EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 27 NOVEMBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons le rapport sur les crédits du programme 143 « enseignement technique agricole ».

M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole. - Après une décennie de désaffection, l'enseignement agricole connait depuis 2019 un rebond. Ses effectifs sont désormais en hausse annuelle de 1 %. Cette augmentation reste fragile, mais elle témoigne du regain d'intérêt pour l'enseignement agricole et les métiers auxquels il prépare.

Le PLF 2025 prévoit pour le programme 143 « enseignement technique agricole » 1,73 milliard d'euros. Les crédits sont en hausse de 35 millions d'euros soit de plus de 2 %. Je suis toutefois conscient qu'il s'agit notamment de l'augmentation mécanique des dépenses de personnel et de mesures de périmètre.

Je prendrai un exemple : en 2024, le budget ne prévoyait aucun crédit pour l'application du pacte enseignant dans l'enseignement agricole.

Celui-ci a été financé par un transfert entre programmes en cours d'année. Cette année, des crédits pour le Pacte sont inscrits dans le programme 143.

J'en viens aux dépenses de personnel. Là encore, une mesure de périmètre intervient : la CDIsation des AED et des AESH entraîne l'inscription de leur rémunération au titre 2. À périmètre constant, il n'y a pas d'augmentation du nombre d'ETP. Il n'y a pas non plus de suppression de poste : il me parait important d'insister sur ce point au regard de la trajectoire des ETP enseignants ces dernières années.

Les effectifs de l'enseignement agricole sont en hausse régulière depuis 5 ans. Pour la première fois, la barre symbolique des 200 000 jeunes formés annuellement a été dépassée à la rentrée 2024. À ceux-ci s'ajoutent les 17 000 jeunes de l'enseignement supérieur, dont le nombre est également en augmentation.

Signe d'attractivité de l'enseignement agricole, les effectifs augmentent, y compris dans des territoires où l'éducation nationale perd des élèves. Je note également le succès des classes de 4ème et 3ème agricoles.

J'ai interrogé la ministre sur cette augmentation des effectifs à ETP constants.

Elle m'a indiqué qu'une hausse du nombre d'élèves par classe est possible sans remettre en cause la capacité pédagogique. Il est vrai que les élèves sont en moyenne 20 par classe. Par ailleurs, 15 % des classes de l'enseignement agricole accueillent moins de 10 élèves.

Cette augmentation des effectifs ne pourra toutefois pas totalement se faire sans hausse des ETP à moyen terme : pour des raisons de sécurité et d'encadrement, le nombre d'élèves est limité dans certaines matières et travaux pratiques. Pour ceux-ci, l'augmentation des effectifs dans les classes devra se traduire par un dédoublement des groupes.

Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole fixe des objectifs ambitieux : une croissance de 30 % des effectifs dans les formations agricole et agro-alimentaire. Même si le regroupement de parcelles et les progrès techniques permettront certainement d'éviter la nécessité d'un taux de remplacement des départs à la retraite de un pour un, l'enseignement agricole est aux avant-postes du renouvellement générationnel.

Je ne m'attarde pas davantage sur ce projet de loi car notre collègue Christian Bruyen nous le présentera dans une semaine. Je note toutefois que le rôle de l'enseignement agricole dans la formation des agriculteurs de demain et dans la garantie de la souveraineté alimentaire de notre pays y est explicitement reconnu.

Nous partageons tous une conviction : il est nécessaire de préserver le modèle de formation qu'est l'enseignement agricole. Ces taux d'insertion professionnelle et de réussite aux examens sont très bons.

Aussi, je m'inquiète des conséquences d'une éventuelle réforme de l'apprentissage. Le nombre d'apprentis constitue une part croissante des effectifs de l'enseignement agricole. Il a progressé de 49 % depuis 2019. L'enseignement agricole accueille d'ailleurs proportionnellement plus d'apprentis que l'éducation nationale pour les mêmes tranches d'âge.

Ces apprentis suivent principalement des études courtes et sont accueillis par des PME. Or, plusieurs pistes sont envisagées pour la réforme de l'aide à l'apprentissage : la limiter à certains diplômes, la restreindre aux petites et moyennes entreprises, ou au contraire procéder à un écrêtement généralisé. En fonction de ces choix, certaines entreprises pourraient décider de ne plus prendre des apprentis et notamment des apprentis de l'enseignement agricole.

Par ailleurs, l'apprentissage participe pleinement au modèle financier des établissements de l'enseignement agricole. Nombreux d'entre eux disposent d'un centre de formation des apprentis qui est rentable. Celui-ci permet de compenser les pertes des ateliers technologiques et des exploitations pédagogiques.

Trois chiffres illustrent mes propos : 77 % des CFA ont des résultats financiers positifs. À l'inverse : seuls 34 % des exploitations des lycées agricoles et 38 % des ateliers pédagogiques ont un résultat financier positif. Quand un CFA perd en rentabilité, c'est l'ensemble de l'établissement d'enseignement agricole qui en pâtit.

À ce sujet, il me semble essentiel de rappeler que les exploitations et ateliers des lycées agricoles ne sont pas des entreprises comme les autres : leur vocation première est la pédagogie, pas la rentabilité. Or, cette dimension n'est pas prise en compte. Le ministère doit s'emparer de ce sujet et reconnaître la spécificité financière du lycée agricole. Aujourd'hui les subventions pour charge de fonctionnement ou d'investissement sont interdites, même pour les lycées agricoles publics.

La situation financière des établissements est préoccupante. Le ministère procède à une enquête annuelle sur la santé financière des lycées agricoles publics. Cette année, 30 % de ceux-ci sont dans la dernière catégorie « en crise financière potentielle ou avérée ». Ils étaient 19 % il y a 2 ans. Les établissements privés ne se portent pas beaucoup mieux : 45 des 176 lycées agricoles privés et 50 des 410 MFR sont en difficulté financière. Certains établissements sont menacés de fermeture.

Il est essentiel de préserver le maillage territorial actuel qui participe à l'animation des territoires. Pour cela, je trouve la démarche de mutualisation des services communs qu'ont entrepris certains établissements intéressante. Celle-ci permet de préserver les classes et de rester ancré dans les territoires. Dans le même temps, cette mutualisation permet de disposer de moyens supplémentaires pour mieux faire connaître l'enseignement agricole à l'échelle locale.

Nous le savons tous : aujourd'hui, l'enseignement agricole recrute bien au-delà des jeunes issus du milieu agricole. Ceux-ci ne représentent d'ailleurs plus que 9 % des effectifs. La meilleure connaissance de l'enseignement agricole et des métiers auxquels il prépare est essentielle.

L'actualité illustre la nécessité de poursuivre le renforcement des liens entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale : le ministre délégué à la réussite scolaire vient d'annoncer le lancement d'un tour de France pour remettre à plat la politique d'orientation.

Il indique envisager une concertation avec tous les acteurs de l'orientation, y compris l'enseignement agricole. Il est important de continuer les efforts pour que s'ancre le réflexe d'associer systématiquement l'enseignement agricole.

Mes chers collègues, à ce stade, le budget du programme 143 est en hausse de 35 millions d'euros. Aussi, je vous propose de donner un avis favorable.

J'attire toutefois votre vigilance sur un point : ce projet de budget ne tient pas compte d'une baisse supplémentaire de 18 millions d'euros annoncée par Mme Genevard devant notre commission.

Je m'interroge sur la méthode de répartition proposée entre les différents programmes de son ministère : elle répond à une logique mathématique - une suppression au prorata des crédits inscrits. Cette logique ne prend pas en compte la spécificité du programme 143 : près des deux tiers des dépenses sont des dépenses contraintes de personnel. À celles-ci s'ajoutent les subventions versées au MFR qui répondent à des critères stricts définis réglementairement.

À ce stade, je ne dispose pas d'informations sur les mesures concrètes qui seront impactées par cette coupe de 18 millions d'euros. À titre personnel, je suis d'ailleurs très réservé. Quoi qu'il en soit, il est indispensable que la ministre nous donne davantage d'informations, afin que le Sénat puisse décider de manière éclairée de voter ou de rejeter l'amendement du gouvernement.

En séance, nous devrons avoir une position ferme face à une mise à contribution trop forte de l'enseignement agricole aux économies supplémentaires demandées.

M. Christian Bruyen. - Je salue le travail de notre rapporteur, dont je partage largement l'approche.

Les acteurs de la filière évoquent des points d'inquiétude, notamment sur la ventilation du rabot de 18 millions d'euros, mais portent généralement un regard positif sur les orientations proposées.

Les préoccupations portent également sur l'évolution du nombre d'enseignants, qui est stable, et donc insuffisant pour faire face à la progression des effectifs d'apprenants. Certes, cette progression est pour le moment limitée à 1 % par an, mais il faut regarder plus loin. L'objectif de 30 % d'élèves, étudiants et apprentis supplémentaires en 2030 signifie qu'ils seront 25 000 de plus chaque année : il faudra donc procéder à des recrutements significatifs. On peut bien sûr considérer comme acceptable d'augmenter légèrement les effectifs de classes qui, à l'heure actuelle, ne sont pas surchargées ; mais cela me paraît plus délicat dans les cours techniques ou de travaux pratiques, dans lesquels un taux d'encadrement minimal est prévu par la réglementation, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité.

Un point de vigilance me paraît essentiel. Le renforcement des enseignements agricoles ne doit pas être fait au détriment des formations aux services à la personne et à l'animation des territoires. Ces métiers sont en effet primordiaux dans la ruralité, où les structures peinent à recruter pour l'accompagnement des plus fragiles.

Où trouver ces 18 millions d'économies ? On pourrait être tenté de ponctionner les crédits du pacte enseignant. Je crois que ce serait un bien mauvais choix, puisque ce dispositif a très bien fonctionné dans l'enseignement agricole. Les moyens qui lui sont alloués doivent être maintenus et prioritairement dédiés aux remplacements courts. Une plus grande souplesse pourrait également être permise aux chefs d'établissement pour l'utilisation de ces fonds.

J'appelle à la prudence sur la réforme des aides à l'apprentissage, qui pourrait fragiliser certains établissements. Il est certainement nécessaire de revoir le dispositif dans l'enseignement supérieur, où il profite à l'excès à certaines officines privées. Pour d'autres formations cependant, ces aides sont un vrai soutien et permettent aux établissements de continuer à mailler le territoire et à répondre à de vrais besoins.

Du point de vue de l'aménagement du territoire, la situation des maisons familiales rurales est inquiétante. À l'autre bout de la chaîne, le futur bachelor répondra à une attente forte ; il faudra cependant se montrer vigilants sur de possibles dérives, et s'assurer que des étudiants ne seront pas emmenés vers des voies sans issue du fait de contenus de formation inadaptés portés par des officines privées à but lucratif. Je rejoins ici les préoccupations de notre collègue Stéphane Piednoir sur l'enseignement supérieur.

Une cinquième école est nécessaire pour assurer la formation des vétérinaires, mais cela ne suffira pas. Il faut également mieux valoriser la pratique vétérinaire dite « des champs » pour inverser la tendance actuelle, alors que les besoins sont de plus en plus assurés par des professionnels étrangers.

Il faut également préserver l'équilibre singulier entre établissements publics et privés qui a pu être trouvé dans l'enseignement agricole, et qui fonde certainement une part de son succès.

En dépit donc de quelques points de vigilance à moyen terme, les perspectives tracées nous semblent aller dans le bon sens pour l'exercice prochain. Notre groupe est favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement technique agricole.

Mme Marie-Pierre Monier. - Je regrette les conditions d'examen particulières de ce projet de budget. La découverte d'erreurs significatives sur les montants indiqués dans le projet annuel de performance du programme soulève des interrogations quant à la rigueur à l'oeuvre dans son élaboration.

La ministre de l'agriculture nous a annoncé un nouveau coup de rabot à hauteur de 18 millions d'euros, ce qui suscite une grande inquiétude pour l'enseignement agricole et l'agriculture en général. N'oublions pas que derrière les crédits du programme se trouvent le monde agricole, l'aménagement du territoire et celles et ceux qui nous nourrissent.

Alors que nous allons prochainement examiner le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole, nous devons faire preuve d'une grande ambition et tout mettre en oeuvre pour respecter l'objectif d'augmentation de 30 % du nombre d'apprenants. Or, nous constatons que le compte n'y est pas. La petite hausse d'effectifs constatée n'est pas généralisée et reste fragile. Il faut continuer à informer et à mobiliser les jeunes pour qu'ils aillent dans les filières agricoles. Bien qu'il n'y ait ni création ni perte d'emploi pour cette année, 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022 : cela représenterait environ 10 000 postes dans l'éducation nationale.

La situation entraîne une dégradation des conditions d'apprentissage, que nous avions collectivement dénoncée dans le cadre de la mission sénatoriale « Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agro-politique » de 2021. Des enseignants non remplacés, la suppression de certains travaux pratiques faute d'un taux d'encadrement suffisant, sont autant de points qui continuent à poser question. L'impossibilité de réaliser certains travaux dirigés impliquant du matériel dangereux ou de grands animaux impacte grandement la qualité de l'enseignement dispensé.

La situation financière des établissements se dégrade. Deux tiers des établissements publics locaux sont en difficulté. Certaines exploitations agricoles, qui sont des lieux d'expérimentation, sont aussi en danger. Il est indispensable de préserver ces lieux.

La spécificité de l'enseignement agricole réside dans son maillage territorial, souvent dans des territoires ruraux. Il ne faut pas supprimer des établissements sous prétexte qu'ils ont de petits effectifs : ils ont aussi des spécificités. On ne peut se passer d'un établissement qui permet de former les jeunes à la gestion des forêts, quand bien même ses effectifs seraient réduits. Il faut maintenir la diversité de l'offre de formation agricole.

Dans le contexte social que nous traversons, nous regrettons également la baisse des crédits alloués à l'aide sociale aux élèves et à la santé scolaire, ainsi qu'aux bourses sur critères sociaux.

Sur le pacte enseignant, il serait grand temps de dresser un bilan qualitatif approfondi. Nous avons eu des retours alarmants, qui faisaient état d'une surcharge de travail pour les personnels concernés - qui, d'ailleurs, étaient majoritairement des femmes.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, écologiste et républicain se prononcera contre l'adoption des crédits alloués à l'enseignement agricole.

Mme Annick Billon. - Je tiens à vous faire part tout d'abord du sentiment que m'ont inspiré les auditions menées par le rapporteur sur l'enseignement privé et l'enseignement public. J'ai perçu une forme de concurrence entre les deux, plus marquée que les années précédentes. Si la concurrence peut être source d'émulation, dans le cas présent, il s'agit davantage d'antagonisme : chacun regarde avec insistance les moyens alloués à l'autre. Ce n'est à mon sens pas un bon signal.

En ce qui concerne le budget, les crédits sont en hausse de 2 %. Mais cette progression dissimule en réalité une croissance structurelle due aux effets du Pacte enseignant et au glissement vieillesse-technicité (GVT). Il faut donc interpréter ces crédits avec prudence.

Les effectifs de l'enseignement agricole ont considérablement augmenté depuis 2019. Le seuil de 200 000 élèves a été atteint, ce qui est une bonne chose car il est nécessaire de remplacer les générations d'agriculteurs.

L'enseignement agricole assure cependant un maillage territorial qui doit être garanti. Si on peut comprendre la nécessité de trouver des économies, il faut cependant garder à l'esprit deux points de vigilance : d'une part la diminution annoncée de 18 millions d'euros des crédits, dont nous ne connaissons toujours pas la ventilation ; d'autre part, la situation financière des établissements qui est difficile dans une grande majorité des cas et ce d'autant plus quand l'exploitation agricole qui lui est attachée est elle-même en difficulté. Or, il n'est pas possible d'imaginer un enseignement agricole sans pratiques techniques.

Les maisons familiales rurales (MFR) ont vu leur nombre d'élèves progresser de 1 200, mais les moyens n'ont pas suivi. À ce titre, l'amendement de hausse des crédits de 12 millions d'euros proposé par la commission des finances est insuffisant puisqu'il devrait être de 20 millions d'euros. Je travaille actuellement sur ce sujet.

Les contraintes budgétaires ne doivent pas se faire au détriment de la formation. Avant de conclure, j'aurai deux remarques issues de mes rencontres sur le terrain. Première remarque : les établissements ont les plus grandes difficultés à recruter des profils compétents pour enseigner les matières techniques. La difficulté de cette tâche est accentuée par la nécessité que la personne soit titulaire d'un diplôme de Master 2.

Deuxième remarque : le Pacte enseignant suscite des réactions mitigées à ce stade. Le contrôle relatif à l'effectivité des heures faites devient très complexe.

Je conclurai en soulignant les nombreuses attentes suscitées par le projet de loi d'orientation agricole.

Notre groupe votera en faveur des crédits, qui sont quasiment stables, avec toutes les réserves que je viens de mentionner.

Mme Monique de Marco. - Je salue l'excellent rapport de notre collègue. Toutefois, mon groupe ne votera pas en faveur de ces crédits.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je voudrais revenir sur l'ambition du gouvernement d'autonomie alimentaire. Elle nécessite un effort particulier pour la formation afin de renouveler les générations. Les agriculteurs nous font régulièrement part de leur difficulté à recruter de la main d'oeuvre. La stabilité des crédits est donc un mauvais signal car elle s'insère dans un contexte inflationniste général.

Je crois que la stratégie du Gouvernement en matière alimentaire n'est pas assez claire : il faut préserver la diversité de notre production pour mieux préparer l'avenir et donc préserver la diversité des formations.

Je souhaite également insister sur l'importance de la formation en matière de pêche sur laquelle nous disposons de trop peu d'informations. La France dispose d'un espace maritime étendu sur tous les océans, mais doit faire face à une forte concurrence internationale à laquelle nous devons répondre. Dans ce contexte, des restrictions budgétaires ne constituent pas une stratégie satisfaisante. Faire des économies sur la jeunesse et notamment sur la jeunesse qui se destine à nourrir la population n'est pas la bonne stratégie.

Mon groupe ne votera pas en faveur de ces crédits.

M. Jacques Grosperrin. - Je félicite le rapporteur pour son travail approfondi.

Comme il l'a bien analysé, l'augmentation des crédits à hauteur de 35 millions d'euros est avant tout mécanique.

Les raisons de la croissance des effectifs dans l'enseignement agricole, alors que ceux-ci baissent dans l'éducation nationale méritent d'être approfondies.

Je mentionnerai trois points de vigilance. Le premier concerne la prise en compte de la formation dans le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole. Lors de son examen par le Sénat, nous devrons être très attentifs à ce qu'elle soit bien intégrée.

Le deuxième a trait à la situation préoccupante des MFR ; je rappelle que celles-ci font un travail exceptionnel en permettant à de jeunes apprenants qui étaient en situation d'échec à renouer avec le succès.

Le troisième est lié au Pacte enseignant : celui-ci est fléché majoritairement vers les remplacements de courte durée. Comment ce fléchage prioritaire est-il compatible avec les spécificités de l'enseignement agricole que sont l'accompagnement renforcé, le suivi de stage ou encore la mise en oeuvre de projets pédagogiques innovants ?

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Il est essentiel que nous ayons une position ferme pour défendre l'enseignement agricole, car le risque de coup de rabot est réel.

Le rapport que je vous présente porte sur le budget initial, qui n'intègre pas à ce stade les éventuelles économies supplémentaires.

L'augmentation des effectifs est due à la sensibilisation accrue aux métiers du vivant ainsi qu'aux enjeux environnementaux qui attirent de nombreux jeunes.

L'enseignement agricole est un outil formidable. Les établissements d'enseignement ont souvent un IPS bas, ce qui n'est pas un frein à des taux élevés de réussite aux examens ainsi que d'insertion professionnelle. Il est vrai que les faibles effectifs permettent une prise en charge et un accompagnement individualisé. Ils peuvent également absorber une augmentation de 1 % des effectifs, sans avoir à renforcer l'encadrement à ce stade.

Les établissements de l'enseignement agricole sont souvent de plus petite taille que leurs homologues de l'éducation nationale. Cela peut poser un problème pour la mise en oeuvre du pacte et ses briques « remplacement de courte durée » : en effet, les remplacements de courte durée à effectuer y sont de fait moins importants alors que le volume horaire - de 18 heures - dû au titre du Pacte est le même que dans l'éducation nationale. Certains enseignants qui n'ont pas pu atteindre ce volume de 18 heures vont être contraints de rendre une partie des sommes perçues, par manque de remplacements à faire.

J'ai été attentif aux propos de Christian Bruyen sur un risque de défavoriser certaines formations au profit des métiers agricoles. La loi d'orientation agricole nous permettra de revenir sur ces sujets.

La formation vétérinaire dépend de l'enseignement supérieur.

En ce qui concerne la dégradation des conditions d'exercice évoquée par certains d'entre vous, je tiens à signaler qu'elle doit être relativisée compte tenu de la hausse des effectifs qui reste modeste - de 1 % en moyenne. Cette augmentation à moyens constants ne met pas en péril l'enseignement agricole.

La baisse des crédits de l'aide sociale s'explique par des mesures de périmètre et de sincérisation des sommes inscrites. Elle prend notamment en compte la diminution du nombre de boursiers qui perdent ce statut lorsqu'ils deviennent apprentis. Par ailleurs, la CDIsation des AED a entraîné des transferts vers les crédits de titre 2.

En cette rentrée 2024, les MFR accueillent 1 600 élèves supplémentaires. Le cadre réglementaire prévoit en moyenne une subvention de l'État de 5 000 euros par élèves. Cela fait 8 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 2 millions d'euros pour revoir les taux d'encadrement de certains niveaux et recruter davantage de formateurs. L'amendement de notre collègue Olivier Paccaud qui propose 10 millions d'euros supplémentaires pour les MFR couvre ces besoins.

Enfin, les formations relatives à la pêche relèvent de plusieurs ministères, notamment du ministère chargé de la mer et de celui de l'éducation nationale.

En conclusion, je défends ce budget prévoyant 35 millions d'euros supplémentaires. En revanche, je souhaite que la ministre nous présente ses arguments pour justifier le coup de rabot qui nous est à ce stade uniquement annoncé, sans plus de précision.

M. Laurent Lafon, président- Une grande vigilance est de mise sur le coup de rabot.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » du projet de loi de finances pour 2025.

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