TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de M. Antoine Armand, ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie
(Mardi 5 novembre 2024)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir pour la première fois devant notre commission des affaires économiques en votre nouvelle qualité de ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous avons reçu votre prédécesseur chaque année, au moment de la discussion budgétaire, et je crois que je n'ai pas exagéré en disant à Bruno Le Maire, la dernière fois qu'il est venu, qu'il avait été le ministre de tous les records, s'agissant notamment du déficit et de la dette publics. Chaque mois qui passe augmente, inexorablement, notre prévision de déficit, qui serait non pas de 4,4 %, ni de 5,1 %, ni encore de 6,1 %, mais, finalement, de 6,2 % du PIB.

Dans ces circonstances exceptionnelles, vous nous trouverez à vos côtés, ou du moins un certain nombre d'entre nous, devant la lourde tâche qui vous attend, mais davantage, je dois le dire, pour vous aider à améliorer l'efficience de la dépense publique que pour lever de nouveaux impôts - je sais que vous partagez largement cet objectif.

De ce point de vue, l'examen à l'Assemblée nationale de la partie recettes du projet de loi de finances (PLF), qui reprendra demain, n'est pas très rassurant. Comment, monsieur le ministre, pourrons-nous réussir à inverser ce ratio entre dépenses et recettes nouvelles pour que les économies reposent davantage sur la baisse des dépenses que sur l'impôt ? Tout l'enjeu est de parvenir à cibler les dépenses à couper, sans toucher aux dépenses essentielles, les « dépenses d'avenir », qui peuvent être des investissements rentables, par exemple dans l'innovation, ou des dépenses moins coûteuses aujourd'hui qu'elles ne le seront demain, comme l'adaptation au changement climatique.

Dans la construction, en urgence, de ce budget, vous vous êtes notamment appuyé sur les revues de dépenses lancées depuis l'an dernier, dont certaines ont cependant pu inquiéter nos entreprises. Je vais en citer deux exemples : l'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), par lequel le Gouvernement entendait réaliser 5 milliards d'euros d'économies sur les exonérations de cotisations sociales, en ligne avec le rapport des économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, afin de lutter contre la « smicardisation », ce qui aurait renchéri d'autant le coût du travail au niveau du Smic ; la majoration exceptionnelle d'impôt sur les sociétés (IS) des plus grandes entreprises, qui suscite les doutes des observateurs sur son caractère temporaire, alors que les besoins de financement sont, eux, durables, ainsi que sur son impact sur l'attractivité de notre territoire pour les entreprises.

Pourriez-vous dissiper les éventuels malentendus et rassurer nos entreprises sur le maintien d'un cap en faveur de l'amélioration de leur environnement compétitif, donc à l'embauche et à la création de valeur dans notre pays ?

De façon plus structurelle, si nous voulons réduire « le fossé qui sépare l'Europe des États-Unis et de la Chine en matière d'innovation, en particulier dans le domaine des technologies de pointe » - je cite le rapport de M. Mario Draghi -, il faudra, selon l'ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), moins de normes et « un plan commun pour la décarbonation et la compétitivité », afin de ne pas sacrifier la seconde à la première.

Ce rapport-fleuve conforte, secteur par secteur, l'analyse de notre commission. Il devrait vous parler, monsieur le ministre, puisque vous vous êtes investi comme chacun sait sur la souveraineté énergétique. Lesquelles de ses mesures aimeriez-vous prioritairement reprendre à l'échelle nationale pour nourrir utilement l'agenda législatif des mois à venir ?

Pour finir, monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur notre politique commerciale : j'aimerais vous entendre sur notre doctrine en matière de sécurisation des approvisionnements. Vous vous êtes personnellement beaucoup engagé sur le dossier du Doliprane, et pour cause : c'est le médicament le plus consommé de France, une pénurie a touché notre pays au début de l'année 2023, en lien avec le covid-19, et des financements publics concourent actuellement à la relocalisation de la production du principe actif, le paracétamol, en Haute-Garonne et en Isère.

Au-delà de cet exemple symbolique, et de façon plus générale, dans quels cas faudrait-il, selon vous, diversifier nos approvisionnements par des partenariats avec des pays amis, constituer des stocks stratégiques, ou tout bonnement relocaliser la production ?

Sur ces interrogations, et après avoir rappelé que votre audition est retransmise en direct sur le site internet et les réseaux sociaux du Sénat, je vais vous céder la parole. Après quoi, vous pourrez répondre aux questions de mes collègues, à commencer par celles des rapporteurs pour avis sur la mission « Économie », Sylviane Noël, Anne-Catherine Loisier et Christian Redon-Sarrazy, puis à celles de l'ensemble des commissaires - elles sont nombreuses.

Je veux auparavant simplement saluer l'arrivée, dans notre commission, de Gérard Lahellec, sénateur des Côtes-d'Armor, qui remplace notre collègue Evelyne Corbière Naminzo.

Monsieur le ministre, je vous laisse la parole.

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. - Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de pouvoir m'exprimer pour la première fois devant votre commission. J'étais déjà intervenu au Sénat lors du débat sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme qui s'est tenu dans l'hémicycle la semaine dernière, puis à l'occasion d'une audition devant la commission des finances.

Je serai à votre entière disposition chaque fois que vous le jugerez nécessaire. Sont également à votre disposition l'ensemble des ministres délégués et des secrétaires d'État auprès de mon ministère - le ministre délégué chargé de l'industrie, la ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme, la ministre déléguée chargée de l'économie sociale et solidaire, de l'intéressement et de la participation, et la secrétaire d'État chargée de la consommation, Laurence Garnier, que vous connaissez bien -, ainsi que mes équipes. C'est la moindre des choses que nous répondions au mieux aux sollicitations des élus de la nation !

Puisque vous m'y invitez, madame la présidente, je vais commencer par l'Europe. C'est probablement le plus judicieux tant les circonstances européennes conditionnent un grand nombre de politiques publiques que nous pouvons espérer mener ou que nous devons mener dans les prochaines semaines et dans les prochains mois, d'autant que je reviens de réunions du Conseil Ecofin et de l'Eurogroupe.

J'ai eu la chance de participer aux assemblées générales du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale il y a quelques jours. Je le dis vraiment très simplement : le diagnostic envers l'Europe était très dur. Cependant, il était factuel.

La croissance de la zone euro est de moins de 1 %, quand celle des États-Unis est de 3 % au moins, et celle de la Chine et d'autres pays asiatiques de 5 %. La croissance dans les secteurs innovants est importante ; elle a augmenté. Mais elle reste à des niveaux qui ne sont pas comparables à ceux des États-Unis ou de la Chine, qu'il s'agisse des infrastructures énergétiques, de l'intelligence artificielle, des outils de la décarbonation ou des entreprises de services. C'est ce contexte qui me pousse, sous l'autorité du Premier ministre, à défendre un agenda de compétitivité, de croissance et de commerce régulé au niveau européen.

Pour ce qui concerne la croissance, ce n'est pas du catastrophisme que de dire que nous courons un risque de décrochage : dans quelques décennies, voire quelques années, nous pouvons nous retrouver dans une situation où la plupart des technologies critiques et des bases industrielles ne seraient maîtrisées que très partiellement par l'Europe, qui aurait besoin, pour son économie réelle au quotidien - vous avez mentionné l'approvisionnement ou encore les stocks de résilience -, de capacités productives situées en dehors de son territoire.

Bien évidemment, ce n'est pas sans lien avec le modèle politique que, me semble-t-il, nous défendons tous ici, par-delà les sensibilités politiques. Cela doit passer par un agenda de compétitivité, par une amélioration du marché européen, par beaucoup plus d'investissements, à la fois publics et privés, étant donné les sommes en jeu. Je crois que Mario Draghi n'est pas réputé pour dépenser sans compter ! Quand il évoque la somme de 800 milliards d'euros d'investissements à réaliser au niveau du continent européen, ce n'est pas anodin. Et, pour que ces investissements soient efficaces, il faut évidemment un cadre commercial qui ait un sens industriel et un sens écologique.

Sur le plan industriel, nous nous battons aujourd'hui pour que nos constructeurs automobiles et pour que les équipementiers qui sont présents sur à peu près l'ensemble de nos territoires investissent pour l'électrification du parc, pour la sortie du fossile. Mais, si ces investissements sont entravés par une régulation européenne trop restrictive ou par des surcapacités asiatiques qui viennent grever durablement notre capacité à opérer ce changement industriel, nous n'y arriverons pas, quels que soient les investissements, publics et privés, qui auront été réalisés.

C'est pourquoi nous sommes battus, aux côtés d'autres États membres, pour que la Commission européenne fixe temporairement des droits de douane à 35 % contre le dumping de certains pays asiatiques, qui pouvaient accorder jusqu'à 35 % de subventions directes. La bataille était perdue d'avance si l'on ne rééquilibrait pas un tant soit peu les choses.

Cependant, le commerce international est utile. Et il doit se faire avec un certain nombre de standards, notamment écologiques. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle la France tient une position très ferme sur le Mercosur, qui, en l'état, contrevient aux ambitions qui sont les siennes depuis de nombreuses années dans la défense de l'agriculture et ne satisfait pas à l'exigence de clauses miroirs efficaces. Ce n'est pas de l'idéologie ! Cela ne veut pas dire que nous sommes contre les accords de libre-échange, dont certains sont utiles, voire nécessaires à l'ensemble de nos industries.

Cela me permet de passer au sujet français. Quand le ministre de l'économie et des finances vient défendre la position qui est la sienne dans les cénacles européens, nos partenaires regardent forcément l'état de nos finances publiques ! Ils voient que nous avons 3 300 milliards de dettes, que nous sommes le troisième pays le plus endetté de l'Union européenne, que nous aurons un déficit de plus de 6 % cette année et que, selon les estimations, nous serons le dernier pays à revenir sous les 3 % et le seul à rester au-dessus de ce taux à partir de 2026.

Il y a un lien extrêmement fort entre le rétablissement des comptes publics et l'agenda de croissance et de compétitivité. D'abord, c'est en rétablissant ses comptes que la France pourra avoir le leadership au niveau européen pour porter les réformes dont nous avons parlé. Ensuite, il faut évidemment libérer de l'espace budgétaire et fiscal pour pouvoir investir dans l'éducation, la formation, la santé, l'écologie ou encore les technologies de demain et d'après-demain, qui, avec la sobriété et l'efficacité, sont absolument stratégiques pour que nous puissions rester compétitifs.

Nous sommes dans une situation particulière, avec une croissance à la fois robuste, puisqu'elle s'élève à 1 % depuis quelques années et devrait rester à ce niveau dans les prochains mois, et insuffisante pour financer les ambitions économiques et sociales qui sont les nôtres, ambitions légitimes pour un pays comme la France.

Cela m'amène aux leviers qu'il faut actionner, et je commencerai par le budget, madame la présidente. Présenter une trajectoire économique et financière est toujours une gageure, puisque c'est une démarche à la fois prévisionnelle et aussi prescriptive que possible, l'idée étant d'essayer d'amener la France à engager un horizon de désendettement à partir de 2028. Vous le savez, 3 %, ce n'est pas simplement un dogme ou une question symbolique de l'Union européenne : c'est à peu près le seul stabilisant à partir duquel notre dette se réduit. Et c'est évidemment un indicateur indispensable pour les institutions, pour les analystes et pour nos partenaires européens.

Je le répète pour ceux qui pensent que nous allons trop vite : si nous tenons cette trajectoire, nous serons le dernier pays à passer sous les 3 %, en 2029. Pour atteindre cet objectif, et pour ne pas fragiliser durablement la croissance par des ajustements budgétaires trop importants, nous considérons que le déficit doit atteindre 5 % dès 2025. C'est aussi la manière de montrer la crédibilité de notre trajectoire de réduction à nos partenaires européens.

Les discussions ont été nombreuses. J'ai évidemment pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des analyses du Haut Conseil des finances publiques. Au fond, que l'on considère que l'effort doit être fait à partir du niveau de dépenses actuel ou à partir du niveau qu'auraient atteint les dépenses à la fin de l'année prochaine, qui est la manière classique de construire un budget, on tombe, à la fin, sur les mêmes chiffres. L'idée est de réaliser un effort de 60 milliards d'euros, réparti, à ce stade, entre une réduction des dépenses, pour les deux tiers, et une augmentation des impôts, pour un tiers.

Je le dis avec beaucoup d'humilité, étant donné les conditions d'élaboration du budget : toutes les propositions qui nous permettent de réduire la charge fiscale et d'augmenter la baisse des dépenses seront considérées attentivement. Mais force est de constater que faire de bonnes économies durables qui n'affaiblissent ni la croissance ni nos services publics prend du temps ! C'est pour cela que nous avons annoncé, dans le plan budgétaire et structurel national à moyen terme, des revues de dépenses d'au moins 5 milliards d'euros pour les deux prochaines années, qui concerneront toutes les administrations et qui auront pour but de s'attaquer à la racine de l'évolution incontrôlée de certaines de nos dépenses publiques. Le ministre du budget et des comptes publics les a détaillées devant la commission des finances, et nous aurons à nouveau l'occasion de le faire en séance publique.

Il se trouve que les dépenses couvertes par l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) augmentent, l'année prochaine, de 2,7 %, alors qu'elles devaient spontanément augmenter de 3 %. Nous demandons donc un effort de 0,3 point. De fait, il serait problématique que l'on ne parte pas du principe que la réduction des dépenses publiques implique de faire un effort là où les dépenses sont le moins contrôlées, pour des questions de guichets, de transports sanitaires ou encore de dépenses sociales, et que l'on ne mette pas sur la table la question de l'emploi public de manière générale, alors qu'il est l'un des plus importants de l'Union européenne.

Nous sommes désormais le pays de l'Union qui a à la fois le taux de prélèvement obligatoire le plus important et le taux de dépenses publiques le plus important. Autrement dit, nous n'avons plus de levier ni sur l'un ni sur l'autre. À cet égard, l'augmentation des impôts et la réduction de la dépense publique ne sont pas des questions que je résoudrai seul dans un bureau : il faudra y réfléchir de manière concertée et ouverte.

Les écarts de prévisions dans les déficits présentés ne vous auront pas échappé. Ils sont aussi importants dans d'autres pays. Ainsi, l'Allemagne a fait passer sa prévision de croissance de 1,3 % à 0,2 % (chiffres du Trésor).

Lorsque je suis arrivé à la tête de ce ministère, j'ai demandé à l'inspection des finances de mener une mission pour faire la lumière sur ce qui s'était passé. J'ai annoncé que nous allions installer un comité scientifique - il prendra place dans les prochains jours. Il réunira des personnalités qualifiées qui pourront regarder la manière dont nos modèles fonctionnent aujourd'hui, s'ils sont adaptés aux crises, s'ils peuvent être améliorés.

Il me paraît extrêmement important que nous pilotions la dépense beaucoup plus finement - une collectivité locale ou une entreprise recourrait immédiatement à cette méthode. Je le dis ici, nous devons travailler avec la représentation nationale pour pouvoir regarder beaucoup plus précisément comment la dépense évolue et, ainsi éclairés, opérer des choix de manière régulière pour éviter ensuite de se retrouver contraints de faire des choix encore plus difficiles. De fait, plus on attend, plus c'est difficile ! Nous continuerons évidemment à vous tenir informés et à rester à votre disposition, comme à celle de la commission des finances.

Cette politique nous permettra de faire baisser notre coût de financement. Je répète que 1 euro du budget de l'État sur 8 sert au remboursement des intérêts de la dette ! Si nous continuons sur cette trajectoire, ce sera le premier poste du budget de l'État d'ici 2027, avant la sécurité, l'éducation ou encore la santé. À ceux qui affirment que réduire la dépense publique risque d'abîmer la croissance ou de diminuer l'investissement dans les services publics ou l'écologie, je veux dire que c'est plutôt le contraire. En laissant filer la dépense, il y aura forcément un moment où nous n'y arriverons plus.

Du reste, avec les changements de prévisions dans les déficits publics, les spreads - les écarts de taux d'intérêt - entre la France et l'Allemagne ont augmenté, pour un coût qui avoisine, sur quelques années, quasiment 10 milliards d'euros, somme que l'on aurait pu utiliser en l'injectant dans l'économie réelle, dans l'investissement, dans la transition, dans les services publics... Les entreprises attendent que le coût de financement soit le plus favorable possible, et un pays est attractif quand ses finances publiques sont saines : je crois que cela fait partie des postulats de base sur lesquels nous pouvons nous mettre d'accord.

J'en viens aux réformes structurelles, et évidemment sur le plan annoncé par le Premier ministre.

Vous nous avez demandé, madame la présidente, si nous avions changé de cap et si nous allions moins soutenir les entreprises. La réponse est non ! En effet, aucune autre politique que la politique de l'offre - j'assume cette expression - n'a donné de résultats ces vingt-cinq dernières années. On ne connaît pas d'exemples de pays ayant massivement augmenté les impôts et la dépense publique et ayant, sur le long terme, enregistré de bons résultats en matière d'emploi, de croissance ou d'attractivité.

À l'inverse, les pays qui ont engagé des réformes structurelles - parfois difficiles -, qui ont baissé les impôts, qui ont accompagné la fluidification du marché du travail ont engrangé des résultats économiques. Certes, on peut juger que la distribution doit être améliorée, mais que l'on me cite un pays qui a appliqué le contraire d'une politique de l'offre et qui en a tiré des bénéfices ! Il faudrait sinon remettre complètement en cause le modèle économique dans lequel nous vivons...

Je tiens à aborder quelques éléments, à commencer par le taux d'emploi, qui est le nombre de personnes en emploi sur le nombre de personnes en âge de travailler - âgées de quinze à soixante-quatre ans -. Ce taux s'élève, en France, à 69 %, soit trois points et demi de plus qu'en 2017. Du reste, c'est le plus haut taux d'emploi enregistré depuis que l'Insee a commencé à le calculer, en 1975. Mais, pour prendre un exemple parmi beaucoup d'autres, aux Pays-Bas, le taux d'emploi est à 82 % !

Plus de personnes qui travaillent, c'est de la création de richesses en plus, des cotisations en plus pour financer le modèle social et des recettes plus élevées à la fin. Sans parler de l'épanouissement qui résulte du fait d'être actif et de participer à la société... Il faut, globalement, qu'il y ait davantage d'emplois.

Je veux maintenant évoquer la durée du travail - n'ayons pas peur des questions difficiles ! En France, on travaille, en moyenne, 1 500 heures par an. Dans les pays développés, ceux de l'OCDE, c'est, en moyenne, 1 750 heures. Dans l'Union européenne et la zone euro, la différence n'est pas énorme : c'est, en moyenne 1 570 heures, soit environ une heure par semaine de plus que chez nous.

La durée du travail est évidemment liée à un autre critère, celui de la productivité du travail, c'est-à-dire la quantité de travail produite par chaque personne. En l'occurrence, comme les écarts ne sont pas si importants entre la France et les pays européens, on peut en conclure que la productivité du travail est un peu plus élevée dans notre pays.

MM. Fabien Gay et Yannick Jadot. - Ah !

M. Antoine Armand, ministre. - Il ne faut pas avoir peur d'exprimer des faits, mesdames, messieurs les sénateurs ! Au demeurant, si la productivité est un peu plus élevée, elle ne l'est pas assez pour compenser les différences de taux d'emploi. D'ailleurs, la productivité du travail en Europe décroche de plus de 20 points par rapport à celle des États-Unis. Beaucoup de questions se posent : diffusion des technologies, formation tout au long de la vie... Je suis certain que nous pouvons souscrire à un certain nombre de constats communs. La France travaille moins que ses principaux voisins et que ses principaux partenaires, c'est un fait !

En parallèle, nous observons, comme nos partenaires, un vieillissement de la population, lequel engendrera évidemment une hausse de nos transferts vers les personnes les plus âgées, qui ne contribuent plus directement aux cotisations sociales. Cela participera au déséquilibre de nos finances. Et je ne mentionne pas la question de l'autonomie...

Certes, le chômage est au plus bas depuis quarante ans : il reste à 7,3 %, mais ce n'est pas absolument le plein emploi. Il faut poursuivre l'effort. Selon les estimations des économistes, le relèvement du taux d'emploi de la France au niveau de celui des Pays-Bas - 82 % - créerait sans doute plus de 2,5 millions d'emplois. Peut-être cela vaut-il la peine de continuer les réformes en faveur de l'activité.

Je veux aborder la question de la simplification - elle est transversale. Je salue l'oeuvre de mes prédécesseurs en ce sens.

Pour avoir été député avant d'être ministre, je sais comme vous que, chaque fois qu'on leur parle de simplification, les partenaires reculent. Ils n'en veulent pas, car ils ne veulent pas de norme supplémentaire. Il faut cependant que l'on se rende compte que la complexité de notre système nécessite un changement dans notre conception et dans notre application des normes. Bien sûr, cela doit d'abord passer par l'évaluation - je sais que vous y êtes sensible, madame la présidente. Nous sommes à votre disposition, mes ministres délégués, mon administration et moi-même, pour répondre à toutes les questions que vous vous posez sur l'évaluation et sur l'application, par décrets, des lois que vous votez. Je le dis avec beaucoup de modestie, je m'interroge moi-même parfois sur le degré d'application de certaines lois.

Aujourd'hui, la quasi-totalité de notre production normative émane d'abord du niveau européen. Nous avons engagé des chantiers réglementaires très lourds, qui auront un impact important sur les entreprises. C'est pour entraîner l'ensemble des pays européens, des entreprises dans la voie du Pacte vert que nous avons mis en place un certain nombre d'outils de reporting extrafinancier, d'incitations à l'investissement et de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

La directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD, entre progressivement en vigueur en France. Elle touchera, à terme, l'ensemble des entreprises, y compris les très petites entreprises (TPE). Elle comporte jusqu'à 800 indicateurs obligatoires ! Nous pouvons progresser dans la prise en compte de la charge qui en résultera pour les entreprises, notamment pour l'ensemble des petites et moyennes entreprises (PME), des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des TPE du territoire, qui vont devoir investir pour se conformer à ces nouvelles règles sans en avoir forcément les moyens. Je mènerai ce chantier annoncé par le Premier ministre, au nom du Gouvernement.

Le secteur automobile se trouve dans une situation conjoncturelle extraordinairement difficile. Cela s'explique par de nombreux facteurs, conjoncturels, mais extrêmement puissants : coût de l'énergie et des matières premières, conjoncture internationale, surcapacité asiatique... Ces facteurs continueront à peser sur le secteur, obligeant sans doute certaines entreprises à prendre des décisions extrêmement difficiles dans les prochaines semaines - je le dis sans fard.

Sur ce sujet, nous avons, au niveau européen, retenu l'idée d'un règlement qui n'autorise plus à la vente de véhicules neufs que les véhicules non thermiques dès 2035. Les constructeurs ont suivi et réalisent des investissements majeurs. C'est heureux, parce que nous sommes dans une course de vitesse avec des pays qui, y compris de manière très directive, voire dirigiste, n'ont pas attendu un règlement pour surinvestir dans le secteur.

Faut-il pour autant renoncer à notre objectif ? Ma conviction est évidemment que non ! Sinon, ce serait sortir l'Europe de cette course de vitesse et se priver des moyens d'avoir une industrie européenne. Cela pose évidemment la question des modalités : l'Europe est-elle en situation d'infliger des amendes de plusieurs milliards d'euros à des constructeurs qui n'ont pas atteint leurs objectifs assez rapidement, donc, en cascade, à toute la chaîne industrielle ? Je doute qu'une amende, dans la conjoncture actuelle, conduise à plus d'investissements en faveur des véhicules électriques...

Nous ne devons pas faire preuve de naïveté. Je serai à Berlin vendredi pour évoquer ce sujet avec nos partenaires allemands. Le ministre Marc Ferracci, chargé de l'industrie, y était aujourd'hui. Nous devons avancer de manière concertée, dans le respect des règles, mais aussi de manière que les modalités soient un tant soit peu adaptées aux difficultés du contexte.

Il faut simplifier, mais aussi s'adapter à l'économie réelle. L'examen du projet de loi de simplification de la vie économique doit évidemment être poursuivi. Je pense notamment à la question du « test PME » : nous devons beaucoup progresser sur le flux, et peut-être même sur le stock de normes. Mon ministère sera pleinement mobilisé pour participer à cet effort.

Nous constatons, au quotidien, que de nombreuses mesures qui concernent les chefs d'entreprise relèvent du décret, mais aussi, parfois, de l'arrêté ministériel, de l'arrêté préfectoral, voire de la dérogation réglementaire à un arrêté préfectoral. À cet égard, je rappelle que le Premier ministre a demandé que les préfets aient un pouvoir de dérogation beaucoup plus fort. Pour ma part, j'ai demandé à mon administration de regarder les normes que nous pourrions supprimer pour redonner de l'oxygène. Il me semble que c'est une bonne manière de simplifier, plutôt que de se lancer dans un schéma normatif supplémentaire, d'autant que cela ne coûte pas beaucoup d'argent.

M. Laurent Duplomb. - C'est la meilleure des solutions, et ça ne coûte rien !

M. Antoine Armand, ministre. - J'en viens à la souveraineté et à la stratégie industrielle. Je reviens de Bruxelles, mais j'ai fait un passage par Calais, où l'État se porte acquéreur de 80 % du capital d'Alcatel Submarine Networks (ASN), entreprise de construction, de pose et de maintenance de câbles sous-marins qui permettent de transporter la fibre optique à travers l'Atlantique. Cette infrastructure est évidemment devenue absolument critique ces dernières années. Sur ce sujet, il est nécessaire que l'État stratège soit encore plus pertinent et sans doute encore plus offensif. Nos partenaires extra-européens, qu'il s'agisse des pays d'Asie ou des États-Unis, ne s'en privent pas ! Quel que soit le résultat de l'élection américaine, les outils de défense commerciale progressivement mis en place ces dernières années seront extrêmement puissants. Donc, oui, évidemment, notre démarche est celle d'une souveraineté offensive, mais c'est la situation - celle d'un durcissement de l'économie et du commerce international - qui le commande.

La meilleure politique industrielle, en général, c'est celle qui permet de se doter d'entreprises qui ont envie de s'installer, de créer de l'emploi et d'investir. Je pense que ce point de vue est assez largement partagé ici. À mon sens, cela ne peut pas passer par un alourdissement fiscal.

Nous augmentons l'impôt sur les sociétés en étant conscients de la charge que cela représente et en l'encadrant : la hausse est temporaire, ne porte que sur 440 groupes et est réalisée de manière ciblée - elle doit rapporter 8 milliards d'euros cette année et 4 milliards d'euros l'année prochaine. Nous n'augmentons pas le taux de l'IS : nous demandons une surtaxe à certains grands groupes, qui se sont d'ailleurs déclarés prêts à faire cet effort.

Pour ce qui est de l'emploi, les exonérations de cotisations sociales sont importantes dans notre pays parce qu'il y a beaucoup de prélèvements obligatoires sur les entreprises, de même manière qu'il y a beaucoup de crédits d'impôt parce qu'il y a encore beaucoup d'impôts sur nos entreprises. Bien évidemment, le but, à dix ans, est de réduire le coin socialo-fiscal pour avoir moins de trous qui mitent les appareils fiscal et social. Nous avons été alertés sur le sujet par les entreprises et par les parlementaires, et nous sommes en train de rechercher une amélioration de la situation, notamment pour ce qui concerne les bas salaires, de nombreuses entreprises intensives en main-d'oeuvre - dans les secteurs de la propreté, de la sécurité, de la maintenance - étant susceptibles d'être directement affectées par une telle mesure. Je ne ferai pas de promesses générales et engageantes alors que chaque milliard d'euros est absolument décisif. Mais nous y travaillons, et nous étudierons toutes les propositions.

Je veux maintenant aborder la question de l'énergie, qui traverse l'ensemble de l'industrie et à laquelle je sais cette commission particulièrement sensible - je le suis également, ainsi que vous l'avez rappelé, madame la présidente. Quid de notre capacité à avoir une énergie à la fois abondante, décarbonée et compétitive ?

En matière électrique, la première réponse, assez évidente, est l'énergie nucléaire. EDF a réussi à remettre la disponibilité de son parc à des niveaux satisfaisants, même si elle peut encore mieux faire. C'est la première réponse pour avoir de l'électricité décarbonée, accessible à tous, de qualité et pilotable.

Nous devons y adjoindre dès maintenant des énergies renouvelables électriques, au vu des besoins en matière d'électricité qui se feront jour dans les prochaines années, et même - le point est sans doute encore plus sensible - des énergies renouvelables thermiques, étant donné que nous n'électrifierons pas l'ensemble de l'industrie française et du transport français.

Nous avons besoin de développer le biogaz, la méthanisation, les réseaux de chaleur. Le débat budgétaire doit être l'occasion d'améliorer la copie du Gouvernement.

J'ai été long : j'aborderai le tourisme, l'économie sociale et solidaire et la consommation en répondant aux questions des sénateurs, s'ils le souhaitent.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ces propos très complets et précis.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis sur la mission « Économie ». - Je m'interroge sur la fusion annoncée de Business France et d'Atout France, pour lequel le PLF 2025 prévoit une baisse de plus de 12 % des subventions pour charge de service public. Or le plan Destination France arrive à échéance en 2025. Quelles conséquences pour Atout France ? Son périmètre d'intervention sera-t-il réduit ? Sera-t-il absorbé par Business France ?

L'an dernier, un fonds territorial pour la mise en accessibilité des petits commerces avait été annoncé et doté de 300 millions d'euros d'ici 2028. Or, cette année, aucun nouveau crédit n'est inscrit dans le PLF au titre de ce fonds. Cela signifie-t-il que l'objectif de mise en accessibilité de plus de 100 000 établissements recevant du public (ERP) d'ici à 2028 sera revu à la baisse ?

Enfin, puisque vous avez évoqué la nécessité d'une simplification, je vous suggère une mesure qui ne coûtera aucun denier public et sera plébiscitée par l'ensemble des maires de France : revenez sur les modalités de recouvrement de la taxe d'aménagement. Avant 2022, cette taxe était exigible quelques mois après l'obtention d'une autorisation d'urbanisme. Il faut désormais attendre la déclaration d'achèvement de chantier. Les conséquences sont désastreuses pour les collectivités, qui sont passées d'une recette quasi automatique à une taxe extrêmement difficile à recouvrer. Si la ville d'Annecy avait prévu 2 millions d'euros de recettes à ce titre, elle n'a, à ce jour, collecté que 100 000 euros.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis sur la mission « Économie ». - L'objectif de 100 % de raccordement de la fibre jusqu'à l'abonné d'ici à 2025 sera-t-il tenu ? Les crédits alloués au plan France Très Haut Débit dans le PLF 2025 sont divisés par deux, ce qui inquiète, notamment à Mayotte.

Le financement des conseillers numériques posait déjà question l'an dernier, or il diminuera en 2025. Ces conseillers seront-ils un jour financés par les collectivités territoriales ? Si oui, à quelle échéance ? Quel est votre avis sur l'amendement déposé à l'Assemblée nationale qui vise à les financer par une nouvelle taxe sur les opérateurs mobiles ? Ces derniers sont déjà soumis à 1,6 milliard d'euros de fiscalité.

Qu'en est-il de l'abaissement de la compensation de 50 millions d'euros à La Poste pour sa mission d'aménagement du territoire ? Dans quelle mesure reviendrez-vous à l'engagement à hauteur de 174 millions d'euros inscrit dans le contrat de présence postale signé entre l'État et les élus locaux ?

Enfin, la responsabilité élargie des producteurs (REP) crée des distorsions de concurrence, dont les entreprises françaises pâtissent.

M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis sur la mission « Économie ». - Si l'on exclut la compensation carbone, dépense contrainte, les crédits de la mission « Économie » dédiés à la politique industrielle baissent de plus de moitié. Alors que la réindustrialisation a été érigée au rang de priorité nationale, comment justifiez-vous ce coup de rabot massif ? Certes, les crédits de France 2030 sont préservés, mais l'industrie, ce n'est pas que l'innovation ! Selon Bpifrance, 70 % du potentiel de réindustrialisation français se trouve dans le tissu industriel déjà existant. Cela inclut des TPE, des PME et des ETI, ainsi que des entreprises qui ne sont pas vertes, mais créent de l'activité, de la valeur et de l'emploi dans nos territoires. Ces entreprises ont besoin d'accompagnement, dont celui de Bpifrance, à qui vous supprimez 40 millions d'euros - alors même que les résultats de son accompagnement sont probants, pour un coût minime par rapport à d'autres.

Le PLF 2025 supprime aussi la ligne d'accompagnement à la restructuration et à la résilience des PME, qui finance des prestations de diagnostic et de conseil pour les entreprises en difficulté, alors même que les défaillances d'entreprises sont au plus haut - le pic n'ayant pas encore été atteint ! Ne pensez-vous pas que ce désengagement risque de coûter in fine plus cher à l'État que le demi-million d'euros économisé ?

Enfin, après des années d'attrition des crédits, l'État supprime définitivement sa dotation aux pôles de compétitivité. Avez-vous préalablement évalué l'impact de cette mesure sur les tissus productifs locaux, mais aussi sur les laboratoires de recherche et tout l'écosystème de la recherche et développement (R&D) ? Les inquiétudes sont grandes dans les territoires concernés.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Je me félicite des annonces récentes du Gouvernement. D'abord, l'Agence des participations de l'État (APE) a officialisé hier le rachat de 80 % du groupe ASN à Nokia. Les câbles sous-marins sont, en effet, des infrastructures critiques, indispensables pour l'accès à Internet. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le calendrier de l'opération, notamment sur l'acquisition future de 100 % du capital de l'entreprise, annoncée en juin dernier ?

Il y a quatre jours, l'État a confirmé l'acquisition d'une action de préférence dans Bull SA, filiale d'Atos. Notre commission ne peut que le saluer, alors que nous adoptions, en avril dernier, le rapport de nos collègues Sophie Primas, Jérôme Darras, Fabien Gay et Thierry Meignen sur l'avenir du groupe Atos. Quels sont les droits attachés à cette action de préférence ? Pourriez-vous nous en dire plus sur les autres opérations prévues concernant les activités sensibles d'Atos ?

M. Antoine Armand, ministre. - Je suis ravi de voir que les pays de Savoie sont aussi bien représentés parmi les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques qu'au Gouvernement !

Le Premier ministre s'est engagé à réduire le nombre d'agences et d'opérateurs, qui est extrêmement élevé et ne joue pas en faveur de la simplification. Du reste, cela ne signifie pas qu'ils ne font pas bien leur travail.

J'ai moi-même vu à l'étranger qu'un rapprochement aurait du sens, quand nos interlocuteurs ont affaire à deux opérateurs différents pour des missions similaires. Nous n'agirons pas dans la précipitation. Une mission de préfiguration sera menée afin de réfléchir à un rapprochement, voire à une fusion complète à l'étranger.

Je crois profondément que c'est une question d'efficacité de l'action publique. Le Gouvernement, sous la responsabilité du Parlement, doit pouvoir décider pleinement des orientations et en recevoir un compte rendu très précis.

Je partage votre avis sur le fonds territorial d'accessibilité. On ne peut pas imposer de nouvelles normes en prétendant qu'elles ne coûtent rien. Ce fonds ne couvre pas entièrement le coût de la mise aux normes, mais il est une incitation.

Ne nous interdisons pas a priori de regarder si certaines normes sont toujours proportionnées à l'entreprise ou au commerce. Au plus fort de la crise agricole, on a débattu de l'accessibilité des cours de ferme d'agriculteurs vendant simplement leur production. Il faut de la mesure.

Je suis sensibilisé au problème de recouvrement de la taxe d'aménagement. J'ai demandé aux services du ministère où les acomptes étaient bloqués. La situation n'est évidemment pas satisfaisante, au moment où l'on demande des efforts importants aux collectivités.

Madame Loisier, l'ensemble des crédits de l'État sont en baisse. Monter un budget en vingt jours et chercher à réduire le déficit d'un point par rapport à l'année précédente implique de faire des économies partout ! Nous devons voir comment appeler l'ensemble des opérateurs à participer au financement. Cela inclut les opérateurs publics et les agences territoriales concernées. Nous devons écrire un nouveau schéma ensemble. La part de financement des conseillers numériques, s'ils doivent être préservés, sera sans doute plus importante. Mais ce n'est pas parce que l'on baisse les crédits de certaines missions qu'on ne les juge pas importantes. Rappelons qu'atteindre un déficit de 5 % en 2025 est primordial.

Vous évoquez une nouvelle taxe sur les opérateurs mobiles. Je lutte contre la création de nouveaux impôts, d'abord parce que nous détenons un record en la matière. Je me bats pour qu'il n'y ait pas plus de taxes après l'examen de ce budget qu'auparavant. En France, c'est ambitieux ! Je ne serai donc pas favorable à la création de cette taxe.

Dans le cadre du débat parlementaire, le Gouvernement proposera de rétablir, à hauteur de la contribution de 50 millions d'euros, l'apport à La Poste, qui est une compensation des missions que l'on exige d'elle. Cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à leur soutenabilité.

Monsieur Redon-Sarrazy, le soutien à l'industrie française ne se résume pas au programme 134. En tant que ministre de l'industrie, je constate la baisse de ses crédits avec une certaine douleur. Le débat parlementaire pourrait être l'occasion d'améliorer sensiblement les leviers de décarbonation. Tout d'abord, les autorisations d'engagement n'ont pas de poids budgétaire immédiat et aident les entreprises. Ensuite, l'ensemble des entreprises font face à des coûts du carbone importants. Nous devons les accompagner. Nous devons nous battre, à l'échelon européen, sur le prix du carbone, d'autant que les Français, bons élèves, sont relativement désavantagés par les exemptions et autres dérogations. Sinon, à la fin, c'est toute l'économie qui est déréglée...

Certes, nous baissons le budget de Bpifrance de 40 millions d'euros, mais sa capacité d'intervention est de plusieurs milliards d'euros. Cette baisse ne change rien à sa mission.

Je partage votre préoccupation sur les pôles de compétitivité et sur les entreprises en difficulté. Nous formulerons des propositions pour améliorer ces points.

Madame Berthet, merci d'avoir souligné l'investissement dans ASN. Effectivement, l'État prend 80 % des parts, en imaginant que Nokia achève son désengagement. À court terme, nous bénéficions de sa connaissance du secteur, mais l'État souhaite être pleinement chargé d'ASN, opérateur de référence des câbles sous-marins atlantiques, mais aussi détenteur d'un tiers des parts du marché mondial.

Je serai moins disert sur Atos dans la période actuelle, couverte par le secret des affaires. Le Premier ministre l'a dit tout à l'heure à l'Assemblée nationale : le Gouvernement sera extrêmement vigilant et ferme à l'égard des entreprises qui ont bénéficié de soutiens publics, a fortiori quand leur activité concerne directement la souveraineté du pays. Nous nous assurerons, en discutant avec Atos, que les éléments les plus critiques resteront bien dans le giron national.

M. Jean-Marc Boyer. - Le groupe Michelin a annoncé, ce matin, la fermeture pour 2026 des sites de Vannes et de Cholet. Michelin compte 120 000 salariés dans le monde, dont 17 000 en France. Il est prévu de supprimer 1 550 emplois. Les parlementaires du Puy-de-Dôme ont reçu le message suivant : « En dépit de l'engagement remarquable des équipes et des efforts du groupe, les sites lourdement impactés par la transformation structurelle des marchés des pneumatiques, tourisme, camionnettes et poids lourds, à laquelle s'ajoute la dégradation de la compétitivité européenne, ne sont plus viables. Dans ce contexte, la décision de fermer les sites est devenue inéluctable. Michelin s'engage dès aujourd'hui à accompagner chacun des salariés pour construire avec eux un nouvel avenir professionnel avec des solutions adaptées à leurs besoins et leurs attentes. Nous accompagnerons les territoires concernés pour développer des activités porteuses d'emplois d'avenir et donner une seconde vie à nos sites industriels. » Michelin a toujours eu une fibre sociale très forte. Comment le Gouvernement accompagnera-t-il la reconversion des salariés et les protégera-t-il ?

M. Daniel Laurent. - Nous devons tous réfléchir à l'efficacité de l'État et de nos services publics. Nous savons tous qu'il existe une multitude d'agences et autres organismes publics - pas moins de 1 400 - qui alourdissent inutilement les dépenses publiques sans pour autant toujours rendre de services tangibles. Leur maintien est difficilement justifiable au regard des efforts demandés à nos concitoyens et à nos entreprises dans le PLF et le PLFSS. Les élus nous font part quotidiennement des contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités. La réduction des dotations et l'augmentation des charges liées à certains transferts mettent en péril leur capacité à maintenir des services publics de proximité. Comment soutenir ces collectivités tout en assurant l'équilibre des finances publiques ?

En ma qualité de président du groupe d'études Vigne et vin du Sénat, je souhaite relayer une attente de la filière : l'alignement des transmissions viticoles sur le pacte Dutreil. La fiscalité est un levier indispensable pour pérenniser les exploitations viticoles familiales, assurer le renouvellement des générations et maintenir les PME dans nos territoires. Comment alléger la fiscalité des transmissions familiales ?

Enfin, monsieur le ministre, vous êtes favorable à un allongement de la durée du travail par l'abandon d'un second jour férié. Vous dites qu'il s'agit d'une piste parmi d'autres. Quelles sont ces autres pistes ?

M. Franck Menonville. - Monsieur le ministre, vous avez évoqué le rapport de Mario Draghi, qui rend compte de la divergence entre l'Europe et les États-Unis. La création de richesse aux États-Unis en 2000 était équivalente à celle de la zone euro. Aujourd'hui, le rapport est de 1 pour l'Union européenne à 1,8 pour les États-Unis.

La France est l'un des pays de l'Europe les plus désindustrialisés.

L'épargne des Français atteint plus de 6 000 milliards d'euros. Comment drainer davantage de capitaux vers les investissements de rupture et les technologies d'avenir ? Le Premier ministre évoquait un livret d'épargne industrie.

M. Antoine Armand, ministre. - Commençons par Michelin : le cadre structurel, c'est la compétitivité européenne. Malheureusement, apporter la bonne réponse prend du temps. La décision de Michelin est regrettable. Le reclassement des salariés doit être individuel, personnalisé, adapté. Un repreneur doit être recherché en amont. Il est difficile, pour l'entreprise seule, de mener une recherche active. C'est pourquoi l'État y participera, même si cela ne changera pas la situation dans la compétition internationale du marché des pneus. Nous avons demandé des réunions dès cette semaine avec tous les partenaires : entreprises, acteurs locaux, parlementaires, services de l'État. Nous ne voulons pas perdre de temps ni laisser les salariés dans l'ombre.

Monsieur Laurent, je ne saurais trop vous rejoindre sur les agences. Il faut réduire leur nombre et réinternaliser un certain nombre de compétences, pour que je puisse être directement responsable devant vous. C'est une question démocratique. Ce peut aussi être une question budgétaire. Toutefois, cela prend du temps. La fusion entre deux agences, à très court terme, n'entraîne pas d'économies. En multipliant les agences, on a répliqué autant de services qui pourraient être mutualisés.

Je me réjouis que nous résistions collectivement aux démangeaisons fiscales qui se déclarent chez les uns et les autres. J'entends les divergences politiques sur la taxation de l'héritage. Mais, quand on dispose d'outils qui fonctionnent globalement, conservons-les, surtout quand une très grande proportion de chefs de TPE et PME s'approchent d'un âge auquel ils vont céder leur entreprise. Le tissu économique est en jeu. Le PLF fait évoluer des paramètres relatifs à la transmission des exploitations agricoles.

Je ne m'avancerai pas de manière trop précoce sur l'augmentation de la durée du travail à cet instant.

M. Daniel Laurent. - Vous l'avez évoquée.

M. Antoine Armand, ministre. - Si l'on partage l'idée que le nombre d'heures travaillées est insuffisant, il y a plusieurs manières d'agir. La première est d'intervenir sur le taux d'emploi des jeunes et des seniors, qui reste très faible. Les partenaires sociaux négocient en ce moment sur ce dernier point. Le taux d'insertion des jeunes progresse grâce à l'apprentissage, mais nous ne sommes pas au bout du chemin, notamment parce que l'apprentissage bénéficie encore plutôt aux plus diplômés. Or nous voulons entraîner l'ensemble des jeunes, d'autant que l'on compte encore trop de Neet (ni en emploi, ni en études, ni en formation).

Sommes-nous collectivement prêts à augmenter le nombre d'heures travaillées par une personne dans l'année ? Cela implique que la durée du travail soit respectée dans l'ensemble des secteurs.

Pour réduire l'épargne, il faut redonner confiance. L'une des causes de l'épargne, c'est l'inquiétude. Des comptes publics plus équilibrés contribuent à cette confiance.

Le Premier ministre a évoqué le livret d'épargne industrie dans son discours de politique générale. Nous avons besoin de financer l'industrie, or les fonds privés manquent. Nous n'avons pas la même masse de liquidités que d'autres pays. Nous présenterons ce livret dans les prochaines semaines, sous l'autorité du Premier ministre. Nous afficherons des projets industriels clairs - les Français ont envie de contribuer à la vitalité du tissu industriel. Ce livret sera un peu plus rentable que les livrets réglementés, qui ne contribuent pas directement à l'activité économique.

M. Patrick Chaize. - Monsieur le ministre, vous avez évoqué un nouveau projet pour La Poste avec la fin du service universel postal au 31 décembre 2025. Envisagez-vous une vraie loi postale en 2025 et, si oui, sous quelle forme ?

Nous confirmez-vous que le 100 % fixe fibre optique est bien le projet du Gouvernement ?

Votre ministre délégué Marc Ferracci a évacué la possibilité d'un « New Deal mobile 2 ». Le confirmez-vous ?

Les crédits du plan France Très Haut Débit sont des engagements de l'État. Leur baisse, cette année, alors même que l'engagement d'une fin de projet à 2025 a été décidé, risque de faire reposer la facture sur les collectivités territoriales. À Mayotte, ce ne sont même pas des crédits ; ce sont des autorisations d'engagement qui ont été supprimées du budget. Pouvez-vous nous rassurer ?

Je ne reviens pas sur les conseillers numériques, mais tout de même ! Sur le terrain, on déplorera une perte de qualité.

Les propositions budgétaires sur les Jeunes Entreprises innovantes (JEI) et le Crédit d'impôt innovation (CII) sont décevantes. Nous confirmez-vous que les crédits seront maintenus ?

M. Fabien Gay. - Monsieur le ministre, j'espère que vous serez plus présent au Sénat que votre prédécesseur. Cela ne sera pas difficile : venez une fois !

Ma première question porte sur la réindustrialisation : Michelin et ses 1 250 emplois supprimés, Auchan et ses 2 289 emplois supprimés, Thales et ses 1 000 emplois supprimés, mais aussi la filière automobile, avec Imperial Wheels, Valeo, Dumarey, MA France.

Par ailleurs, Stellantis a décidé de délocaliser ses pièces en Turquie, et je serai demain à 8 heures avec les salariés devant l'entreprise pour empêcher cette prédation.

Monsieur le ministre, vous vous dites ouvert au conditionnement des aides publiques. Michel Barnier a déclaré à l'Assemblée nationale qu'il demanderait des comptes à Auchan et à Michelin. Êtes-vous favorable au conditionnement des 282 milliards d'euros annuels d'argent public versés aux entreprises ? Donnerez-vous un avis favorable à notre amendement en ce sens ? Est-on d'accord pour interdire les licenciements financiers et non industriels ?

Par ailleurs, un amendement au projet de loi de finances prévoit de fixer par décret l'augmentation de l'accise sur l'électricité - qui s'élève aujourd'hui à 22,50 euros par mégawattheure -, dans une limite de 49 euros. Vous réaliserez ainsi 3 milliards d'euros d'économies sur le dos des familles les plus précaires - de fait, ce sont les ménages qui vivent dans des passoires thermiques qui ont le plus besoin d'électricité... Trouvez-vous cela sérieux ? Acceptez-vous de revenir sur cette mesure ? Le cadre post-Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) sera-t-il défini par amendement dans le budget, ou débattu dans le cadre d'un autre projet de loi ?

Comme vous le savez, le bureau des marchandises du Bourget s'apprête à fermer, privant le premier aéroport d'affaires d'Europe de son service de douane. Si l'on veut lutter efficacement contre le narcotrafic, il me paraît indispensable de revenir sur cette décision.

Enfin, les 2 000 douaniers de Seine-Saint-Denis sont les seuls agents d'État de ce département à ne pas toucher la prime de fidélisation. Vous vous êtes dit ouvert à une évolution sur ce point. Pouvons-nous leur annoncer qu'ils bénéficieront bien de cette aide ?

Mme Viviane Artigalas. - Monsieur le ministre, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une ponction importante sur les collectivités locales. Je pense notamment à la baisse des dotations, via le gel de la dotation globale de fonctionnement (DGF), de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), ainsi qu'aux coupes sur le fonds vert. Ces mesures risquent de freiner l'investissement dans les infrastructures locales et les bâtiments publics qui bénéficient prioritairement à des TPE et à des PME, lesquelles garantissent la vitalité économique de nos territoires. Avez-vous évalué l'impact de ces mesures sur l'investissement dans nos territoires et sur l'économie locale ?

Ces coupes vont aussi entraîner une baisse des recettes de l'État, en raison de leur effet sur l'économie. Je pense notamment au produit de l'impôt sur les sociétés et de la TVA, qui n'avaient pas non plus été correctement évalués en 2024. Monsieur le ministre, avez-vous, cette année, correctement estimé l'impact de ces mesures sur les recettes de l'État, ainsi que leur éventuel effet récessif ?

M. Antoine Armand, ministre. - Monsieur Chaize, il reviendra au Premier ministre d'annoncer le calendrier d'une loi sur les services postaux. Il est en tout cas essentiel de donner de la visibilité aux employés et à la direction de La Poste. Nous devrons, par ailleurs, dresser un état des lieux clair des missions qui relèvent de son périmètre, y compris celles qui sont prévues dans le cadre du réseau France Services - ce qui nous amènera nécessairement à discuter du financement.

Le ministre chargé de l'industrie a bien rappelé que le Gouvernement ne s'oriente pas vers un « New Deal mobile 2 ».

Concernant le plan France Très Haut Débit, nous devrons clarifier la part des crédits qui ont déjà été engagés et de ceux qui relèvent du budget pour 2025. Quant à votre question sur Mayotte, je n'ai pas de réponse immédiate à y apporter. Bien entendu, l'État devra se montrer à la hauteur de ses engagements.

Malgré les difficultés et les restrictions budgétaires, nous avons tenté de conserver des outils d'attractivité de l'innovation et de la recherche, notamment au travers du crédit d'impôt recherche (CIR). Il importe donc de maintenir cette aide pour les entreprises les plus innovantes, en particulier pour les TPE et les PME. Le débat parlementaire nous permettra d'avancer sur ce sujet.

Monsieur Gay, vous avez énuméré les nombreuses mauvaises nouvelles dans le domaine de l'industrie. Nous devons nous préparer à ce que d'autres suivent dans les temps à venir - en raison de la conjoncture internationale, de l'évolution de la croissance, de la compétitivité européenne, ou encore du faible niveau de la demande.

Vous avez évoqué plusieurs pistes de solutions. Pour ma part, je n'ai pas de religion en matière d'aides publiques. Celles-ci sont toujours conditionnées : le crédit d'impôt recherche, par exemple, est accessible aux entreprises qui embauchent des chercheurs. Ce dont nous pouvons discuter, c'est du bon respect des conditions et de l'évolution des critères. Ce débat mérite d'avoir lieu, sur chaque aide publique. Et, selon moi, les interlocuteurs les plus légitimes en la matière sont les partenaires sociaux.

Le crédit d'impôt recherche est souvent critiqué. Si son coût est important, c'est d'abord parce que de nombreuses entreprises embauchent des chercheurs ! En outre, la France est à la traîne en matière d'attractivité de la recherche et d'innovation. Par ailleurs, le débat sur les aides publiques à la recherche doit prendre en considération la question du financement assuré par le secteur privé. Or, dans un pays où les impôts de production sont très importants et alors que le coin socialo-fiscal est plus élevé encore que chez nos partenaires, il est important de conserver un dispositif de ce type, d'ailleurs plébiscité par les représentants des entreprises.

Comme l'a dit le Premier ministre, nous enquêterons sur l'utilisation des aides publiques par les entreprises que vous avez mentionnées. Nous disposons désormais de nombreux rapports qui nous permettront d'avancer sur le sujet - je pense notamment à ceux que produit France Stratégie -, en discussion avec les partenaires sociaux.

L'interdiction des licenciements est un débat intéressant, car il renvoie à des différences fondamentales de philosophie économique. L'examen de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite de Guillaume Kasbarian, alors député, l'avait déjà montré. Je me rattache à une sensibilité politique selon laquelle, pour inciter un propriétaire à mettre son logement en location en toute sérénité, nous devons lui assurer qu'il le récupérera sans encombre. Et, selon cette même sensibilité, pour inciter un employeur à recruter, nous ne pouvons lui imposer des critères législatifs ou réglementaires qui le contraindront à garder des salariés, même en cas de difficultés économiques. C'est une divergence très profonde. Je constate d'ailleurs que, dans les pays où les licenciements ont été interdits, la croissance et l'activité ont diminué. Certes, ils n'ont peut-être pas encore trouvé la recette miracle, mais le mets qui en résulterait serait sans doute indigeste pour les entreprises françaises.

Monsieur Gay, vous connaissez suffisamment la question de l'électricité pour savoir que vos propos ne sont pas tout à fait exacts ! Les particuliers ne vont pas perdre d'argent. D'abord, les 60 % de nos compatriotes qui sont soumis au tarif réglementé verront leur facture baisser de 9 % entre le 31 janvier et le 1er février 2025.

M. Fabien Gay. - Au lieu de 25 % !

M. Antoine Armand, ministre. - Certes, mais cela leur coûtera moins cher. Vous ne pouvez donc pas dire qu'ils vont perdre de l'argent.

Ensuite, pour les 40 % de ménages restants, nous ne faisons que réinstaurer une taxe qui existait avant le bouclier tarifaire - que, je crois, vous avez soutenu.

M. Fabien Gay. - Non !

M. Antoine Armand, ministre. - C'est bien dommage, car, selon Eurostat, cette mesure a permis à nos concitoyens d'être les mieux protégés de l'inflation du prix de l'énergie de toute l'Union européenne. La facture des 20 % des foyers qui ont opté pour une offre à prix indexé sur les tarifs réglementés baissera également. Enfin, les 20 % des Français qui ont choisi une offre d'électricité à prix libre et qui, en moyenne, ont constaté une diminution de plusieurs dizaines de points de pourcentage du tarif qui leur est appliqué paieront, il est vrai, un peu plus cher l'année prochaine.

Je travaille depuis mon entrée en fonction pour savoir où en est l'accord sur le cadre post-Arenh. Le sujet est très complexe et soulève de nombreuses questions, notamment celle de la compétitivité des industries énergo-intensives et électro-intensives.

Je ne suis pas du même avis que vous sur la fermeture du bureau des marchandises du Bourget. Nous pourrons revenir sur ce sujet à l'occasion d'un échange bilatéral.

Si nous ouvrons la prime de fidélisation à tous ceux qui travaillent seulement de manière occasionnelle dans le département, nous changerions la philosophie de ce dispositif. Néanmoins, des progrès pourraient sans doute être faits sur le sujet.

Madame Artigalas, il est vrai que la baisse imprévue de certaines dépenses, notamment sur les exonérations sociales, affectera l'emploi et l'activité. Nous l'avons bien intégrée à nos prévisions de croissance. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé le scénario macroéconomique plausible, sans toutefois partager exactement notre estimation sur la croissance. En tout cas, cela doit nous permettre de nous appuyer sur la fiscalité pour faire baisser les dépenses publiques. Par ailleurs, nous considérons que l'épargne va diminuer et que la consommation va reprendre de manière plus forte. Cela répond d'ailleurs aux questions relatives aux recettes d'impôts sur le revenu, à la TVA et à la reprise de la croissance.

Vous me demandez si mon évaluation de la croissance pour 2025 sera correcte. D'abord, sachez que ces chiffres sont calculés par des dizaines de professionnels au sein de mes services. J'entends parfois dire que Bercy « ferait n'importe quoi » dans ses prévisions : il ne faut jamais oublier que celles-ci sont le résultat de dizaines d'heures de travail, effectuées par des personnes très compétentes, qui doivent s'adapter à un contexte international heurté.

Tous les pays d'Europe ont du mal à prévoir leurs recettes. Le problème, c'est que nous peinons à retrouver le rapport entre l'évolution du PIB et les recettes fiscales que nous connaissions avant la crise du covid. Selon nos scénarios, nous devrions nous rapprocher de cet équilibre. C'est bien la direction que nous prenons, mais plus lentement que ce qui était espéré.

Chaque année, nous faisons preuve de davantage de prudence dans nos estimations. Celles-ci seront-elles exactes ? Je m'engage à faire tous les efforts pour que ce soit le cas, et à travailler en concertation avec le Parlement pour y parvenir.

M. Yannick Jadot. - D'après les chiffres d'Eurostat - que vous avez cité -, un salarié français travaille 34,9 heures par semaine, contre 33,5 heures pour un salarié allemand. Or, selon les statistiques de la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne, un emploi français produit 78 800 euros de richesses, contre 71 100 euros pour un emploi allemand. Nous travaillons donc 4 % de plus que les Allemands, pour produire 10 % de richesses supplémentaires. Pourtant, l'Allemagne a beaucoup plus d'industries que la France, et son déficit commercial est moindre. J'ai donc des doutes quant au lien de causalité que vous esquissez entre la durée du travail et notre capacité à nous réindustrialiser et à produire une croissance vertueuse.

Ce qui m'inquiète davantage, c'est l'équilibre, que vous jugez indispensable, entre le respect de la règle européenne des 3 % de déficit et la nécessité de poursuivre les investissements publics. Vous défendez la politique de l'offre, mais laquelle ? Au fond, l'Inflation Reduction Act américain était bien une politique de l'offre, qui s'appuyait sur des investissements massifs. Reconnaissons que c'est non pas la suppression d'une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui a permis de relancer l'industrie sur les batteries, en France, mais bien l'investissement public !

Malgré les rapports de Mario Draghi, de Jean Pisani-Ferry, de France Stratégie et d'Enrico Letta, nous semblons nous priver des moyens d'investir pour nous doter d'une économie dynamique adaptée aux enjeux majeurs. En 2022, nous avons signé le pacte sur l'éolien en mer, mais General Electric a commencé à licencier... Puis ce sont les entreprises qui devaient assurer la conduite du pacte solaire qui ont fermé leurs portes. Quand allons-nous enfin investir dans les filières énergétiques et industrielles ? La France pourrait assumer auprès de l'Union européenne une position selon laquelle ces investissements n'ont pas à être pris en compte dans la règle des 3 % de déficit, et nous pourrions sans doute rallier certains de nos voisins à cette cause. Je regrette que nous sacrifiions des investissements publics essentiels, qui ne feront qu'aggraver notre retard industriel.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Comme je l'ai expliqué la semaine dernière au président de La Poste, je suis régulièrement sollicitée par les Français de l'étranger, que je représente en tant que sénateur, au sujet de la fermeture soudaine de leur compte bancaire par les banques en France.

Pour éviter la charge administrative que représente la vérification de l'origine des fonds, les banques françaises préfèrent tout simplement fermer les comptes bancaires de ces citoyens, et ne pas en ouvrir de nouveaux. Ces comptes sont pourtant bien nécessaires aux Français de l'étranger ! Or la seule banque qui accepterait de leur servir d'établissement de référence est une banque marocaine, installée en France.

Le président de La Poste m'a répondu que la Banque postale pourrait accepter de jouer ce rôle à l'avenir. Laurence Garnier, qui, en tant que secrétaire d'État chargée de la consommation, est responsable de la fermeture des comptes bancaires des Français en France, est du même avis. Les 3,5 millions de Français qui vivent à l'étranger peuvent-ils compter sur votre soutien ?

M. Jean-Claude Tissot. - Mon département de la Loire et plusieurs de ses voisins ont récemment été très fortement touchés par des intempéries, qui ont causé d'importants dégâts sur les ouvrages et les infrastructures publiques. L'intervention des secours et des services de l'État a permis d'éviter le pire, mais il est temps de solliciter les moyens disponibles pour entamer la reconstruction.

La dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales touchées par des événements climatiques ou géologiques va bien sûr être sollicitée par les communes concernées, mais elle présente malheureusement une véritable inégalité d'accès. En effet, les demandes des collectivités ne sont éligibles à cette dotation que si la somme des dommages éligibles causés par un même événement climatique est supérieure à 150 000 euros.

Certaines petites communes, comme Burdignes, dans le massif du Pilat, ne pourront donc pas l'obtenir et subiront une double peine : le coût des dégâts qu'elles devront assumer représentera une part très importante de leur capacité de financement, et elles ne bénéficieront d'aucune dotation de solidarité.

Face à la multiplication de ces aléas climatiques et dans la lignée du Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC), ne devrions-nous pas revoir le seuil d'accès à cette dotation de solidarité ?

M. Antoine Armand, ministre. - Monsieur Jadot, il me semble que les chiffres d'Eurostat que vous citez concernent seulement l'emploi principal pour les salariés. Or, en Allemagne, la part d'emplois secondaires est plus importante qu'en France. Je vous confirme donc qu'un Français travaille, en moyenne, moins qu'un Allemand.

Pour ma part, je fais un lien entre la quantité de travail et les cotisations générales qui en découlent. Or, si nous voulons que notre modèle social soit financé par le travail, il faut que les cotisations sociales soient à la hauteur ! Sans cela, il me paraît bien délicat de vouloir augmenter les dépenses sociales - à moins que vous ne souhaitiez sortir du modèle bismarckien, ce qui m'étonnerait de votre part !

Nous divergeons sur ces mesures. Néanmoins, nous sommes d'accord sur l'importance du taux d'emploi.

Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas être l'un des pays européens qui travaillent le moins et revendiquer une baisse de la durée du travail - c'est pourtant ce que font certains groupes du courant que vous représentez...

Il me semble que nous partageons la même philosophie sur les investissements publics, notamment écologiques. D'abord, ils ne peuvent pas toujours être assurés par le secteur privé, au regard, notamment, du manque de maturité des technologies. Ensuite, la décarbonation ne présente pas d'intérêt à très court terme pour le marché. Votre remarque sur les batteries est donc juste. Cependant, la baisse des impôts de production permettra aux équipementiers et aux industries locales de continuer à investir. Il s'agit, selon moi, d'une bonne mesure.

Au fond, c'est une question d'échelle. Je suis d'accord avec vous : les investissements du public et du privé doivent augmenter en Europe. Je partage les recommandations des rapports que vous avez cités, notamment ceux de Mario Draghi et d'Enrico Letta. Comme vous, je souhaite que la France puisse investir davantage dans la transition écologique. Mais, si cela nous conduit à dégrader fortement notre déficit public, nous nous retrouverons à payer les intérêts de la dette tout en nous privant de toute capacité à investir.

Madame Renaud-Garabedian, je serai attentif aux recommandations de la secrétaire d'État chargée de la consommation sur le sujet que vous évoquez.

Monsieur Tissot, le Gouvernement apporte son soutien aux personnes touchées par les événements climatiques dans votre département. Vous soulignez à raison que ces aléas sont, précisément, de moins en moins aléatoires. Nous devons donc renforcer la prévention, comme l'a souligné le Premier ministre, qui souhaite réorienter le fonds Barnier en ce sens. Le régime des catastrophes naturelles doit aussi évoluer, tout en restant soutenable pour les assureurs. Le « tout public » ne me semble pas la solution adéquate. Le Premier ministre souhaite poursuivre les travaux en la matière.

Mes services vous apporteront une réponse par écrit sur l'évolution du seuil.

M. Bernard Buis. - Le service national universel (SNU) lancé en 2019 n'a malheureusement pas fait ses preuves. Très coûteux, il ne touche qu'une petite partie d'une tranche d'âge - on parle de moins de 50 000 jeunes. Au regard de la situation des finances publiques actuelles, ne doit-on pas supprimer ou, à tout le moins, réinventer le modèle du SNU, outil dont les dimensions sociales et républicaines pourraient se révéler utiles à la jeunesse de notre pays ?

D'après le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, dont vous étiez rapporteur, il faut mettre en cohérence, via Réseau de transport d'électricité (RTE) et d'autres organismes publics, nos ambitions climatiques, industrielles et énergétiques sur une échelle de temps compatible sur plusieurs décennies. Afin d'accélérer le verdissement du tissu industriel français, un dispositif de subvention des projets de décarbonation de l'industrie, ciblé sur les cinquante sites industriels les plus émetteurs, a été annoncé dans le projet de loi de finances pour 2025. Pourriez-vous en préciser les modalités ?

M. Olivier Rietmann- Dans la compétition internationale, la France bénéficie d'un escadron important, constitué par nos ETI. Celles-ci représentent notamment une force de frappe en matière de commerce extérieur indispensable, même si l'on peut regretter que nos voisins en aient davantage : il y en a 20 000 en Allemagne, contre 6 200 en France. Pourtant, en 1980, leur nombre était égal dans les deux pays.

52 % des ETI sont détenues majoritairement par des actionnaires familiaux, et 70 % le sont minoritairement. Ces ETI étaient donc, à l'origine, des PME - cette croissance prend, en général, une vingtaine d'années.

La transmission d'entreprise est fortement facilitée par le pacte Dutreil. Dans un rapport de septembre 2024, la Cour des comptes estime qu'il ne faut plus toucher aux moyens de mutation à titre gratuit sans une étude d'impact chiffrée - c'est ce que j'appelle le « test PME ».

Entendez-vous sanctuariser le pacte Dutreil, comme le préconise le rapport d'information de la délégation aux entreprises du Sénat sur la transmission d'entreprise de 2022 ? Et, si une évolution semblait nécessaire, vous engagez-vous à modifier le dispositif de transmission d'entreprise à l'appui, seulement, d'un véritable « test PME » ?

M. Frédéric Buval. - La Martinique fait face à une hausse continue du coût de la vie. Les prix à la consommation sont supérieurs de 14 % à ceux de la France métropolitaine, et de 40 % pour les produits alimentaires. Dans le même temps, la pauvreté touche 27 % de la population, contre 15 % dans l'Hexagone.

Cette situation a, depuis septembre, occasionné des mobilisations massives et parfois violentes, causant d'importants dégâts, dont les premières évaluations, selon la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Martinique, sont de l'ordre de 100 millions d'euros.

Fort heureusement, un accord a été signé à la mi-octobre à la suite des réunions de concertation menées par le président du conseil exécutif de la Martinique, Serge Letchimy, sous l'égide du préfet et avec tous les acteurs concernés, afin de baisser de 20 % en moyenne les prix alimentaires en Martinique dès le 1er janvier 2025. C'est une avancée notable pour revenir à une solution plus viable pour les habitants. Sa réussite passera par le respect des engagements pris par l'État dans le cadre du protocole d'accord. Je pense notamment à l'exonération totale de la TVA sur près de 6 000 produits de consommation courante, mais aussi à la participation de l'État, au titre de la continuité territoriale, à un fonds de compensation d'une partie des frais d'approche et de transport. Je rappelle qu'un dispositif équivalent, chiffré à près de 200 millions d'euros, existe déjà pour le transport des marchandises et des personnes en Corse.

Les mesures annoncées pour la Martinique trouveront-elles une traduction concrète dans le prochain budget de l'État ?

Enfin, je profite de cette audition pour vous faire part d'une demande supplémentaire d'aides portée par les entreprises de la Martinique pour soutenir la reconstruction du tissu économique du territoire, comme cela a été accordé en Nouvelle-Calédonie à la suite des émeutes.

M. Antoine Armand, ministre. - La porte-parole du Gouvernement a rappelé que les conditions fiscales et budgétaires ne permettaient pas de poursuivre la généralisation du SNU telle qu'elle était prévue. Néanmoins, nous souhaitons préserver ce dispositif, qui donne actuellement satisfaction à 50 000 jeunes chaque année dans de nombreux territoires.

La décarbonation des cinquante sites les plus émetteurs suit une logique de coût d'abattement de la tonne de carbone : dans un contexte de raréfaction de la ressource publique, il importe de se concentrer sur les sites les plus émetteurs pour maximiser l'impact de décarbonation. Aussi, je prêterai une attention particulière aux propositions des parlementaires pour soutenir cette décarbonation.

Monsieur Rietmann, je vous rejoins sur l'importance de la transmission des entreprises et sur notre capacité à soutenir leur croissance. Le principe du pacte Dutreil ne sera pas modifié par ce projet de loi de finances. Les réformes ambitieuses qui devront, à terme, être menées sur ce dispositif s'appuieront sur les nombreux rapports dont nous disposons.

Je suis bien entendu favorable au « test PME » que vous évoquez. J'ignore si cela devra figurer dans la loi, et si des décrets seront nécessaires. Il importe avant tout que la déclinaison opérationnelle de ce test ne soit pas source de davantage de complexité ! Un bon moyen d'y parvenir est sans doute d'y associer étroitement les représentants des TPE et des PME. Ils sauront nous indiquer quelles sont les normes les plus problématiques à interpréter dans leur quotidien.

Monsieur Buval, les divers engagements de l'État que vous avez évoqués résultent d'amendements au projet de loi de finances. Nous comptons bien les voir aboutir, car nous sommes conscients de la situation difficile que traverse la Martinique, où le niveau de vie médian est déjà bien inférieur à celui de l'Hexagone. Votre dernière remarque m'est apparue comme un appel à davantage d'équité : vous pouvez compter sur mes services pour y répondre.

M. Serge Mérillou. - Votre long exposé préliminaire sur la dérive des finances publiques semble avoir pour conclusion le proverbe suivant : « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ! » Le parti auquel vous appartenez est au Gouvernement depuis sept ans et, aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation quasiment inexplicable, avec un déficit public de plus de 6 % !

Le Premier ministre a indiqué que le PLF pour 2025 ne se ferait pas sans les collectivités ni contre ces dernières. Or, d'emblée, on nous annonce un prélèvement de 1,5 milliard d'euros sur le fonds vert. Cette énorme diminution empêchera les collectivités de réaliser les investissements nécessaires à lutter contre le changement climatique.

Vous chiffrez le prélèvement sur les collectivités à 5 milliards d'euros. Selon mes calculs, qui prennent en compte l'augmentation du taux de cotisation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et les évolutions de la TVA, il serait plutôt égal à 10 milliards d'euros...

Le budget du conseil départemental de la Dordogne sera amputé de 10 millions d'euros ; celui de la ville de Périgueux, de 1,8 million d'euros. Après avoir privé les collectivités locales de la possibilité de prélever l'impôt, vous les avez mises à nu, et vous supprimez désormais leurs recettes.

J'espère que les amendements du Sénat permettront d'améliorer ce budget, qui pénalisera fortement les collectivités et les empêchera de faire faire face à leurs engagements, notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

M. Franck Montaugé. - Dans votre propos introductif, vous avez dressé une critique féroce des politiques menées depuis 2017 par les gouvernements précédents - politiques voulues et impulsées par le Président de la République lui-même, et que le Sénat a, unanimement, interrogées, voire remises en cause. Ces politiques ont plongé notre nation dans une très grande difficulté.

Au-delà du retour à l'orthodoxie budgétaire que vous souhaitez mettre en oeuvre, quelles orientations antérieures concernant l'industrie et plus généralement l'économie devrions-nous remettre en question ? La politique de l'offre, par exemple, est-elle terminée, ou envisagez-vous de la faire évoluer ? Quelles sont vos pistes pour une croissance qui allie compétitivité économique et engagement dans les transitions écologique, climatique et énergétique qui s'imposent à la France ?

M. Rémi Cardon. - Quel avenir entendez-vous donner au programme Territoires d'industrie, qui a été totalement amputé de son budget ? Ce dispositif devait permettre le maintien et la pérennisation des emplois dans les territoires concernés.

Deux exemples me paraissent assez révélateurs de ces enjeux dans mon département.

Premièrement, alors que votre prédécesseur s'était rendu dans une usine de Feuquières-en-Vimeu pour annoncer un plan d'action visant à produire 1 million de pompes à chaleur d'ici à 2027, l'usine Watts, qui fabriquait des composants de pompes à chaleur à Hautvillers-Ouville, commune de 500 habitants, est menacée de fermeture.

Deuxièmement, Valeo, sur son site d'Amiens, annonce chaque année la suppression de plusieurs dizaines d'emplois, laissant les salariés dans la plus grande incertitude.

Je vous demande donc de recevoir à Bercy les responsables syndicaux afin de mettre en oeuvre les trois mots clés annoncés par le Premier ministre - écoute, dialogue et respect. À l'échelon local, cet espace de dialogue doit se développer au sein des comités préfectoraux.

M. Henri Cabanel. - Votre tâche n'est pas facile, mais je suis un peu dubitatif sur la méthode. Comme mon collègue Franck Montaugé, j'ai du mal à comprendre vos véritables orientations. Vous comprendrez sans doute notre méfiance ! Il y a un an, nous écoutions un ministre présenter avec une grande certitude son budget et ses prévisions de croissance. Patatras ! Deux mois et demi plus tard, il fallait réaliser 10 milliards d'euros d'économies, puis 10 milliards de plus.

Ce matin, lors de la séance de questions orales, j'ai interrogé Mme Gatel sur le plan Destination France, qui concerne le tourisme nautique. À grands coups de communication, vos prédécesseurs avaient annoncé un budget de 20 millions d'euros. La ministre m'a répondu que les conventions de financement étaient en cours de discussion à Bercy. Qu'en est-il ?

Les entreprises entretiennent une forme de défiance envers le Gouvernement, en raison notamment d'un manque de lisibilité. La filière avait participé à la co-construction de ce plan, avec vos services. Elle est désormais dans l'attente de l'arbitrage de Bercy. Or, sur certains ports de plaisance, les subventions atteignent 1 million d'euros...

Les engagements pris l'année dernière par le précédent gouvernement seront-ils tenus ?

M. Daniel Gremillet. - Nous avons choisi de ne pas aborder la question de l'Arenh lors de l'examen de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, en jugeant que le budget serait l'occasion de traiter ce sujet.

J'entends que l'enjeu est de revenir à la fiscalité qui prévalait avant la crise sanitaire. Toutefois, la question de l'Arenh et du prix de l'énergie est stratégique pour la compétitivité de nos entreprises. Je crains que nous ne passions, par manque de temps, à côté d'un débat pourtant essentiel.

Par ailleurs, je veux vous alerter sur la fragilité du secteur automobile, notamment des sous-traitants. Autrefois championne mondiale du moteur thermique, la France est désormais à la traîne dans la production de moteurs électriques. Je ne dis pas qu'il faut tout remettre en cause, mais n'oublions pas que 85 % des Français ont besoin d'un véhicule pour se déplacer ! Or nous allons tout droit vers une fracture de la mobilité, et le malus prévu dans le budget pour 2025 marquera une véritable rupture avec l'immense majorité des Français qui utilisent quotidiennement leur voiture.

M. Antoine Armand, ministre. - Je m'excuse d'avance pour la concision des réponses que je vais apporter à cette dernière série de questions. Des compléments pourront vous être adressés ultérieurement par écrit.

Monsieur Mérillou, je ne crois pas que la situation soit inexplicable. Les diagnostics peuvent diverger, mais j'ai cité plusieurs facteurs relatifs, notamment, à la croissance et à l'emploi. Ne caricaturons pas notre situation. Entre 2019 et 2024, la croissance moyenne de la France atteint 3 %, quand celle de l'Allemagne est nulle ! Même si la comparaison a des limites, cette différence mérite d'être soulignée.

Malgré nos divergences sur la question des prélèvements, je fais preuve d'une très grande vigilance sur la situation des départements, qui subissent un effet ciseau. Je travaille avec Catherine Vautrin pour leur présenter les solutions les plus adaptées.

Monsieur Montaugé, entre 1990 et 2016, la France a perdu plus de 2 millions d'emplois industriels nets. Or, depuis 2016, on constate une création nette d'emplois industriels. Vous ne pouvez donc pas dire que l'on ne crée pas d'industrie.

En tant que ministre de l'industrie, je souhaiterais que les crédits du programme Territoires d'industrie augmentent ; mais, en tant que ministre des finances, je suis conscient de la forte contrainte budgétaire que subit mon ministère. La principale préoccupation est celle de l'offre et de la demande. Vous avez abordé la question de la stratégie énergétique et des pompes à chaleur. C'est la raison pour laquelle les crédits sur la rénovation énergétique, notamment pour les particuliers, sont maintenus.

Monsieur Cabanel, les prévisions de croissance pour 2024 devraient se révéler justes, même si ce n'est pas le cas des prévisions de déficit.

Bien entendu, nous devons respecter nos engagements concernant le plan Destination France. Des amendements au projet de loi de finances seront proposés en ce sens.

Monsieur Gremillet, concernant l'automobile, je réunirai un comité stratégique de filière afin d'améliorer les relations contractuelles entre les fournisseurs et les équipementiers, notamment dans un contexte où la réglementation Corporate Average Fuel Economy (Cafe) et le ralentissement conjoncturel pourraient faire émerger de nouvelles difficultés.

Enfin, je me tiendrai à la disposition du Parlement pour revenir sur l'Arenh et ses impacts sur l'industrie qui, je le sais, vous tiennent à coeur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Monsieur le ministre, nous vous remercions pour vos réponses.

Examen en commission
(Mercredi 27 novembre 2024)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis sur la mission « Économie » de nos collègues Christian Redon-Sarrazy, Anne-Catherine Loisier et Sylviane Noël.

M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis. - En cette période de disette budgétaire, je ne vous surprendrai pas en vous annonçant que les crédits de la mission « Économie » sont en baisse, ni en vous disant que les crédits de politique industrielle baissent. Ils baissent même drastiquement : hors compensation carbone, ils baissent d'environ 40 %. Sans faire la litanie des réductions d'enveloppes, je voudrais souligner deux points qui me semblent particulièrement problématiques.

Le premier, c'est, pour ce programme comme pour d'autres, la logique de suppression au rabot, qui échoue à adapter la politique industrielle au retournement de cycle auquel l'industrie est confrontée et va continuer d'être confrontée dans les mois à venir, et qui échoue aussi à donner la priorité aux dépenses d'avenir pour l'industrie.

Je suis particulièrement inquiet, par exemple, de la suppression de la ligne d'accompagnement à la restructuration et à la résilience des petites et moyennes entreprises (PME), qui finance des missions d'appui et de conseil pour les petites entreprises en difficulté, pour un total en 2024 d'un demi-million d'euros : les services de la direction générale des entreprises (DGE) ne disposent pas des moyens humains nécessaires pour assurer ces missions - d'autant que leurs effectifs vont devoir baisser -, et il est complètement irréaliste de penser que des entreprises déjà en difficulté disposent de la trésorerie suffisante pour les financer. Or depuis sa création, ce dispositif a permis de maintenir à flot plus de 1 000 PME, sauvant des dizaines de milliers d'emplois. Alors que les défaillances d'entreprises se multiplient (+ 20 % sur un an !) et qu'elles commencent à se propager à tous les secteurs de l'industrie, ces économies de bout de chandelle ne s'avéreront-elles pas in fine contre-productives ?

Je m'interroge également sur la suppression des dispositifs d'accompagnement non financier des entreprises par Bpifrance, dont les études scientifiques montrent que l'impact est très positif - plus important, à montant égal, que les aides financières. Est-ce à Bpifrance d'assurer de telles missions ? Les chambres de commerce et d'industrie, par exemple, se disent aussi prêtes à les assumer, et elles le font déjà en partie. Mais sans financements supplémentaires, en auront-elles les moyens ? Je rappelle qu'il y a également des inquiétudes sur leur financement.

Le deuxième point - que nous soulevons régulièrement au sein de cette commission, et qui se vérifie encore une fois, malheureusement, dans l'architecture de ce budget -, c'est la forme de mépris ou, au mieux, d'indifférence pour ce que je qualifierais de « petite » industrie, pour l'industrie « normale », celle qui n'est ni spécialement verte, ni spécialement innovante, et qui ne représente pas d'enjeu de souveraineté, mais qui crée de l'activité et de l'emploi dans les territoires, anime des pôles urbains, revitalise des zones rurales, et qui sera encore, dans les années à venir, le principal gisement de réindustrialisation de notre pays, puisqu'on estime que l'industrie déjà implantée en France représente 70 % des capacités de réindustrialisation.

Alors que le plan France 2030 est encore doté cette année de près de 6 milliards d'euros, les crédits de politique industrielle de la mission « Économie », hors compensation carbone, dépassent péniblement les quelques dizaines de millions d'euros (il est même impossible de donner un chiffre précis, car un certain nombre de lignes budgétaires, comme celles de Business France, ou les crédits de fonctionnement de la DGE, ont des objets plus larges que le seul soutien à l'industrie).

Permettez-moi de sortir un instant de la mission « Économie » pour évoquer le sort du programme « Territoires d'industrie », financé sur la mission « Cohésion des territoires », via les crédits de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) et du Fonds vert. L'enveloppe de 100 millions d'euros pour territoires d'industrie en transition écologique, ouverte dans la loi de finances initiale pour 2024, a été réduite en cours d'année à 63 millions d'euros, ce qui a contraint à annuler le lancement de nouvelles missions « Rebond », dans des territoires confrontés à des restructurations industrielles, au moment même où l'industrie est à nouveau fragilisée par la conjoncture. La réduction de l'enveloppe globale du Fonds vert pour 2025 laisse présager un nouveau repli des crédits dédiés au programme.

De même, l'État souhaite se désengager dès 2025 du financement des pôles de compétitivité, alors qu'un financement de 9 millions d'euros par an jusqu'en 2026 avait été convenu au moment du lancement de la phase V du programme. La suppression de cette part étatique, qui représente en moyenne un tiers de leur financement public, condamnerait un bon nombre de ces pôles qui maillent l'ensemble de nos territoires et qui permettent à nos entreprises, y compris aux plus petites d'entre elles, d'être « embarquées » dans l'innovation, dans une logique de territoires d'excellence. Comme nombre d'entre vous, j'ai été alerté non seulement par les acteurs économiques, par les régions, qui ne souhaitent pas que l'État se désengage et qui n'ont pas les moyens de prendre le relais, mais aussi par le monde académique, qui s'inquiète des impacts sur les infrastructures de recherche. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement de rétablissement de cette enveloppe de 9 millions d'euros. Cela ne représente que 0,2 % des crédits de la mission, pour un bénéfice considérable.

Je voudrais enfin évoquer la difficile et néanmoins nécessaire conciliation des impératifs de décarbonation et de compétitivité. Alors que Bercy évalue à 50 à 70 milliards d'euros les investissements et surcoûts nécessaires pour décarboner l'industrie française d'ici à 2030, la nouvelle ligne dédiée, créée dans le programme 134, n'est abondée qu'à hauteur de... 50 millions d'euros ! Après une intense campagne d'élus de tous bords, le Gouvernement a repris à son compte, à l'Assemblée nationale, un amendement de l'ancien ministre de l'industrie Roland Lescure visant à flécher vers cette ligne « Décarbonation de l'industrie » 1,55 milliard d'euros. Au moins a-t-on ici un cap. Mais il ne s'agirait que d'autorisations d'engagement, pour l'instant sans crédits de paiement. Selon la DGE, les décaissements devraient s'étaler sur une quinzaine d'années... Au vu des coupes claires faites dans le budget en 2024, quelle crédibilité peut avoir cette proposition, pour les industriels et les investisseurs ? J'espère que le Gouvernement, s'il redépose cet amendement au Sénat, sera en mesure de préciser ses intentions et les modalités de financement de cette mesure.

En face, la compensation carbone, dépassera, pour la deuxième année consécutive en 2025, le milliard d'euros. Il est clair que, dans le contexte actuel, la supprimer n'est pas une option ; cela reviendrait à condamner les industries électro-intensives soumises à une forte concurrence internationale. Mais il faudra bien se poser sérieusement le problème de soutenabilité budgétaire, car l'augmentation du coût de cette compensation carbone va mécaniquement se poursuivre à mesure qu'augmentent non seulement le prix du carbone, mais aussi le volume d'électricité consommée par les industriels. Or ce volume est appelé à croître considérablement, à mesure de l'abandon des énergies fossiles.

J'ai enfin été alerté, lors de mes auditions, sur l'urgence de régler la question du cadre « post-Arenh » (accès régulé à l'électricité nucléaire historique), notamment pour les électro-intensifs : la conclusion des contrats d'allocation de production nucléaire (CAPN), prévus dans l'accord de novembre 2023 entre l'État et EDF, est en cours. L'union des industries utilisatrices d'énergie (Uniden), le syndicat des énergo-intensifs, estime cette conclusion trop lente et les prix trop élevés. Nous sortons là du strict cadre de la mission, mais c'est un enjeu de compétitivité massif, et il faut absolument que l'État mette tout en oeuvre pour aboutir avec EDF sur ce sujet.

Voilà le bilan que je tire des crédits de politique industrielle. Mes réserves portent bien au-delà de la seule question budgétaire. C'est toutefois sur l'ensemble des crédits de la mission que notre commission va se prononcer.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - Dans le cadre de la mission « Économie », des changements significatifs relatifs aux crédits dédiés aux télécommunications, aux postes et à l'économie numérique sont à signaler.

Concernant le suivi du plan France Très Haut Débit, dans l'ensemble, c'est une politique qui fonctionne bien puisque la France fait partie des pays les plus fibrés de l'Union européenne. Au 30 juin 2024, 89 % des locaux étaient raccordables, soit 39,3 millions de locaux. Toutefois, il faut reconnaître que l'objectif de généralisation de la fibre optique jusqu'à l'abonné d'ici à la fin de l'année 2025 ne sera pas atteint, car l'effort à consentir représente tout de même plus de 5 millions de locaux.

Le plan France Très Haut Débit contribue largement à l'effort national de redressement des finances publiques, puisque les crédits qui lui sont alloués par le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 sont en baisse de 50 % pour atteindre 48 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et 248 millions d'euros en crédits de paiement (CP). À cette baisse, il faut ajouter l'annulation de 38 millions d'euros d'AE et de 117 millions d'euros de CP par le décret du 21 février 2024, ainsi que de probables annulations supplémentaires par le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Cette situation laisse présager une plus forte mise à contribution des opérateurs de télécommunications, des particuliers et des collectivités territoriales qui déploient des réseaux d'initiative publique (RIP).

Le plan France Très Haut Débit rencontre aujourd'hui cinq principaux obstacles.

D'abord, le ralentissement des déploiements, qui se poursuit dans les zones les plus denses et dans les zones d'appel à manifestation d'intérêt d'investissement (Amii) : il s'agit d'un ensemble de 3 600 communes pour lesquelles les opérateurs ont pris des engagements de déploiement juridiquement contraignants auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). C'est dans ce contexte que le Conseil d'État a validé, dans sa décision du 28 octobre 2024, la sanction de 26 millions d'euros prononcée l'an dernier par l'Arcep à l'encontre d'Orange pour non-respect de ses engagements de déploiement en zones Amii. Cette année, l'Arcep a également prononcé deux mises en demeure à l'encontre d'Orange et de XpFibre afin qu'ils respectent leurs engagements de déploiement.

Deuxièmement, la qualité des déploiements. Certes, les opérateurs ont fait des efforts indéniables, en poursuivant par exemple des plans ambitieux de reprise des réseaux accidentogènes dans le département de l'Essonne où plusieurs milliers de personnes ont été privées de connectivité en raison de réseaux vieillissants et mal conçus dès le départ. Mais beaucoup reste à faire, en particulier pour mieux encadrer le recours à la sous-traitance. C'est d'ailleurs l'objet de la proposition de loi que nous avions adoptée à l'unanimité l'an dernier et qui n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Troisièmement, et malheureusement, de très fortes inégalités territoriales persistent, le département de Mayotte étant aujourd'hui le seul département de France à ne pas disposer de la fibre optique. Cette année, le conseil départemental a octroyé sa délégation de service public à un opérateur, mais le PLF pour 2025 ne lui accorde presque aucun crédit. C'est d'autant plus problématique que l'enveloppe budgétaire allouée l'an dernier, à l'initiative de la commission des affaires économiques, a été considérablement réduite par le décret d'annulation de crédits du 21 février 2024. C'est pourquoi, en bonne coordination avec la commission des finances, je vous proposerai un amendement pour les rétablir.

Quatrièmement, la question du financement des raccordements complexes n'est toujours pas réglée. Ce sont les raccordements à une prise de fibre optique qui sont les plus difficiles à réaliser, soit parce qu'il n'y a pas d'infrastructures de génie civil, comme des fourreaux ou des câbles souterrains, soit parce qu'ils sont très coûteux pour les particuliers. Sur le domaine public, où les raccordements sont à la charge des opérateurs et des collectivités qui déploient des RIP, je ne peux que regretter la sous-consommation de l'enveloppe de 150 millions d'euros mise à disposition dans le cadre de l'appel à projets « Création d'infrastructures de génie civil », surtout que les besoins totaux sont estimés à 1,2 milliard d'euros au niveau national. Sur le domaine privé, où les raccordements sont à la charge des particuliers, je salue la mise à disposition, à titre expérimental, d'une enveloppe de 16 millions d'euros dédiée au financement des raccordements complexes pour les ménages les plus modestes résidant dans une commune concernée par la fermeture prochaine du réseau de cuivre, même si les modalités d'attribution de cette aide demeurent floues et que les besoins totaux ont été récemment estimés entre 640 millions et 1 milliard d'euros au niveau national.

Enfin, il ressort de mes travaux que plusieurs RIP pourraient se retrouver en difficultés financières dans les prochaines années, ce qui doit nécessiter notre plus grande vigilance afin d'éviter que des départements entiers accusent un retard trop important de connectivité.

Je souhaiterais désormais aborder avec vous la délicate question du financement des missions de service public de La Poste. Avant toute chose, n'oublions pas que les moyens mobilisés par l'État sont importants : plus d'un milliard d'euros par an.

Cette année, mes inquiétudes portent avant tout sur le financement de la mission de contribution à l'aménagement du territoire, comme nous avions pu collectivement en discuter lors de l'audition par notre commission de M. Philippe Wahl, président-directeur général de La Poste, le 30 octobre dernier.

Alors que le contrat de présence postale territoriale prévoit un financement jusqu'à 174 millions d'euros par an, la compensation budgétaire prévue par le PLF 2025 est insuffisante : elle se compose d'une compensation budgétaire de 105 millions d'euros et d'un abattement fiscal de l'ordre de 55 millions d'euros. Il y a donc un manque de 14 millions d'euros. Cette situation est particulièrement dommageable car elle est au détriment des commissions départementales de présence postale territoriale qui permettent aux élus locaux d'agir en matière postale. Ces derniers sont particulièrement inquiets, redoutant de nouvelles fermetures de bureaux de poste et de points de présence postale, alors que la proximité des services publics n'a jamais été aussi indispensable qu'aujourd'hui pour notre vivre-ensemble. C'est pourquoi l'Association des maires et des présidents d'intercommunalité de France (AMF) a adressé, le 13 novembre dernier, un courrier au Premier ministre lui demandant de respecter le plafond de financement de 174 millions d'euros. Dans tous les cas, je vous proposerai un amendement sur ce sujet, en ayant bon espoir que le Gouvernement lève le gage en séance publique.

Par ailleurs, j'ai relevé avec beaucoup d'attention la volonté du Gouvernement de revenir, dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, sur son annulation de 50 millions d'euros de crédits, dont l'annonce avait suscité une très vive émotion lors du dernier Congrès national des maires ruraux de France. Sur ce point aussi, nous devons exercer notre vigilance.

Dans le cadre de mes travaux, j'ai également été sensibilisée, et je sais que vous l'avez été aussi, à un autre motif de préoccupation des élus locaux : le financement des conseillers numériques France Services. Là encore, de très nombreuses associations d'élus et de collectivités ont manifesté leur désaccord avec le désengagement budgétaire de l'État amorcé par le PLF pour 2025.

Aujourd'hui, près de 4 000 conseillers numériques sont déployés sur l'ensemble du territoire, notamment dans les communes, les centres communaux d'action sociale, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les départements et les maisons France Services. Depuis 2021, il est estimé que 2 millions de personnes ont pu bénéficier de leur accompagnement. Selon l'évaluation réalisée par l'ANCT en juin 2024, ce sont en majorité des personnes isolées et des personnes âgées qui sollicitent un accompagnement individuel pour être aidées dans l'utilisation d'un outil numérique, être rassurées, obtenir des informations ou réaliser des démarches administratives et courantes sur Internet. En tout état de cause, ce dispositif a trouvé son utilité opérationnelle dans nos territoires : nous devrions donc le conserver.

Initialement financé par le plan de relance, ce dispositif est, depuis l'an dernier, financé sur le budget général de l'État. Dans le PLF pour 2025, les crédits qui lui sont dédiés sont en baisse de 33 % par rapport à l'an dernier, passant de 41,8 millions d'euros à 27,9 millions d'euros. Il est en effet prévu un transfert de charge progressif sur le budget des collectivités territoriales ce qui pourrait conduire au non-renouvellement d'environ 2 500 contrats. En effet, la délicate situation budgétaire des collectivités, en particulier des départements, ne leur permet pas d'assumer dans la durée une politique publique qui, par ailleurs, devrait être d'envergure étatique. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à stabiliser le financement des conseillers numériques France Services.

Enfin, sur un tout autre sujet, je souhaite également vous alerter sur la nécessité de renforcer les moyens de nos autorités de régulation, en particulier pour assurer la bonne application de la loi visant à sécuriser et à réguler l'économie numérique. Sur ce sujet, la stagnation du budget de l'Autorité de la concurrence (ADLC) depuis plusieurs années ne lui permet pas d'exercer pleinement les nouvelles compétences qui lui sont attribuées par la loi. C'est pourquoi je vous proposerai également un amendement à ce sujet, a minima pour alerter sur sa situation. Au sein de notre commission, je sais que nous sommes plusieurs à être sensibles à cette question et nous avons, par le passé, voté des amendements de renforcement des moyens de l'Arcep et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Voilà donc, mes chers collègues, les points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Je reste bien entendu à votre disposition pour répondre à vos interrogations et vous propose, sous réserve de l'adoption de mes différents amendements, d'adopter les crédits de la mission « Économie » relatifs aux postes, aux télécommunications et au numérique.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis. - Les crédits des volets « Consommation », « Commerce », « Artisanat », « Tourisme » ne font pas exception : ils sont en baisse.

Seuls les crédits dédiés à la DGCCRF affichent une hausse, d'un peu moins de 2 %.

Plus de 90 % de ces crédits sont des dépenses de personnel du réseau central et déconcentré de la DGCCRF. Depuis plusieurs années, notre commission exprime ses préoccupations concernant l'adéquation des effectifs de la DGCCRF à l'extension du champ de ses compétences consécutif aux lois sur l'influence commerciale, sur Égalim ou sur la régulation du numérique. L'an dernier, nous nous félicitions que son plafond d'emplois soit en hausse, après une réduction de 250 équivalents temps plein (ETP) entre 2017 et 2022. En 2025, compte tenu du contexte budgétaire, la DGCCRF verra son plafond d'emplois baisser de 2 ETP. C'est une baisse contenue, qui ne l'empêchera pas de mener ses contrôles sur les axes stratégiques identifiés pour 2025, notamment la transition écologique, la transition numérique et le pouvoir d'achat et la formation des prix.

Les dépenses de fonctionnement, qui représentent moins de 10 % des crédits de la DGCCRF, sont en hausse de plus de 100 %. Ce n'est qu'une hausse faciale : elle est due à une dépense exceptionnelle, celle du déménagement de l'école nationale de formation des agents. À périmètre constant, si on isole cette opération exceptionnelle, les dépenses sont plutôt en baisse, de l'ordre de - 3 % en AE et de - 11 % en CP.

Enfin, au niveau des subventions versées au mouvement de soutien et de défense des consommateurs, nous observons également une hausse, de 16 %. Elle s'explique par la subvention exceptionnelle versée à l'Institut national de la consommation (INC), qui édite le magazine 60 millions de consommateurs. Il est en effet dans une situation financière préoccupante. Le magazine a manqué le virage du numérique et voit son nombre d'abonnés et de tirages se réduire de manière continue : en 2024, il compte 75 000 abonnés et 20 000 tirages papier. Le gouvernement précédent avait annoncé un « plan rebond » en juin dernier, avec un soutien financier massif : le soutien financier atteindrait 3,2 millions d'euros en 2025, contre seulement 600 000 euros en 2024. Ce quintuplement de la subvention de l'INC est contrebalancé budgétairement par la quasi-extinction des subventions aux associations de consommateurs. Certes, depuis 2022, notre commission recommande de rationaliser le soutien public au mouvement de défense du consommateur - recommandation qui ne peut qu'être réitérée dans le contexte budgétaire actuel. Cependant, en l'état, le coup de rabot serait très violent. Il pourrait avoir des impacts importants sur le maillage territorial de ces associations. Le nouveau gouvernement a le projet d'adosser le magazine 60 millions de consommateurs à un acteur privé, afin de réduire son besoin en subventions publiques et d'en redistribuer le reliquat aux associations de consommateurs. C'est à mon sens une solution plus raisonnable, qui a été présentée au conseil d'administration le 21 novembre dernier. Cela permettra de moderniser le titre et de diversifier les revenus du magazine, qui est en déficit persistant depuis sept ans et dont la trésorerie est quasiment épuisée.

Je passe maintenant à l'artisanat. L'an dernier, la commission se félicitait du lancement de la stratégie nationale des métiers d'art, pour laquelle 3,4 millions d'euros de crédits étaient prévus. Cette stratégie ne fait l'objet d'aucun crédit inscrit au PLF pour 2025. Parmi les mesures qui ne sont pas reconduites, je souhaite attirer votre attention sur le label « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV). Il serait tout bonnement supprimé alors qu'il est la vitrine de l'excellence et des savoir-faire des artisans français à l'international. Il est actuellement géré par voie de marché public : or la rupture du marché public exposerait l'État au versement d'indemnités au délégataire et au remboursement des redevances versées par les entreprises pour l'instruction de leur dossier. Le montant de ces indemnités et remboursements serait supérieur à celui des crédits nécessaires à la préservation du label ! Le besoin n'est d'ailleurs pas énorme : on ne parle que de 1,5 million d'euros ! Je vous propose donc un amendement visant à augmenter de 1,3 million d'euros les dépenses dédiées à la gestion du label EPV, afin d'atteindre le montant de 1,5 million d'euros, nécessaire à la continuité de l'action de labellisation.

Quant au commerce, l'an dernier, la commission avait salué la création du fonds territorial d'accessibilité, doté de 300 millions d'euros d'ici 2028, afin de cofinancer les travaux de mise en accessibilité des petits commerces. Malgré la communication autour du dispositif, seules 639 demandes non frauduleuses ont été déposées en 2024. Ce faible taux de recours justifie donc la suppression des crédits de ce fonds. Outre un déficit de communication, son échec peut s'expliquer par une faible mobilisation des commerçants et entrepreneurs autour de l'accessibilité - les objectifs n'étant pas assortis de sanction - et par un reste à charge important, qui s'élève à 50 %.

Enfin, je dirai un mot d'Atout France. En 2025, Atout France verra ses subventions pour charge de service public se réduire de plus de 13 % en 2025. Cette réduction intervient concomitamment à l'annonce d'une fusion avec Business France, dont les contours ne sont pas encore connus. Bien sûr, le rapprochement de ces deux opérateurs aux compétences proches est propice à une rationalisation budgétaire. Je le salue donc mais il me semble nécessaire de souligner que les missions d'Atout France ont montré leur importance lors de la mise en oeuvre du plan Destination France. J'invite donc le Gouvernement à nous en dire davantage sur les contours de cette fusion ainsi que sur le devenir de la politique publique de promotion du tourisme en France, le plan Destination France arrivant à échéance fin 2024.

Voilà, mes chers collègues, les principales conclusions de mes auditions.

M. Jean-Jacques Michau. -En l'état, l'économie sociale et solidaire verrait ses crédits diminuer de 25 %. Or ce secteur innovant apporte souvent des solutions, comme en a témoigné le 23 octobre dernier devant notre commission le directeur général de Duralex.

Notre groupe déposera donc un amendement pour rétablir ces crédits à leur niveau de l'an dernier, conformément d'ailleurs au souhait de la ministre déléguée chargée de l'économie sociale et solidaire, de l'intéressement et de la participation.

Mme Antoinette Guhl. - Les crédits baissent, mais de manière façon différenciée suivant les sujets. Je voudrais en évoquer quelques-uns.

Concernant le volet « Décarbonation de l'industrie », les besoins en la matière sont chiffrés par France Stratégie à 9 à 19 milliards d'euros d'argent public par an. L'enveloppe actuellement prévue dans le budget se monte à seulement 50 millions d'euros, montant qu'on pourrait qualifier de ridicule. Le Gouvernement semble cependant avoir pris conscience des enjeux, puisqu'il a repris un amendement déposé à l'Assemblée nationale par l'ancien ministre Roland Lescure, l'abondant à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Mais il ne s'agirait que d'autorisations d'engagement, pour des décaissements étalés sur quinze ans... Au vu des besoins, cela ne pourra même pas constituer l'amorce d'une politique de décarbonation de notre industrie !

S'agissant du dispositif de financement de la compensation carbone, qui s'élève à un peu plus d'un milliard d'euros, il faut le réexaminer. S'il faut aider nos entreprises très consommatrices d'électricité à financer le coût des quotas carbone incorporé dans le prix de l'électricité, on peut néanmoins s'interroger sur les contreparties demandées en échange de cette aide et en faire un suivi attentif.

Par ailleurs, le crédit d'impôt pour l'industrie verte nous convient.

Quant à la diminution des crédits destinés à l'économie sociale et solidaire, c'est une honte ! 20 millions d'euros pour 12 % des salariés du secteur privé en France, ce n'est pas sérieux !

Nous soutiendrons la hausse des effectifs de la DGCCRF. Les nouvelles missions qui lui sont confiées appellent des moyens supplémentaires. Nous l'avons bien vu lors de l'affaire Nestlé Waters. Nous déposerons un amendement en ce sens.

Pour résumer les orientations données à cette mission, on pourrait dire que faire et défaire, c'est toujours travailler. Citons à cet égard les exemples des métiers d'art, du programme « quartiers 2030 », du fonds territorial d'accessibilité ou encore du plan France Très Haut Débit ; les crédits baissent alors que des actions ont commencé d'être mises en oeuvre. Ce n'est pas sérieux.

Mme Marianne Margaté. - Je partage la colère d'Antoinette Guhl sur la baisse des crédits de la mission.

Qu'en est-il pour La Poste ? Le dégel de crédits prévu a-t-il été confirmé ? Le Gouvernement est-il bien revenu, comme il s'y était engagé, sur cette annulation de 50 millions d'euros ? Plus généralement, on constate dans le budget un manque de ressources pour financer la mission de contribution à l'aménagement du territoire, dont l'Arcep avait déjà eu l'occasion de dire en 2022 que les besoins étaient largement sous-estimés. Or les missions de service public exercées par La Poste, par exemple en matière d'accessibilité bancaire, sont essentielles, en particulier dans les territoires les plus fragiles.

M. Fabien Gay. - Je tiens à insister sur La Poste. On ne peut pas à la fois défendre le service postal et diminuer les crédits qui lui sont alloués. Ceux qui votent des budgets en baisse doivent assumer les fermetures de bureaux de poste comme ils doivent, dans un autre domaine, assumer la réduction du nombre d'enseignants.

Il me paraît par ailleurs inopportun, dans un monde marqué par des arnaques ou des démarchages téléphoniques en tout genre, de couper dans les crédits destinés aux associations de consommateurs. Celles-ci n'auront plus les moyens de tenir des permanences.

J'exprime ma totale opposition à la vente à un groupe privé du magazine 60 millions de consommateurs. Le journal serait alors perméable aux pressions financières et ne pourrait plus remplir sa mission actuelle, qui est quasiment une mission de service public. J'apporte mon soutien à ses 54 salariés.

M. Franck Montaugé. - De façon générale, je regrette l'indigence des études d'impact figurant dans ce projet de loi de finances. Les inflexions budgétaires qu'il prévoit auront forcément des conséquences, économiques, sociales et environnementales qui ne sont pas évaluées.

C'est notamment pour cette raison que notre groupe se prononcera contre les crédits de cette mission.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - Concernant La Poste, il convient d'abord de s'assurer de la bonne application du contrat de présence postale territoriale en cours. Pour le rattrapage prévu des 50 millions d'euros qui avaient été annulés, il devra être confirmé mardi 3 décembre 2024 par la commission mixte paritaire chargée d'examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.

M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis. - Plus d'une centaine de sites ont été identifiés pour la décarbonation, ce qui nécessite en effet des moyens.

Si la compensation carbone doit en effet être évaluée, les négociations sur une évaluation du cadre devront être portées au niveau européen. Je rappelle que les entreprises bénéficiaires sont uniquement celles soumises à une forte concurrence internationale : veillons toutefois à ne pas trop fragiliser ces entreprises, qui pourraient à terme se voir remplacées par leurs concurrents étrangers, moins vertueux en la matière d'émissions de gaz à effet de serre.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis. - La cession de 60 millions de consommateurs, si nous la déplorons, pourrait toutefois permettre de dégager, à moyens constants, des crédits pour les associations de consommateurs.

M. Daniel Fargeot. - Pour mémoire, la loi fixe à La Poste l'obligation de maintenir, sur tout le territoire, 17 000 points de contact. Tout ne se résume pas à des questions budgétaires.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en venons à l'examen des six amendements proposés par nos rapporteurs pour avis.

M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis. - Je vous propose un amendement pour restaurer la part de l'État, à hauteur de 9 millions d'euros en AE et en CP, dans le financement des pôles de compétitivité. À défaut, ces pôles péricliteront.

L'amendement n°  II-308 est adopté à l'unanimité.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. - Je vous propose d'abonder les crédits de l'ADLC, même si je crains que la commission des finances n'émette à ce sujet un avis défavorable. En ce sens, il s'agit aussi d'un amendement d'appel.

L'amendement n°  II-309 est adopté à l'unanimité.

Par cet amendement, je vous propose de rétablir, à l'euro près, les crédits accordés dans la loi de finances pour 2024 au dispositif des conseillers numériques de France Services.

L'amendement n°  II-310 est adopté à l'unanimité.

Cet amendement vise à abonder de 14 millions d'euros en AE et en CP les crédits destinés à La Poste, de façon à permettre le respect de la trajectoire tracée par le contrat de présence postale territoriale.

L'amendement n°  II-311 est adopté à l'unanimité.

Cet amendement est destiné à corriger une inégalité territoriale, en allouant au réseau d'initiative publique (RIP) du département de Mayotte les moyens de financer le raccordement de ce territoire à la fibre optique.

L'amendement n°  II-312 est adopté à l'unanimité.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis. - L'amendement que je vous soumets a pour objet de préserver le label EPV, menacé de disparition si ses crédits restaient en l'état.

L'amendement n°  II-313 est adopté à l'unanimité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

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