B. LES AIDES À LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE QUOTIDIENNE
Le rapporteur pour avis a développé, dans ses précédents rapports, l'historique des sociétés de distribution de la presse au numéro en France, marqué par les errements de la société Presstalis, dont le coût pour les finances publiques a dépassé en 14 ans les 600 millions d'euros. Comme il l'écrivait l'année dernière, la situation créée par la présence de deux opérateurs concurrents, dont l'un lourdement subventionné, s'apparente à un « duo mortifère » entretenu année après année.
La distribution de la presse au numéro en France est assurée par les Messageries Lyonnaises de presse (MLP), avec 75 % du marché, et France Messagerie, héritière des NMPP et de Presstalis. Cette dernière société est la seule à assurer la distribution de la presse quotidienne nationale, ce qui lui impose des contraintes spécifiques. |
L'aide à la distribution de la presse chez les vendeurs est réservée aux titres de la presse quotidienne IPG. Leur mise à disposition chaque jour, en chaque point du territoire, relève en effet d'un objectif d'intérêt général.
Afin de permettre la distribution des quotidiens, deux mécanismes ont été mis en place :
ü une aide d'État s'élevant à 27 millions d'euros. Elle bénéficie de manière directe à France Messagerie pour 9 millions d'euros, et indirecte à travers les 18 millions d'euros destinés aux éditeurs afin de les aider à absorber les coûts ;
ü une péréquation, mise en place en 2012, qui vise à répartir entre tous les éditeurs les surcoûts induits par la distribution de la presse quotidienne. Concrètement, elle est versée par tous les éditeurs de presse magazine à France Messagerie pour lui permettre d'assurer cette mission. L'Arcep en a fixé le montant à 8,3 millions d'euros pour 2023, dont 4,9 millions à la charge des MLP.
Selon les informations transmises au rapporteur pour avis, l'ensemble des aides couvrirait 68 % du coût de la distribution des quotidiens.
La perpétuation de cette situation présente trois risques majeurs :
ü tout d'abord, le champ exact couvert par l'aide à France Messagerie et par la péréquation n'apparait pas clairement, les deux étant supposées compenser les surcoûts liés à la distribution de la presse quotidienne. Une action contentieuse a été récemment initiée par les MLP pour éclaircir ce point ;
ü ensuite, si France Messagerie a su réduire ses coûts dans un marché en attrition, ses résultats financiers ne peuvent qu'interroger. Ainsi, la société a dégagé un résultat net de 4,8 millions d'euros en 2022 et de 11,2 en 2023, en raison pour cette année d'une reprise comptable sur la liquidation de Presstalis. France Messagerie dégage donc des résultats constamment positifs, et devrait poursuivre sur cette voie en 2024 et 2025 selon l'Arcep. En conséquence, si l'avenir de la société peut apparaitre assombri à moyen terme, il est assuré sur le court terme, sous l'hypothèse d'un maintien des niveaux actuels de soutien et de péréquation ;
ü enfin, les volumes d'aide au bénéfice de la presse quotidienne nationale IPG suscitent de fortes oppositions dans le reste du secteur, ce qui nuit à la cohésion d'ensemble de la presse.
Les ministres de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de la culture ont ainsi, par lettre du 23 mai 2023, chargé l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) d'une mission sur la distribution de la presse. Dans son rapport remis en novembre 2023 et publié en avril 20243(*), la mission d'inspection a dressé un état général du marché de la distribution de la presse et de ses perspectives d'évolution et proposé des pistes de réorganisation de la filière, de l'impression du titre jusqu'à sa remise au lecteur.
Plus précisément, le rapport envisage quatre scénarios :
- le premier vise à inciter les acteurs à restructurer la distribution de la presse quotidienne nationale (PQN) en prévoyant une réduction pluriannuelle du soutien public ;
- le deuxième scénario propose la création d'un service public de distribution de la presse au numéro ;
- le troisième scénario consiste en une optimisation et une clarification du système existant. Les leviers identifiés par ce scénario sont à la discrétion des acteurs de la filière qui ont déjà entrepris d'activer certains d'entre eux ;
- le quatrième scénario, en complément du précédent, propose une réforme structurelle assise sur la mutualisation de l'impression et de la distribution de la presse nationale et régionale au numéro et au portage.
À la suite de ce rapport, la ministre de la culture a annoncé une concertation de filière de 6 à 8 semaines à partir du lundi 22 avril dernier, pilotée par Sébastien Soriano, ancien président de l'Arcep. Conformément aux préconisations du rapport, notamment dans son quatrième scénario, cette concertation pourrait mener à une réforme législative et réglementaire et à des modifications dans les schémas logistiques, industriels et organisationnels de la filière. Cette réforme doit permettre une rationalisation des coûts et une diminution des pollutions induites par la presse imprimée grâce à une mutualisation des flux, de l'impression au lecteur, entre la presse quotidienne nationale et régionale et entre les flux vendus au numéro et distribués aux abonnés.
Cette mission a été suspendue suite à la dissolution de juin 2024, mais a repris ses travaux et devrait prochainement remettre ses conclusions.
Le rapporteur pour avis attend donc avec impatience les propositions de ce rapport et regrette cette année perdue pour une réforme de la distribution de la presse au numéro qui prend décidément trop de temps.
De manière générale, à l'heure où la diffusion de l'information en numérique s'impose comme le canal de communication dominant, il n'est pas inutile de s'interroger sur l'ampleur budgétaire de l'aide à la distribution physique, qui ne bénéficie en réalité très majoritairement qu'à une certaine famille de presse.
* 3 https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/Rapports%20de%20mission/2024/Rapport%20Distribution%20presse_Version%20Web.pdf