C. UNE IMPRESSIONNANTE BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 123

Le programme 123 « Conditions de vie en outre-mer », composé de huit actions, vise notamment, comme l'indique le PAP pour 2025, à financer le logement social, les dispositifs de continuité territoriale, la solidarité nationale en cas de catastrophe naturelle et à accompagner financièrement les collectivités locales.

Le PLF 2025 prévoit d'allouer environ 811 M€ en AE et 606 M€ en CP au programme, soit une baisse par rapport à la LFI pour 2024 de 36,74 % en AE et 34,14 % en CP, ce qui est considérable. Une partie de cette baisse s'explique par le non-renouvellement de diverses dispositions adoptées par amendements à l'occasion du PLF pour 202414(*). Il n'en demeure pas moins que cette diminution des crédits est tout à fait notable, et que l'ensemble des huit actions du programme connaît une baisse des crédits, dans des proportions diverses15(*).

Comme l'indique la DGOM dans sa contribution écrite, les crédits pour 2025 nécessiteront une réorientation forte des actions dans les territoires ultramarins.

Concernant le logement, la baisse des crédits s'établit à près de 32 M€ en AE, soit près de 11 %, et d'un peu plus de 9,5 M€ en CP, soit 5 %. Certes ces baisses interviennent alors même que le niveau de consommation des crédits de l'action semble enfin connaître une augmentation durable puisque la DGOM a indiqué à la rapporteure que, pour 2024, ils seront vraisemblablement intégralement consommés, comme en 2023. Toutefois, il est à noter que les crédits pour 2025 - près de 260 M€ en AE - demeurent assez largement au-dessus des crédits pour 2023 (243 M€) et même de la moyenne des dotations entre 2015 et 2024, à savoir environ 239 M€. En matière de construction et de réhabilitation de logements, les crédits budgétaires sont de toute évidence nécessaires mais pas suffisants : la question de l'adaptation des normes et de l'engagement de tous les acteurs demeure centrale16(*).

La baisse des crédits de l'action 3 relative à la continuité territoriale est en revanche très préoccupante. Outre le déclin très significatif des crédits affectés à Ladom, évoqué précédemment, les crédits de l'action 3 sont en diminution de 17,5 % en AE et en CP, soit 13,4 M€ en AE et pratiquement le même montant en CP. Presque l'entièreté de la baisse est absorbée par le fonds de continuité territoriale, qui finance l'essentiel des aides à la continuité territoriale. Or, l'État s'est engagé, à l'occasion du Ciom de juillet 2023, à une profonde réforme de la continuité territoriale17(*), qui s'est traduite d'une part, par une hausse de près de 47 % des crédits affectés à cette politique à l'occasion du PLF pour 2024, destinée à financer les nouveaux dispositifs, et d'autre part, par l'adaptation de ceux déjà existants. Dans ces conditions, la baisse des crédits figurant au PLF pour 2025 est de nature à remettre en cause les engagements pris par l'État. Ces crédits doivent donc être sanctuarisés, position que la rapporteure partage avec le ministre chargé des outre-mer, qui s'est exprimé en ce sens lors de ses auditions devant les membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer le 7 novembre et de la commission des affaires économiques le 20 novembre.

Par ailleurs, la rapporteure s'inquiète des conséquences pour la mobilité des Ultramarins, et dans un contexte de crise du pouvoir d'achat, de la hausse annoncée du tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passagers (TTAP), introduite par le Gouvernement par amendement à l'Assemblée nationale. Un sous-amendement avait été adopté par les députés pour en exonérer les vols entre les outre-mer et l'Hexagone ainsi qu'entre la Corse et l'Hexagone. La première partie du PLF ayant été rejetée à l'Assemblée nationale, le débat aura lieu au Sénat, et la rapporteure souligne la nécessité de ne pas alourdir le coût de la continuité territoriale pour les Ultramarins. En séance, à l'Assemblée nationale, le ministre chargé du budget a indiqué proposer « une compensation à due concurrence sur le budget de Ladom ». La rapporteure y sera attentive.

Recommandation n° 5 : S'engager à neutraliser les effets de la hausse de la taxation du transport aérien de passager pour les territoires ultramarins.

La réforme de la continuité territoriale

Actée dans le cadre du Ciom, la réforme de la continuité territoriale s'est traduite en LFI pour 202418(*) par la création de trois « passeports » :

· passeport pour le retour ;

· passeport pour la mobilité des actifs salariés ;

· passeport pour la mobilité des entreprises innovantes.

L'une des priorités de cette vaste réforme est l'amélioration de l'attractivité des territoires ultramarins, ainsi que la mise en place d'un accompagnement au retour pour les publics aspirant à rejoindre leur territoire de naissance19(*), dans un contexte de quasi-effondrement démographique de certains territoires20(*).

La mise en oeuvre de ces dispositions semble toutefois prendre du retard, la DGOM indiquant que les textes réglementaires, un an après les annonces, sont en cours d'élaboration.

L'ensemble de ces nouveaux dispositifs ainsi que l'amélioration des dispositifs existants, a justifié la forte augmentation des crédits en PLF pour 2024, de même qu'une réforme du fonctionnement de Ladom et du périmètre de ses interventions.

Recommandation n° 6 : Respecter la parole de l'État en sanctuarisant les crédits de l'action 3 du programme 123, dédiés au financement des dispositifs de continuité territoriale (amendement n° 3).


* 14 Ainsi, par rapport au PLFI pour 2024, la baisse est de 20,74 % en AE, et de 23,27 % en CP, le Gouvernement faisant le choix de ne pas reconduire les 259 M€ d'AE et 131 M€ de CP supplémentaires votés pour le seul programme 123 dans le cadre du débat parlementaire de l'an dernier.

* 15 L'action 1 « Logement  » voit ses AE baisser de près de 11 %, l'action 2 « Aménagement du territoire  » affiche une baisse de près de 63 %, l'action 3 « Continuité territoriale  » de 17,5 %, l'action 4 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports  » de près de 52 %, l'action 6 « Collectivités territoriales  » de 40 %, l'action 7 « Insertion économique et coopération régionale affiche une stabilité et l'action 9 « Appui à l'accès aux financements bancaires  » voit ses crédits diminuer de 66 %.

* 16 Voir la seconde partie du présent avis.

* 17 Mesures 27 et 47 du Ciom.

* 18 Article 236 de la loi°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 19 Le document de restitution des conclusions du Ciom indique à ce titre que le taux de natifs de 15 à 64 ans résidant hors de leur région de naissance s'élève à 44 % pour la Guadeloupe et la Martinique (2021), ce qui est considérable.

* 20 Par ailleurs, les aides à la mobilité des étudiants ont été renforcées par le relèvement de certains seuils et taux de prise en charge, de même que l'aide à la continuité territoriale (ACT) a été ouverte à un public plus large par l'augmentation du plafond du quotient familial en deçà duquel les foyers sont éligibles. Enfin, des mesures visant à intervenir dans le cadre de violences intrafamiliales, et améliorer la mobilité des personnes en situation de handicap et des talents issus des milieux sportifs, universitaires et culturels ont également été mises en place.

Partager cette page