TRAVAUX EN COMMISSION
Mmes Agnès
Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique,
de
l'énergie, du climat et de la prévention des risques,
et Olga
Givernet, ministre déléguée chargée de
l'énergie
(Mercredi 13 novembre 2024)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mmes Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, et Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l'énergie, pour échanger sur les crédits dédiés à l'énergie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Mesdames les ministres, avant de vous donner la parole pour nous présenter le projet de budget, je souhaite vous interroger sur la riche actualité législative et réglementaire du secteur de l'énergie.
Après des années d'incertitude, la programmation énergétique est de nouveau à l'agenda. Dans sa déclaration de politique générale du 1er octobre dernier, le Premier ministre, Michel Barnier, a annoncé la reprise immédiate des travaux de planification, de même que la relance de l'énergie nucléaire. Lors de votre conférence de presse du 4 novembre dernier, vous avez soumis à concertation la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Ce sont de bonnes nouvelles, de réelles avancées, dont nous vous félicitons.
Vous le savez, notre commission a plaidé de façon constante non seulement pour actualiser notre programmation énergétique, mais aussi pour légiférer sur le sujet. C'est elle qui a fixé le principe d'une loi quinquennale sur l'énergie, lors du vote de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat. C'est également elle qui a fait adopter une proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, le 16 octobre dernier.
Légiférer est une obligation légale, car l'article L. 100-1-A du code de l'énergie dispose qu'une loi de programmation prévaut sur la PPE et la SNBC. C'est aussi une nécessité économique, la filière du nucléaire ayant besoin d'une assise législative et d'une légitimité politique pour mettre sa relance à l'abri des accroches contentieuses et des soubresauts politiques.
Nous connaissons votre engagement fort en la matière. Madame Pannier-Runacher, vous avez présenté le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique au mois de décembre 2023, dont le titre Ier était consacré à la programmation énergétique, mais ce texte n'a malheureusement pas survécu au remaniement gouvernemental de janvier 2024. Madame Givernet, vous avez soutenu notre proposition de loi de programmation, en coconstruisant une quinzaine d'amendements avec son auteur, Daniel Gremillet, et les rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet, et en levant le gage financier en séance publique. Nous vous en remercions.
Dans ce contexte, je forme le voeu que vos travaux réglementaires et notre initiative législative, qui sont tout à fait complémentaires, puissent aboutir le plus rapidement possible. Pouvez-vous nous indiquer si notre proposition de loi sera inscrite par le Gouvernement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale au début de l'année 2025 ? Son contenu sera-t-il bien repris par la PPE et SNBC ? Quand ces documents réglementaires seront-ils finalisés ?
À ce stade, si les ambitions en matière d'électricité renouvelable et de bioénergies de la PPE et de notre proposition de loi convergent parfaitement, la PPE est un peu en retrait s'agissant de l'énergie nucléaire, de la rénovation énergétique et de l'efficacité énergétique. La PPE confirme la construction de six EPR2 et du SMR (Small Modular Reactor) Nuward, mais n'évoque que l'étude de huit EPR2 supplémentaires. De son côté, la proposition de loi prévoit d'engager la construction des six EPR2 d'ici 2026 et celle des huit EPR2 et du SMR Nuward d'ici 2030, et de tendre vers un total de 27 gigawatts (GW) de nouveau nucléaire d'ici 2050. De plus, la PPE évoque 600 000 rénovations énergétiques par an d'ici 2030, contre 900 000 pour la proposition de loi et un minimum de 825 térawattheures cumulés/actualisés (TWhc) d'économies par an d'ici 2026, contre 1 250 pour la proposition de loi. La concertation que vous avez engagée pourra-t-elle être l'occasion de rapprocher davantage encore vos rédactions des nôtres sur ces trois points ?
Je souhaite également aborder la relance de l'énergie nucléaire. Quand seront prises les autorisations de construction des six premiers EPR2 et des huit autres, évoqués par le Président de la République lors du discours de Belfort du 10 février 2022 ? Et comment seront financés ces nouveaux réacteurs ? Le président-directeur général (P-DG) du groupe EDF, Luc Rémont, et la Cour des comptes ont insisté sur la nécessité d'un soutien public. Quels seraient le véhicule et le calendrier d'une telle modification ?
Concernant la réforme du marché de l'électricité, le dispositif parafiscal proposé à l'article 4 du projet de loi de finances initiale pour 2025 (PLF 2025), qui doit succéder à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), a nécessairement fait l'objet d'une étude d'impact. Aussi, pouvez-vous nous préciser quelle sera son incidence sur les finances du groupe EDF et sur le prix de l'électricité acquitté par les consommateurs, particuliers comme professionnels ?
Enfin, je veux vous interroger sur le devenir des concessions hydroélectriques. Où en sont les négociations avec la Commission européenne ? Le passage du régime des concessions vers celui des autorisations est-il toujours préféré à la mise en oeuvre d'une quasi-régie regroupant les activités hydroélectriques du groupe EDF ? Quels seraient le véhicule et le calendrier d'une telle évolution ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques. - Je vous remercie de nous accueillir, avec ma collègue Olga Givernet, pour notre première audition commune. Dans chacune de mes fonctions ministérielles précédentes, j'ai pu mesurer la qualité du travail mené au Sénat. Nous avons su avancer ensemble sur de nombreux sujets cruciaux pour notre stratégie industrielle, climatique et énergétique. Je souhaite continuer avec vous dans cette dynamique.
Entre 2011 et 2023, le climat mondial s'est déjà réchauffé, selon les dernières évaluations, de 1,5 degré par rapport au niveau de l'ère préindustrielle. Depuis 1970, près de 70 % des populations d'espèces sauvages de vertébrés ont disparu. Les effets du dérèglement climatique sont déjà là dans notre quotidien. Il est donc urgent d'agir ; c'est ce que nous faisons.
Dès ma prise de poste, dans le prolongement de la déclaration de politique générale du Premier ministre Michel Barnier, je me suis réengagée sur le chemin précédemment ouvert par Élisabeth Borne, puis par Gabriel Attal. Ainsi, grâce à la planification écologique lancée à l'été 2022, nos émissions ont diminué de 5,8 % en 2023 ; c'est ce que nous devons faire chaque année pour tenir notre trajectoire européenne rehaussée. Si les douze derniers mois glissants à 4,8 % sont encourageants, chaque nouvelle marche est plus difficile à franchir que la précédente. Il nous faut donc être vigilants.
Nous venons de soumettre à la consultation publique les trois textes qui forment notre stratégie française sur l'énergie et le climat (SFEC) : le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), la SNBC et la PPE.
Le Pnacc, issu des travaux de mon prédécesseur Christophe Béchu, contient cinquante et une mesures pour mieux préparer notre pays à une hausse de température de 4°degrés d'ici la fin du siècle, non pas pour la planète, mais pour la France, qui se réchauffe en moyenne plus vite que la planète.
La SNBC et la PPE doivent permettre à notre pays de tenir nos deux grands objectifs : d'une part, rehausser la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre (GES) à - 50 % à horizon 2030 par rapport à 1990 ; d'autre part, préparer la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles d'ici la moitié du siècle. Je le précise, les - 50 % sont totalement cohérents avec les - 55 % européens. Un récent rapport du Haut Conseil pour le climat (HCC) a bien précisé cette correspondance.
Ces trois textes réunis sont essentiels, car ils fixent un cap : le rôle de l'État-stratège.
Parallèlement, je travaille à la territorialisation de ces politiques. C'est là le point-clé de la planification : permettre aux collectivités locales, aux entreprises, aux associations et aux citoyens de savoir où nous voulons aller, secteur par secteur, année après année. Nous avons besoin de visibilité, de constance et de cohérence face au mur d'investissements de la transition écologique. Pour cela, la planification est un atout. Cet enjeu a d'ailleurs été particulièrement souligné dans le rapport des sénateurs Brigitte Devésa, Lauriane Josende et Simon Uzenat intitulé Entreprises et climat : se mobiliser pour relever le défi de la compétitivité carbone.
La PPE détaille de manière très opérationnelle la transformation de nos modes de production et de consommation d'énergie pour les dix ans à venir. Elle montre surtout combien l'heure n'est plus à l'opposition factice entre énergies nucléaire et renouvelable. L'enjeu est le passage d'une consommation d'énergie fondée à près de 60 % sur les énergies fossiles à l'horizon 2030 à une consommation reposant à plus de 60 % sur les énergies décarbonées, qu'elles soient renouvelables ou nucléaire. Telle est notre nouvelle cible à l'horizon 2030. Inverser les proportions, changer de paradigme : voilà l'ambition de cette nouvelle PPE.
Je veux saluer le travail de qualité du Sénat sur la proposition de loi déposée par le sénateur Daniel Gremillet et rapportée par les sénateurs Alain Cadec et Patrick Chauvet.
Au-delà de la planification, j'ai de nombreuses autres priorités qui contribuent aussi à la lutte contre le dérèglement climatique, car la lutte contre l'effondrement de la biodiversité est liée au combat contre le dérèglement climatique : économie circulaire, biodiversité, eau, prévention des risques, etc.
J'en viens au projet de budget pour 2025. Pour soutenir notre planification, nous devons envoyer des signaux clairs, en agissant pour que les solutions décarbonées soient, autant que possible, moins coûteuses que leur alternative carbonée. C'est pourquoi nous continuons à nous attaquer aux niches brunes. J'attends le rapport des inspections sur les subventions nocives pour l'environnement pour que nous puissions ouvrir ensemble de nouveaux combats.
Comme tous les autres ministères, nous devons faire des efforts sur les finances publiques ; tout l'enjeu est de les cibler efficacement.
Le budget est de 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en hausse de 2 milliards d'euros, pour autant, cette hausse masque des situations très diverses. En comparaison à la prévision de consommation pour 2024, ce qui me paraît constituer la meilleure approche en raison des gels et des annulations de crédits qui sont intervenus, la hausse est de 4,6 milliards d'euros, mais il s'agit en réalité d'un retour à une situation d'avant la crise. Cela illustre la poursuite de nos efforts en matière d'énergies renouvelables. Ces chiffres s'expliquent par la baisse importante du coût de la fourniture d'électricité sur les marchés internationaux.
MaPrimeRénov' voit son enveloppe en ligne par rapport à l'exécution 2023 et en hausse par rapport à la prévision d'exécution 2024, d'environ 30 %. Il en va de même pour le fonds Barnier, avec les 75 millions d'euros d'autorisations d'engagement obtenus par amendement, soit une hausse d'un tiers par rapport à 2024.
Inversement, le fonds d'intervention de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), dont le fonds chaleur, recule de 34 %, l'électrification des véhicules de 66 %, repositionnant ces chiffres au niveau d'avant la crise, mais avec un vivier de projets très important. Le fonds vert, qui avait été créé en 2023, est réduit de 60 %. On notera un effort substantiel sur la trésorerie des agences de l'eau, de 130 millions d'euros.
Sur le volet recettes, le projet de loi de finances réduit le soutien à certaines dépenses brunes : malus automobile, suppression de taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduit à 5,5 % sur l'installation de chaudière à énergies fossiles.
En matière de fiscalité sur l'électricité, la proposition du Gouvernement qui vous est présentée repose sur une augmentation en deux temps.
Le premier temps, législatif, acte le retour à la fiscalité d'avant la crise énergétique. C'est la fin du bouclier énergétique, qui a représenté plus de 50 milliards d'euros d'aides aux ménages et aux entreprises sur ces trois dernières années.
Le second est un renvoi au pouvoir réglementaire de la capacité à aller au-delà de ce niveau, dans une fourchette déterminée par le législateur et dans le respect de l'engagement du Premier ministre : une baisse de 9 % des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) au 1er février 2025. Cette baisse concerne tout particulièrement les 60 % de Français aux TRVE et les 15 % dont les contrats sont liés à ces TRVE. Ce renvoi permet évidemment de définir finement le niveau de fiscalité approprié en tenant compte de l'actualisation importante des coûts du réseau, sur la base des plans d'investissement d'Enedis et de Réseau de transport d'électricité (RTE), attendue au 1er août de l'année prochaine. L'idée est de lisser cette augmentation.
Je recommande que nous soyons vigilants sur plusieurs points.
D'abord, ne sacrifions pas notre dette écologique à notre dette financière. Cela implique de garder en mémoire qu'un euro investi dans l'adaptation, c'est sept à huit euros de dommages évités demain - le retour sur investissement est très important - et de rester très attentifs à la cohérence des signaux-prix.
Ensuite, il faut veiller à l'enjeu crucial du pouvoir d'achat. EDF nous a alertés sur l'augmentation des contentieux de précarité énergétique ; leur plateforme téléphonique peine à répondre à toutes les demandes.
Enfin, au regard de notre ambition de reconquête industrielle, n'oublions pas que le coût de l'énergie est un élément déterminant l'installation dans un pays comme la France, où l'électricité a longtemps été plus compétitive que dans les autres pays européens. Malheureusement, ce n'est pas le cas du gaz. Faisons attention à ne pas envoyer de signaux contradictoires.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, chargée de l'énergie. - C'est un honneur pour moi d'être aujourd'hui au Sénat pour ma première audition par la commission des affaires économiques, même si j'avais échangé avec certains de ses membres - je pense notamment à l'auteur Daniel Gremillet et aux rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet - lors de l'examen de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie. Nous avions alors fixé des objectifs qui correspondent à ceux de la PPE, par exemple sur le renouvelable - avec 200 térawattheures (TWh) -, le nucléaire - avec 360 TWh -, l'hydrogène - avec 6,5 GW -, le biogaz - avec 50 TWh -, la chaleur - avec 297 TWh - et les biocarburants - avec 48 TWh. À ce stade, le calendrier législatif est encore trop flou pour savoir quand l'Assemblée nationale pourra examiner ce texte. Les discussions dans cette assemblée seront sans doute longues et doivent être abordées sereinement. Pour la PPE, l'enjeu est qu'elle soit mise en oeuvre rapidement.
Cette programmation est nécessaire pour atteindre l'objectif de « neutralité carbone » en 2050. Nous avons d'ores et déjà 40 % d'énergie propre - c'est une fierté -, et nous devons passer à 60 % en 2030. Avec cette consultation sur la PPE, nous pouvons y arriver par trois fronts.
Le premier est la réduction des prix, pour protéger les consommateurs et oeuvrer pour le pouvoir d'achat de toutes les familles. Vous le savez, l'État a aidé à hauteur de 20 milliards d'euros les entreprises et les ménages durant la crise de l'énergie, de 2022 à 2024. Depuis, les prix de l'électricité ont pu baisser, c'est pourquoi le bouclier fiscal prend fin en 2025. Contrairement à ce que j'entends parfois, les prix de l'énergie ne vont pas augmenter. Notre volonté est de faire baisser les factures pour tous les Français, avec certains dispositifs, comme la fiscalité sur l'électricité - avec une part fixe et une part variable -, ou le chèque énergie, dont l'enveloppe est inchangée, à 900 millions d'euros d'autorisations d'engagement. J'entends les inquiétudes sur les conditions d'éligibilité au chèque énergie, suite à la suppression de la taxe d'habitation, mais l'envoi restera automatique pour les bénéficiaires actuels et une plateforme va être ouverte afin qu'il puisse se déclarer. Je vous invite à la relayer.
Le deuxième est la maîtrise de notre consommation d'énergie. C'est en consommant intelligemment l'énergie que nous tiendrons notre trajectoire. La rénovation énergétique, financée par MaPrimeRénov' et les certificats d'économies d'énergie (C2E) y contribuent. Les efforts des Français et des entreprises ont d'ores et déjà apporté des résultats : notre consommation combinée de gaz et d'électricité a baissé de 12 % par rapport à 2019. Il faut maintenir cet effort et arriver à - 30 % en 2030 par rapport à 2012. L'objectif est aussi de remplacer la consommation d'énergies fossiles par l'usage de l'électricité : le pétrole fossile importé pollue et pèse sur notre balance commerciale. Il nous faut produire en France et, dans l'idéal, exporter notre énergie décarbonée. Cela passe également par l'électrification des véhicules. Le malus automobile que nous mettons en place concerne seulement les véhicules neufs : comme neuf Français sur dix ont plutôt tendance à acheter des véhicules d'occasion, seuls les ménages les plus aisés seront touchés.
Le troisième est la production d'énergie décarbonée, qui est un moyen formidable de sortir des énergies fossiles. Nous nous appuyons sur le nucléaire et sur le développement des énergies renouvelables. Nous en avons débattu entre nous, lors de l'examen de la proposition de loi de programmation. Nous prévoyons six EPR2, et huit réacteurs supplémentaires sont à l'étude, ainsi que des petits réacteurs modulaires (SMR) et des réacteurs nucléaires innovants. La décision du conseil d'administration d'EDF pour les six premiers EPR2 devrait être prise en 2026. L'attribution des sites pour les huit EPR2 supplémentaires est également prévue pour 2026. Nous avons donc quelques mois devant nous pour y travailler. Enfin, en matière d'éolien en mer, les annonces de programmation atteignent 45 GW à l'horizon 2050, et nous prévoyons de multiplier par six le photovoltaïque en 2035, de réinvestir sur l'hydroélectricité et de doubler la consommation de chaleur. La décarbonation marche donc sur ses deux jambes : le nucléaire et les énergies renouvelables. Le Gouvernement vient d'annoncer un soutien fort, à hauteur de 1,5 milliard d'euros, en faveur de la décarbonation de l'industrie.
Tout cela vise à faire de la France une grande nation de l'énergie. Nous y oeuvrons.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Mesdames les ministres, je tiens à vous remercier de votre forte implication dans l'actualisation de notre programmation énergétique ; nous y attachons beaucoup d'importance. C'est un exercice fondamental, très attendu des filières, nucléaire comme renouvelables. Je me félicite de l'ouverture de la concertation sur la PPE et la SNBC et de l'adoption, avec votre soutien, de notre proposition de loi de programmation. Je forme le voeu que ces différents textes aboutissent rapidement ; n'ayons pas peur du débat parlementaire. Nous avons pu avancer au Sénat et je suis convaincu qu'il en sera de même à l'Assemblée nationale.
Les crédits dédiés à l'énergie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sont fortement mis à contribution dans l'effort - général et nécessaire - de modération budgétaire, ce qui interroge cependant notre capacité réelle à atteindre les objectifs de décarbonation de notre économie.
Plusieurs articles fiscaux du PLF pour 2025 font ainsi l'objet de critiques.
D'une part, les taux fixés pour le partage des revenus du nucléaire historique ou l'accise sur l'électricité sont renvoyés à des arrêtés, plutôt que de figurer dans la loi. D'autre part, les fournisseurs craignent la hausse de l'accise sur l'électricité et les industriels celle de la taxe sur les installations nucléaires de base (INB). Enfin, le financement des opérations liées à l'électrification rurale - via le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (CAS Facé) - et des opérations liées à la péréquation tarifaire - via les charges de service public de l'énergie (CSPE) allouées aux zones non interconnectées (ZNI) - ne serait plus assuré par le budget général, mais par une taxe affectée, ce qui inquiète énormément les élus locaux, dont les ultramarins. Seriez-vous prêtes à évoluer sur ces points ? Il me semble que nous devrions contenir la hausse de l'accise sur l'électricité à son niveau d'avant-crise et abandonner la réforme du financement des opérations liées à l'électrification rurale ou à la péréquation tarifaire.
Les articles budgétaires du PLF pour 2025 sont aussi l'objet de critiques.
Certes, les crédits des CSPE allouées aux énergies renouvelables augmentent de 4,3 Mds€, pour l'électricité, et de 300 M€, pour le biogaz.
Cependant, les crédits baissent de 1,7 milliard d'euros pour le dispositif MaPrimeRénov', de 530 millions d'euros pour l'aide à l'acquisition de véhicules propres et de 470 millions d'euros pour l'Ademe, avec de lourdes répercussions sur le fonds chaleur qui est géré par cette agence. Ne craignez-vous pas qu'une diminution des moyens d'intervention de l'État n'entraîne un ralentissement considérable de l'action de décarbonation et, surtout, de la rénovation énergétique, de la mobilité propre et de la chaleur renouvelable ?
Les crédits des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs d'électricité et de gaz baissent de 1,2 milliard d'euros, compte tenu de l'extinction des différents boucliers tarifaires. Si celle-ci était prévisible, comment les consommateurs seront-ils protégés ? Il y a bien un sujet, par exemple sur les crédits du chèque énergie, qui sont stables en autorisations d'engagement, mais qui baissent de 180 millions d'euros en crédits de paiement. De nouvelles modalités d'attribution pourraient, selon le projet annuel de performance (PAP), « conduire à une réduction transitoire du nombre de bénéficiaires la première année de mise en oeuvre ». Notre crainte est qu'un nombre considérable de familles en soient privées en 2025. Combien de bénéficiaires pourraient être concernés ? Ne faudrait-il pas abandonner cette réforme, qui inquiète énormément les associations de consommateurs et de droit au logement ? Il ne faudrait pas, pour 2025, ajouter à l'extinction des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs d'électricité et de gaz une réforme mal perçue du chèque énergie.
M. Pierre Cuypers. - Nous sommes convaincus que les bioénergies sont essentielles pour décarboner, notamment, les secteurs les plus difficiles à électrifier, comme l'industrie ou les transports. Le projet de PPE, mis en consultation par le Gouvernement, prévoit « d'orienter progressivement les biocarburants vers les secteurs qui auront durablement peu d'alternatives ». Ne devrait-on pas faire figurer dans cette PPE le recours aux biocarburants pour les automobiles, dès lors qu'un parc thermique continuera d'exister encore pendant de nombreuses années ?
Le projet de PPE propose un objectif de 50 TWh de biogaz, dont 44 TWh injectés, pour atteindre 15 % de la consommation de gaz sur le réseau d'ici 2030. Ne pourrait-on pas reprendre l'objectif encore plus ambitieux de 20 %, qui est proposé par la filière ?
Le projet de PPE évoque enfin des dispositifs de soutien, comme les certificats de production de biogaz ou le mécanisme de soutien à la production d'hydrogène, qui fait actuellement l'objet, me semble-t-il, d'échanges avec la Commission européenne. Quand ces dispositifs seront-ils opérationnels ?
M. Alain Cadec. - Madame Pannier-Runacher, je vous remercie de ne pas vous rendre à la COP29. C'est une bonne décision.
La recherche énergétique est cruciale pour trouver de nouvelles voies pour diversifier la production et modérer la consommation d'énergie. C'est tout particulièrement le cas dans le secteur du nucléaire, industrie innovante, du temps long. Le projet de PPE fixe la perspective de deux prototypes de petits réacteurs modulaires ou innovants d'ici 2030 et d'une étude du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sur les réacteurs à neutrons rapides (RNR) d'ici 2026.
Pourquoi ne pas viser un objectif plus mobilisateur de 4 GW de petits réacteurs modulaires d'ici 2050, comme l'a proposé RTE, dans le scenario « N03 » de son étude Futurs énergétiques à l'horizon 2050 ? Ne faudrait-il pas, en outre, être moins timide s'agissant des RNR, dans la mesure où l'actuelle PPE prévoit explicitement « de maintenir la perspective d'un éventuel déploiement industriel d'un parc de réacteurs à neutrons rapides à l'horizon de la deuxième moitié du XXIe siècle » ? Il ne faudrait pas que la prochaine PPE soit moins ambitieuse que l'actuelle.
M. Franck Menonville. - Le projet de PPE prévoit « d'accompagner l'émergence des projets agrivoltaïques ». C'est une bonne chose, à condition de bien les encadrer. Dans le cadre du bilan de l'application des lois effectué par notre commission au printemps dernier, il est apparu que plusieurs décrets et arrêtés étaient encore attendus. Où en est-on ? Les acteurs de terrain se sont-ils saisis des documents-cadres départementaux devant mieux encadrer les projets ? Par ailleurs, le sujet des baux ruraux, qui n'avait pas pu être traité dans la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables mérite d'être résolu, notamment pour sécuriser les exploitants agricoles en fermage ou en cours de transmission. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi en ce sens. Qu'en pensez-vous ? Le Gouvernement est-il favorable, sur le principe, à un tel complément ?
M. Patrick Chauvet. - Le projet de PPE propose de « résoudre les précontentieux autour du renouvellement des concessions hydroélectriques ». Ne devrait-on pas exclure explicitement la Compagnie nationale du Rhône (CNR), dont la concession a été prolongée pour vingt ans à l'unanimité par la loi 28 février 2022 relative à l'aménagement du Rhône ? En effet, celle-ci n'est pas demandeuse d'une quelconque évolution, contrairement, bien sûr, au groupe EDF. Par ailleurs, le projet de PPE évoque une capacité additionnelle de 2,8 GW d'ici 2035 en matière d'hydroélectricité. Ne pourrait-on pas reprendre le chiffrage global, plus explicite, de 29 GW d'ici 2035, proposé par la filière ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - La taxe sur les INB se retrouve effectivement sur les factures des consommateurs. L'objectif du Gouvernement est qu'elle abonde de 20 millions d'euros les crédits de la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), moyennant un impact limité sur les factures.
Par ailleurs, je me suis mal exprimée lors de mon audition devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (CATDD) : nous supprimons la contribution au CAS Facé, car comme elle équivaut à une accise, le droit européen exige que nous la traitions comme telle ; en revanche, le CAS lui-même demeure, contrairement à ce qui a pu être compris à la suite de mes propos.
Concernant l'augmentation des prix de l'électricité, le Premier ministre a été très clair : nous sommes prêts à améliorer le texte que nous vous présentons. La contrainte budgétaire est connue : un euro enlevé d'un côté doit se retrouver ailleurs. Olga Givernet et moi-même nous tenons néanmoins à votre disposition, ainsi qu'Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, pour préparer des simulations en amont des séances. L'objectif de réduction de notre déficit et du maintien de l'équilibre de notre budget n'en demeure pas moins intangible.
J'ai précisé dans mon propos liminaire quels devaient être nos points d'attention. Tout d'abord, la transition écologique implique des signaux-prix cohérents. Ensuite, elle constitue un investissement utile pour éviter des coûts futurs pour l'adaptation au changement climatique. Le pouvoir d'achat demeure également un enjeu, car c'est le consommateur final qui paie la facture. Enfin, la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) ne s'applique pas à taux plein aux électro-intensifs, mais à toutes les autres entreprises, du boulanger au petit industriel de l'aéronautique.
La mécanique des CSPE reflète les engagements du passé. Nous pourrions nous faire plaisir en remettant en cause un contrat signé par l'État, mais nous perdrions au contentieux. Nous nous sommes engagés, pour une certaine période et à un certain prix. Rappelons-nous, en outre, que tout le monde était content d'avoir des énergies renouvelables au moment où nous manquions d'électricité, en 2022, à un coût jugé à l'époque particulièrement compétitif.
M. Yannick Jadot. - Ces énergies renouvelables ont d'ailleurs financé le bouclier tarifaire !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Effectivement.
Monsieur le sénateur Gremillet, concernant MaPrimeRénov', vous avez r ison, si l'on compare les crédits inscrits dans la version initiale de la loi de finances pour 2024 et ceux qui sont inscrits dans le PLF pour 2025 ; en revanche, l'analyse de leur consommation donne un résultat différent : 2,3 milliards d'euros ont en effet été inscrits au PLF pour 2025, contre 1,8 milliard d'euros consommés en 2022, environ 2,4 milliards d'euros en 2023 et 1,7 milliard d'euros en 2024. De ce point de vue, les crédits sont donc plutôt en augmentation, même significativement.
Les crédits du fonds chaleur sont en revanche en baisse, revenant en autorisations d'engagement à l'enveloppe d'avant la crise : 520 millions d'euros. Compte tenu du vivier de projets des collectivités locales étudié par l'Ademe en 2024, l'intégralité de l'année 2025 a presque déjà été réalisée. Je précise que 10 millions d'euros de crédits de paiement représentent 300 millions d'euros d'autorisations d'engagement.
Pour ce qui concerne l'électrification des véhicules, nous pouvons à la fois travailler sur l'enveloppe et recourir aux C2E. La vigilance est de mise toutefois pour les cas de leasing, afin d'éviter leur requalification en débudgétisation par la Commission européenne. En revanche, des systèmes de bonus pour les voitures électriques peuvent être envisagés.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Le chèque énergie, dispositif de protection dont les Français ont besoin, est pérennisé. Nous essayons d'augmenter le nombre de bénéficiaires touchés via la plateforme ainsi que le nombre de bénéficiaires automatiques, estimés à 2 millions. Les Français, notamment les plus modestes, doivent pouvoir accéder à une énergie abordable.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Monsieur le sénateur Cuypers, de manière générale, l'utilisation de la biomasse soulève des interrogations au vu de l'importance des besoins et des demandes d'usage. Dans notre première SNBC, la demande était ainsi deux fois supérieure à nos capacités de production. Il nous a donc fallu nous montrer raisonnables et trouver de justes équilibres, qui ont tous été largement discutés. La stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC) réunissait ainsi plus d'une centaine d'acteurs, notamment la quasi-intégralité des groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Les certificats de production de biogaz sont par ailleurs parus.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - La taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (Tiruert), mécanisme de soutien aux biocarburants, devra prochainement évoluer pour intégrer les objectifs de la directive révisée sur les énergies renouvelables (RED III). Le projet de PPE fixe un objectif de consommation de biocarburants compris entre 50 et 55 TWh en 2030, et entre 50 et 90 TWh en 2035. L'utilisation des biocarburants dans le secteur de l'automobile est bien prise en compte. Bien sûr, les véhicules thermiques peuvent également avoir recours au rétrofit pour se convertir en véhicules électriques.
En matière d'utilisation du biogaz, l'objectif est fixé à 50 TWh en 2030, dont 44 TWh, soit 15 % de la consommation de gaz sur le réseau, ce qui implique une multiplication par cinq. Cet objectif nous semble déjà ambitieux, compte tenu de nos capacités de production. Il existe deux dispositifs pour soutenir la filière : le budget, et les certificats de production de biogaz. Nous poursuivrons dans cette voie.
En matière d'hydrogène, notre engagement s'élève à 6,5 GW. Nous travaillons également sur une stratégie. Nous devons débattre de son usage pour redonner des perspectives à la filière, justifier le déploiement des électrolyseurs, et clarifier nos besoins industriels comme nos besoins en matière de transport.
Pour ce qui concerne les SMR, nos objectifs sont inchangés. Le volet nucléaire de France 2030 consacre environ 1 milliard d'euros au développement des petits réacteurs nucléaires et s'appuie sur un programme de trois appels à projets visant un soutien de plus en plus ciblé. Le premier appel à projets s'est clos en 2023 : onze lauréats ont été désignés, pour un montant total de soutien de plus de 120 millions d'euros. Pas moins de 300 millions d'euros ont été également accordés par France 2030 pour les phases successives du projet Nuward.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous formulons pour 2050 un objectif de GW, neutre technologiquement. Cet objectif pourra être atteint au moyen de SMR, d'AMR (Advanced Modular Reactors), ou d'EPR2. Nous ne savons pas quelle technologie fonctionnera en 2040, donc nous nous adaptons.
M. Yannick Jadot. - On ne sait même pas si ça va marcher !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Je reformule : nous nous laissons la liberté de choisir la technologie la plus adaptée, en fonction des progrès scientifiques.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - L'enjeu est en effet de ne pas s'enfermer dans une technologie, mais de garder une certaine ouverture.
Les décrets relatifs à l'agrivoltaïsme ont été publiés. Un vecteur législatif est effectivement nécessaire sur les baux ruraux. Par ailleurs, les chambres d'agriculture sont en train d'élaborer les documents-cadres.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Je vous invite à vous rapprocher du député Pascal Lecamp sur ce sujet. Un groupe de travail transpartisan sur l'agrivoltaïsme travaille en effet sur une proposition de loi à l'Assemblée nationale, rassemblant les spécialistes de l'agriculture, des députés Julien Dive à Dominique Potier. Bien entendu, nous serions ravis d'inscrire à l'ordre du jour une proposition de loi fonctionnant. Par le passé, j'avais en effet été particulièrement vigilante à ne pas légiférer à l'aveugle sur le sujet des baux ruraux.
Monsieur le sénateur Chauvet, la loi s'applique à tous et l'on ne peut y déroger. Cela vaut également pour l'hydroélectricité. On ne peut opérer de distinction en la matière, d'autant que la Commission européenne, légitimement, ne nous laisserait pas faire. En revanche, un temps d'adaptation pourrait être aménagé pour les entreprises concernées, afin que le nouveau régime ne s'applique pas brutalement à la CNR. Cette dernière peut d'ailleurs se prévaloir d'une mission de service public pour la gestion de l'eau. En effet, lors des inondations dans la Loire, ses ouvrages ont dégagé de l'eau dans des proportions impressionnantes. Cela fait partie de nos points de vigilance, sur lesquels nous souhaitons attirer l'attention de la Commission européenne.
La mission d'information consacrée aux modes de gestion et d'exploitation des installations hydroélectriques portée par les députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel avance. Elle devrait rencontrer les représentants de la Commission européenne dans les prochains jours.
Nous n'avons pas de difficulté à faire figurer un volume de production global, plutôt qu'additionnel, en matière d'hydroélectricité, dans le projet de PPE. Notre point d'attention principal a trait à la façon dont le dérèglement climatique peut affecter la ressource en eau et notre capacité de production hydroélectrique. De manière assez protectrice, RTE proposait que nous nous donnions les moyens de maintenir nos capacités, sans faire de pari sur l'augmentation de notre production à horizon 2050, compte tenu des mauvaises surprises potentielles dans la gestion du cycle de l'eau. Il s'agissait d'éviter de nous retrouver en situation de manque. Cependant, la vérité oblige à dire que nous en sommes très loin.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Les concessions hydroélectriques passeront-elles bien sous un régime d'autorisation ? Le calendrier de cette réforme est-il connu, sachant que les négociations avec la Commission européenne se poursuivent ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Comme je l'ai indiqué, les députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel rencontreront la Commission européenne dans les prochains jours. Nous reprendrons contact avec celle-ci par la suite. Des réunions techniques ont déjà eu lieu au sein de l'administration. La Commission européenne se dote par ailleurs de nouveaux commissaires, ce qui revêt une dimension politique non négligeable. Notre objectif est de faire aboutir cette réforme le plus tôt possible, car nous devons lancer des investissements. J'ai d'ailleurs demandé aux équipes de chercher un régime juridique de protection des concessionnaires pour la réalisation d'investissements capacitaires.
M. Patrick Chauvet. - Cette question a été abordée, sous la forme d'une expérimentation, dans la proposition de loi de notre collègue Daniel Gremillet.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Tout à fait.
M. Patrick Chauvet. - Nous sommes plusieurs parlementaires à être très attachés à l'hydroélectricité. Vous évoquiez une crainte à l'égard de la ressource, mais soyons pragmatiques : ces derniers mois, la capacité de production d'électricité à partir des barrages était extraordinaire. Cela reste un moyen de production d'avenir. Cependant, tant que le vide juridique demeure, les acteurs ne peuvent se projeter dans l'avenir ni engager des investissements. L'expérimentation proposée dans le texte de notre Daniel Gremillet aurait constitué à cet égard un premier pas intéressant.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous partageons cette observation et allons avancer.
M. Henri Cabanel. - Dans un rapport récent, l'inspection générale des finances (IGF) évalue à 21 milliards d'euros, d'ici 2030, le coût des investissements que doivent conduire les collectivités territoriales en faveur de la transition écologique. Le poste le plus coûteux serait la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales, chiffrée à 7 milliards d'euros. Parallèlement, les experts du HCC rappelaient dernièrement qu'il faudrait consacrer 60 à 70 milliards d'euros d'investissements annuels supplémentaires d'ici 2030 pour atteindre la neutralité carbone. Or le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », ou fonds vert, voit ses dotations baisser de 1,5 milliard d'euros. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'un mauvais signal envoyé aux collectivités territoriales ?
Par ailleurs, les services de la direction générale des entreprises (DGE) ont confirmé que l'exclusion du solaire thermique du crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV) n'était pas justifiée par le fait que la Commission européenne n'aurait pas prévu l'énergie solaire thermique. Cette exclusion relèverait donc d'une mauvaise interprétation, donc d'une surtransposition. Pour multiplier par sept sa capacité installée d'ici 2030, le marché du solaire thermique doit être soutenu. L'intégrerez-vous donc au C3IV ?
M. Fabien Gay. - Madame la ministre, je salue votre décision de ne pas vous rendre à Bakou.
Le budget débattu au Parlement donnera-t-il à EDF les moyens d'investir 25 milliards d'euros par an dans le nouveau nucléaire ou le Grand Carénage notamment, ce montant ayant été identifié par le PDG, Luc Rémont, devant notre commission ? Le cas échéant, comment ? Dans le cas contraire, pourquoi ajouter de nouvelles taxes, sachant que taxer EDF revient pour l'État à se taxer soi-même ?
Le PDG Luc Rémont nous a confirmé que le nouveau mécanisme post-Arenh fonctionnait plutôt bien. Les prix seront divisés par deux pour les électro-intensifs. Cependant, les TRVE seront-ils augmentés, sachant qu'ils concernent près de 20 millions de ménages ? Quelles seront les conséquences de l'accord passé entre l'État et EDF ?
Par ailleurs, s'agissant de l'accise sur l'électricité, vous annoncez une diminution du prix de l'électricité, mais je rappelle qu'il a augmenté de 51 % en deux ans ! L'ancien ministre Bruno Le Maire avait annoncé une diminution après la forte hausse de 2022. Le 16 juin, vous avez annoncé vous-même une diminution du prix de 15 %. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a envisagé une diminution du prix de 20 à 25 %. Or vous prévoyez de relever le tarif de l'accise sur l'électricité à 32 euros le MWh, voire à 50 euros, ce qui n'a jamais été fait et qui reviendrait à prendre 3 milliards d'euros dans la poche de l'ensemble des usagers de l'énergie ! Je rappelle également que les énergéticiens ont engrangé près de 32 milliards d'euros de rente, d'après un rapport de la Cour des comptes. Il y a là des sommes importantes à récupérer. Or la contribution sur les rentes inframarginales (Crim), censée rapporter 12,9 milliards d'euros, n'a généré que 800 millions d'euros.
Enfin, je souhaite vous faire part de ma grande colère devant la situation de la centrale de Cordemais. En finir ainsi avec un projet porté par l'intelligence ouvrière n'est pas acceptable. Quand on est un responsable politique, on doit assumer les choix, et recevoir les salariés. Madame Givernet, une visioconférence organisée avec un collaborateur politique pour les syndicats ne suffit pas, il faut leur ouvrir la porte du ministère, pour leur expliquer pourquoi leur projet de décarbonation construit pendant dix ans ne verra pas le jour.
M. Jean-Claude Tissot. - À mon tour, madame la ministre, de vous remercier de ne pas vous rendre à Bakou. Merci aussi d'être venu dans mon département, la Loire, pendant les intempéries.
Le décret relatif à l'agrivoltaïsme, publié le 8 avril dernier, et l'arrêté qui l'a suivi en juillet ont suscité de vives réactions, dépassant les clivages politiques traditionnels. La Confédération paysanne a déposé un recours devant le Conseil d'État, le président de la région Normandie, Hervé Morin, a menacé de faire de même et le syndicat des Jeunes Agriculteurs a émis des réserves et appelé à une grande vigilance à l'égard de leur application concrète. La principale crainte tient au fait que la limite du taux de couverture au sol a été fixée à 40 %, ce qui est considérable. Certes, un seuil de 10 % de perte de rendement maximum a été établi, mais, en fonction des filières et des exploitations, les conséquences sur la production purement agricole peuvent être importantes.
Des évaluations sont-elles prévues pour analyser la pertinence de ce décret, en fonction de la taille des exploitations ou de l'origine des investisseurs ? Notre souveraineté agricole et alimentaire doit être préservée, et il faut lutter contre toute forme d'opportunisme financier sur les terres agricoles.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Les crédits du fonds vert sont effectivement en baisse, mais je rappelle que ce dispositif avait vu son enveloppe réduite dès le mois de février. Son budget n'a donc jamais été de 2,5 milliards d'euros en 2024.
Par ailleurs, une réflexion est nécessaire sur l'accompagnement des collectivités locales pour le financement de la transition écologique, comme ma collègue Catherine Vautrin l'a souligné, intégrant la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et le fonds vert.
L'objectif est que le fonds vert contribue au financement de l'adaptation au changement climatique, en lien avec le Pnacc. Par ailleurs, deux enjeux se présentent : la rénovation des bâtiments publics, soumise à des objectifs européens, et la gestion des friches, en lien avec l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), pour lesquelles aucune solution de marché n'existe. On ne sait donc pas faire sans un soutien de l'État.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - L'intégration du solaire thermique dans le C3IV est à l'étude.
Pour répondre au sénateur Gay, notre objectif par rapport à EDF est de trouver un équilibre entre les recettes et leur taxation. L'accord de l'an passé prévoit de dégager des ressources et de les ventiler. Notre objectif est de définir avec EDF, d'ici la fin de l'année, un cadre pour le financement du nouveau nucléaire ; s'agissant du mécanisme post-Arenh, il doit intégrer les charges du nucléaire existant.
Je fais par ailleurs le tour des installations existantes, pour confirmer que nous avons suffisamment d'énergie pour l'hiver. D'ailleurs, nous sommes en situation d'exportation.
M. Philippe Grosvalet. - Mais vous ne savez pas quel temps il va faire !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Nous veillerons également à accompagner les off-takers pour qu'ils utilisent cette énergie décarbonée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - S'agissant des conséquences du mécanisme post-Arenh sur le niveau des TRVE, le niveau de fourniture de l'électricité se situe aux alentours de 70 euros le MWh, soit un résultat proche de la combinaison des prix de marché et des prix de l'Arenh. Cette composante a bien gagné la partie pour 2025, mais aussi pour 2027 et 2028. La construction de ce prix intègre des tarifs d'accise, le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe) et la TVA, qui s'applique aux tarifs d'accise. Augmenter l'accise de 10 euros revient donc à augmenter de 12 euros le coût de l'électricité au MWh.
M. Fabien Gay. - Il y a de la TVA sur les taxes !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Oui, c'est une taxe sur la taxe.
Un retour à la situation antérieure au déploiement du bouclier tarifaire représente un tarif d'accise de 35,78 euros, auquel il faut ajouter 20 % de TVA, soit un montant assez peu éloigné du coût de fourniture de l'énergie.
Le faible rendement de la Crim témoigne du fait que les rentes n'étaient peut-être pas aussi importantes que nous l'imaginions... Cette taxation était en effet établie pour récupérer toute forme de rente, au-delà d'un certain niveau.
M. Fabien Gay. - Le rapport de la Cour des comptes mentirait donc !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Je crois qu'il ne dit pas exactement cela.
Par ailleurs, ma collègue Olga Givernet est bien placée pour savoir que nous avons reçu les salariés de la centrale de Cordemais.
M. Fabien Gay. - Non !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Un rendez-vous leur a été proposé.
M. Philippe Grosvalet. - 350 emplois, une visioconférence !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Cette visioconférence a été mise en place pour des raisons de facilité.
L'objectif de sortie du charbon en 2027 implique bien de trouver une solution pour les salariés. Compte tenu de l'importance du coût de conversion de la centrale, pour quelques heures de fonctionnement, ce scénario n'a pas été jugé soutenable par EDF. Je connais l'engagement de l'ensemble des salariés du site et leur implication dans la production d'énergie cet hiver. Nous avons organisé notre production d'énergie pour que cela ne puisse plus arriver. EDF a pris l'engagement de reclasser l'ensemble des salariés du site d'ici 2029. Le site de Cordemais fait l'objet d'une grande attention. Un comité de suivi associant la préfecture, les organisations syndicales, le délégué interministériel à l'accompagnement des territoires en transition énergétique et EDF est prévu en fin de semaine, pour trouver des solutions viables pour les salariés.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Monsieur le sénateur Tissot, le décret et l'arrêté sur l'agrivoltaïsme ont été travaillés avec le syndicat des Jeunes Agriculteurs. La loi prévoit qu'il est interdit d'installer du photovoltaïque au sol qui aurait pour effet de diminuer la production de l'exploitation. L'étude de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) montre que l'écart type entre les rendements des exploitations à l'aune de la limitation du taux de couverture au sol est compris entre - 20 % et + 20 %. Je ne peux pas en inférer que le rendement diminue.
L'arrêté prévoit par ailleurs, en cas de non-respect de l'interdiction susmentionnée, le remboursement intégral de toutes les sommes perçues pendant les années de production précédentes ainsi que le démantèlement intégral de l'installation, soit une sanction très sévère.
En outre, une couverture à 40 % n'est possible que si l'on a prouvé qu'elle n'entraînait pas de baisse du rendement de l'exploitation.
En revanche, des augmentations de rendement ont été relevées en maraîchage ou en arboriculture, par exemple dans la Drôme ou sur la côte atlantique.
M. Daniel Laurent. - Le CAS Facé, distribué par les syndicats d'électrification et chapeauté par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), est indispensable pour moderniser les réseaux électriques, garantir la sécurité de l'approvisionnement et intégrer davantage d'énergies renouvelables. Face aux défis climatiques et à la transition énergétique, quels moyens supplémentaires pourraient être alloués à ce fonds pour améliorer la résilience des territoires ruraux ?
Par ailleurs, cette année marque le soixantième anniversaire de la loi fondatrice sur l'eau, à l'origine des agences de l'eau. Le prélèvement de 130 millions d'euros prévu dans le budget mettra en péril leurs capacités d'intervention, notamment dans les communes rurales. Comment préserver ce modèle et garantir aux agents les moyens nécessaires pour accomplir leurs missions, sachant qu'il existe d'autres agences bien moins utiles, non concernées par de telles diminutions de budget ?
Mme Viviane Artigalas. - Je reviens sur la question du nouveau nucléaire. Quel calendrier et quel mode de financement envisagez-vous ? Je sais que les négociations sont en cours, mais des précisions sur le sujet seraient les bienvenues.
Quant aux concessions hydroélectriques, n'oublions pas qu'il existe un troisième acteur, la Société hydroélectrique du Midi (Shem). Dans mon département, les Hautes-Pyrénées, elle exploite deux concessions hydroélectriques ; toutes deux connaissent des difficultés pour financer leurs investissements. Nous, les élus locaux, souhaitons que la Shem puisse réaliser ses investissements et qu'elle conserve ses concessions.
M. Bernard Buis. - Lors de la consultation sur le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, le Gouvernement avait affiché l'ambition de parvenir à un mix de production d'électricité composé à 100 % d'énergies renouvelables dans les départements et régions d'outre-mer (Drom) à l'horizon 2030 et à l'autonomie énergétique en 2050. Si cet objectif est tout à fait louable et positif, le PLF pour 2025 prévoit une baisse de 97 % de l'action n° 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain », qui passe de plus de 1 milliard à 35 millions d'euros. Comment expliquez-vous ce paradoxe au regard des ambitions affichées ?
Ma deuxième question concerne l'effet de la montée des eaux pour les Drom ainsi que pour le littoral français. Compte tenu des récentes inondations dévastatrices survenues en Espagne, quelles mesures la France prend-elle pour faire face à la montée du niveau de la mer et au risque de crue ? Quelles sont ses stratégies actuelles et futures pour protéger les zones côtières et les régions vulnérables aux inondations et dans quelle mesure pouvons-nous les financer ?
Enfin, un an après la promulgation de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, tirez-vous déjà un bilan sur les zones d'accélération des énergies renouvelables (Zaer) ? Ont-elles été mises en place ? Les territoires ont-ils massivement délibéré à ce sujet ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - En ce qui concerne les moyens, je commencerai par répondre sur les agences de l'eau, qui dépendent du ministère de la transition écologique. Je n'ai pas le sentiment qu'aucune d'entre elles ait contribué, d'une manière ou d'une autre, aux efforts budgétaires qui nous sont demandés. Cependant, je perçois parfois dans mes équipes l'expression d'un doute sur la qualité de leur travail, voire un peu de démotivation. Tant l'Office français de la biodiversité (OFB) que l'Ademe ou les agences de l'eau ont, il est vrai, été particulièrement exposés ces derniers mois, mais ils ont su prendre en compte les critiques qui leur étaient adressées et s'adapter. Il me semble donc important de renvoyer à leurs agents, qui sont au service de l'intérêt général, ce message de confiance, qui leur signale que nous comptons sur eux pour poursuivre nos politiques. Si certains textes s'avèrent complexes, nous devons traiter le problème au niveau même de leur élaboration, et nous en sommes, il me semble, collectivement auteurs.
Vous avez ensuite raison de souligner l'importance des moyens alloués, avec un montant de 130 millions d'euros. Il s'agit de ressources de trésorerie qui correspondent à la situation actuelle des agences de l'eau. D'un côté, ces moyens répondent aux attentes des agriculteurs sur la gestion de l'eau, au renforcement de la volonté de les accompagner par des travaux structurants permettant un accès plus pérenne à la ressource. De l'autre, ils tiennent compte des préjudices que plusieurs départements ont subis à la suite d'inondations, lesquelles nous conduisent à prévoir des zones d'expansion de crue (ZEN), à réfléchir à la manière de contenir ou de ralentir les crues ainsi qu'à celle de maintenir en état canaux et ruisseaux.
Ces questions se posent avec acuité, particulièrement dans le Pas-de-Calais, où nous disposons de près de douze mois de recul et où nous avons engagé des travaux considérables, pour un montant total de 280 millions d'euros. Plus de 600 travaux d'urgence ont ainsi été effectués, à côté de 174 travaux structurants, afin de rehausser notre capacité à faire face aux inondations. Avec les épisodes à répétition qu'il connaît, le Pas-de-Calais affronte l'équivalent d'une crue centennale et demie.
Un tel constat nous apprend que nos référentiels historiques ne conviennent plus et qu'il convient d'entreprendre un exercice de modélisation théorique qui permette d'en saisir la portée exacte. Il nous faudra au moins retravailler la question du financement de nos travaux de prévention des inondations et des crues. La question du prix de l'eau va se poser, elle constituera l'un des enjeux de la conférence nationale sur l'eau que le Premier ministre promeut. Croyez à notre engagement dans la conduite de cet exercice de vérité portant sur les besoins des territoires. Nous utiliserons tous les leviers financiers existants, ceux de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), de la redevance pour pollution diffuse, etc. Et cela demande du temps.
Sur le CAS Facé, les moyens consacrés sont également non négligeables. Ils représentent 1 euro de taxation de l'électricité pour tous les consommateurs finaux que nous sommes, à l'exception des consommateurs électro-intensifs. Ses moyens sont en outre maintenus, dans un contexte d'effort budgétaire assez réparti, cela atteste de notre confiance dans ce dispositif.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - En ce qui concerne le nouveau nucléaire, EDF a assuré un préfinancement de quelque 5 milliards d'euros destiné aux études. L'opérateur, notamment par son conseil d'administration, a formulé sa demande d'une meilleure visibilité sur l'engagement de l'État. Nous visons la fin de l'année pour disposer d'un cadre de financement adéquat. Nous sommes en particulier dans l'attente de devis relatifs aux six premiers EPR2. Ils nous donneront un montant global qui nous permettra de nous positionner. Les premiers devis reçus avoisinent 60 milliards d'euros. D'autres financements sont par ailleurs à prévoir, notamment sur nos réseaux de transport et de distribution, à hauteur de 100 milliards d'euros chacun. Il s'agit d'une planification. La décision d'EDF sur les six premiers EPR2 interviendra en 2026, de même que la décision d'attribution de huit EPR2 supplémentaires.
Au sujet de la Shem, nous avons bien identifié, comme pour les autres concessionnaires, les attentes qui prévalent sur des investissements nouveaux, nécessaires au développement des capacités de production.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Pour les territoires d'outre-mer, la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables fixe un objectif, non de 100 % d'énergie décarbonée, mais de 100 % d'électricité décarbonée. Nous ne disposerons en effet pas de solution évidente sur le chauffage d'ici à 2030. Parvenir à 100 % d'électricité décarbonée reste en revanche possible, à condition, notamment, de fermer les centrales au fioul.
Le budget consacré aux ZNI est financé d'une manière spécifique. Nous avons sorti la ligne budgétaire en tant que telle ; elle est couverte par une contribution de 5 euros d'accise, laquelle permet un financement, en légère augmentation, correspondant aux besoins des ZNI.
Le Pnacc contient des éléments sur le trait de côte. Aujourd'hui, on estime à 20 centimètres l'augmentation du niveau de l'eau. Elle devrait atteindre environ 40 centimètres en 2050. Au-delà, à une échéance de 2100 ou de 2120, nous entrons dans l'inconnu avec des prévisions d'augmentation de ce niveau supérieures à 80 centimètres, ce qui entraînera la disparition de territoires sur la planète. Je rencontre des dirigeants de petits États insulaires, comme Tuvalu, qui évoquent cette disparition dès 2050 et qui, dans les négociations internationales, et outre la recherche des mesures les plus fortes possible pour lutter contre le changement climatique, anticipent des accords avec d'autres pays en vue de l'accueil de leurs populations.
En France, il s'agit premièrement de préciser à destination des collectivités locales la notion de trait de côte ; deuxièmement de protéger les côtes, notamment avec des solutions fondées sur la nature, souvent plus efficaces que les digues. Ces solutions supposent des investissements, lesquels sont fléchés vers l'adaptation au changement climatique. Troisièmement, il convient d'envisager le déplacement des personnes en situation de difficulté devant la montée des eaux. Quatrièmement, à la suite d'une des réflexions menées par la députée Sophie Panonacle, nous devons nous interroger sur la mise en place de modes de financement spécifiques et les plus pérennes possible : la question se pose par exemple de la fiscalité des éoliennes marines en zone économique exclusive (ZEE) ou de la taxation sur les plateformes de location telles que Airbnb.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Un total de 10 387 communes, dont environ 33 % en métropole, ont défini 630 000 Zaer, prévues par la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, sur le portail cartographique du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Plus de la moitié d'entre elles concernent la production d'énergie solaire photovoltaïque. À ce titre, nous attirons l'attention sur le fait qu'il est préférable de diversifier les énergies renouvelables.
Ces projets bénéficient de conditions tarifaires incitatives. Ils émettent aussi un signal en direction des développeurs, les encourageant à se diriger vers les zones en question. Nous vous invitons pour notre part - et vous recevrez un courrier en ce sens - à participer à la PPE et à nous faire remonter ceux des projets qui, au plus près des communes, pourraient voir le jour ou connaîtraient des difficultés, afin que nous les accompagnions.
Les objectifs étant régionalisés, les comités régionaux de l'énergie statueront à leur échelle sur la répartition de l'ensemble de ces zones.
M. Patrick Chaize. - La réforme du CAS Facé, son objectif et ses effets paraissent encore très flous en l'état. Nous avons besoin d'y voir clair, d'autant qu'elle ne comporte aucun enjeu en matière de réduction du déficit des finances publiques et qu'elle n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable ni de véritable étude d'impact. Qu'est-ce qui motive un changement, en toute urgence, des recettes du CAS Facé ? Quelles sont la nature et la gravité du risque juridique qui pèse sur elles ? On peut penser à une mise en demeure de la Commission européenne ou à un contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Pouvez-vous, surtout, nous rassurer sur le fait que le changement de recettes ne remet nullement en cause l'existence du CAS lui-même, non seulement en 2025, mais pour les années futures ? Votre déclaration lors d'une précédente audition, et que vous avez tout à l'heure corrigée, selon laquelle le CAS Facé était supprimé, avait jeté un trouble sur les objectifs poursuivis et les conséquences de cette réforme. À cet égard, et au vu des précédents en la matière, le changement de recettes pose la question de la conformité du CAS au droit budgétaire et, plus précisément, à la loi organique du 1er août 2021 relative aux lois de finances (Lolf).
M. Yannick Jadot. - Merci, mesdames les ministres, d'avoir défendu le personnel de nos agences, notamment celui de l'OFB, qui a été particulièrement ébranlé.
Vous avez dressé un diagnostic, celui d'une accélération du dérèglement climatique. Il commande d'envisager un ajustement de notre stratégie d'adaptation à un réchauffement de 4 degrés, voire 4,5 degrés. Nous en tenir à la prévision de 3,1 degrés du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), laquelle sera peut-être révisée à 3,2 degrés ou 3,3 degrés avec le retour de Donald Trump aux affaires, ne suffira pas. C'est dire l'urgence qu'il y a d'agir, y compris sur le plan de l'adaptation.
L'enjeu de ces sujets est aussi d'ordre économique. Nous ne saurions par conséquent perdre de temps. Vous l'avez rappelé, 1 euro investi, notamment dans la transition énergétique, est 1 euro qui rapporte.
Ces différentes injonctions, contradictoires avec le redressement du déficit budgétaire, nous inquiètent quant aux signaux que l'on nous envoie. Je pourrais reprendre à mon compte la plupart des propos de notre collègue Daniel Gremillet ; il ne s'agit pas seulement des signaux de recul budgétaire - et j'entends que les baisses seront finalement moindres qu'attendu -, mais des signaux qui nous laissent l'impression d'une instabilité permanente des politiques avancées. Du point de vue réglementaire, administratif, budgétaire ou financier, la plupart des acteurs de ces filières de la transition énergétique s'interrogent sur les choix profonds du pays et sur le bien-fondé d'investir quand, d'une année sur l'autre, la réglementation, les objectifs ou le budget changent.
Nous risquons là de perdre la guerre économique, en plus de ne pas investir de manière rentable sur la rénovation thermique ou sur les collectivités qui se sont emparées du fonds vert. On ne saurait certes affirmer que l'intégralité de ce fonds ait été dépensée à bon escient dans les enjeux liés au climat, mais le processus était vertueux. Le recul actuel s'avère déstabilisant et j'imagine que tous vos interlocuteurs vous le rappellent.
Pour ce qui concerne la rénovation thermique, le réabondement des fonds et le recours au fonds vert, il importe de rassurer et de faire en sorte que les dynamiques s'enclenchent.
Enfin, j'ai deux questions précises. Premièrement, s'agissant du mécanisme d'indemnisation des catastrophes naturelles (CatNat), vous avez certes réabondé le fonds Barnier, mais il est incompréhensible pour nos concitoyens qu'une partie des contributions nationales destinées à indemniser les victimes de catastrophes naturelles, dont la fréquence augmente en raison du dérèglement climatique, soit versée au budget général. Pour rassurer les Français, il faudrait que la totalité de ces sommes soit consacrée au fonds.
Deuxièmement, contrairement à mon collègue Alain Cadec, je considère qu'il est urgent d'agir. Évoquer des échéances lointaines, comme 2040, 2050 ou 2060, est très beau, mais le véritable enjeu se situe dans les cinq à dix prochaines années. C'est maintenant que nous devons relever les défis du dérèglement climatique, de l'adaptation et de la guerre économique. Il est impératif d'accélérer le développement des énergies renouvelables.
À ce titre, je partage l'inquiétude de mon collègue Philippe Grosvalet concernant la situation de General Electric (GE) en Loire-Atlantique. Le secteur de l'éolien offshore connaît actuellement un trou d'air dans les commandes. Comment pouvons-nous accélérer les projets et stabiliser ces entreprises afin de préserver les compétences très fortes dont dispose notre pays dans ce domaine, qui commencent à s'effondrer ?
M. Daniel Fargeot. - Je souhaite revenir sur le secteur aérien, qui pourrait subir un triplement de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), générant ainsi 1,7 milliard d'euros de recettes supplémentaires. Cette mesure risque de dégrader davantage la compétitivité du secteur aérien français, déjà fragilisé par des marges nettes inférieures à 3 %, très en deçà de celles de ses concurrents internationaux desservant le ciel français. Cette nouvelle mesure réduira ce niveau de marge et, par conséquent, la capacité d'investissement du secteur dans la transition environnementale et la décarbonation.
Ce triplement de la TSBA représente ainsi, pour Air France, un coût équivalent à l'achat de deux A350 ou de quatre A321 de nouvelle génération par an, soit 500 millions d'euros. Alors que le pavillon français s'efforce de décarboner, le Gouvernement semble préférer le décourager. Mesdames les ministres, pourquoi avoir choisi de tripler la TSBA alors que son produit n'est pas fléché vers la décarbonation ? Pourquoi ne pas envisager une réflexion sur le coût des derniers kilomètres de livraison ou sur le secteur numérique, dont l'activité est pourtant plus polluante ?
Vous avez évoqué la nécessité de changer de paradigme en faisant preuve de plus de constance et de cohérence. Quelles sont donc vos intentions pour le secteur aérien ? Comment prétendre défendre l'écologie en étranglant un secteur qui investit massivement dans sa transition ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Monsieur le sénateur Chaize, je tiens à réaffirmer ce que j'ai dit précédemment : le CAS Facé est bien maintenu ; seule la contribution à ce compte est supprimée et remplacée par un système par MWh, assurant ainsi son financement. La Commission européenne ayant confirmé qu'il s'agissait d'une accise, ce que corrobore une récente jurisprudence de la CJUE, cette modification technique vise à nous conformer au droit européen, sans conséquence financière sur le CAS Facé.
Monsieur le sénateur Jadot, votre remarque sur la guerre économique est essentielle. Ceux qui seraient moins enclins à lutter contre le dérèglement climatique doivent comprendre que la Chine mène une véritable guerre économique en la matière. Elle a saisi que cette lutte impliquait la mise en place de nouvelles chaînes de production, selon le principe du premier arrivé, premier servi. Contrairement aux idées reçues, ce pays a une trajectoire rapide de réduction de ses GES et a cinq ans d'avance sur ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables. Il faut faire preuve d'humilité face à ces enjeux de souveraineté, d'indépendance et de pouvoir d'achat, comme face à des épisodes comme celui de Valence. Une étude récente montre d'ailleurs que si nous ne faisions pas face au dérèglement climatique, nous perdrions à terme 30 % de pouvoir d'achat.
Vous avez raison : une trajectoire pluriannuelle avec des signaux clairs serait idéale, comme nous avons tenté de le faire concernant le malus automobile. La stabilité est cruciale, notamment en matière de financement. Ma collègue Valérie Létard m'a ainsi demandé de stabiliser MaPrimeRénov' pendant dix-huit mois pour permettre aux particuliers et aux entreprises de s'adapter et de proposer des offres combinant isolation et changement de mode de chauffage, plutôt que de prendre des mesures immédiates pour pousser à la rénovation globale. Le mieux est parfois l'ennemi du bien dans ce domaine.
Concernant le financement du fonds Barnier par la surprime CatNat, le lien entre ces dispositifs a été desserré depuis 2021. Contrairement aux années précédentes, toutefois, nous faisons un effort en augmentant la part du fonds Barnier. Pour autant, ce sujet semble susciter des interrogations de manière transpartisane, j'y réfléchirai donc.
S'agissant du nucléaire et des énergies renouvelables, avec les SMR à l'horizon 2040, nous travaillons sur les deux fronts, ainsi que sur la consommation, dès maintenant. Les exportations d'électricité nucléaire ont atteint un record absolu cette année, grâce aux efforts industriels menés ces trois dernières années. EDF a tenu la trajectoire d'augmentation du nucléaire, avec une hausse de 30 % de notre production. Notre production d'énergies renouvelables a aussi progressé de 30 % fin 2023. Parallèlement, notre consommation électrique a baissé : elle est revenue au niveau de 2005, ce qui témoigne d'ailleurs d'une électrification encore trop lente.
S'agissant du secteur numérique, il est l'un des plus aptes à effacer sa consommation et constitue un relais important pour la flexibilité, grâce à sa capacité à déconnecter et à reconnecter rapidement. L'intelligence artificielle, et le numérique en général, sont des facteurs déterminants de compétitivité, il faut faire de ces gros consommateurs des acteurs de l'équilibre entre consommation et production, à l'instar de ce que nous faisons avec les véhicules électriques. Celles-ci, grâce au travail effectué avec les Allemands sur le vehicle-to-grid (V2G), peuvent être envisagées comme des batteries sur roues capables de participer à l'effacement des émissions et à la flexibilité qui sont nécessaires. Cela profite aux consommateurs en leur permettant de recharger aux tarifs les plus bas. Ainsi, le système électrique devient de plus en plus décentralisé, avec des acteurs à la fois consommateurs, producteurs et effaceurs. Notre objectif est d'aligner au mieux consommation et production de manière à lisser l'effort, à obtenir les prix les plus faibles et à garantir la sécurité d'approvisionnement.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - La programmation sur les dix prochaines années est indispensable, notamment pour le biogaz et l'éolien en mer, afin de donner une visibilité à la filière et de lancer le prochain appel à projets. La PPE nous permettra d'atteindre 18 GW d'éolien en mer d'ici 2035 et de multiplier par cinq le photovoltaïque.
Concernant GE, lorsque nous annonçons cette programmation sur l'éolien en mer, nous devons nous assurer que les acteurs de la filière soient en mesure de répondre à nos appels d'offres. J'interrogerai donc cette entreprise dans les prochaines semaines sur ses prévisions, alors que nous signalons nous-mêmes à ces filières que nous aurons besoin qu'elles soient au rendez-vous.
S'agissant du secteur aérien, la taxe sur les billets d'avion triple, certes, mais les niveaux applicables aujourd'hui sont plutôt modiques. Il faut également prendre en compte le fait que le kérosène utilisé par les aéronefs n'est soumis à aucune accise, contrairement à toutes les autres énergies.
M. Daniel Fargeot. - Il faut surtout développer des filières de carburants d'aviation durables (SAF pour Sustainable Aviation Fuels) !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Nous devons envoyer les bons signaux et lutter contre les niches brunes, en identifiant le besoin de transition. Je suis issue du secteur aéronautique, lequel a encore beaucoup à faire en matière de transition. Des solutions existent et nous croyons fermement à la décarbonation : nous souhaitons faire émerger sur le sol national une filière de production de carburants d'aviation durables, nous avons d'ailleurs lancé un appel à projets à cette fin : Carb Aéro. L'émergence d'une telle filière nous permettra de gagner en souveraineté énergétique et de réduire massivement les émissions de GES du transport aérien.
Vous connaissez les travaux menés pour réduire le nombre de vols de très courte distance, garder des créneaux pour les vols long-courriers et émettre un signal-prix sur ces énergies carbonées. Je crois en la capacité du secteur à opérer sa transition, mais il est nécessaire qu'il le fasse. Nous avons besoin d'off-takers pour notre énergie décarbonée, et nous comptons également sur l'aviation pour cela.
M. Daniel Fargeot. - Alors il ne faut pas la pénaliser !
Mme Annick Jacquemet. - Je souhaite aborder la biodiversité et vous interroger sur l'évolution des critères d'attribution de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales, qui exclut désormais certaines communes urbaines de moins de 10 000 habitants classées de 1 à 4 sur la grille communale de l'Institut national de la statistique et études économiques (Insee), depuis la loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. Cette exclusion semble injuste aux yeux de nombreux maires qui m'ont fait part de leur inquiétude, car beaucoup des collectivités pénalisées possèdent un important patrimoine naturel et oeuvrent pour protéger la biodiversité. Dans mon département, le Doubs, la commune de Montfaucon, qui compte un peu plus de 1 600 habitants et dont 75 % du territoire se trouve en zone Natura 2000, s'est vu retirer en 2023 le bénéfice de cette dotation, qui s'élevait à 13 667 euros. Une réforme du dispositif est-elle envisageable pour mettre fin à ces conséquences ressenties comme injustes ?
Mme Anne-Catherine Loisier. - En complément de mes collègues, je souhaite revenir sur les choix d'évolution de la fiscalité sur l'électricité et le gaz. Pourriez-vous nous en dire davantage ? Il n'est pas évident d'accepter que l'électricité soit finalement plus taxée que le gaz, compte tenu notamment du bilan carbone de ce dernier et du fait qu'un certain nombre de nos concitoyens n'y ont pas accès.
Cela me permet de rebondir sur la révision du barème MaPrimeRénov' concernant la diminution des aides aux appareils de chauffage pour les particuliers. Une bonne partie de nos concitoyens vivant en territoire rural sont dépendants du chauffage au bois et ne disposent pas de gaz. Il est surprenant que le motif évoqué par votre collègue ministre délégué chargé de l'industrie soit de réorienter les dispositifs en faveur des industriels : les granulés de bois qui alimentent les foyers des particuliers sont issus de la sciure des scieries, tandis que les industriels utilisent principalement de la plaquette forestière. Il ne s'agit pas de la même ressource, il est donc étonnant de tenir ce discours. Nous pouvons faire les deux sans pénaliser les nombreux foyers souvent modestes qui utilisent aujourd'hui le chauffage au bois et ont besoin d'équipements modernes moins émetteurs de particules.
Enfin, concernant les C2E, il semble que certains des seuils aient été contournés par les fournisseurs d'énergie qui ont créé de nombreuses entreprises agréées pour en jouer. Avez-vous travaillé sur cette question pour supprimer ces seuils, ce qui pourrait rapporter plusieurs dizaines de millions d'euros de recettes complémentaires à l'État ?
Mme Martine Berthet. - Avant de poser mes questions, permettez-moi de rebondir sur le sujet précédemment évoqué concernant la Chine et la guerre économique. La Chine propose à ses industriels des prix très bas pour l'énergie, en particulier pour l'électricité, ce qui pénalise considérablement nos industriels sur le marché international. C'est un sujet à part entière, que vous pourriez aborder.
Mes questions portent tout d'abord sur les conventions signées concernant le transfert des digues de l'État vers les collectivités territoriales au 31 janvier 2024. Dans mon département, quatre-vingts kilomètres de digues seront transférés, avec 110 millions d'euros hors taxes de travaux à réaliser. La taxe Gemapi, même à son maximum, ne permet de récolter que 14 millions d'euros pour entreprendre ces travaux. Des engagements de l'État ont été pris dans le cadre d'une convention en deux parties, avec 80 % de fonds Barnier, puis 40 %, mais une soulte devait être versée, provenant notamment du fonds vert. Ces engagements seront-ils tenus malgré le budget proposé ? Les collectivités locales ne peuvent en effet absolument pas prendre en charge ces travaux, lesquels auraient dû être réalisés auparavant par l'État.
Ma seconde question concerne le malus automobile, en particulier pour les pick-ups 4x4 à deux portes, deux places et deux strapontins utilisés par les entreprises du BTP et de la montagne. Des exonérations leur ont été accordées jusqu'à présent et je souhaite vivement qu'elles soient reconduites. Le sujet est très technique, mais d'une grande importance, car il est très pénalisant et concerne de grosses sommes pour ces entreprises dont les marges sont déjà très faibles.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - La réforme de l'année dernière concernant les aménités rurales visait à renforcer la capacité à financer les communes rurales qui rendent des services à la population, avec une augmentation de la dotation portée à 100 millions d'euros et une hausse du nombre de collectivités locales concernées, passant de 6 388 communes en 2023 à 8 921 en 2024, soit plus d'un tiers. Cependant, certaines communes ont été exclues du dispositif en raison d'un critère de densité ne correspondant pas à la définition de la ruralité. Le problème des seuils est que ceux qui sont juste au-dessus s'en félicitent et ceux qui sont juste en dessous sont marris. Cette réflexion avait toutefois été largement soutenue par la représentation nationale.
Concernant la fiscalité sur l'électricité et le gaz, vous abordez le sujet par le point de vue du consommateur final, rappelant que le gaz est surtout présent dans les grandes villes et beaucoup moins en ruralité, où l'on a le choix entre l'électricité et, éventuellement, le bois ou un complément bois. Dans le Grand Est ou en montagne, ces modes de chauffage sont très répandus. L'objectif principal était l'efficacité : un foyer ouvert a un coefficient d'efficacité de 15 à 20 %, contre 85 % pour un foyer fermé avec un chauffage à pellets de dernière génération, ce qui impacte la facture et les émissions de particules fines, importantes pour la qualité de l'air dans les vallées. La question de la trajectoire sur le chauffage à biomasse, en tension dans les années à venir, a été discutée lors du budget précédent. Cet argument a peut-être été employé de manière un peu rapide pour réduire certains soutiens financiers. Nous devons réaliser un travail de merit order, déjà présent dans la PPE, et réfléchir à ces soutiens. À ce stade, aucune décision n'est prise, mais vous n'êtes pas les premiers à nous en parler.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Il y a urgence : cette mesure s'appliquerait dans un mois.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Sur la question de la biomasse, nous avons effectivement un problème de priorisation en fonction de la ressource. Pour ma part, j'ai souhaité que, au sein de mon cabinet, nous accordions une attention particulière à la durabilité de nos carburants, de nos combustibles, de nos matériaux et de nos métaux.
La lutte contre la fraude aux C2E est notre priorité : nous avons baissé les seuils d'obligation pour limiter les risques de fraude. Le sujet pourrait toutefois être intégré dans la sixième période des C2E, il conduira également à faire passer des obligations auprès des entreprises.
L'objectif est bien évidemment de répondre aux enjeux de sobriété. Nous voulons continuer à accompagner toute personne désireuse de faire évoluer son logement dans la rénovation énergétique, mais nous restons attentifs à la manière dont l'argent peut être dépensé.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Sur la question des prix de l'énergie, je rappelle que le tarif à destination des électro-intensifs en France est aujourd'hui l'un des plus compétitifs en Europe. Après, chacun fait ses choix en matière de fiscalité.
Les tarifs du gaz ne sont pas compétitifs en Europe et la chimie est en train d'en mourir. Pour autant, attention à ne pas nous tromper de combat : si nous avons la capacité de rendre l'électricité plus compétitive, nous ne sommes pas producteurs de gaz ; nous n'avons pas de réserves. Nos amis américains et d'autres arrivent à en sortir à des coûts qui défient toute concurrence. C'est une réalité. Aujourd'hui, le gaz est taxé à 18 euros du MWh, contre 22 euros du MWh pour l'électricité. Le texte permet une taxation complémentaire de 5 à 25 euros.
Concernant le transfert des digues, il n'y a pas d'enveloppe fléchée dans le fonds vert, mais un effort important de diminution de l'enveloppe de 60 %. Le fonds vert a probablement vocation à se recentrer sur certains sujets, suivant les recommandations de la Cour des comptes. Pour autant, il va falloir faire des choix. J'ai mentionné ceux sur lesquels je suis positionnée : les friches, la rénovation thermique des bâtiments publics et l'adaptation au changement climatique. La question des digues pourrait éventuellement y être intégrée, mais je ne peux pas vous garantir un fléchage et une enveloppe dans ce fonds vert. Nous travaillons sur ce dossier avec ma collègue Catherine Vautrin, qui connaît bien le sujet en tant qu'ancienne maire et présidente d'agglomération.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Je souhaite apporter quelques précisions sur les nouveaux barèmes qui seront appliqués en 2025. Le malus automobile ne concernerait que 6 % des véhicules ; ce sont évidemment ceux qui sont achetés par les ménages les plus aisés. Et il n'y a pas de volonté de changer les exonérations qui sont prises en compte à ce jour concernant les pick-ups.
Mme Marie-Lise Housseau. - Ma première question concerne le dispositif de majoration de la taxe générale sur les activités polluantes, la surtaxe TGAP. Il est tout de même étrange que l'atteinte, voire le dépassement, par certaines collectivités des objectifs de réduction de l'enfouissement se traduisent par l'application d'une majoration des tarifs visant pourtant à sanctionner le fait de ne pas les atteindre. Serait-il possible de ne pas pénaliser les acteurs ayant réalisé des investissements en conformité avec la loi et les objectifs fixés ? Cette fraction de TGAP pourrait-elle être affectée à une politique de prévention ?
Ma deuxième question concerne le cahier des charges de la filière emballages. Beaucoup de collectivités en demandent la suspension. A priori, les éco-organismes n'ont pas fait la démonstration de leur efficacité : ils pâtissent de conflits d'intérêts et d'une certaine opacité dans leur fonctionnement. Toutes ces collectivités demandent une révision complète du cahier des charges, qui emporte tout de même des conséquences financières importantes. Envisagez-vous d'améliorer la filière et son fonctionnement ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Cette question relève du champ de compétences de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, ma chère collègue.
M. Philippe Grosvalet. - Comment vous dire calmement, mesdames les ministres, la colère qui nous anime ? Les sujets dont nous parlons sont des sujets de très long terme. Vous n'êtes évidemment pas seules responsables. Cette transition énergétique que nous appelons tous de nos voeux est certes le fruit d'orientations nationales fortes, mais elle ne peut pas se faire sans nos territoires, représentés par le monde industriel et par les élus locaux. Or, comment expliquer que, sur un territoire résolument engagé dans la transition énergétique, puisqu'il abrite le premier parc éolien offshore de France et le premier démonstrateur éolien offshore flottant, on nous annonce, outre l'abandon du projet Ecocombust, la fermeture du campus énergétique par Engie, le dépôt de bilan du dernier fabricant français de panneaux solaires, Systovi, et le lancement d'un plan de sauvegarde pour l'emploi chez GE, impliquant la suppression de 360 emplois de cadres ?
Vous avez donc annoncé la fermeture définitive de la centrale de Cordemais, alors qu'un magnifique projet avait été élaboré par les salariés, soutenu par l'ensemble des élus du territoire. En outre, Saunier Duval vient d'annoncer la suppression de 225 emplois. Et je ne reviens pas sur l'annonce par l'État de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes.
Dans ces conditions, comment voulez-vous que je me rende vendredi, à l'invitation du représentant de l'État, à un comité de pilotage sur la situation du site de Cordemais, alors que, lors du dernier en date, on nous avait annoncé le calendrier de réalisation du projet qui vient d'être abandonné ? Un permis de construire avait même été déposé par le maire ! Comment voulez-vous que nous ayons confiance dans la parole de l'État ?
Nos chantiers navals construisent des sous-stations pour l'éolien, dont la valeur est considérable. Chaque machine représente un chiffre d'affaires de 1 milliard d'euros.
Je reviens sur le cas de GE. Vous avez parlé, à juste titre, de guerre économique. Les États-Unis ont imposé à Alstom une amende record de 772 millions de dollars. Puis GE a racheté ce groupe, pour le liquider. C'est une guerre ouverte ! Les armes que vous utilisez pour y faire face ne devraient pas servir à nous tirer une balle dans le pied, comme vous venez de le faire avec le projet Ecocombust.
Mesdames les ministres, je vous le demande : pouvons-nous faire confiance à la stratégie que vous nous décrivez ? Quelle stratégie industrielle prévoyez-vous ? Nos industriels ont besoin de se projeter dans le temps long pour engager des recherches et développer des outils. Nous sommes tournés vers l'avenir et attendons des solutions. Remplacer une centrale énergétique par une usine de tuyaux ne suffira pas, fût-elle de haute qualité.
Venez dans notre territoire, madame la ministre !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - J'y suis déjà venue de nombreuses fois !
M. Philippe Grosvalet. - La Loire-Atlantique importe 30 % de main-d'oeuvre dans la métallurgie ! Or vous nous proposez de fermer une production d'énergie pour la transformer en industrie métallurgique ! Ce projet est la risée de tout le département.
M. Rémi Cardon. - Vous avez annoncé le 20 septembre dernier qu'en l'absence d'un budget ambitieux, vous démissionneriez. Or le budget de votre ministère passe de 25 à 20 milliards d'euros, et je serai étonné qu'il ressorte de son examen au Sénat avec davantage de crédits, la droite sénatoriale étant obnubilée par la baisse des dépenses... Cela vous semble-t-il ambitieux ? Dans le cas contraire, l'hypothèse de votre démission reviendra-t-elle ? La gauche sénatoriale pourra vous aider à retrouver les 5 milliards d'euros manquants, il suffira d'un avis de sagesse du Gouvernement sur nos amendements.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - La mise en décharge a diminué de 30 % en France ces dix dernières années, soit un gain considérable. Notre politique en matière de déchets fonctionne. L'objectif de la surcote de 5 euros est de déroger à la planification régionale, censée décliner les objectifs de réduction de mise en décharge. J'ai été saisie d'une situation particulière sur ce point par le président d'Intercommunalités de France. Nous pourrons travailler sur ce sujet.
Selon les spécialistes de la filière, l'objectif de réduction de 50 % des quantités de déchets admis en installation de stockage pourrait être atteint en 2025. Le recyclage peut devenir rentable, grâce aux efforts réalisés.
Le cahier des charges des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) est en cours de réexamen, à l'aune du modèle belge notamment. Certaines complexités méritent en effet d'être revues, et plusieurs rapports d'évaluation témoignent de l'existence de marges de progrès. Ces mécanismes génèrent du financement et vont dans le bon sens, mais il faut qu'ils soient bien ciblés, sans créer de rente pour aucun acteur.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Dès mon entrée en fonctions, l'un de mes premiers rendez-vous a concerné le site de la centrale électrique Cordemais, dont l'annonce de la fermeture est intervenue avant la nomination du nouveau Gouvernement. Le projet Ecocombust 1 ne permettait apparemment pas de donner suffisamment de visibilité aux salariés du site. Un nouvel appel à manifestation d'intérêt a été lancé sur le projet Ecocombust 2, que portaient EDF, l'entreprise Paprec et l'État. Lui-même a été abandonné, avec une annonce en ce sens le 24 septembre dernier, la capacité de production identifiée était trop faible pour être compétitive et rentable. L'objectif consiste bien à donner de la visibilité aux salariés et des possibilités de reconversion existent, du moins je l'espère. Je vous invite vivement à participer au comité de suivi, où s'organisent les discussions sur l'avenir à donner aux salariés du site.
M. Philippe Grosvalet. - Certainement pas !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée. - Il importe de continuer à accompagner l'ensemble des parties prenantes du secteur et du territoire. Je sais que les décisions sont parfois difficiles, mais nous devons démontrer la compétitivité de nos installations et nous appuyer sur un territoire dynamique du point de vue de l'économie et de l'emploi pour ouvrir des perspectives nouvelles aux employés.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Sur le budget, j'ai l'impression que nous ne disposons pas des mêmes chiffres. Je reviens donc sur ceux que j'ai avancés en introduction de nos échanges. En hausse de 2 milliards d'euros, le budget de mon ministère s'établit à 16,8 milliards d'euros. Il n'a jamais atteint le niveau de 25 milliards d'euros. Les chiffres que vous avez communiqués sur les réseaux sociaux sont totalement erronés.
J'ai été très claire en disant que j'en tirerais les conséquences - je n'ai pas prononcé le mot de « démission ». Vous me voyez plutôt combative et je relève des évolutions de même que des discussions intéressantes sur le PLF. Je note l'annonce, sous la forme d'amendements gouvernementaux, d'une augmentation de 75 millions d'euros du fonds Barnier et de 1,6 milliard d'euros sur la décarbonation de l'industrie. Des discussions sont en cours sur d'autres sujets. Je me tiens à votre disposition pour faire en sorte que le budget de 2025 permette de maintenir et de faire avancer les dispositifs qui fonctionnent, sur lesquels les collectivités locales sont engagées et qui conjuguent efficacité écologique, efficacité pour le pouvoir d'achat des Français et efficacité industrielle. Je crois que vous avez des propositions à nous soumettre et, pour notre part, nous travaillons en ce sens avec le rapporteur général Jean-François Husson et la rapporteure spéciale Christine Lavarde.
Nous devons également considérer les dispositifs extrabudgétaires, qui s'avèrent importants dans le domaine de l'écologie. Les C2E représentent 6 milliards d'euros, la REP plusieurs centaines de millions d'euros. Nous avons fait aboutir les certificats de production de biogaz, nous sommes sur le point de faire aboutir des crédits biodiversité, nous refondons le label bas-carbone : dans tous les cas, il s'agit d'éléments financiers de projets de transition écologique.
Par ailleurs, au moment où il nous incombe effectivement de rechercher des moyens, il nous faut être beaucoup plus offensifs sur la partie européenne. Je pense aux crédits du programme Horizon Europe ainsi qu'à ceux du programme Life, que nous pouvons solliciter davantage que nous ne le faisons actuellement.
Enfin, un point sur lequel je reste particulièrement vigilante est celui des signaux-prix que nous envoyons. Il est important que nous nous posions la question de la cohérence de notre système de signaux-prix et de fiscalité. À cet égard, je constate que la discussion se poursuit de manière construite. C'est à la fin de la foire que l'on compte les bouses et nous verrons ce que sera la copie finale du budget de 2025 !
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Un grand merci, mesdames les ministres. Vous avez eu réponse à presque toutes les questions, qui étaient nombreuses et diversifiées. Vos réponses portent la marque de votre connaissance des dossiers et, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, de l'engagement et de la détermination qui sont les vôtres.
Les débats seront encore nourris dans l'hémicycle, je n'en doute pas. Nous espérons que, avec le concours d'une grande partie des sénateurs, nous pourrons vous accompagner dans votre volonté de porter une véritable vision et une trajectoire, en faisant en sorte que le PLF pour 2025 réponde effectivement aux besoins, aux attentes et aux priorités que l'une et l'autre avez ciblées.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Examen en commission
(Mercredi 4 décembre 2024)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui notre réunion de commission avec la présentation, par notre collègue rapporteur Daniel Gremillet, de son avis sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Nous examinerons ensuite deux propositions de loi importantes : la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, déposée par nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville notamment ; et la proposition en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, de notre collègue Daniel Salmon.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Madame la présidente, mes chers collègues, le projet de loi de finances initiale (PLF) pour 2025 intervient dans un contexte d'accalmie des prix des énergies. Ces prix s'élèvent ainsi entre 60 et 70 euros par mégawattheure (MWh) pour l'électricité et entre 25 et 40 euros par MWh pour le gaz ; ces prix, toujours élevés, sont très loin des niveaux atteints lors de la crise énergétique.
Les crédits « Énergie » de la mission « Écologie » s'établissent à 9,6 milliards d'euros pour 2025. Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » est en baisse de 60 %, en raison d'un effet périmètre. Le programme 345 « Service public de l'énergie » est en hausse de 30 %, compte tenu d'un effet prix. Enfin, le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (CAS Facé) est stable, avec 360 millions d'euros.
Ces crédits sont complétés par le plan « France 2030 » depuis 2022, rattaché à la mission « Investissements d'avenir », dont les crédits liés à la transition énergétique sont exécutés à plus de 60 %.
Je l'ai dit, nous assistons à une accalmie, certes relative mais toujours appréciable, des prix des énergies. Cette accalmie a été permise, d'abord et avant tout, par le rétablissement de notre production nucléaire, le pays étant redevenu exportateur net.
Cette accalmie autorise une sortie des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs. Le Médiateur national de l'énergie (MNE) a ainsi indiqué qu'« il partage la nécessité de sortir du bouclier tarifaire pour revenir aux niveaux connus avant la crise, après les efforts très importants consentis par l'État pour protéger les Français ». Contrairement aux années passées, le volet fiscal du PLF pour 2025 ne comporte donc aucune de ces mesures. Je rappelle que, sur la période 2021 à 2024, le précédent gouvernement avait mobilisé 29,2 milliards d'euros. C'était une dépense justifiée mais qui n'est, en ce moment, ni de l'ordre du nécessaire, ni de l'ordre du possible.
Le volet fiscal du PLF pour 2025 propose plusieurs ajustements de la fiscalité énergétique, dont une réforme du marché de l'électricité. Je le dis tout net : je ne suis pas favorable à ce que soient présentées en loi de finances des dispositions ne relevant pas de son champ obligatoire. Cela noie les sujets de droit commun dans le débat budgétaire. Et cela prive notre commission de débats qui relèveraient de sa compétence. Pour autant, je ne proposerai pas de suppression d'articles car il faut bien avancer sur des réformes très attendues.
Tout d'abord, l'article 4 institue un dispositif de reversement des revenus issus de l'électricité nucléaire historique, en lieu et place de l'actuel accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), qui arrive à échéance en 2025. Ce dispositif constitue la traduction législative de l'accord conclu entre l'État et le groupe EDF, le 14 novembre 2023. Cet accord a deux versants. D'une part, le groupe doit déployer des contrats de long terme pour la fourniture d'électricité. À date, 4 000 contrats et 6 lettres d'intention ont été conclus. D'autre part, le groupe doit être prélevé à hauteur de 50 %, au-dessus de 78 euros par MWh, et à hauteur de 90 %, au-dessus de 110 euros par MWh. Cela doit permettre de garantir un prix de l'électricité autour de 70 euros par MWh. Si je soutiens globalement ce dispositif, je pense que les seuils de taxation devraient relever de la loi, et non d'un arrêté. Ainsi, pour donner davantage de visibilité au groupe EDF comme aux consommateurs, les prix précités devraient être inscrits dans la loi, au moins pour la première année d'existence du dispositif, et l'inflation devrait être prise en compte. De plus, je pense que les gestionnaires de réseaux devraient être mieux intégrés et les consommateurs mieux informés.
L'article 6 institue un dispositif de capacité d'effacements, en lieu et place de l'obligation d'achat existante. Pour mémoire, les effacements de consommation sont des actions ponctuelles de réduction de la consommation d'électricité pour assurer l'équilibre entre l'offre et la demande. C'est un dispositif attendu, de nature à renforcer notre sécurité d'approvisionnement électrique, que j'appuie sans réserve.
L'article 7 modifie l'accise sur l'électricité. Si le tarif pour les professionnels serait maintenu au minimum européen, de 0,5 euros par MWh, celui pour les particuliers serait porté à 25 euros par MWh, avec une modulation entre 5 et 25 euros par MWh prise par arrêté. Si j'approuve globalement ce dispositif, je pense que la modulation réglementaire n'est pas admissible car les tarifs de taxation doivent relever de la loi, et non d'un arrêté, et les taxes sur l'électricité ne sauraient excéder ni leur niveau d'avant-crise, ni celles sur le gaz.
Ce même article 7 réforme aussi le financement des opérations liées à l'électrification rurale - via le CAS Facé - et des opérations liées à la péréquation tarifaire - via les charges de service public de l'énergie (CSPE) allouées aux zones non interconnectées (ZNI) -, qui ne serait plus assuré par le budget général, mais par une fraction de l'accise sur l'électricité. Ces réformes suscitent des inquiétudes parmi les parties prenantes, qui craignent que ces nouveaux financements ne permettent pas la compensation intégrale de ces opérations, qui relèvent pourtant de la solidarité nationale. Il me semble que la première réforme devrait être abandonnée, au moins pour cet exercice budgétaire, tandis que la seconde devrait être encadrée.
Plus encore, l'article 5 modifie plusieurs taxes sur les installations nucléaires de base (INB). D'une part, il rationalise les taxes appliquées aux installations de production et de stockage nucléaires. D'autre part, il proroge la taxe affectée au projet de stockage Cigéo à Bure. Enfin, il tire les conséquences de la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au sein d'une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Il me semble que la fiscalité sur les installations de production devrait être contenue, avec un tarif plus faible, tandis que celle sur le projet Cigéo devrait être consolidée, avec une échéance plus tardive.
Enfin, l'article 10 recalibre le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée aux dispositifs de chauffage. Il est nécessaire à la transposition de la directive sur la performance énergétique des bâtiments de 2024. Pour autant, je suis convaincu que nous pouvons proposer un dispositif plus favorable pour les chaudières hybrides et pour les énergies de récupération, au-delà de celles renouvelables.
Pour remédier à ces réserves, j'ai déposé 15 amendements fiscaux à titre personnel. Six de ces amendements ont été adoptés la semaine passée. J'ai appuyé, en particulier, la proposition du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, d'abandonner la modulation réglementaire de l'accise sur l'électricité. De plus, j'ai consolidé le dispositif de reversement des revenus issus de l'électricité nucléaire historique, en inscrivant son prix dans la loi et en renforçant l'information des consommateurs. Enfin, j'ai obtenu gain de cause sur la compensation intégrale des charges liées aux opérations d'électrification conduites dans nos territoires ruraux et ultramarins. C'est une satisfaction !
Au-delà de la fiscalité énergétique, les crédits « Énergie » de la mission « Écologie » sont mis à contribution, dans l'effort - général et nécessaire - de modération budgétaire.
Premier point : la transition énergétique.
Les CSPE, qui sont au fondement des dispositifs de soutien publics aux énergies renouvelables, évoluent mécaniquement en fonction des prix des énergies. Lorsque ces prix diminuent, ces charges augmentent. Pour 2025, les charges doivent atteindre 4,3 milliards d'euros pour l'électricité renouvelable et 1,7 milliard d'euros pour le biogaz et la cogénération, chacun en hausse de 70 %. Dans le même esprit, l'hydrogène est doté de 692 millions d'euros, en hausse de 2 %, et les effacements de 187 millions d'euros, en hausse de 190 %. Pour autant, l'application du dispositif de soutien à la production d'hydrogène est conditionnée à l'autorisation préalable de la Commission européenne, encore attendue. Je le déplore car ce dispositif a été voté par notre commission, dans la loi « Climat-Résilience » de 2021.
Le dynamisme de ces différents dispositifs de soutien a largement contribué à l'atteinte des objectifs législatifs adoptés par notre commission dans la loi « Énergie-Climat » de 2019. En 2023, les énergies renouvelables ont représenté 22 % de la consommation, 30 % de l'électricité, 30 % de la chaleur, 10 % des carburants et 5,5 % du gaz. C'est un bon début mais 5 à 10 points de moins que les objectifs fixés d'ici 2030. De plus l'attribution des projets d'éolien en mer représente 1,5 gigawatt (GW) en 2023, contre un objectif de 1 GW par an. C'est mieux que prévu ! En revanche, en 2023, l'hydrogène décarboné ne représente que 0,2 % de la consommation, contre un objectif de 20 à 40 % d'ici 2030, et les effacements 4 GW, contre un objectif de 6,5 GW en 2028. Il faut combler ce retard !
Si les projets énergétiques se multiplient, les reconversions territoriales se poursuivent. Les fonds de revitalisation des territoires et d'accompagnement des salariés touchés par les fermetures de centrales - en l'espèce les 4 centrales à charbon et celle nucléaire de Fessenheim - bénéficient enfin de nouveaux crédits, contre aucun en 2023 et en 2024. C'est une bonne nouvelle car ces fonds ont été créés par notre commission, dans la loi « Énergie-Climat » de 2019. Pour aller plus loin encore, je vous propose un amendement budgétaire visant à relever de 30 millions d'euros ce fonds de revitalisation des territoires, afin de revenir au niveau de 40 millions d'euros promis à sa création. Je rappelle que ces centrales ne demandaient pas à être fermées mais que le gouvernement de l'époque avait pris une décision purement politique.
Deuxième point : la rénovation énergétique.
Les crédits alloués à MaPrimeRénov' diminuent de 1 milliard d'euros, compte tenu d'un transfert du programme 174, qui porte sur l'énergie, vers le programme 135, qui concerne le logement. Cette évolution est de nature à renforcer l'efficience de la gestion de ces aides. Cependant, je forme le voeu que les objectifs de décarbonation, propres à la rénovation énergétique, ne soient pas supplantés par les considérations plus générales de la politique du logement. Par ailleurs, il faudra revaloriser ces crédits, lorsque le contexte le permettra.
Pour 2025, l'ensemble des aides à la rénovation, énergétique ou non, représente un montant de 2,3 milliards d'euros. Je rappelle que le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui préexistait à MaPrimeRénov', n'a jamais dépassé les 2 milliards d'euros, au plus fort de son existence...
L'atteinte des objectifs de la prime progresse : en 2023, 600 000 primes ont ainsi été engagées, contre un objectif de 700 000 logements rénovés.
Si la prime monte en puissance, sa massification peut encore progresser. D'une part, seules 20 000 primes ont été versées à des propriétaires-bailleurs et 600 à des copropriétaires, soit 4 et 0,1 % du total. D'autre part, les ménages intermédiaires et supérieurs ne représentent que 31 % et 2 % des bénéficiaires, contre 70 % pour ceux modestes. Autre point, le montant de la prime atteint 3 300 euros, contre un reste à charge de 7 600 euros.
Enfin, ses modalités d'application doivent être consolidées. Par un décret et un arrêté du 21 mars 2024, l'ancien gouvernement est revenu sur le conditionnement de la rénovation par geste à un diagnostic de performance énergétique (DPE). L'actuel Gouvernement ayant annoncé son souhait de ne plus opposer la rénovation par geste à la rénovation globale ou d'ampleur, il faut inscrire ces assouplissements dans la durée : un décret et un arrêté sont en effet nécessaires pour proroger ces assouplissements à compter de 2025. Au-delà, un chantier de simplification de l'articulation entre la prime et les certificats d'économie d'énergie (C2E) doit à mon sens être poursuivi.
Troisième point : la précarité énergétique.
Les crédits alloués au chèque énergie sont reconduits en autorisations d'engagement, avec 900 millions d'euros, mais en baisse de 23 %, s'agissant des crédits de paiement, avec 615 millions d'euros. Ce différentiel s'explique par la réforme des modalités d'attribution du chèque énergie ; selon le projet annuel de performances (PAP), elles pourraient « conduire à une réduction transitoire du nombre de bénéficiaires la première année de mise en oeuvre ». Il est nécessaire de rétablir l'éligibilité automatique au chèque énergie, et de revaloriser ces crédits, lorsque le contexte le permettra.
L'atteinte des objectifs du chèque énergie progresse : en 2023, son taux d'usage s'est établi à 84 %, contre un objectif de 88 %, le nombre de ménages l'ayant utilisé ayant atteint 4,7 millions d'euros, un niveau proche des anciens tarifs sociaux.
Si le chèque énergie monte lui aussi en puissance, sa généralisation doit progresser : en 2023, l'inflation a été prise en compte dans le barème appliqué mais les montants perçus ont été inférieurs de 15 % aux anciens tarifs sociaux.
En outre, le chèque énergie connaît des difficultés d'application. L'article 60 du PLF pour 2025 prévoit que la liste des bénéficiaires ne soit plus établie sur la base de la taxe d'habitation, qui a été supprimée le 1er janvier 2023, mais d'une déclaration préalable sur une plateforme ou par courrier. Le MNE a alerté sur les difficultés posées par un tel système. Je plaide pour abandonner cette réforme ; il ne faudrait pas, pour 2025, ajouter à l'extinction des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs une réforme mal calibrée ou, à tout le moins, mal perçue, du chèque énergie. C'est la raison pour laquelle, je vous propose un amendement budgétaire tendant à conserver l'éligibilité automatique au chèque énergie, selon les préconisations du MNE.
Quatrième point : la mobilité propre.
Les crédits alloués à la mobilité propre représentent 970 millions d'euros, en baisse de 55 %. Il faudra revaloriser ces crédits, lorsque le contexte le permettra. Pour autant, je rappelle que l'action portant sur la mobilité propre ne dépassait pas 800 millions d'euros à sa création en 2020...
Les dispositifs de soutien sont touchés par une instabilité normative. Par deux décrets du 19 septembre 2023 et du 12 février 2024, l'ancien gouvernement a conditionné à un score environnemental le bénéfice de ces dispositifs, suspendu le dispositif de leasing social et resserré les critères et les montants de la prime à la conversion et du bonus automobile. L'actuel gouvernement n'a pas encore précisé la répartition des crédits entre ces différents dispositifs. Or, sans dispositif de soutien lisible et pérenne, les ménages les plus vulnérables, notamment ruraux, seront laissés de côté ; n'aggravons pas la fracture sociale et territoriale de la mobilité.
Cette instabilité normative nuit à l'attractivité de ces dispositifs. D'une part, leur rythme de déploiement est inférieur à la dynamique de marché : en 2023, 298 000 primes à la conversion et 72 000 bonus automobile ont ainsi été attribués, ce qui reste en deçà des 600 000 véhicules électriques en circulation. D'autre part, en moyenne, la prime affiche un montant de 24 000 euros et un reste à charge de 19 000 euros, contre 33 800 et 20 800 euros pour le bonus automobile.
Dernier point : les opérateurs de l'État.
Cette année, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dispose de moyens renforcés, pour poursuivre l'instruction du plan « France 2030 ». De plus, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) bénéficie de moyens reconduits, pour assurer ses missions d'intérêt général, comme l'inventaire des déchets radioactifs et l'assainissement des sites pollués.
En revanche, le MNE, qui résout les litiges entre les fournisseurs et les consommateurs, est confronté à 9 000 litiges annuels, ce qui ne lui permet pas toujours de respecter le délai légal de résolution de 90 jours. Il a besoin de 5 équivalents temps plein travaillés (ETPT) supplémentaires. De son côté, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), l'autorité régulatrice du secteur de l'énergie, doit assurer des missions de surveillance et de contrôle issues de la réforme du marché de l'électricité. Elle a besoin de 12 ETPT supplémentaires. Si l'heure n'est pas à la dépense, il faudra à terme répondre à ces demandes.
Un mot pour finir sur les crédits « Énergie » issus d'autres programmes.
Tout d'abord, le plan « France 2030 » prévoit 14 milliards d'euros pour la transition énergétique, sur un montant de 34 milliards d'euros. Environ 1 milliard d'euros a été consacré à l'énergie nucléaire, 2,9 milliards d'euros aux énergies renouvelables et à l'hydrogène et 4,5 milliards d'euros à la décarbonation de l'industrie.
En matière d'énergie nucléaire, le plan soutient les petits réacteurs modulaires et les réacteurs nucléaires innovants, dont le projet Nuward du groupe EDF, ainsi que la recherche et le développement en direction du stockage et du recyclage des déchets. Le plan promeut aussi, d'une part, les technologies de rupture pour les énergies renouvelables, d'autre part, les briques technologiques, les démonstrateurs industriels et les écosystèmes territoriaux, pour l'hydrogène, et enfin les batteries électriques et les carburants durables, pour les transports.
Pour 2025, 5,8 milliards d'euros de crédits de paiement perdurent. Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) joue un rôle d'exécution de premier plan, s'agissant de l'énergie nucléaire, et l'Ademe, concernant les énergies renouvelables et l'hydrogène. L'exécution des crédits liés à la transition énergétique est réalisée à plus de 60 % ; elle est très avancée pour l'énergie nucléaire (avec 70 %), à mi-parcours pour les énergies renouvelables et l'hydrogène (avec 47 %) et largement en retard pour la décarbonation de l'industrie (avec 31 %).
Je plaide pour ne pas relâcher le soutien en direction de la filière hydrogène. Cette dernière est inquiète, dans la mesure où la nouvelle stratégie nationale n'est pas parue, le nouveau dispositif de soutien à la production d'hydrogène est attendu et l'appel d'offres sur les écosystèmes territoriaux est suspendu. Je plaide aussi pour renforcer le soutien aux petits réacteurs modulaires, puisqu'ils ont été intégrés à la relance du nucléaire par notre commission dans la loi « Nouveau Nucléaire » de 2023. Au-delà, le maintien d'une neutralité technologique dans les soutiens alloués, entre les différentes énergies décarbonées, est de mon point de vue fondamental.
En deuxième lieu, le CAS Facé est stable, avec 360 millions d'euros. Ce compte soutient les opérations des autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), c'est-à-dire des collectivités propriétaires des réseaux d'énergie. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui les réunit, souhaite, d'une part, revenir sur la réforme du financement du CAS Facé que j'ai indiquée, et, d'autre part, revaloriser ce compte, dont le montant est demeuré quasi inchangé depuis sa création. Je partage ce point de vue, d'autant que les AODE ont été dotées de compétences en matière de flexibilité et d'hydrogène par notre commission dans la loi « Aper » de 2023.
En dernier lieu, le fonds chaleur représente 500 millions d'euros, en baisse de 40 %. Mis en place par l'Ademe, ce fonds aide les entreprises et les collectivités dans leurs projets de chaleur renouvelable ou de récupération. Le montant proposé ne permettrait à l'Ademe que de couvrir les projets déjà programmés, c'est-à-dire que l'année 2025 serait une année blanche. Or le coût de gestion du fonds est remarquablement maîtrisé, aux alentours de 4,7 euros par MWh. C'est pourquoi je vous propose un amendement budgétaire prévoyant de rehausser de 20 millions d'euros les crédits de paiement de l'Ademe, ce qui permettrait, selon l'agence, de faire passer la force de frappe de son fonds chaleur de 500 à 820 millions d'euros, soit le niveau de l'an passé.
Au total, l'accalmie des prix me semble autoriser un recalibrage des dépenses. Ce recalibrage permet tout de même de conserver un budget d'une dizaine de milliards d'euros en faveur de la transition énergétique, ce qui est méritoire vu la gravité du contexte budgétaire et financier que nous traversons. Sous réserve de l'adoption des amendements fiscaux et budgétaires que je vous ai présentés, je vous propose un avis favorable sur ce budget ainsi amendé.
M. Yannick Jadot. - Une partie des amendements proposés par notre collègue Daniel Gremillet va incontestablement dans le bon sens. L'argumentaire donné sur le chèque énergie me paraît essentiel, dans un contexte de débat plus général sur le pouvoir d'achat. Créer une machine dont Bercy sait pertinemment qu'elle est incompréhensible, afin de réaliser des économies, par la difficulté même de la procédure administrative, est effrayant !
En revanche, pour nous, la réduction très forte des crédits de l'automobile, avec notamment la modification du signal en direction du bonus écologique, est une mauvaise nouvelle, d'autant que le secteur automobile est en pleine crise. La nouvelle taxation de l'électricité est, de fait, pour l'instant ajournée. S'agissant du soutien à l'électrification du parc automobile, nous n'y trouvons pas notre compte. De la même manière, nous ne trouvons pas non plus notre compte concernant les crédits de la rénovation énergétique des bâtiments.
En raison de ces trop lourdes réductions, nous voterons contre les crédits de la mission mais nous soutiendrons une série d'amendements qui vont dans le bon sens.
M. Patrick Chaize. - Dans la première partie du PLF pour 2025, des amendements ont été votés sur le CAS Facé ; ils ont pour conséquence de revaloriser le montant de ce compte, à hauteur de 46 millions d'euros.
Dans cette seconde partie, serait-il donc possible de relever le montant global du CAS Facé, afin de le mettre en cohérence avec ce qui a été voté en première partie ? Le Gouvernement serait-il favorable à une telle modification ?
M. Franck Montaugé. - De manière générale, ce budget ne prend pas suffisamment en compte l'importance de l'électricité dans la transition énergétique et environnementale à laquelle nous sommes confrontés.
Le budget n'est sans doute pas le cadre approprié pour certaines réformes. Il y a des lois ordinaires qui sont nécessaires à cet égard et notre collègue Daniel Gremillet, dans la lecture de son avis, l'a évoqué. Certains sujets méritent par ailleurs d'être traités par des lois plutôt que par des actes réglementaires. Nous partageons aussi cette position.
Nous connaissons les débats qui ont eu lieu, y compris au sein du Gouvernement, sur la politique à mener sur l'accise sur l'électricité. Les orientations ne sont pas claires sur ce point, qui touche pourtant au pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Dans ce contexte mouvant, nous nous abstiendrons à ce stade sur les crédits de la mission, tout en reconnaissant le bien-fondé de la plupart des amendements proposés par notre collègue Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie ». - Je suis effectivement très inquiet au sujet du chèque énergie, ce qui explique ma proposition. Je sais qu'elle interroge l'administration fiscale mais on ne peut pas se satisfaire d'une situation où tant de ménages ont besoin du chèque énergie et ne l'obtiennent pas. J'avais déjà relevé des fragilités l'an passé, s'agissant du PLF pour 2024. Aujourd'hui, les inquiétudes que j'avais fait remonter se sont hélas réalisées. Bercy n'est sans doute pas très favorable à ma proposition, mais nous avons aujourd'hui la capacité d'identifier - sans aucune difficulté - ceux qui peuvent en être bénéficiaires, puisque la taxe d'habitation ne peut plus être utilisée comme point de référence. Il faut donc trouver un moyen pour que ces ménages ne soient pas abandonnés.
Je ne vous cache pas que ce sujet me tient beaucoup à coeur et je sais que mon point de vue est très largement partagé au sein de notre commission. Il est important de dire que nous sommes aux côtés des familles ; nous ne pouvons pas nous satisfaire que, tous les ans, il y ait une dégradation du nombre des bénéficiaires en raison d'impossibilités techniques. Nous qui sommes dans la vraie vie, dans nos territoires, savons très bien que la plupart des bénéficiaires ne sont pas en capacité de procéder à une déclaration préalable.
Je vous remercie de votre soutien sur la question du CAS Facé. Je partage les propos de notre collègue Patrick Chaize. Toutefois, en tant que rapporteur et parlementaire, je ne peux pas proposer d'amendement visant à relever le montant global du compte en deuxième partie, en raison de l'application de l'article 40 de la Constitution. J'attends donc avec impatience le positionnement du Gouvernement. Ceux qui ont assisté en séance publique au débat de première partie sur ce compte ont pu constater que le sujet n'est pas simple et qu'il suscite une grande diversité d'interventions.
Enfin, je partage le propos de notre collègue Franck Montaugé. On ne peut pas se satisfaire, sur certains points aussi importants, que les règles applicables soient prévues par arrêté ou décret.
J'en viens à la présentation de mes trois amendements budgétaires.
Le premier amendement a pour objet de porter à 40 millions d'euros le fonds de revitalisation des territoires, destiné à accompagner les fermetures de centrales notamment à charbon. C'est le niveau d'engagement qui avait été promis à la création du fonds en 2020. La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) a reconnu, lors de son audition, que l'ensemble des besoins demandés n'étaient pas couverts par les crédits initialement proposés.
L'amendement n° II-1827 est adopté à l'unanimité.
Le deuxième amendement a pour objet de rehausser de 20 millions d'euros les crédits de paiement de l'Ademe. Cela doit permettre à cette agence de relever, par arbitrages internes, la force de frappe du fond chaleur de 500 à 820 M€, soit le niveau de l'an passé. Cette somme est nécessaire pour permettre le développement de nouveaux projets en 2025, ainsi que pour maintenir la capacité de soutien aux collectivités territoriales. Lors de son audition, l'Ademe a indiqué que le montant supplémentaire nécessaire était bien de 20 millions d'euros, et non de 10 millions d'euros, comme peuvent le proposer d'autres amendements.
L'amendement n° II-1828 est adopté à l'unanimité.
Le dernier amendement a pour objet de maintenir l'automaticité dans l'attribution du chèque énergie pour 2025, alors que l'article 60 du PLF pour 2025 prévoit que la liste des bénéficiaires ne soit plus établie sur la base de la taxe d'habitation, qui a été supprimée le 1er janvier 2023, mais d'une déclaration préalable des bénéficiaires sur une plateforme ou par courrier.
L'amendement n° II-1829 est adopté à l'unanimité.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».