurs du mouvement sportif est grande. La perspective d'une loi d'héritage olympique s'éloigne. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une baisse de 25 % des crédits du sport. Si la diminution des crédits du programme de financement des JOP est logique, la régression du programme 219 « Sport », dans de telles proportions, est plus inattendue : ce programme perd en effet 182 M€ (- 23 %). Quant au plafond des taxes affectées à l'Agence nationale du sport (ANS), il baisse de 6 M€ (- 4 %).

Au total, hors JOP, le budget du sport baisse de 188 M€ soit - 20 %.

Les politiques publiques du sport subiront, par ailleurs, la réduction des moyens des collectivités territoriales qui sont en première ligne pour financer l'investissement dans les équipements sportifs et en assurer le bon fonctionnement.

Cette évolution budgétaire compromet l'héritage olympique. Alors que les Jeux ont créé une véritable dynamique d'adhésion dans les fédérations sportives, les moyens ne seront pas au rendez-vous pour convertir cet effet, par essence passager, en une dynamique durable.

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés au sport au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2025.

L'évolution des crédits du sport depuis 2018 (CP, M€)

-25 %

Pour le rapporteur, l'évolution budgétaire compromet la possibilité d'un véritable héritage olympique.

I. LE BUDGET DU SPORT POUR 2025 : LA FIN DE LA « PARENTHÈSE ENCHANTÉE »

Ce budget 2025 est une déconvenue pour l'ensemble des acteurs du mouvement sportif : « gueule de bois », « désillusion », « fin de la parenthèse enchantée ». Les mots entendus par le rapporteur lors de ses auditions sont sans ambiguïtés. Ce budget ne permettra pas de pérenniser l'effet des JOP, alors que l'augmentation du nombre de licenciés sportifs à la rentrée 2024 est réelle, estimée à 10 % environ (les chiffres définitifs étant en attente).

A. UN PROGRAMME « SPORT » EN RECUL SUR PLUSIEURS POLITIQUES CLÉS

P219 « Sport » : de la LFI 2024 au PLF 2025 (en M€)

Par rapport à la loi de finances pour 2024, les crédits du programme 219 « Sport » baissent de 10 % en autorisations d'engagement (AE) et de 23 % en crédits de paiement (CP). Cette diminution intervient après l'annulation de 50,5 M€ de crédits (en AE et en CP) par le décret du 21 février 2024.

La non-reconduction de mesures spécifiques aux JOP permet logiquement d'économiser 66 M€ de crédits, consacrés en 2024 à la billetterie populaire, aux primes aux médaillés, à la Grande Cause Nationale en faveur du sport, ou encore à l'animation territoriale des Jeux. Mais, au-delà, des économies sont réalisées sur plusieurs politiques clés pour le développement de la pratique sportive.

· La réalisation des objectifs du plan « Génération 2024 » est reportée.

Si les AE sont maintenues, aucun CP nouveau n'est inscrit pour la réalisation du plan « Génération 2024 », ce qui permet d'économiser 100 M€. Le dispositif sera financé, l'an prochain, par les reports de crédits non consommés en 2024. Pour rappel, ce plan de 300 M€ prévoit la réalisation de 5 000 équipements sur trois ans dont 500 équipements structurants (150 M€), 3 000 équipements de proximité (120 M€) et 1 500 cours d'école « actives » (30 M€). Un tiers des projets sont situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce plan fait suite à un premier plan « 5 000 équipements », doté de 200 M€ en 2022 et 2023, qui a permis d'accompagner la mise en place ou la rénovation d'environ 5 300 équipements.

Le rapporteur regrette le report de ces investissements. Ceux-ci sont en effet nécessaires, quoiqu'insuffisants.

Les collectivités locales sont confrontées à des coûts d'investissement et de fonctionnement qui s'accroissent du fait d'équipements vieillissants. D'après l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), la France compte environ 270 000 équipements sportifs (hors sites et espaces de sports de nature) dont 61 % ont été mis en service avant 1995. Deux tiers de ceux-ci n'ont jamais été rénovés. En particulier, les piscines construites dans le cadre du plan « 1 000 piscines » des années 1970 doivent être modernisées. La situation de nombreuses piscines est préoccupante en raison de leur vétusté, de leurs coûts énergétiques, mais aussi du fait de la difficulté à recruter des maîtres-nageurs. Or l'apprentissage de la natation demeure un enjeu essentiel alors qu'environ 1 000 décès par noyade sont encore recensés chaque année en France. Les investissements sont insuffisants.

Construction et rénovation de piscines en 2024

La France compte environ 6 050 bassins de natation. La moitié des équipements aquatiques publics ont été construits avant 1977, notamment dans le cadre du Plan « 1 000 piscines » défini à la fin des années 1960. Plus de 70 % ont été construits avant 1995.

Pour 2024, les données provisoires sont les suivantes : 37 projets relatifs à des piscines sont financés par l'ANS au titre de l'axe 3 du Plan « Génération 2024 » dédié aux équipements structurants dont 21 projets de construction (8,7 M€) et 16 projets de rénovation (4,46 M€) pour un montant total de subventions attribuées de 13,16 M€. Par ailleurs, 3 projets de bassins mobiles sont financés au titre de l'axe 1 du même plan, dédié aux équipements de proximité, pour un montant total de subventions attribuées de 0,07 M€. Au total 40 projets de piscine sont financés pour un montant total de subventions attribuées de 13,23 M€.

Parallèlement à la nécessité de rénover les équipements structurants, les communes doivent prendre en compte l'évolution des pratiques et proposer des équipements adaptés de proximité.

Les deux plans « 5 000 équipements » ont apporté un début de réponse à ces problématiques, ce qui est insuffisant au regard des besoins.

En outre, la planification des équipements sportifs doit être améliorée en tenant compte de l'implantation des infrastructures existantes et des usages réels, afin de parvenir à un maillage territorial cohérent. Un marché d'étude de l'occupation des équipements sportifs doit être lancé par le ministère des sports et l'ANS en 2025.

· Les dispositifs destinés aux jeunes sont revus à la baisse.

Les dispositifs « Pass'Sport » et « 2 heures de sport supplémentaires au collège » (2HSC) sont fusionnés. Leur enveloppe s'élève à 86,4 M€ pour 2025 dont 75 M€ pour le Pass'Sport et 11,4 M€ pour 2HSC. 14 M€ d'économies sont réalisés sur ces deux composantes (soit plus que le coût du seul dispositif 2HSC).

Le Pass'Sport est une allocation de rentrée sportive de 50 euros pour financer l'inscription dans une association sportive. 1,4 million de jeunes en ont bénéficié en 2023. Le taux de recours à ce dispositif, sous condition de ressources, est en augmentation. La diminution des crédits implique une évolution des conditions de recours au Pass'Sport, c'est-à-dire un recentrage du public cible.

Le dispositif 2HSC connaît de nombreuses difficultés d'application. Les 714 collèges pressentis pour expérimenter le dispositif ne se sont pas tous engagés. Sa généralisation n'est plus envisagée. Le dispositif est converti en une part collective du Pass'Sport, centré sur les zones REP/REP+, venant en soutien du programme « accueil élargi 8h-18h ».

· La subvention à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) passe de 11,4 M€ en 2024 à 10,9 M€ en 2025 (- 4 %). Les capacités de contrôle de l'AFLD ont été rehaussées de 8 000 prélèvements par an en 2018 à 12 000 en 2024. Le Gouvernement propose, en outre, de diminuer le plafond d'emplois de l'AFLD à 50 ETP (- 2 ETP). Or le surcroît d'activité lié aux Jeux de Paris a été pris en charge non par ce plafond d'emplois mais dans le cadre du contrat liant Paris 2024 à l'AFLD. Par ailleurs, le législateur a étendu les compétences de l'AFLD en 2021 pour répondre aux nouvelles exigences du Code mondial antidopage et créer deux nouveaux départements (pour les enquêtes et le renseignement, d'une part, et pour l'éducation et la prévention, d'autre part). La baisse du plafond d'emplois risque de remettre en cause la capacité de l'AFLD à exercer ses nouvelles compétences.

· Aucune enveloppe n'est prévue pour la pérennisation des emplois socio-sportifs. La création de 1 000 emplois de ce type a été annoncée par le Président de la République en octobre 2023. L'ANS a réduit cet objectif à 750, en l'absence de visibilité sur le financement. En l'absence d'enveloppe dédiée en 2025, ces emplois risquent d'être financés au détriment d'autres.

Le rapporteur regrette la non-reconduction de ce dispositif.

· S'agissant des moyens humains, les crédits consacrés à la rémunération des conseillers techniques sportifs (CTS) sont stables (132 M€) ainsi que leur nombre (1 442).

Depuis le 1er janvier 2021, les compétences déconcentrées de l'État en matière de sport, de jeunesse, d'éducation populaire, d'engagement et de vie associative relèvent des services du ministère de l'éducation nationale. Les dépenses de fonctionnement et de personnel des délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et au sport (DRAJES) sont intégrées au programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » de la mission « Enseignement scolaire », à l'exception des dépenses relatives aux CTS. Le ministère de l'éducation nationale ne dispose pas d'outils lui permettant de distinguer les ETPT consacrés à la politique du sport.

En 2023 et 2024, 56 ETP ont été créés pour renforcer le contrôle des établissements d'activités physiques et sportives avec deux axes prioritaires : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) et la lutte contre le séparatisme. Depuis 2020, la cellule Signal-Sports a recensé 1 800 signalements dans le cadre de la lutte contre les VSS. La loi du 8 mars 2024, issue de la proposition de loi de notre collègue Sébastien Pla, a renforcé le contrôle de l'honorabilité. Ces contrôles nécessitent des moyens renforcés.

Plan « Génération 2024 », sport scolaire, emplois d'éducateurs socio-sportifs : les annonces se succèdent mais les réalisations sont très partielles.

B. DES TAXES AFFECTÉES TOUJOURS PLAFONNÉES ET EN BAISSE

L'ANS a bénéficié en 2024 de trois taxes affectées. Ce nombre sera réduit à deux à compter de l'an prochain.

· En application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le prélèvement sur les jeux exploités par la Française des Jeux (FdJ) hors paris sportifs n'est plus affecté à l'ANS, en l'absence de lien entre l'objet de cette taxe et la nature des activités financées.

· La contribution sur la cession de droits audiovisuels (« taxe Buffet »), dont le montant est un peu inférieur à 60 M€, est affectée en totalité à l'ANS. Toutefois, son évolution pour l'avenir est incertaine compte tenu de la baisse des droits TV du football. En 2023, le football a contribué à hauteur de 77 % au produit de cette taxe, dont le taux est de 5 % sur les droits de diffusion. Or, les droits domestiques de la Ligue 1 et de la Ligue 2 ont été cédés à l'été 2024 pour 520 M€ par an en moyenne, en forte baisse par rapport au cycle précédent (- 20 %). Cette baisse ne sera que partiellement compensée par la hausse attendue des droits internationaux.

· Enfin, le plafond du prélèvement sur les paris sportifs en ligne est rehaussé, pour compenser la suppression de l'affectation du prélèvement FdJ. Toutefois, cette compensation n'est que partielle. Il manque 6 M€ en tout par rapport au plafond fixé l'an dernier. Le prélèvement sur les paris sportifs en ligne est plafonné à 100,4 M€ alors que le rendement total de cette taxe est évalué à 213,9 M€. Le dynamisme des paris sportifs en ligne constitue une opportunité à ne pas négliger pour financer l'héritage des JOP et, en particulier, la modernisation des équipements, dans un contexte budgétaire contraint. Un déplafonnement total de la taxe rapporterait environ 113 M€ supplémentaires à l'ANS.

À titre personnel, le rapporteur est favorable au déplafonnement de la taxe sur les paris sportifs en ligne. Il déposera, par ailleurs, un amendement visant à allouer 50 M€, issus d'économies réalisées sur le service national universel (SNU), au programme 219 « Sport », dont 40 M€ afin de poursuivre l'investissement dans les équipements structurants et 10 M€ en faveur des actions d'insertion et de reconversion par le sport, afin de poursuivre l'effort initié l'an dernier en faveur des emplois socio-sportifs.

Taxes affectées : une baisse de 6M€

en euros

2024

2025

Montant affecté à l'ANS

Montant affecté à l'ANS

Rendement total

Contribution sur la cession des droits de diffusion (« taxe Buffet »)

59 665 000

59 665 000

59 665 000

Prélèvement sur les paris sportifs en ligne

71 844 000

100 444 000

213 882 392

Prélèvement sur les jeux FdJ hors paris sportifs

34 600 000

0

(289 792 867)

Total

166 109 000

160 109 000

273 547 392

C. DES COLLECTIVITÉS SOUS PRESSION

Les dépenses annuelles des collectivités territoriales en faveur du sport sont estimées à 12,5 Md€, dont 8 Md€ financés par les communes. Les aides de l'État constituent un puissant effet de levier pour ces investissements.

En 2023, plus de 2 000 projets d'investissement ont été soutenus par l'État dans le domaine du sport, dans le cadre du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ces subventions s'élèvent à 212 M€, pour des projets représentant au total 1,2 Md€, soit un effet de levier de 5,7. Ces subventions sont allouées au titre de la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local), de la DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux), de la DPV (dotation politique de la ville) et de la DSID (dotation de soutien à l'investissement des départements). Les AE et CP prévus pour ces dotations sont stables dans le PLF 2025.

Soutien de l'État aux investissements dans le domaine du sport
via les dotations d'investissement versées aux collectivités territoriales
(2023, M€)

Toutefois, le Gouvernement envisage des mesures d'économies, à hauteur de 5 Md€, pour les collectivités territoriales : notamment par le biais de l'obligation de cotiser à un fonds de précaution pour les collectivités dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 40 M€, la baisse du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) et la réduction du Fonds vert. Ces mesures auront nécessairement un impact négatif sur l'investissement dans le domaine des équipements sportifs, et sur la capacité des collectivités à assurer le bon fonctionnement d'équipements souvent vieillissants.

Enfin, la gouvernance partenariale des politiques sportives, au niveau territorial, ne donne pas totalement satisfaction. Les schémas mis en place par la loi du 1er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport (ANS) se révèlent contraignants. Ils ne permettent pas de drainer les financements privés espérés. La loi de 2019 a institué les conférences régionales du sport (CRDS) et les conférences des financeurs du sport (CFDS), qui comprennent des représentants de l'État, des collectivités locales, du mouvement sportif et des acteurs économiques et sociaux. Les CRDS sont composées en moyenne de 58 membres en métropole et 26 en outre-mer. Elles sont chargées d'adopter un Projet sportif territorial (PST). Des projets emblématiques font l'objet de contrats pluriannuels d'orientation et de financement (CPOF) avec le ministère des sports.

Une réflexion sur la gouvernance de l'ANS est engagée. Le Premier ministre a envisagé, à l'automne 2024, de « rapprocher les agences du sport et le ministère des sports ». Une évaluation de l'ANS doit être menée au cours de l'année 2025. Le rapporteur souhaite que ne soient pas remises en cause certaines avancées permises par l'ANS, notamment dans le domaine du soutien au sport de haut niveau.

II. DES JEUX DE 2024 À CEUX DE 2030 : MAINTENIR L'ÉLAN 

De l'avis de tous les acteurs du mouvement sportif, les Jeux de Paris 2024 ont été une réussite tant du point de vue organisationnel que sportif.

COJOP

Solidéo

 
 

de ressources publiques

de ressources publiques

A. JOP 2024 : LE TEMPS DU BILAN

Le budget total du Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP), tel que révisé en 2023, s'élève à 4,4 Md€ contre 3,8 Md€ programmés en 2018. Le COJOP est financé à 95 % par des ressources non publiques, issues des hospitalités et de la billetterie, des partenariats et de contributions du Comité international olympique (CIO).

Les contributions publiques au COJOP s'élèvent à 204 M€, contre 100 M€ programmés en 2018, dont 158 M€ de l'État. La contribution de l'État avait été évaluée à 80 M€ en 2018. Une contribution supplémentaire de 44,5 M€ a été permise par la loi de finances de fin de gestion 2023. Par ailleurs, un apport de 33,3 M€ a été annoncé en juin 2024, pour le financement des Jeux paralympiques. Ce dernier apport est financé sans ouverture de crédits supplémentaires grâce aux réserves de la Solidéo (29,9 M€) et à la réserve pour aléa du programme « Sport » (3,4 M€).

Aux termes de la loi de finances initiale pour 2022 (article 158), l'État garantit tout déficit d'exploitation du COJOP jusqu'à 3 Md€. La mobilisation de cette garantie n'est pas envisagée.

Les participations des autres collectivités publiques sont les suivantes : la Région Ile-de-France et la Ville de Paris contribuent à hauteur de 15,6 M€ chacune (contre 10 M€ envisagés en 2018) ; la Métropole du Grand Paris pour 15 M€ (contribution non programmée en 2018).

La Solidéo a financé la construction ou la modernisation de 70 ouvrages olympiques grâce à 1,7 Md€ de ressources publiques intégrées à son budget (+ 304 M€ par rapport aux prévisions de 2018), dont les deux tiers proviennent de l'État (1,1 Md€) et un tiers des collectivités territoriales. Un certain nombre d'ouvrages financés bénéficient, en outre, de moyens publics complémentaires, hors budget de la Solidéo. Les promoteurs privés ont participé à la construction des ouvrages, à hauteur de 2,1 Md€.

Les investissements publics en faveur des équipements olympiques (dans et hors du budget de la Solidéo) se sont élevés, au total, à 2,3 Md€.

B. DES OBJECTIFS ATTEINTS MAIS DES QUESTIONS EN SUSPENS

Sur le plan sportif, avec 64 médailles, dont 16 d'or, la France a atteint son objectif d'être dans les cinq meilleures nations aux Jeux olympiques. Même si certaines disciplines n'ont pas obtenu les résultats espérés, malgré d'importants moyens mis en oeuvre, les performances françaises n'en demeurent pas moins historiques.

La France a également atteint son objectif d'être dans les huit meilleures nations aux Jeux paralympiques. Ces résultats valident la stratégie de la haute performance mise en place depuis plusieurs années, grâce à des moyens importants, notamment dans le cadre du programme « Ambition Bleue ».

Les Maisons régionales de la performance, créées en 2021 en vue des JOP pour mettre en oeuvre le dispositif « Ambition Bleue » porté par l'ANS, ont donné satisfaction. De l'avis de la plupart des acteurs, la stratégie déployée par l'ANS pour le sport de haut niveau est un succès. Si une réforme de la gouvernance de l'ANS est envisagée, notamment au niveau territorial, l'Agence a fait ses preuves pour la promotion du sport de haut niveau.

En 2024, l'État a mobilisé 300 M€ pour le sport de haut niveau. Les conditions de vie des athlètes ont été sensiblement améliorées. En outre, la démarche « Gagner en France » (21,5 M€) a permis d'optimiser la préparation sportive pour ces Jeux « à domicile ».

Mais les résultats de Paris 2024 pourront difficilement être maintenus dans le temps si l'effort financier qui les a permis n'est pas pérennisé.

Plusieurs questions restent ouvertes :

· un projet de loi visant à rénover le sport français en héritage des Jeux a été envisagé, pour d'une part, améliorer la gouvernance et la vie démocratique du mouvement sportif, d'autre part, renforcer l'éthique et l'intégrité dans l'écosystème du sport et, enfin, consolider les dispositifs de protection des pratiquants. L'horizon de l'examen de ce projet de loi semble s'éloigner irrémédiablement, ce que la commission regrette ;

· le coût de l'organisation des Jeux et de la construction des ouvrages olympiques ne représente qu'une partie des coûts totaux des JOP pour les collectivités publiques. Les Jeux olympiques ont mobilisé, en moyenne, 30 000 personnels des forces de sécurité intérieure chaque jour. Le coût de l'investissement matériel et humain de la police et de la gendarmerie dans le cadre des JOP est évalué à 1,1 Md€. Le premier président de la Cour des comptes a estimé le coût total des JOP entre 3 et 5 milliards d'euros. Conformément à la loi du 19 mai 2023, « la Cour des comptes remet au Parlement, avant le 1er octobre 2025, un rapport sur l'organisation, le coût et l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ». Ce rapport permettra de préciser les estimations existantes ;

· d'autre part, s'agissant des retombées des JOP, une étude du Centre de droit et d'économie du sport (CDES) d'avril 2024 évalue ces retombées entre 6,7 Md€ et 11,1 Md€ pour Paris et la région Ile-de-France. Un programme de 14 études, coordonné par le ministère chargé des sports, doit mesurer l'impact de l'évènement sur de nombreuses thématiques. Sur le plan économique, l'INSEE mesurera l'impact direct des JOP sur l'économie nationale et sur le rattrapage économique de la Seine-Saint-Denis, avec de premiers résultats fin 2024. France Stratégie réalisera une analyse coûts/bénéfices globaux des Jeux d'ici mi-2025.

C. JOP D'HIVER 2030 : QUEL FINANCEMENT ?

Enfin, la question du financement des JOP d'hiver qui doivent se dérouler dans les Alpes en 2030 reste posée.

La France s'est en effet portée candidate à l'organisation de ces Jeux à l'automne 2023. Cette candidature est portée par les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes, avec le soutien de l'État. La candidature française a été validée par le CIO le 24 juillet 2024, sous réserve de la confirmation des garanties financières. Cette candidature présente un budget total de près de 2 milliards d'euros. Une seule construction d'infrastructure nouvelle serait programmée, celle d'une patinoire à Nice. Plusieurs aménagements des infrastructures de transport sont, en outre, envisagés. Alpes 2030 est un projet d'excellence environnementale, devant participer à redéfinir l'utilisation de la montagne pour les sports d'hiver, dans le contexte du changement climatique.

Le projet de loi de finances ne prévoit rien en termes de crédits pour l'organisation des JOP d'hiver 2030.

Un comité d'organisation doit être prochainement mis en place.

L'article 54 du PLF institue une garantie de l'État au profit de ce comité d'organisation. Cette garantie a deux composantes : un remboursement éventuel des contributions du CIO en cas d'annulation (à hauteur de 500 M€) et une garantie sur les crédits de trésorerie que le futur comité d'organisation pourrait contracter. La garantie relative au déficit éventuel du comité d'organisation sera présentée ultérieurement, une fois que ce comité d'organisation aura été mis en place et que son budget aura été arrêté.

D. MAINTENIR L'ÉLAN ?

Maintenir l'élan impulsé par les JOP implique une réflexion en profondeur sur la place du sport dans les politiques publiques.

· À l'égard des jeunes : à l'heure où l'addiction aux écrans et la sédentarité, associées à l'obésité, deviennent des problèmes de santé publique majeurs, faciliter l'accès des jeunes à la pratique sportive est crucial.

Le budget 2025 est en recul sur ce point, alors que les demandes d'adhésion auprès des fédérations sportives affluent, dans le prolongement des JOP.

Tandis que les dispositifs Pass'Sport et 2HSC sont revus à la baisse, seules 42 % des écoles primaires mettent en oeuvre de manière certaine les 30 minutes d'activité physique et sportive pour plus de la moitié de leurs élèves, comme l'a montré la récente mission d'information de la commission à ce sujet1(*).

Par ailleurs, le sport universitaire demeure le parent pauvre des politiques de l'État dans le domaine sportif, malgré l'existence d'un rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche de janvier 2023, suivi de la présentation d'une feuille de route en avril 2023. Cette feuille de route prévoit de développer l'offre, de valoriser les pratiques sportives dans le cursus académique et d'aménager le temps universitaire pour favoriser la pratique sportive. Mais les moyens sont insuffisants.

· À l'égard des personnes en situation de handicap : la stratégie nationale « Sport et handicap » se poursuit auprès de 3 000 clubs sportifs « inclusifs ». La mise en place d'un référent dédié à l'activité physique et sportive dans les établissements sociaux et médico-sociaux est une avancée, de même que le développement du programme « 30 minutes » dans les établissements volontaires, accueillant des jeunes en situation de handicap. Néanmoins, la réussite des jeux paralympiques a créé des attentes fortes concernant la levée des obstacles à la pratique sportive des personnes en situation de handicap. Une impulsion supplémentaire est nécessaire pour répondre à la demande.

· Dans le domaine du sport-santé : l'offre d'activité physique adaptée (APA) s'accroît. Un réseau d'environ 520 Maisons sport-santé (MSS) est co-financé avec le ministère de la santé, via les Agences régionales de santé (ARS). En 2024, le ministère des sports a alloué 5 M€ à ces MSS. Une nouvelle stratégie nationale sport-santé est en cours d'élaboration pour la période 2025-2030. Une prise en charge de l'APA par l'assurance-maladie, dans certains cas spécifiques, serait toutefois nécessaire pour développer les bénéfices du sport-santé. L'assurance-maladie l'a préconisée, dans un rapport de 2023, pour les patients atteints de diabète ou de cancer. Par ailleurs, le modèle économique des MSS doit être consolidé.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 26 novembre 2024, un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés au sport au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

MARDI 26 NOVEMBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Nous commençons par l'examen du rapport pour avis de Jean-Jacques Lozach sur les crédits du sport.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs au sport. - Après une année 2024 exceptionnelle, marquée par le succès des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), le budget du sport pour 2025 est décevant et très éloigné des attentes du mouvement sportif.

Le sport est reconnu par tous comme une composante essentielle des politiques d'éducation, d'insertion et de santé publique. Cet été, il s'est révélé être aussi un facteur de cohésion nationale et de rayonnement international. Nombre d'annonces ont été faites depuis deux ans, jusqu'au plus haut niveau de l'État. Le sport a même été décrété grande cause nationale en 2024. Hélas, avec ce projet de loi de finances (PLF), tout se passe comme si rien n'avait changé. Hors JOP, le budget du sport baisse de 188 millions d'euros, soit de 20 %. L'idée d'une grande loi d'héritage olympique d'orientation et de programmation en faveur du sport paraît abandonnée. La réduction des moyens des collectivités territoriales est une source supplémentaire d'inquiétude alors que celles-ci sont en première ligne pour financer l'investissement et le fonctionnement des équipements sportifs.

Premièrement, ce budget acte la fin de ce que beaucoup ont appelé la « parenthèse enchantée ».

La non-reconduction de mesures spécifiques aux JOP permet, logiquement, de faire des économies. Cependant, des restrictions budgétaires affectent plusieurs politiques clés pour le développement de la pratique sportive.

La concrétisation des objectifs du plan Génération 2024 est tout d'abord reportée : aucun crédit de paiement (CP) n'est inscrit à ce titre dans le PLF. Le dispositif doit être financé uniquement par des reports de crédits. Pour rappel, ce plan de 300 millions d'euros prévoit la réalisation de 5 000 équipements en trois ans, dont 500 équipements structurants, 3 000 équipements de proximité et 1 500 cours d'école actives. Ce report est regrettable, d'autant que le plan est insuffisant compte tenu du vieillissement des infrastructures. La France compte environ 270 000 équipements sportifs, dont 61 % ont été mis en service avant 1995. Deux tiers d'entre eux n'ont jamais été rénovés. En particulier, la moitié des équipements aquatiques publics a été construite avant 1977. Les piscines qui l'ont été dans le cadre du plan 1 000 piscines des années 1970 doivent être modernisées.

Deuxièmement, les crédits des dispositifs destinés aux jeunes sont revus à la baisse. Les annonces ont pourtant été nombreuses dans ce domaine : 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école - mais nous avons vu, avec notre mission flash, que seulement 42 % des établissements étaient concernés et, encore, pour certains d'entre eux, avec une unique classe - ; deux heures de sport supplémentaires au collège - leur généralisation vient d'être abandonnée - ; des tests de capacité physique à l'entrée en classe de sixième annoncés par le Président de la République pour la rentrée de septembre 2024 - leur expérimentation se déroule dans quatre académies seulement - ; une feuille de route en faveur du sport universitaire - nous l'attendons toujours -, etc. Dans les faits, les réalisations sont donc très partielles, voire inexistantes. Je n'insisterai pas sur les déclarations enflammées au plus haut sommet de l'État pendant et immédiatement après les JOP, y compris de la part du Premier ministre actuel lors de sa déclaration de politique générale.

Les dispositifs Pass'Sport et « 2 heures de sport supplémentaires au collège » sont fusionnés ; 14 millions d'euros d'économies sont réalisés sur ces deux composantes, soit plus que le coût du second dispositif seul. Avec des crédits diminuant de 100 à 75 millions d'euros, le Pass'Sport sera encore recentré sur certains publics cibles, alors qu'il est déjà sous condition de ressources.

L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) voit sa subvention en légère diminution et son plafond d'emplois est réduit de deux équivalents temps plein (ETP). Or le surcroît d'activité que les JOP ont entraîné pour l'AFLD n'a pas été pris en charge par ce plafond d'emplois, mais dans le cadre d'un contrat avec Paris 2024, lequel a permis le recrutement de préleveurs vacataires. La baisse du plafond d'emplois risque de remettre en cause la capacité de l'AFLD à exercer les nouvelles compétences que le législateur lui a attribuées en 2021 en matière d'enquêtes, de renseignement, d'éducation et de prévention.

Aucune enveloppe n'est prévue pour la pérennisation des emplois socio-sportifs. L'an dernier, à la suite d'une annonce du Président de la République, une enveloppe de 10 millions d'euros était consacrée à un plan d'aide au recrutement et à la formation de 1 000 éducateurs socio-sportifs. L'Agence nationale du sport (ANS) a réduit cet objectif à 750, en l'absence de visibilité sur le financement. Sans enveloppe réservée au financement de ce dispositif en 2025, ces emplois risquent d'être financés au détriment d'autres emplois. Je rappelle que la filière des sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) compte au nombre des plus sollicitées sur la plateforme Parcoursup.

J'en viens aux taxes affectées. L'ANS bénéficiait jusqu'alors de trois taxes de cette nature. Ce nombre sera réduit à deux l'an prochain. En application de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le prélèvement sur les jeux exploités par la Française des jeux (FDJ), hors paris sportifs, n'est plus affecté à l'ANS. Le plafond du prélèvement sur les paris sportifs en ligne est rehaussé en conséquence. Toutefois, la compensation n'est que partielle : il manque en effet 6 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Quant à la contribution sur la cession des droits audiovisuels, dite « taxe Buffet », son évolution est incertaine compte tenu de la baisse des droits télévisuels du football. En 2023, le football avait contribué à hauteur de 77 % au produit de cette taxe.

Comment, dans ce contexte, maintenir l'élan et réussir la transition des Jeux de 2024 vers ceux de 2030 ?

Tout d'abord, les objectifs sportifs et d'organisation des Jeux de Paris ont été pleinement atteints. Ces Jeux ont même été exceptionnels. En particulier, les politiques de l'ANS en faveur du sport de haut niveau ont été probantes. L'ANS doit faire l'objet d'une évaluation en 2025. Si la gouvernance territoriale de ses crédits peut être mise en question, en raison de sa complexité, l'Agence ne devrait pas être remise en cause en ce qui concerne la gestion du haut niveau.

Cependant, plusieurs questions restent ouvertes : outre un éventuel projet de loi d'héritage, qui se fait attendre, ces questions portent, d'une part, sur le coût des Jeux, et, d'autre part, sur leurs retombées économiques.

Le coût de l'investissement pour la police et la gendarmerie dans le cadre des JOP est évalué à 1,1 milliard d'euros. Pour l'État et les collectivités, le premier président de la Cour des comptes a estimé le coût total des JOP entre 3 et 5 milliards d'euros. Conformément à la loi du 19 mai 2023, un rapport de la Cour des comptes doit nous éclairer à ce sujet d'ici à octobre 2025. Toutefois, la garantie de l'État au Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) ne devrait pas être sollicitée.

Les retombées économiques sont évaluées par le Centre de droit et d'économie du sport (CDES) entre 6,7 milliards et 11,1 milliards d'euros pour Paris et la région d'Île-de-France - la fourchette est large. Un programme de quatorze études, lancé par le ministère, doit mesurer l'impact de l'événement sur de nombreuses thématiques. France Stratégie réalisera une analyse des coûts et des bénéfices globaux des Jeux d'ici à la mi-2025.

Ensuite, la question du financement des JOP d'hiver, qui seront organisés dans les Alpes françaises en 2030, reste posée. Le PLF ne prévoit aucun crédit à ce sujet, alors qu'un comité d'organisation doit être mis en place. L'article 54 du PLF institue une garantie de l'État en cas d'annulation de l'événement ainsi qu'une garantie sur les crédits de trésorerie du futur comité d'organisation. La garantie relative au déficit éventuel de ce comité d'organisation sera présentée ultérieurement.

En conclusion, le PLF pour 2025 ne permettra pas de pérenniser l'effet des JOP, alors que l'augmentation du nombre de licenciés sportifs à la rentrée 2024 est réelle - elle est estimée à environ 15 %, les chiffres définitifs restant en attente. La Fédération française de triathlon connaît, par exemple, un surcroît d'inscriptions de 32 %, la Fédération française d'escrime de 25 %, la Fédération française handisport de 20 %. Le président de la Fédération française de handball estime que, par manque d'équipements et d'encadrement, nous perdrions 1,5 million de licenciés que l'engouement pour les JOP a pourtant suscités. L'évolution budgétaire compromet ainsi la possibilité d'un véritable héritage olympique.

Je vous propose quelques pistes de réflexion.

D'une part, pour desserrer la contrainte budgétaire, je suis favorable au déplafonnement de la taxe sur les paris sportifs en ligne, qui permettrait de dégager immédiatement 113 millions d'euros. Pour rappel, avec l'Euro de football et les JOP, les mises atteignent en 2024 un montant inégalé de plus de 1 milliard d'euros.

D'autre part, je vous propose un amendement visant à réallouer au programme 219 « Sport » 50 millions d'euros issus d'économies réalisées sur le service national universel (SNU), dont 40 millions d'euros seraient consacrés aux équipements structurants et 10 millions d'euros à la pérennisation des emplois socio-sportifs Il est important de lier ainsi la question des équipements et celle de l'encadrement, qui vont de pair.

Enfin, maintenir l'élan impulsé par les JOP impliquerait aussi de revoir en profondeur la place du sport dans les politiques publiques, notamment à l'égard des jeunes et des personnes en situation de handicap, ou bien encore dans le domaine du sport-santé.

Pour toutes ces raisons, je vous propose d'émettre un avis défavorable à ce budget.

M. Michel Savin. - Après le succès des JOP, avec des athlètes qui ont donné beaucoup de bonheur et d'émotions aux spectateurs et téléspectateurs, et surtout l'envie à des milliers de jeunes de venir découvrir au sein des clubs et d'associations telle ou telle discipline sportive, les perspectives du budget pour 2025 s'annoncent difficiles pour les acteurs du sport français.

L'ambition de faire du sport un enjeu national paraît bien remise en cause. Si une partie de la baisse importante des crédits du sport pour 2025 s'explique par la fin des JOP, une autre partie tient à la demande du Gouvernement de consentir des efforts face à la situation catastrophique de nos finances publiques. Néanmoins, en comparaison d'autres budgets, le sport est mis à forte contribution, preuve qu'il n'est toujours pas reconnu à sa juste valeur et que notre pays n'est pas encore une véritable nation sportive.

En effet, la dotation globale du programme 219 diminue de plus de 23 % en crédits de paiement, pour s'établir à 593 millions d'euros, soit une perte de 182 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024. Par ailleurs, le système des taxes affectées à l'ANS est modifié à la suite de la suppression de l'affectation de celle qui a trait aux jeux exploités par la FDJ, hors paris sportifs, ce qui entraîne une perte de 6 millions d'euros. Les crédits de l'Agence nationale du sport sont prévus à hauteur de 159 millions d'euros en CP, en diminution de 111 millions d'euros par rapport à 2024, avec 100 millions d'euros de moins pour le plan Génération 2024, qui concerne surtout les équipements structurants, et 10 millions d'euros de moins pour le Pass'Sport.

Au sujet du plan Génération 2024, il nous a été rapporté que, en 2024, sur les 100 millions d'euros de crédits qui lui étaient consacrés, uniquement 4 millions ont été utilisés et que 96 millions feraient l'objet d'un report en 2025. Cependant, le Gouvernement avait pris la décision de geler ces crédits en 2024 et des dossiers ont d'ores et déjà été validés par l'ANS. Il est par conséquent à craindre qu'aucune collectivité ne puisse obtenir de nouvelle décision de l'Agence sur le budget de 2025.

Enfin, d'autres mesures d'économies tiennent à l'optimisation du dispositif Pass'Sport, à la remise en cause de celui des deux heures de sport supplémentaires au collège, à l'ajustement des crédits liés à l'insertion, ou encore aux cotisations retraite des sportifs de haut niveau.

Nous avons déposé un amendement qui tend à déplafonner l'affectation de la taxe sur les paris sportifs en ligne, ce qui devrait permettre de récupérer 113 millions d'euros. D'autres groupes ont également déposé un amendement en ce sens. Nous déposerons plusieurs autres amendements afin d'augmenter le budget des sports par des crédits qui pourraient être pris sur le SNU et par l'encadrement de l'augmentation des crédits relatifs au service civique.

En l'état, notre groupe suivra l'avis du rapporteur pour avis.

M. Claude Kern. - Je reconnais que ce projet de budget est décevant.

Certes, le contexte budgétaire est contraint et nous mesurons l'importance de l'actuel PLF. Toutefois, si des revalorisations des dotations s'avèrent difficilement envisageables, ce constat ne nous empêche nullement d'appréhender certains sujets différemment et de corriger certaines lignes budgétaires de manière plus rationnelle.

Indépendamment de l'organisation des JOP et de ses retombées, que nous espérions peut-être encore plus favorables, nous ne pouvons suivre l'explication du ministre chargé des sports sur l'érosion des crédits du sport pour 2025, avec un budget en diminution de 23 %. Nous nous interrogeons sur les objectifs de long terme de la politique sportive de notre pays. Plusieurs questions retiennent notre attention.

Quid de la grande nation sportive, au vu du gel des 100 millions d'euros du plan de 5 000 équipements sportifs destinés aux collectivités, des 10 millions d'euros de moins pour le Pass'Sport, des mesures concernant les finances locales annoncées pour 2025, qui vont contraindre fortement les collectivités et leur capacité d'investissement dans le sport, ou, plus généralement, de la baisse des crédits de l'action no 01 « Promotion du sport pour le plus grand nombre » ?

De même, la stratégie nationale sport-santé souffre encore de nombreux paradoxes : à titre d'exemples, le dispositif 30 minutes d'activités physiques et sportives par jour dans les écoles est loin d'être effectif, ce qu'un rapport de notre commission a souligné, et le soutien aux maisons sport-santé nécessiterait, pour que leur déploiement se poursuive, d'être plus appuyé.

En ce qui concerne l'ANS et son financement, nous serons favorables, comme le rapporteur pour avis et Michel Savin, à tout relèvement du plafond de la taxe sur les paris sportifs en ligne. Pour l'heure, notre groupe suivra l'avis du rapporteur, tout en se ménageant la possibilité de modifier son vote en séance publique en fonction du sort qui sera réservé aux différents amendements.

M. Patrick Kanner. - Nous suivrons également l'avis du rapporteur. La situation est en effet incroyable : nous sommes sélectionnés pour l'organisation des JOP en 2017, suivent des annonces fracassantes du Président de la République qui déclare que, avec lui, le sport deviendra une priorité nationale, et immédiatement après les Jeux, le gouvernement nous propose un budget catastrophique. Jamais nous n'avions vu un tel retournement sur le plan politique. Diminuer de 23,4 % le budget des sports, pour le ramener à 0,15 % du budget de l'État, est une forme de déni : le Président de la République a menti !

Ont été évoqués les 5 000 équipements sportifs du plan Génération 2024 et le Pass'Sport, qui sont sacrifiés, ainsi que les deux heures de sport supplémentaires au collège. Le rapporteur a également eu raison d'évoquer la situation des nouveaux licenciés potentiels que nous allons perdre faute de moyens pour les accueillir. La seule Fédération française de basket-ball (FFBB) a dû rejeter 80 000 demandes de licences. L'ANS subit aussi de plein fouet ce revers financier. Le PLF pour 2025 est assurément un rendez-vous manqué avec l'héritage des Jeux. Nous ne savons d'ailleurs pas si le projet de loi qui devait transcrire cet héritage sera un jour présenté.

À la proposition du rapporteur de déplafonner les taxes affectées au sport, j'ajouterai celles de la relance du plan 5 000 terrains, d'un renforcement des moyens alloués au Pass'Sport, de la création d'un fonds réservé aux clubs sportifs qui leur permette de répondre à l'afflux de licenciés, de la valorisation des maisons sport-santé et de la relance du sport universitaire. Je participerai dans quelques jours à un colloque organisé par l'université de Lille en vue de promouvoir le sport universitaire. Il sera précédé de la visite d'équipements sportifs. Pour la moitié d'entre eux, ils sont dans un état qui justifierait qu'on les démolisse...

Nous pouvons certainement tous être d'accord sur la nécessité de ne pas renoncer à l'objectif de consacrer, à moyen ou à long terme, 1 % du budget de l'État au sport et de ne pas sacrifier cet objectif sur l'autel de l'austérité.

Mme Mathilde Ollivier. - À mon tour de partager les constats exprimés par le rapporteur pour avis. Ce projet de budget est décevant, avec cette forte baisse de 23 % et les coupes sur le Pass'Sport. Certes, ce dernier aurait mérité d'être redéployé : certes, tous les crédits n'ont pas été utilisés, mais il aurait fallu revoir la communication. En l'état, nous n'obtiendrons qu'une réduction de son champ d'application.

Il a également été question du programme de deux heures de sport supplémentaires au collège et des équipements sportifs. Du point de vue de la pratique sportive, l'héritage des JOP se fait dès à présent. À cet égard, des crédits insuffisants pour 2025 s'avèrent problématiques.

Je soulignerai deux points d'attention. D'une part, quand les collectivités locales financent les deux tiers de la pratique du sport, on peut s'inquiéter de leur capacité à poursuivre cet effort. D'autre part, l'organisation des Jeux de 2030 pourrait peser sur les budgets du sport lors des prochaines années. Il ne s'agit pas qu'elle absorbe de nouveau l'intégralité des futurs crédits, aux dépens de la nécessaire démocratisation de la pratique sportive.

Nous suivrons également l'avis du rapporteur.

Mme Laure Darcos. - Nous ne ferons pas entendre de note discordante, et il est d'ailleurs remarquable que nous suivions tous les préconisations du rapporteur. Au lendemain des JOP, le PLF nous fait l'effet d'une douche froide ! La Fédération française de badminton m'apprenait ainsi récemment que ce sport avait suscité nombre d'émules, mais qu'elle avait dû renoncer à inscrire plus de la moitié des jeunes qui la sollicitaient.

La situation de l'ANS soulève également beaucoup d'inquiétude parce que des élus s'habituaient à solliciter auprès d'elle des fonds, lesquels permettaient de financer tant des complexes sportifs que des cours de récréation Oasis. Ces élus, qui manquent déjà de moyens, ne pourront plus compter sur ce soutien.

Quant au collège, lorsque Béatrice Gosselin et moi-même avons rédigé notre rapport sur les 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école, les instituteurs que nous avons rencontrés, et qui se faisaient les porte-voix des professeurs de sport du second degré, ont souligné l'importance de généraliser ces heures supplémentaires pour l'hygiène de vie des enfants et pour lutter contre le problème de l'obésité infantile. L'enseignement scolaire va également payer le prix fort de ce PLF, tout comme nos étudiants en Staps.

M. Jérémy Bacchi. - Nous partageons en tous points l'avis du rapporteur. L'accessibilité du sport et de ses équipements repose en grande partie en France sur les collectivités, qui constituent le premier financeur du sport avec 12,5 milliards d'euros chaque année. Les coupes budgétaires programmées à leur encontre donnent évidemment matière à s'inquiéter. Des départements et des communes nous alertent d'ailleurs ces derniers jours sur le report de certains de leurs projets, en raison de leur obligation d'opérer des choix dans la réduction de leurs dépenses et investissements. En outre, la baisse de la dotation du fonds vert pour la rénovation thermique, qui devrait passer de 2,5 milliards à 1 milliard d'euros, affectera de même la rénovation d'équipements sportifs, en particulier les piscines.

Alors que les JOP ont été une véritable réussite, sur le plan tant organisationnel que sportif, avec un engouement populaire qui a dépassé les espérances, nous constatons les difficultés actuelles de certaines fédérations devant l'afflux des nouvelles demandes d'inscription. En guise d'héritage, c'est malheureusement plutôt d'un non-héritage que ces crédits alloués au sport témoignent. Ils ne sont pas à la hauteur de l'ambition que nous portons pour notre nation et notre jeunesse.

Mme Catherine Belrhiti. - Ma prise de parole est à la fois celle d'une sénatrice soucieuse de l'équilibre budgétaire et celle d'une ancienne sportive de haut niveau qui, avant d'embrasser une carrière politique, a consacré une grande partie de sa vie à la pratique et à la promotion du sport, en représentant notre pays sur les tatamis du monde entier. Cette expérience a forgé ma conviction que le sport n'est pas simplement un loisir : il est aussi un formidable outil d'émancipation, de dépassement de soi et de construction de la personnalité. Il joue un rôle essentiel dans notre société : il contribue à la santé publique, favorise l'intégration et la cohésion sociale, véhicule des valeurs fondamentales dans notre République, comme le goût de l'effort, le respect et la solidarité. Au-delà des individus, il est un moteur de rayonnement international, comme en témoignent les retombées des JOP de Paris 2024. C'est pourquoi, à mon sens, toute réduction des moyens consacrés au sport doit être examinée avec une attention particulière.

Le projet qui nous est présenté révèle une réduction importante des crédits du programme « Sport » pour 2025. Les autorisations d'engagement (AE) diminuent ainsi de 10,38 %, les CP chutent de 23,47 %. Si cette contraction est compréhensible dans le contexte budgétaire actuel, elle n'en est pas moins plus que préoccupante.

Quelques points s'avèrent certes positifs. Je salue, par exemple, le maintien du plan Génération 2024, crucial pour le développement d'équipements sportifs de proximité, en particulier dans les territoires les moins favorisés. En permettant à des milliers de jeunes de découvrir et de pratiquer une activité sportive, ces infrastructures contribuent à réduire les inégalités et à démocratiser la pratique sportive.

En revanche, je ne peux cacher mon inquiétude quant à la réduction des moyens affectés à l'ANS, dont les crédits sont en baisse de 26,7 millions d'euros en CP. Il est essentiel que cet opérateur, qui est un pilier de nos politiques sportives, conserve la capacité de soutenir efficacement le mouvement sportif et les clubs amateurs qui forment la colonne vertébrale du sport français. Il en est de même pour la diminution des crédits du Pass'Sport. Ce programme destiné à démocratiser l'accès des jeunes au sport est un outil précieux. Alors que la pratique sportive recule dans certaines tranches d'âge, il est crucial de maintenir des dispositifs incitatifs et accessibles.

En conclusion, si je suis consciente des efforts nécessaires à la maîtrise de nos finances publiques, j'estime que le sport ne doit pas être vu comme une simple ligne budgétaire. Il représente un investissement pour notre jeunesse, notre santé et notre avenir collectif. Dans cette période de transition, il est de notre responsabilité de préserver ce qui fait la richesse de nos politiques sportives, tout en nous assurant que les ajustements budgétaires soient réalisés avec mesure.

M. Jean-Gérard Paumier. - Une remarque sur le soutien de l'État aux investissements sportifs des communes, sur le rôle en la matière de l'ANS et des appels à projets. En Indre-et-Loire par exemple, un maire a engagé la rénovation d'un gymnase pour un montant de 1,3 million d'euros. Il a sollicité le préfet, dont il a obtenu 200 000 euros, et a répondu à un appel à projets de l'ANS, dont il a reçu 700 000 euros : le total ainsi réuni de 900 000 euros paraît élevé, surtout quand on connaît le plafond des aides de l'État pour les piscines qui, de mémoire, est fixé à 450 000 euros. Il me semblerait souhaitable de reconcentrer les crédits vers le ministère ou vers les préfets. On pourrait peut-être faire mieux à budget constant.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. - Je vous remercie pour cette rare unanimité.

Il me semble que l'élément le plus regrettable dans la situation actuelle tient à l'abandon de la grande loi d'héritage olympique, dont on nous parlait depuis près de sept ans et avec insistance au cours des trois dernières années. Devant notre commission, le ministre chargé des sports n'évoque désormais plus une loi, mais un plan d'animation jeunesse dans lequel, sans doute, le sport sera complètement noyé.

Par ailleurs, les répercussions seront dès 2025 redoutables au sein des collectivités territoriales. Le fonds vert, par exemple, chute de 2,5 milliards à 1 milliard d'euros et son règlement d'intervention voit disparaître sa partie spécifique aux équipements sportifs.

Enfin, nous avions placé beaucoup d'espoir dans le Pass'Sport, mais cela faisait plusieurs années que nous en demandions un réexamen car il ne consistait guère qu'en une aide à la prise de licence. Ce réexamen n'est pas intervenu et nous en sommes arrivés à la situation que nous redoutions.

Je vous propose un amendement qui s'inscrit à la suite de la décision de la commission des finances de supprimer le SNU. Sur les 100 millions d'euros ainsi rendus disponibles, je vous propose d'en flécher 50 millions vers le programme « Sport », dont 40 millions afin de poursuivre l'investissement dans les équipements structurants traditionnels - essentiellement les piscines, les gymnases et les stades - et 10 millions en vue de poursuivre l'effort engagé l'an dernier en faveur des emplois socio-sportifs et la formation des bénévoles et éducateurs sportifs, dont nous avons tant besoin pour développer l'activité physique quotidienne (APQ) et l'activité physique adaptée (APA).

M. Michel Savin. - Notre groupe politique a déposé un amendement sur la première partie du PLF, relatif au déplafonnement de la taxe sur les paris sportifs. Il nous semble préférable de nous mobiliser d'abord pour mener collectivement ce combat. Si notre amendement n'est pas adopté, nous envisagerons d'autres affectations budgétaires, notamment au sein de la mission Sport, jeunesse et vie associative. À ce stade, notre avis est défavorable à l'amendement du rapporteur.

L'amendement CULT.1 n'est pas adopté.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs au sport de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2025.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

MARDI 5 NOVEMBRE 2024

Ø Agence nationale du sport (ANS) : M. Frédéric SANAUR, directeur général.

Ø Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (Cojop) : M. Fabrice LACROIX, directeur exécutif, administratif et financier, Mme Marion FRANÇOIS, conseillère chargée des relations extérieures.

Ø Comité national olympique et sportif français (CNOSF) : MM. Michel CALLOT, trésorier, et Paul HUGO, directeur des relations institutionnelles.

MERCREDI 6 NOVEMBRE 2024

Ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative - Direction des sports : Mme Fabienne BOURDAIS, directrice des sports, et M. Omar MOKEDDEM, chef de la mission financière.

MARDI 12 NOVEMBRE 2024

Ø Table ronde de représentants des syndicats de l'enseignement du sport scolaire :

SNEP-FSU : M. Benoît HUBERT, secrétaire général, et Mme Gwénaëlle NATTER, secrétaire nationale en charge du secteur jeunesse et sports ;

SNAPS : M. Tony MARTIN, secrétaire général ;

UFOLEP-USEP : M. Arnaud JEAN, président national ;

UNSS : MM. Olivier GIRAULT, directeur national, et Cédric HAYERE, directeur national adjoint, et Mme Marie-Céline COURTET, directeur pôle administratif, finances, juridique et ressources humaines.

Ø Table ronde de représentants des collectivités territoriales :

- Association des maires de France (AMF) : M. David LAZARUS, co-président du groupe de travail sport, maire de Chambly, M. Léo PERRON, conseiller technique en charge des questions sportives ;

Association des régions de France (ARF) : M. Pierre POULIQUEN, vice-président chargé des sports du Conseil régional de Bretagne ;

Association France urbaine : MM. Raphaël BLANCHARD, vice-président de la commission sport, adjoint au maire de Reims délégué à la ville active et sportive, Sébastien TISON, conseiller en charge de la culture, du numérique, de la participation citoyenne et du sport, Régis CAPO CHICHI, conseiller économie, santé et sport, et Mme Sarah BOU SADER, conseillère relations parlementaires.

MERCREDI 13 NOVEMBRE 2024

Ø Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) : MM. Vincent SAULNIER, secrétaire général, et Simon BLIN, responsable « Affaires publiques & Développement durable ».

Ø Comité paralympique et sportif français (CPSF) : M. Elie PATRIGEON, directeur général.

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ø Assemblée des départements de France (ADF)

Ø Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)

Ø Institut national des sports, de l'expertise et de la performance (INSEP)

ANNEXE

Audition de M. Gil Avérous, ministre des sports
de la jeunesse et de la vie associative

MERCREDI 30 OCTOBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour votre première audition devant notre commission dans vos nouvelles fonctions de ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

Au nom des membres de la commission, je vous souhaite la bienvenue au Sénat ainsi qu'un plein succès dans vos missions. Nous serons soucieux de travailler conjointement avec vous et vos services, et sommes engagés de longue date sur les questions relevant désormais de vos compétences.

La commission ne s'est pas économisée ces derniers temps sur l'ensemble de ces sujets. Je pense notamment au rapport sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football français, adopté hier à l'unanimité par la commission, mais aussi aux travaux entrepris par Claude Kern et Jean-Jacques Lozach sur le suivi de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris. En matière de jeunesse et de vie associative, je rappellerai les propositions de loi sur le service civique déposée par Patrick Kanner et celle visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative adoptée par le Sénat en avril dernier. Vous aurez peut-être l'occasion de nous préciser comment vous entendez faire vivre ces différentes initiatives parlementaires dans les semaines à venir.

L'année 2024 a été une grande année pour l'exposition du sport en France avec la réussite, dont nous nous félicitons tous, des jeux Olympiques sur le plan tant de la performance sportive que de l'organisation et de l'adhésion de nombreux Français. Se pose désormais la question de leur héritage dans un contexte budgétaire contraint, pour le ministère des sports comme pour les collectivités.

Avant que vous nous présentiez vos priorités et leurs traductions budgétaires en 2025, une première question : dans son discours de politique générale fin janvier, Gabriel Attal, alors Premier ministre, avait annoncé la création d'un service civique écologique, ouvert à 50 000 jeunes. Cet objectif est-il maintenu ? S'agit-il de missions supplémentaires ou de nouvelles missions se substituant à celles déjà existantes ?

M. Gil Avérous, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative. - C'est un honneur pour moi que d'être devant vous pour la première fois, dans mes nouvelles fonctions, pour vous présenter la feuille de route de mon ministère et répondre à vos questions.

Mon ministère - de plein exercice - regroupe les sports, la jeunesse et la vie associative, à la demande du Premier ministre, qui souhaitait considérer ces trois composantes avec une attention toute particulière au regard de leur impact sur la société, au lendemain de jeux Olympiques et Paralympiques dont on peut saluer la bonne organisation, l'effet de concorde qu'ils ont suscité et l'image extraordinaire de la France qu'ils ont donnée à l'étranger. J'étais, il y a quelques jours, à la conférence du conseil de l'Europe des ministres responsables du sport à Porto et l'ensemble de ceux qui se sont succédé à la tribune se sont félicités de l'image que la France avait donnée de l'Europe à l'occasion des jeux. C'est une fierté.

La diminution des crédits du ministère est très largement faciale. En réalité, j'ai les moyens de préserver nos politiques et de maintenir nos ambitions.

Comme je vous l'indiquais dans mon courrier du 15 octobre dernier, les moyens de la jeunesse et de la vie associative progressent de 36 millions d'euros par rapport à 2024. On peut donc maintenir la cible de 150 000 volontaires du service civique par an. Nous abondons les crédits de l'Agence du service civique, qui manquait de trésorerie.

Les crédits du sport baissent de 268 millions d'euros. Trois éléments l'expliquent : tout d'abord l'extinction des dépenses liées à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques pour 151 millions d'euros, répartis en 86 millions d'euros sur le programme 350 dédié aux infrastructures des jeux et 65 millions d'euros sur le programme 219, qui finançaient les primes aux médaillés, des animations ponctuelles et la billetterie populaire. Cette baisse des crédits ne fragilise en rien la défense de l'héritage des jeux.

Autre cause de cette baisse, l'ajustement des prévisions de décaissement pour le plan « Génération 2024 » qui finance les équipements sportifs. En effet, seuls 4 millions des 100 millions d'euros ont été dépensés à ce jour, ce qui laisse 96 millions d'euros de report sur 2025. Le ministère du budget nous alloue donc 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement, mais les crédits de paiement ne sont pas abondés en raison du report des crédits de 2024. Cela ne mettra pas l'Agence nationale du sport (ANS) en difficulté, car elle a une trésorerie importante. Elle pourra répondre aux demandes des collectivités.

Un troisième poste de réduction de dépenses est le Pass'Sport, avec 10 millions d'euros de crédits non consommés en 2024. Nous réaffectons, en 2025, les crédits à la hauteur de la consommation de 2024. C'est un pari, car on peut légitimement craindre, ou espérer, qu'il y ait plus de demandes de Pass'Sport du fait d'une hausse des inscriptions dans les clubs sportifs ce qui imposerait de recentrer le nombre de bénéficiaires en cours d'année.

Enfin, une baisse de 4 millions d'euros est liée aux deux heures de sport au collège, dont le coût réel est plus faible que ce qui avait été prévu. La consommation, en 2024, a donc été moindre que ce qui avait été voté en loi de finances.

Mon budget s'articule autour de trois grandes priorités : faire vivre l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques ; soutenir l'engagement et l'autonomie des jeunes citoyens ; maintenir le soutien à la vie associative et au bénévolat.

Les JOP ont été un formidable succès populaire et sportif, qu'il nous appartient désormais de faire vivre pour que la France soit une nation sportive. Nous devons aussi nous tourner dès maintenant vers les jeux de 2030. Hors mesures exceptionnelles liées aux Jeux Olympiques, le soutien à la performance sera stabilisé à hauteur de 108 millions d'euros, comme en 2024, afin d'ancrer durablement la France dans le top 5 des nations olympiques et le top 8 des nations paralympiques. J'ai demandé à l'Agence nationale du sport de chercher des marges dans son budget afin d'accroître les moyens dédiés à la performance et éviter toute perte de dynamique dans la préparation des futures compétitions mondiales.

Nous avons des établissements publics d'excellence : les centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps), l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) et les écoles nationales. Leur budget progresse, de 142 millions à 146 millions d'euros, hors mesures exceptionnelles liées aux JOP.

Faire de la France une nation sportive, c'est aussi encourager la pratique du sport pour le plus grand nombre. Nous continuerons à encourager l'opération « Bouge 30 minutes chaque jour » et à poursuivre un effort particulier auprès des publics les plus éloignés du sport : ce sont notamment les jeunes. Nous les atteignons avec le Pass'Sport, dont 3,5 millions de personnes ont bénéficié depuis sa création, et qui est préservé à hauteur de 75 millions d'euros. Nous encourageons le sport féminin, en nous appuyant sur les jeux Olympiques, premiers jeux paritaires de l'histoire. Quant aux personnes en situation de handicap, nous poursuivons en 2025 le programme de 30 minutes d'activités sportives quotidiennes dans les établissements sociaux et médicosociaux. On pourrait aussi parler de l'accompagnement des clubs vers l'intégration des sportifs porteurs de handicap.

La stratégie nationale du sport santé sera poursuivie, avec un budget stabilisé à 7,5 millions d'euros. Un nouveau plan sport santé couvrira la période 2025-2030. Nous devons poursuivre les efforts en matière d'équipements sportifs pour les collectivités territoriales : c'est le sens du plan « Génération 2024 » qui fait suite au plan « 5 000 terrains de sport ». Les niveaux d'engagement sont préservés, à 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2025, comme en 2024.

Nous travaillerons avec les élus, dont l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), pour réformer le modèle des subventions en faveur des équipements sportifs, le but étant de simplifier les procédures pour les porteurs de projets, créer une plus grande cohérence avec les projets territoriaux et fédéraux, améliorer l'articulation avec les autres crédits d'État que sont le fonds vert, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Il faudra sans doute décharger l'Agence nationale du sport de l'instruction des subventions et confier cette tâche ainsi que les enveloppes budgétaires à l'échelon départemental, afin que les préfets et sous-préfets y décident de la meilleure répartition, et ce pour éviter les déceptions actuelles des collectivités territoriales. Je souhaite mettre fin à la multiplication des dossiers administratifs et améliorer l'identification de l'aide de l'État sur ces projets.

Pour répondre à la demande urgente des clubs de disposer de créneaux de pratique, je souhaite que l'on travaille avec les départements ainsi qu'avec les lycées, dont les gymnases sont inoccupés après le temps scolaire. Cela nécessite de travailler des dispositifs de contrôle d'accès voire de sécurisation du périmètre lorsque l'établissement scolaire dispose d'un internat. Actuellement, un quart des gymnases sont mutualisés : allons plus loin ! Il s'agit d'équipements publics, même s'ils ne relèvent pas de la collectivité la plus locale.

La qualité de notre politique sportive passe aussi par le maintien de ses moyens humains. Les effectifs du ministère sont préservés avec 1 442 conseillers techniques sportifs (CTS). En 2025, nous renforcerons les liens entre le monde sportif et le service civique, en affectant prioritairement des volontaires aux clubs qui en ont besoin.

Nous soutiendrons l'autonomie des jeunes citoyens par une feuille de route interministérielle. J'ai demandé au Premier ministre que mon ministère en soit le chef de file, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, celui du travail ou encore celui en charge du logement au titre de la politique de la ville, pour élaborer un plan « Jeunesses ». Il n'y a pas, dans notre pays, une seule jeunesse, mais plusieurs, qui ont des besoins spécifiques.

L'Agence du service civique bénéficiera de 600 millions d'euros en 2025, soit une hausse de 81 millions d'euros, pour être à la hauteur de l'objectif de 150 000 volontaires. Le service civique écologique sera poursuivi en 2025. Je vous donnerai plus de précisions dans un instant.

Le mentorat, déployé depuis 2021, verra la majoration de 5 millions d'euros de sa dotation pérennisée en 2025.

Enfin, les moyens des « colos apprenantes » seront reconduits en 2025 à hauteur de 40 millions d'euros, comme en 2024.

Les finalités du service national universel (SNU) sont indiscutablement louables : engagement, cohésion autour des valeurs de la République, mixité sociale. Toutefois, comme la Cour des comptes le relève, il convient de s'interroger sur son format, ses contours et son coût. Les crédits pour 2025 ne permettront pas d'aller au-delà de ce qui a été réalisé en 2024.

J'en viens au soutien à la vie associative et au bénévolat. Les moyens dédiés aux associations sont préservés. La dotation du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) est stabilisée à 37 millions d'euros. Les moyens du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) sont reconduits à hauteur de 33 millions d'euros, complétés de 35 millions d'euros liés à une quote-part des comptes bancaires inactifs récupérés par l'État.

Pour simplifier la vie des associations, nous continuerons à nous appuyer sur le réseau Guid'Asso pour offrir un service de proximité, d'accueil et de conseil aux associations. Ses moyens seront portés à 7,4 millions d'euros, soit 800 000 euros de plus, pour le déployer sur l'ensemble des régions, notamment ultramarines.

Nous nous appuierons aussi sur les outils numériques que sont « Le Compte Asso » et la plateforme jeveuxaider.gouv.fr, mettant en relation bénévoles de plus de 16 ans et structures qui en ont besoin. Je souhaite m'appuyer sur le formidable élan suscité par les jeux en matière de volontariat et accompagner cette dynamique.

Je ne serai pas plus long, laissant la place aux questions auxquelles je répondrai de manière détaillée.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis sur les crédits du sport. - Félicitations pour votre nomination, monsieur le ministre. Je salue le fait que vous soyez un ministre de plein exercice, mais aussi la simplification qui résultera du fait que votre portefeuille correspond très exactement au périmètre de la mission budgétaire correspondante.

À la lecture du PLF pour 2025, nous avons l'impression que le triptyque composé des jeux Olympiques et Paralympiques, de la grande loi annoncée depuis près de deux ans sur l'héritage olympique et de la trajectoire budgétaire correspondante, a du plomb dans l'aile. Tout le monde le reconnaît, nous avons connu des JOP exceptionnels. Le meilleur moyen de prolonger leur effet était de disposer d'un budget du sport à la hauteur. Or les crédits du programme 219 reculent de 170 millions d'euros, hors sommes allouées à la préparation des JOP.

Ma première série de questions portera sur la grande loi sur l'héritage des jeux, censée servir de passerelle entre la mise en place de l'ANS en 2019, la loi de démocratisation du sport de 2022 et la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. Est-elle toujours à l'ordre du jour ? Si oui, quelles en seront les priorités ? Quelle méthodologie sera appliquée à sa préparation ?

Par ailleurs, vous ouvrez la porte à un déplafonnement partiel ou total du prélèvement en faveur du sport sur les paris sportifs en ligne. Nous le souhaitons, car cette recette n'a jamais été aussi dynamique. Cette année, l'Euro de football et les jeux ont engendré plus de 1 milliard d'euros de mises. Un déplafonnement total permettrait d'engranger 113 millions d'euros de recettes supplémentaires. Êtes-vous défavorable à ce déplafonnement ?

Dans une interview, le 6 octobre, le Premier ministre a déclaré vouloir : « rapprocher les agences du sport et le ministère des sports ». Une tutelle du ministère sur l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) constituerait un recul inacceptable. Nous nous sommes en effet battus pour que l'AFLD bénéficie d'une autonomie. Que signifie la phrase du Premier ministre ?

Une de vos priorités est la haute performance. Aurez-vous les moyens de maintenir l'aide individualisée aux sportifs inscrits sur la liste des sportifs français de haut niveau ? Leur garantissez-vous 40 000 euros par an ?

Ce qui vous sauve, monsieur le ministre, c'est que le sport est transversal et financé par d'autres ministères que le vôtre - éducation nationale, santé, affaires étrangères, travail... Disposez-vous d'une estimation fine de la baisse des crédits alloués au sport en 2025, tous ministères confondus ? En 2024, la totalité des interventions ministérielles était évaluée à 6,5 milliards d'euros - dont seulement 2 milliards d'euros en provenance du ministère des sports.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la jeunesse et la vie associative. - Je m'associe aux félicitations exprimées pour votre nomination, monsieur le ministre.

La hausse de 36 millions d'euros dont bénéficie le programme 163 « Jeunesse et vie associative » paraît en trompe-l'oeil : comme vous l'avez indiqué, elle est principalement due à l'augmentation de 81 millions d'euros pour le service civique et à la revalorisation de la trésorerie de l'Agence pour le service civique. Celle-ci avait bénéficié de 250 millions d'euros dans le cadre du plan de relance en 2020 et sa trésorerie a depuis fondu comme neige au soleil. Cette revalorisation est appréciée - elle était plus que nécessaire -, mais d'autres postes diminuent en parallèle.

Parmi ceux-ci, si je me réjouis de la baisse des crédits alloués au service national universel au sein du projet de loi de finances pour 2025, je m'interroge tout de même sur le maintien de ce dispositif très coûteux, dans un contexte marqué par de très fortes restrictions budgétaires. Pourriez-vous nous indiquer les perspectives de déploiement du dispositif dans les années à venir ? Votre prédécesseur souhaitait généraliser le SNU. Irez-vous dans le même sens ?

Le contexte inflationniste inquiète toujours fortement les acteurs du monde associatif. De nombreuses structures, notamment d'éducation populaire, alertent sur la pérennité à très court terme de leurs activités et de leurs emplois. Le milieu associatif souffre encore également de la complexité des démarches administratives. Dans ce contexte, nous avons adopté une loi en avril dernier pour soutenir l'engagement bénévole et simplifier la vie associative. Au cours des débats, avait été évoquée la possibilité pour les associations d'être éligibles au régime du groupe TVA. Avant toute modification législative, le Gouvernement doit au préalable consulter le comité TVA européen, ce que votre prédécesseur s'était engagée à faire. Où en est cette consultation ? J'en profite pour vous signaler que plus de six mois après la promulgation de cette loi, aucun décret d'application n'a pour le moment été publié. Quand cette loi sera-t-elle pleinement applicable ?

Enfin, la mobilité internationale des jeunes est un facteur majeur d'intégration sociale et professionnelle qui doit être encouragé. Dans son discours sur l'Europe de septembre 2017, le Président de la République se donnait pour objectif que 50 % d'une classe d'âge ait passé au moins six mois dans un autre pays européen en 2024. Cet objectif sera-t-il atteint à la fin de l'année ?

Le budget de votre ministère n'est pas le seul à porter les actions concernant la vie associative ; il y a aussi celui des collectivités territoriales, lesquelles jouent un rôle majeur de cohésion sociale, qu'il ne faut pas ignorer.

M. Michel Savin, président du groupe d'études Pratiques sportives et grands événements sportifs. - La loi relative à l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques aurait, à nos yeux, dû être débattue en amont pour être effective dès le lendemain de leur clôture pour faire de la France une grande nation sportive. Nous sommes loin de cet objectif.

Vous avez précisé que seuls 4 millions des 100 millions d'euros prévus pour les équipements structurants avaient été consommés. C'est difficilement audible pour un parlementaire. L'Agence nationale du sport a répondu favorablement à l'ensemble des collectivités, en fonction du budget qui lui était alloué. Le gouvernement précédent a gelé les crédits, ce qui a empêché leur déblocage par l'agence. Les collectivités qui ont reçu une notification d'éligibilité sont maintenant dans l'attente de ces crédits. L'ANS a peut-être les fonds propres suffisants, mais elle risque d'être en grande difficulté en cas d'année blanche du financement des équipements structurants. Sur le terrain, nombre de communes nous sollicitent, car elles attendent une réponse. Nous ferons tout pour abonder la ligne budgétaire correspondante.

J'ai à ce propos une proposition à vous faire. À une époque, le Parlement avait voté le relèvement du taux des prélèvements sur les paris sportifs afin de financer les stades, en préparation de l'Euro de football. Cette taxe supplémentaire de 25 à 30 millions d'euros par an était fléchée en ce sens. Seriez-vous prêt à relever le taux pour affecter le produit aux équipements structurants ?

Cela permettrait de cibler un équipement dont, chaque année, on débat au Parlement : les piscines. Cette année encore, on a dénombré dans notre pays plus de 1 400 noyades, dont 361 mortelles. La politique d'apprentissage de la natation exige des équipements de qualité. D'où la question que je viens de vous poser.

Par ailleurs, si l'ANS a répondu présent sur la haute performance, les procédures de subventions en faveur des collectivités territoriales sont particulièrement complexes. Confier leur arbitrage aux préfets apporterait bien plus de transparence.

Enfin, je partage les propos tenus sur le SNU. Il faut revoir à la baisse le montant correspondant. Peut-être doit-on garder les crédits nécessaires pour les engagements déjà pris en 2025 ; pour le reste, il y a là des gisements d'économies que l'on pourrait flécher vers les équipements structurants.

M. Gil Avérous, ministre. - Monsieur le président, vous m'avez interrogé sur la façon dont je souhaite faire vivre les différentes initiatives parlementaires. Très concrètement, en sortant de cette audition, je rencontre le sénateur Dominique Théophile sur le sport outremer. Je veux prendre les préconisations des rapports les plus récents et faire le point avec leurs auteurs, afin de voir quelles sont les marges de progression. On gagnerait à mener ce travail en commun.

En 2024, 6 000 volontaires, sur les 150 000 en service civique, ont réalisé un service civique écologique. Ce ne sont donc pas des missions supplémentaires. Nous visons un objectif de 10 000 volontaires en 2025, avec une montée en charge progressive.

Le projet de loi relatif à l'héritage des JOP n'a pas été examiné en amont de leur tenue. Prenons-en acte. Si l'on prévoit une telle loi, il faut reconsulter tout le monde. De nombreuses commissions sur l'héritage des jeux se sont tenues. Mais, outre la période dans laquelle nous sommes d'examen du projet de loi de finances, les instances sportives sont en cours de renouvellement jusqu'au 31 décembre. J'ai proposé de demander à tous ceux qui ont déjà travaillé sur le sujet de nous envoyer leurs propositions d'ici Noël. Puis nous réunirons tous les contributeurs d'ici à la mi-janvier, dont les nouvelles instances sportives. Ensuite, nous ouvrirons le débat. Nous avons déjà noté la nécessité de certaines évolutions législatives et réglementaires : par exemple des fédérations souhaitent des modifications dans la relation avec les ligues ou des moyens juridiques pour les consolider.

La notion d'héritage implique une transmission aux générations futures. Il faut donc peut-être un plan jeunesse au coeur duquel nous placerions le sport comme élément fédérateur. Cela répondrait aux attentes de notre population et donnerait une vision de ce que nous souhaitons pour la prochaine olympiade.

Un projet de loi n'est pas forcément enthousiasmant pour la population, contrairement à un plan jeunesse. Nous devons inclure la jeunesse dans la Nation. Or nous n'avons aucun programme ciblant les collégiens, qui pourraient apprendre les valeurs du vivre ensemble, du mérite, de l'effort et du respect des horaires via le sport. La question est : comment accompagner notre jeunesse pour l'insérer dans la Nation et éviter que se reproduisent les émeutes urbaines de 2023 ? En fonction de ce que l'on aura décidé en commun, on pourrait achever les travaux à l'été 2025.

Nous serons aussi amenés à travailler sur une loi olympique pour les jeux de 2030 pour évoquer les sujets environnementaux et urbanistiques, comme cela a été fait en amont des Jeux de Paris 2024.

Quand l'Agence nationale du sport a été créée, il était prévu que son fonctionnement soit évalué dans l'année suivant les JOP. Les résultats des travaux de la mission de l'inspection générale en cours seront rendus au premier semestre 2025. Mon a priori est que l'on peut simplifier les procédures de subventions aux clubs et aux collectivités territoriales. La commission régionale des financeurs est-elle vraiment utile ? Peut-être faut-il réintégrer au sein du ministère des sports toute la partie relative au financement. On aurait sans doute intérêt à centrer l'ANS sur le sport, c'est-à-dire la performance, l'accompagnement des clubs et le développement du sport sur le territoire, et à lui retirer toute la partie administrative, qui est chronophage et n'apporte pas de plus-value - au contraire, elle est vue comme dysfonctionnant. Toutefois, on ne peut pas dire que l'ANS ne fonctionne pas quand on voit les résultats sportifs.

Il n'est pas prévu de réintégrer l'AFLD dans le giron du ministère. On revient à son dimensionnement pré-JOP. Deux postes sont supprimés, ce qui est l'épaisseur du trait.

Saluons le travail sur la haute performance de Claude Onesta et, désormais, de Yann Cucherat qui lui succède. Une marche arrière sur les 40 000 euros serait incompréhensible.

Je n'ai pas d'estimation des moyens du sport, tous ministères confondus.

La volonté du Président de la République de maintenir le SNU est louable. Les retours des participants sont bons. En 2024, on a dénombré 80 000 séjours. Il y en aurait 66 000 en 2025, sauf coup de rabot supplémentaire demandé au ministère. Or, mon ministère pourrait être concerné par celui-ci à hauteur de 55 millions d'euros. Nous ferions alors porter l'effort à hauteur de 49 millions d'euros sur le SNU ce qui nous conduirait à réduire ce nombre à 40 000. Les inscriptions pour 2025 sont de 35 700, dont 22 400 jeunes issus des classes et lycées engagés et 13 300 inscrits par eux-mêmes. Vous connaissez les critiques de la Cour des comptes sur le manque de mixité sociale du SNU. La solution pour développer celle-ci est de généraliser le dispositif, ce que nous ne pouvons pas faire faute de moyens financiers.

Nous faisons face à une démotivation en matière de bénévolat. Ponctuellement, nous n'avons pas manqué de bénévoles pour les jeux ; la difficulté concerne plus la fidélisation et l'engagement à moyen ou long terme. En outre, des bénévoles ont pu être découragés par la multiplication des contraintes pour les structures. Par exemple, ils doivent demander des subventions en ligne sur plusieurs plateformes, puisque chaque financeur a la sienne. Je souhaite travailler avec les associations d'élus pour tout centraliser sur « Le Compte Asso », qui donne satisfaction. Nous devons aussi nous interroger sur les incitations à s'engager pour la première fois. Le Pass'Sport soutient efficacement les acquisitions de licence : il pourrait être étendu à ceux qui s'engagent pour la première fois dans le bénévolat et qui doivent parfois prendre leur licence non pour pratiquer, mais juste pour aider le club.

Le sujet de la TVA relève de Bercy, avec des implications européennes. On peut donc dire que ce n'est pas un sujet simple, mais nous avons saisi le ministère et j'étudierai cette question de près, notamment sur l'aspect de l'impact financier.

Effectivement les collectivités territoriales soutiennent beaucoup le sport, particulièrement en dépenses de fonctionnement. J'ai exprimé à l'Assemblée nationale mon inquiétude à l'égard de l'évolution de leurs finances. Il ne faudrait pas que les arbitrages budgétaires liés au fonds de précaution prélevé sur les recettes de 450 collectivités se fassent au détriment du sport, sachant qu'il s'agit plutôt de villes moyennes aux besoins sportifs importants. Le ministère disposant néanmoins de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, il pourra toujours accompagner celles qui en feront la demande.

Il existe 6 348 bassins de pratique aquatique sur l'ensemble du territoire national. Ils ont une ancienneté moyenne de 35 ans, et n'ont pas été rénovés significativement, en moyenne, depuis plus de 15 ans. Sur les 200 derniers projets de piscine soutenus, on recense 78 constructions et 132 rénovations. Depuis 2019, la subvention moyenne était de 620 000 euros par construction de piscine, pour un coût de construction moyen de 10 millions d'euros. Or, en 2023, alors que l'aide moyenne a diminué, passant à 456 000 euros, le coût moyen des projets est passé à 14,5 millions d'euros, soit plus de 40 % d'augmentation. Pour une opération de rénovation, la subvention moyenne s'élève à 400 000 euros, pour un coût moyen de travaux de rénovation de 4 millions d'euros.

Comment arriver à diminuer le coût de construction des équipements sportifs ? Dans les années 1970, lors du lancement de l'opération « Mille piscines » qui a conduit au déploiement des premières piscines Tournesol, une consultation nationale a été organisée auprès des constructeurs potentiels, à l'issue de laquelle plusieurs modèles ont été retenus, les collectivités pouvant faire leur choix parmi eux en fonction de leur coût. Ce système est peut-être à étudier, de nombreuses collectivités n'ayant plus les moyens de rénover leurs piscines. De manière générale, le coût de construction des équipements sportifs ne cesse d'augmenter.

Nous pourrons redistribuer des subventions, par ailleurs, pour les équipements structurants. Si on réintègre le portage des opérations de l'ANS au sein du ministère, nous aurons la gestion directe, et non plus déléguée, de ces crédits. Le problème de la trésorerie de l'ANS ne se posera donc plus.

Je suis favorable à une hausse de la fiscalité sur les paris sportifs. La question se pose toutefois de savoir si la recette supplémentaire qui en découlera devra être fléchée vers le plan « piscines ». Il me semble préférable d'éviter de se contraindre, et de déléguer plutôt aux préfets et aux sous-préfets la charge de choisir les priorités de financement de leurs territoires. Sortons des plans uniformes nationaux, pour les remplacer par des boîtes à outils mises à la disposition des territoires. J'ai d'ailleurs dit aux délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes) qu'elles seraient évaluées, non pas sur le déploiement de dispositifs nationaux, mais plutôt sur les réponses qu'elles apportent aux acteurs locaux.

Mme Annick Billon. - Auditrice à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), j'ai été amenée à réfléchir au sujet suivant : quelle stratégie pourrait conduire au rétablissement du service militaire et sous quelle forme ? Le comité 6 avait alors imaginé un contrat défense appuyé sur la généralisation du SNU.

Un rapport de la Cour des comptes ayant dressé un bilan sévère de ce programme, pointant ses objectifs incertains, son coût largement sous-estimé et un nombre d'inscriptions largement inférieur aux prévisions, en avez-vous imaginé une suppression sèche ?

Par ailleurs, les crédits dédiés à l'ANS sont en baisse dans le PLF 2025. Ils passent de 270 millions d'euros à 159 millions d'euros. Le fonctionnement de l'ANS est estimé à 12 millions d'euros. Avez-vous imaginé supprimer l'ANS ? Comme vous l'avez rappelé, un certain nombre de ses tâches incombait auparavant au ministère des sports.

Mme Karine Daniel. - La diminution du budget des collectivités locales, estimée entre 8 milliards d'euros et 10 milliards d'euros, entraînera probablement des licenciements dans nombre d'associations, dont le fonctionnement est largement financé par des subventions de ces collectivités. Or ces licenciements seront compensés par une hausse du temps de bénévolat. De plus, les fortes contraintes budgétaires ont tendance à augmenter le recours aux appels à projets pour l'allocation des subventions. Or répondre à ces appels prend du temps, alors même que le nombre de projets sélectionnés est restreint. En outre, les réponses positives accordées valent pour une période déterminée et ne peuvent donc alimenter le fonctionnement des associations. Celles-ci ont pourtant besoin de subventions de fonctionnement lisibles, stables et pérennes. Je pense particulièrement aux associations qui agissent dans le domaine de la solidarité.

Des plans sociaux sont donc à attendre dans le champ associatif, dommageables pour l'emploi comme pour la cohésion sociale.

Mme Mathilde Ollivier. - Votre venue ce jour, monsieur le ministre, est l'occasion pour moi d'obtenir des réponses à un courrier que je vous ai adressé le 4 octobre dernier, pour l'instant resté sans réponse. Il portait notamment sur l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques. Je regrette que nous n'ayons pas eu ce débat il y a six mois. Vous parlez d'un travail de concertation qui aboutirait, un an après les jeux, à un potentiel travail parlementaire. Il est regrettable de ne pas mener ce travail dès maintenant, a fortiori lorsqu'on parle de nation sportive, pour répondre à la hausse du nombre d'inscriptions dans les clubs, estimée entre 5 % et 10 %, et même à 20 % pour des sports comme le tennis, le badminton, l'escrime ou le handisport. Il faut en effet des ressources matérielles, comme des équipements ou des terrains. Encourager la concertation sur la mutualisation d'équipements sportifs entre associations serait également bienvenu. Cela aurait déjà dû être fait, car la motivation sera retombée dans un an. Nous avons besoin des équipements maintenant, pour encourager la pratique sportive chez les jeunes et les moins jeunes et accroître la durée de l'engagement dans les clubs.

Par ailleurs, la gauche et les écologistes, en demandant la suppression du SNU, avaient comme souvent raison avant les autres. Il nous paraissait en effet difficile que cette initiative touche réellement toutes les catégories socioprofessionnelles. Le rapport de la Cour des comptes s'est avéré assez sévère sur ce point. Le coût par participant est en outre très élevé par rapport à d'autres séjours collectifs. Je me joins donc à mes collègues pour vous demander s'il ne serait pas temps de faire entendre raison au Président de la République, pour qu'il accepte d'arrêter ce programme et de rediriger cette ressource vers des dispositifs réellement favorables à l'engagement des jeunes, comme le service civique ou les colonies de vacances.

Enfin, combien de services civiques étaient axés sur des actions écologiques avant la création de la labellisation « service civique écologique » ?

M. Pierre Ouzoulias. - L'organisation des jeux Olympiques suscite notre fierté, tout comme les résultats de nos sportifs. La France a donné une magnifique image d'elle-même, ce dont nous pouvons nous féliciter. Les jeux ont constitué un moment exceptionnel, au cours duquel nous avons déclaré à la face du monde quel était notre projet politique et sportif, et ce que nous étions.

Les collectivités ont joué une part essentielle dans cette réussite. Vous le savez, monsieur le ministre, en tant que maire de Châteauroux, car cette ville a accueilli le centre national du tir sportif. L'agglomération de Châteauroux a participé à hauteur de 4,5 millions d'euros à l'organisation de ce succès. En région parisienne, les départements ont pris à leur charge le surcoût lié aux équipements. C'est le cas notamment du département des Hauts-de-Seine. Le procès qui est fait en ce moment aux collectivités territoriales me paraît donc fortement injuste, car la réussite des jeux tient particulièrement à leur investissement.

Cette réussite tient également à l'absence d'éléphant blanc. L'héritage des jeux est exceptionnel, et l'on n'a pas hésité à construire des équipements provisoires pour éviter de laisser à la charge des collectivités des équipements surdimensionnés par rapport à leurs pratiques habituelles.

En revanche, le SNU est un éléphant blanc pour le Président de la République, tout comme le pass Culture. Il faut enterrer ce dispositif, qui est une mauvaise expérience.

Enfin, les fédérations souhaitent obtenir un éclaircissement de la part du Gouvernement sur leur mission de service public. Il faudra repasser par la voie législative pour apporter cette précision, notamment pour la dimension éducative de leur action. Cette clarification remédierait aux difficultés qu'elles rencontrent pour interpréter leur responsabilité en matière de respect de la laïcité.

M. Bernard Fialaire. - Je partage ce qui a été dit sur le coût et les objectifs non atteints du SNU. Néanmoins, les séjours de SNU qui ont été organisés dans mon territoire, le Rhône, ont tous été remarquables. Il est en revanche regrettable que ce dispositif ne soit pas davantage fléché vers les élèves peinant à trouver des stages, car ils comptent parmi ceux qui en auraient le plus besoin.

Par ailleurs, il faudrait valoriser et promouvoir davantage le sport universitaire. Alors que des athlètes et sportifs milliardaires, marques des dérives financières du sport, sont régulièrement mis en avant, montrer des universitaires qui font du sport constituerait un bel exemple pour la jeunesse. Quel regard portez-vous sur les masses financières considérables dirigées ainsi vers le sport au détriment du bénévolat ?

L'activité physique quotidienne (APQ) est à distinguer de l'activité sportive quotidienne. On ne mobilise pas les mêmes compétences dans l'un et l'autre cas.

Je voudrais enfin revenir sur les piscines. Le coût de rénovation de la piscine de la collectivité que je gérais auparavant a été estimé à plus de 50 millions d'euros. La collectivité s'est alors lancée dans un projet de piscine à énergie positive, impliquant un investissement sur trente à quarante ans. Il ne faut pas décourager ce genre d'initiative. Les études sont presque terminées. Nous sommes capables de concevoir des équipements remarquables, moyennant des emprunts largement compensés par les économies futures.

Mme Colombe Brossel. - Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il fallait rediscuter du contour, du format et du coût du SNU. La position des sénateurs socialistes à son sujet est connue. Peut-être est-il temps de sortir de l'ambiguïté et de prendre acte du fait que ce dispositif, bien que découlant de la volonté du Président de la République, ne fonctionne pas et n'a pas trouvé sa place. Il existait des dispositifs efficaces, notamment le service civique. Le SNU est arrivé comme un ovni. Je comprends que votre position soit délicate, mais il faudra faire un choix. On ne peut pas entendre, d'un côté, des discours de responsabilisation sur les finances publiques et, de l'autre, des circonlocutions comme celle que je viens de citer. Admettons plutôt qu'il s'agit d'un échec, et misons sur l'accompagnement du service civique et le soutien à l'éducation populaire pour renforcer l'engagement citoyen des jeunes.

Par ailleurs, nous constatons tous que le monde associatif se porte mal. Toutefois, je ne suis pas sûre que la démotivation des bénévoles soit aussi globale que vous semblez le présenter. En réalité, les bénévoles ne sont plus les mêmes qu'avant, et on observe un véritable épuisement de l'engagement bénévole pour la présidence d'association ou l'exercice de la fonction de trésorier.

Le contrat d'engagement républicain n'a été voulu ni soutenu par aucun des acteurs du monde associatif, qui l'ont perçu comme un signe de défiance. Il a fait peser la suspicion sur eux et mis en défaut la liberté d'expression et la liberté associative. Cela a créé de la tension. Permettez-moi de citer à ce sujet les travaux de nos collègues de la commission des lois. Des solutions pragmatiques pourraient être envisagées pour y remédier, par exemple l'utilisation de la charte des engagements réciproques.

Le réseau Guid'Asso, dont vous vantiez la réussite, est exactement l'inverse du contrat d'engagement républicain, car il a été travaillé avec les acteurs du monde associatif. Il est préférable d'agir ainsi plutôt que d'imposer un principe de défiance.

Mme Pauline Martin. - Une partie indécente des cotisations des licenciés est redirigée vers les fédérations pour abonder l'aspect administratif du sport. Serait-il possible de réguler le système au profit des clubs sportifs ?

M. Stéphane Piednoir. - Merci, monsieur le ministre, de votre réponse à ma question d'actualité de ce jour, que j'interprète comme une ouverture pour un examen favorable de la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport de Michel Savin.

Nous étions nombreux, dès l'émergence du SNU, à émettre plus que des réserves à son sujet. La gauche et les écologistes n'étaient pas seuls sur cette ligne, tant s'en faut !

Les communes rurales sollicitent les dotations de l'État, DETR et DSIL, pour pouvoir installer de petits équipements sportifs, des city stades. Si l'on veut une vraie nation sportive, il est important de dire à tous que l'activité physique quotidienne ne suffit pas. Il faut avoir près de chez soi un terrain de sport, pour diffuser les valeurs du sport et éveiller la curiosité des plus petits. Cela limiterait en outre l'exposition aux écrans. Le ministère des sports a-t-il prévu de flécher les dotations pour aider les collectivités, notamment les petites communes, à s'équiper ?

Enfin, en matière de sport universitaire, le décalage entre la France et les États-Unis est criant. Un champion universitaire américain est déjà un quasi-champion olympique ! Nous en sommes loin. Avez-vous prévu une action dans ce domaine ?

M. David Ros. - On observe un écart entre les conclusions de la mission d'information sénatoriale sur les 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école et celles qui découlent des auditions menées à l'Assemblée nationale concernant le déploiement réel de l'APQ. Les premières font état d'une mise en oeuvre dans la moitié des écoles, quand les secondes parlent d'un déploiement du dispositif à 100 %. Il faudrait préciser le cadre de cette initiative et mettre davantage en perspective la pratique du sport et de l'activité physique, de l'école à l'université.

La baisse du budget de l'ANS concernera 360 000 associations et vient s'ajouter aux difficultés financières des collectivités locales.

Dans mon département, l'Essonne, deux piscines ont fermé ces dernières années. Celle d'Orsay, qui a mon âge, vieillit comme moi. Le budget de rénovation était estimé à 15 millions d'euros. Or la commune n'avait pas les moyens de l'inscrire sur le budget communal. Un travail pourrait être mené avec Bercy sur le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ou sur les ratios d'emprunts des budgets communaux pour remédier à ce type de situation. Il y va des bassins de vie où l'on apprend à nager aux enfants. À ma connaissance, Léon Marchand ne s'entraîne pas dans des piscines françaises.

Le budget lié aux infrastructures des jeux Olympiques et Paralympiques aurait pu à cet égard être préservé. Je pense également aux pavillons sport que j'ai visités dans le cadre du rapport d'information « Science et sport » que m'a confié l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) : ils sont apparus comme un vecteur puissant de sensibilisation au sport. Il est regrettable que ce type d'infrastructure ne soit pas pérennisé.

Le fait que la loi d'héritage n'ait pas encore été rédigée nous donne la possibilité de le faire. Ce pourrait être une véritable chance, à condition qu'elle s'appuie sur les constats des collectivités locales, ainsi que sur les acteurs des mondes économique et sportif, pour élaborer une véritable planification.

Par ailleurs, les crédits de la recherche autour du sport sont en forte baisse dans le budget 2025. Or ils sont importants, non seulement en vue des prochaines Olympiades, mais également pour toutes les retombées qu'ils peuvent avoir sur la pratique quotidienne du sport et la santé. Plus qu'une loi d'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques, c'est une véritable loi d'avenir sur le sport qu'il nous faut.

M. Laurent Lafon, président. - Vous aurez compris que le SNU fait débat, et que des amendements seront sans doute déposés à ce sujet.

M. Gil Avérous, ministre. - Nous n'envisageons pas la suppression sèche de ce dispositif, car 94 % des participants trouvent qu'il s'agit d'une bonne formule et 90 % le conseilleraient à d'autres personnes. Il n'est donc pas inutile, mais il a un coût.

De même, nous n'envisageons pas de supprimer l'ANS, qui a prouvé son utilité pour le développement du sport. De plus, son intégration au sein du ministère des sports n'entraînerait pas une économie de 12 millions d'euros de frais de fonctionnement, car les personnels resteraient en place. L'ANS a également l'avantage d'associer le monde privé et le monde de l'entreprise, impulsant ainsi une dynamique nationale pour le rapprochement du monde économique avec le monde du sport, dont j'ai voulu faire une priorité de mon ministère. C'est une réalité dans nos villages et villes avec la pratique du sponsoring des clubs sportifs locaux par les entreprises du territoire. Mon cabinet a d'ailleurs récemment intégré une personne venue du Mouvement des entreprises de France (Medef), qui sera exclusivement chargée des relations avec le monde économique et les entreprises.

Concernant les risques de licenciement dans les associations, le FDVA ne diminue pas. Il n'est pas question que l'État réduise son soutien au monde associatif. J'ai dit en revanche mon inquiétude concernant une possible diminution du soutien des collectivités locales aux associations en matière d'investissement. Il en va autrement pour le fonctionnement. Les maires sont conscients de l'importance de la vie associative. J'imagine mal les collectivités territoriales couper les ressources des associations à dix-huit mois des élections municipales !

Madame Ollivier, mon cabinet venant seulement de s'installer, nous n'avons pas encore eu le temps de consulter votre courrier. Mais je vous apporterai une réponse circonstanciée prochainement, conformément à la consigne qui nous a été donnée par le Premier ministre de répondre à tous les courriers qui nous sont envoyés.

Je ne crois pas, comme vous, qu'il soit trop tard pour une loi liée aux jeux Olympiques et Paralympiques. Il faut laisser la nouvelle gouvernance du sport s'installer.

La mutualisation des équipements sportifs sera par ailleurs une réponse immédiate à la hausse du nombre de licenciés. J'évoquais tout à l'heure le fait que 25 % des équipements départementaux sont mutualisés ; il y a quelques années ce pourcentage était proche de zéro. On ne peut donc pas dire que rien n'a été fait.

Nous ne connaissons pas le nombre de services civiques consacrés à des enjeux écologiques avant la création du label spécifique des services civiques écologiques.

J'ajouterai à la fierté évoquée par le sénateur Ouzoulias la fierté relative à l'organisation des jeux Paralympiques. Comme l'a souligné Tony Estanguet, c'est le samedi 7 septembre que l'on a recensé le plus grand nombre de billets vendus au Stade de France, ce qui est un bel indicateur de réussite. La part des collectivités territoriales est effectivement essentielle pour la réussite des politiques sportives nationales, au plus près du terrain, car elles financent la quasi-intégralité des équipements.

La révision prochaine des contrats de délégation passés avec les fédérations sportives sera l'occasion de reparler de leur mission de service public. Ce travail courra sur l'ensemble du premier semestre 2025, et inclura les sujets régaliens que sont la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ainsi que le respect de la laïcité. Il faudra faire aboutir sur ce dernier point la proposition de loi de Michel Savin, ne serait-ce que pour fixer un cadre uniforme pour toutes les fédérations.

Le sport universitaire est effectivement trop souvent oublié. Nos universités n'ont certes pas les mêmes moyens que les universités américaines. L'Union nationale du sport scolaire (UNSS) a cependant prouvé son utilité. Les professeurs sont très engagés, y compris bénévolement. Il faut leur donner davantage de visibilité et renforcer l'UNSS pour donner plus d'impulsion en général au sport universitaire.

Près de 94 % des enseignants pratiquant les 30 minutes d'APQ constatent une amélioration du bien-être des élèves, 91 % estiment que ce dispositif réduit la sédentarité et 82 % encouragent une pratique d'activité physique et sportive en dehors de l'école. Ils observent également des conséquences positives sur le climat de la classe et le bien-être des professeurs en classe. Nous avons donc l'ardente obligation de poursuivre ce dispositif.

La pertinence des deux heures de sport supplémentaires au collège, dispositif coûteux qui n'est pas diffusé uniformément partout, est en revanche davantage sujette à caution.

Madame Brossel, le SNU fonctionne bien, puisque ceux qui y participent en sont satisfaits ! Il faudra par ailleurs repartir du bilan qui avait été établi concernant le contrat d'engagement républicain. On ne peut passer à côté de l'obligation de rappeler nos valeurs. Je dois recevoir prochainement le milieu associatif, pour qui la remise en cause de ce contrat est un point essentiel. Si cette remise en cause advenait, un autre dispositif, coconstruit, prendrait sa suite. Le ministère dispose de 56 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour effectuer les contrôles, indispensables, relatifs à la radicalisation, au respect de la laïcité ou encore aux violences sexistes et sexuelles. Certaines associations dans lesquels de tels faits se sont déroulées n'avaient pas été contrôlées depuis 10 ans. Peut-être qu'un jour il faudra envisager certification par un organisme extérieur si nous n'arrivons pas à le faire.

Madame Martin, j'évoquerai le sujet complexe de la part fédérale perçue sur les licences avec les fédérations. Il est difficile néanmoins de faire de l'ingérence sur ces enjeux financiers. Par ailleurs, elles ont besoin de soutien pour fonctionner.

Monsieur Piednoir, la proposition de loi de Michel Savin est en accord avec la volonté du Gouvernement.

Par ailleurs, près de 68 % des 5 000 terrains de sport récemment financés ont été déployés en milieu rural. Toutefois, il faut également traiter le problème des déplacements. La mobilité en milieu rural est un enjeu essentiel pour les clubs.

Enfin, monsieur Ros, les 30 minutes d'APQ sont pertinentes, comme je l'ai souligné. En revanche, la question de la quantité de piscines en Île-de-France se pose, des difficultés pouvant se présenter notamment par rapport à leur classification environnementale. Dans de précédentes fonctions, alors membre du conseil d'administration du groupe La Poste, société à mission de service public, je me souviens d'une intervention visant à dire que la Banque postale ne devait plus financer de piscines sous prétexte qu'il s'agissait d'investissements non vertueux. Or c'est dans les piscines qu'on apprend à nager ! Pénaliser les piscines comme un investissement non vert n'aurait pas de sens. Il faut s'assurer néanmoins que ces équipements entrent dans les charges de centralité et que les frais de fonctionnement associés sont pris en compte par les DGF.

Enfin, les mondes économique et sportif ainsi que le monde de la recherche ne devront effectivement pas être oubliés dans la préparation de la loi d'héritage.

M. Laurent Lafon, président. - Merci, monsieur le ministre. Vous voyez que nos questions sont nombreuses. Nous aurons l'occasion d'échanger de nouveau durant l'examen du PLF.


* 1 Rapport d'information n° 774 (2023-2024) du 25 septembre 2024, de Mme Béatrice Gosselin et Mme Laure Darcos.

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