II. SOUTENIR L'ADAPTATION DE NOS OUTILS D'ACTION DIPLOMATIQUES ET D'INFLUENCE AUX MÉTAMORPHOSES DE L'ORDRE MONDIAL
A. RENFORCER TOUS LES MOYENS DE PESER SUR UNE SCÈNE INTERNATIONALE DE PLUS EN PLUS COMPÉTITIVE
1. La politique de contributions volontaires
En menant une stratégie de hausse de ses contributions volontaires depuis 2017, la France s'est hissée au rang de 8ème contributeur en 2023 contre 10ème en 2019. Elle se situe dans les 10 premiers contributeurs de 25 programmes, fonds et organisations des Nations Unies. Ces contributions volontaires restent cependant limitées par comparaison avec celles de certains de nos voisins, ainsi que l'a montré la commission des finances du Sénat en 20222(*), et la part du programme 105 dans ces dépenses est de toute façon limitée - de l'ordre de 70 millions d'euros en 2025 -, la majeure partie étant portées par le programme 209.
Cette politique de contribution volontaire maintient pour l'heure l'influence française à un certain niveau. Dans le domaine du maintien de la paix, de la prévention et de la médiation des conflits, elle soutient l'efficacité d'un département des opérations de paix (OMP) à la tête duquel se trouve en outre un Français, Jean-Pierre Lacroix. Le maintien de la présence française au sein du groupe des 12 plus grands contributeurs au Fonds de consolidation pour la paix (PBF), donne voix délibérative pour fixer ses orientations stratégiques, et faire porter l'effort sur les zones prioritaires pour nos intérêts, tels les Balkans. La France tient en outre la plume pour les résolutions concernant quatre OMP sur 11 existantes : la MONUSCO en RDC, la MINURSO au Sahara occidental, la MINUSCA en Centrafrique et la FINUL au Liban. Ces dix dernières années, plus de 80 résolutions ont été adoptées sur ces opérations, la plupart à l'unanimité. Si la France n'est que 28e contributeur en nombre de soldats déployés - 700 -, elle en est le 3e contributeur volontaire avec plus de 3 M€ de contributions extra-budgétaires.
Le soutien accru à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour ses activités de vérification en Iran a été un complément utile aux efforts menés sur le dossier du nucléaire iranien. Nos contributions volontaires à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques ont soutenu le travail de terrain, tant sur le dossier chimique syrien qu'en Ukraine. La France a fait inscrire à l'agenda international de l'Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC), dont elle est le dixième contributeur, notre priorité dans la lutte contre la criminalité environnementale. Dans le domaine de la santé, la France est passée du 10ème au 5ème rang des contributeurs de l'OMS entre 2019 et 2022.
2. La présence des Français dans les organisations internationales
L'influence politique au sein des organisations internationales se mesure aussi par les postes de haut niveau, tels ceux de secrétaire général adjoint, directeur général ou adjoint, et directeur, sur des fonctions stratégiques, car ces postes participent à l'élaboration des orientations stratégiques des organisations.
La France est la deuxième nationalité la plus représentée dans le système des Nations Unies, tous postes confondus, avec 721 cadres contre 1 143 pour les Etats-Unis. Elle compte 6 % de l'ensemble des administrateurs. Au sein du Secrétariat de New York, la France a perdu sa deuxième place au profit de la Chine, elle-même devancée par les Etats-Unis, avec 14,2 % des administrateurs. Outre le secrétaire général adjoint des Nations Unies aux opérations de paix, le représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC ou le chef d'état-major de la FINUL, la France compte des directeurs généraux adjoints à l'OMC (Jean-Marie Paugam) et à l'AIEA (Lydie Evrard), et une vice-directrice générale à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Sylvie Forbin). Jérôme Salomon a en outre été nommé sous-directeur général de l'OMS en 2023.
En finançant le programme des Jeunes Experts Associés (JEA) au bénéfice de nos compatriotes, la France apporte en outre un soutien au système multilatéral et renforce la présence française dans ces organisations. Près de 75 % des bénéficiaires poursuivent leur carrière dans le système onusien. Depuis 2023, la France finance des JEA issus de pays francophones en développement, au nombre de quatre en 2024.
Une cartographie des postes stratégiques par organisation internationale est cours d'élaboration. Une task-force interministérielle bi-annuelle signaler aux autres ministères les postes identifiés comme stratégiques et à pourvoir dans les organisations internationales. Enfin, la stratégie pour le placement de personnels français à des postes d'influence devra intégrer une vision sur le long terme, car la candidature aux postes convoités se prépare longtemps à l'avance.
3. L'accueil d'organisations internationales
L'accueil d'organisation internationales est un enjeu prioritaire en termes d'influence, de rayonnement et de retombées économiques. Le nombre d'organisations internationales sur notre sol, en hausse, dépassera 70 l'année prochaine, qu'elles y aient leur siège - environ 40 - ou un bureau régional ou national - une trentaine. En 2024, la liste s'est allongée de l'Organisation internationale pour les aides à la navigation maritime, issue de la transformation de l'association internationale de signalisation maritime, et de l'Académie de la santé, qui sera formellement inaugurée le 17 décembre à Lyon. En 2025, la Cour Permanente d'Arbitrage ouvrira un bureau à Paris, et deux nouvelles structures basées en France prendront la forme d'organisations internationales : la société civile Mercator, sise à Toulouse, et la Convention européenne de l'aviation civile, basée à Neuilly-sur-Seine.
Depuis 2022, la France renforce son dialogue et sa politique d'attractivité à l'égard de ces organisations. L'ordonnance dite « attractivité »3(*) permet aux organisations internationales, agences de l'Union européenne, fondations et associations de bénéficier de privilèges et immunités dès leur installation sans attendre l'entrée en vigueur de l'accord de siège. Une enveloppe budgétaire spécifique permet en outre de financer des projets structurants d'installation d'organisations dont les coûts répondent à des besoins ponctuels.
Un dialogue régulier avec les organisations permet d'évaluer les progrès réalisés et les outils nécessaires pour l'accompagnement, l'accueil et le développement des organisations. Certains axes d'amélioration sont à l'étude, comme la création d'une plateforme destinée à faciliter le recrutement de collaborateurs internationaux, d'une mutuelle collective pour pallier l'impossibilité de les affilier à la sécurité sociale, ou encore le soutien de leurs familles pour la recherche de logements, la scolarité et la crèche des enfants.
* 2 Contributions financières : mieux assurer la place de la France dans le multilatéralisme, rapport d'information n° 392 (2021-2022) de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD, fait au nom de la commission des finances, déposé le 26 janvier 2022.
* 3 Ordonnance n°2022-533 du 13 avril 2022 définissant la nature, les conditions et les modalités d'octroi par le Gouvernement de privilèges, immunités et facilités à des organisations internationales, des agences décentralisées de l'Union européenne et à certaines associations ou fondations.