TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de Mme Annie Genevard, ministre de
l'agriculture,
de la souveraineté alimentaire et de la
forêt
(Mercredi 6 novembre 2024)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Madame la ministre, c'est un plaisir de vous accueillir pour vous entendre sur le traitement réservé à l'agriculture et à la forêt dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 et, au-delà, sur la vision de l'agriculture que vous entendez défendre rue de Varenne.
Nous savons à quel point vous êtes sensible, de longue date, aux questions agricoles, du fait de votre ancrage dans un territoire connu pour produire du comté appellation d'origine protégée (AOP) et de la saucisse de Morteau indication géographique protégée (IGP).
Vous vous êtes tout de suite attelée à la tâche et vous avez adressé aux parlementaires un courrier récapitulant l'ensemble des mesures que vous avez prises en un mois et demi - elles sont nombreuses !
C'est d'autant plus à souligner que vous prenez vos fonctions dans un contexte qui n'est pas des plus aisés. L'année agricole a été catastrophique, si l'on en juge par les mauvaises récoltes dans les grandes cultures, la poursuite de la déconsommation en viticulture, les rétorsions chinoises sur les spiritueux et les crises sanitaires, qui ont été l'objet de votre premier déplacement, au Sommet de l'élevage, à Cournon-d'Auvergne. La fièvre catarrhale ovine (FCO) et la maladie hémorragique épizootique (MHE) ont en effet pris le relais, après trois années marquées par l'influenza aviaire. Une timide éclaircie apparaît néanmoins pour l'élevage : à la faveur d'un changement de pied de l'Allemagne, les perspectives de déclassement du statut de protection forte du loup semblent plus favorables. Pourrez-vous nous préciser le calendrier d'une telle évolution dans le cadre de la convention de Berne et de la directive Habitats ?
Par ailleurs, vous avez tout de suite été tenue comptable, par des représentants du monde agricole, des engagements pris par le précédent gouvernement, alors que les marges de manoeuvre budgétaires se sont considérablement réduites.
Enfin, nous pouvons le constater dans certains territoires, les braises de la crise agricole de l'hiver dernier ne sont pas encore refroidies. Nous sommes tous désireux d'apporter des solutions à cette crise ouverte il y a un peu moins d'un an.
Plusieurs moments parlementaires s'offriront à nous pour ce faire. Il y aura, en décembre et en janvier prochains, le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA), qui, comme vous l'avez bien dit, « n'est pas la loi du siècle », mais qui comporte « des avancées attendues », notamment par les jeunes agriculteurs. Nous vous remercions d'avoir été constante dans votre souhait de mener à terme l'examen de ce texte, afin de capitaliser sur le travail considérable déjà abattu.
En décembre sera examinée au Sénat la proposition de loi visant à libérer la production agricole des entraves normatives de Laurent Duplomb et Franck Menonville. Nous attendons votre éclairage sur le contrôle administratif unique mis en place la semaine dernière. L'initiative de mes collègues est bien sûr complémentaire du PLOA, car, comme ils le disent bien, il ne suffit pas d'installer des jeunes en tant qu'agriculteurs : encore faut-il qu'ils souhaitent le rester.
Toutefois, le premier temps parlementaire qui s'offre à nous est le budget. C'est l'objet principal de cette audition. Sur ce projet de loi de finances, vous avez tenu les engagements, en matière fiscale et sociale, du précédent gouvernement - cela n'était pas gagné d'avance, compte tenu de la dégradation, entretemps, de nos finances publiques, et c'est tout à votre honneur. Sur le plan budgétaire, nous sommes toujours dans l'attente de la répartition précise des crédits de la planification écologique et du détail des mesures supplémentaires d'économies que le Gouvernement a annoncé prendre par amendement. J'espère que vous nous apporterez des précisions.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. - Madame la présidente, je vous remercie chaleureusement pour votre propos et l'expression de votre soutien, à un moment où l'agriculture connaît une conjonction de crises absolument inédite : crise sanitaire, crise météorologique, crise de rendement, crise climatique, crise de trésorerie, et, enfin, crise de confiance en l'avenir.
Cette convergence des crises est d'abord douloureuse pour nos agriculteurs, même si quelques filières et territoires sont moins touchés que d'autres, mais elle représente aussi un défi pour les responsables publics. Nous devons apporter des réponses précises, tout en donnant des motifs d'espérer de l'avenir. Sans cela, comment engager dans le métier les jeunes agriculteurs et ceux qui envisagent de le devenir ? Ce moment historique dans l'agriculture française doit nous conduire à adopter un esprit de responsabilité renforcée.
À mon entrée en fonction, il y a désormais près de cinquante jours, j'ai promis aux agriculteurs qu'ils seraient entendus. Depuis, j'ai agi en conséquence. Chaque fois que c'était nécessaire, je les ai reçus dans mon ministère. Dès mon arrivée, j'ai travaillé pour répondre à l'urgence, aux côtés du Premier ministre, avec des mesures concrètes.
Ce travail se poursuit désormais avec vous au travers de l'examen du projet de loi de finances, et c'est une chance. Je sais toute l'attention que vous portez à la ferme France, en tant que représentants de nos territoires et observateurs avisés des défis du monde paysan. Je veux saluer la qualité de vos nombreux travaux en ce sens. Notre récent débat sur la crise agricole l'a illustré.
Vous le savez, ce projet de budget a été préparé dans des conditions particulières, compte tenu de la situation politique, mais surtout de l'état de nos finances publiques. Vous connaissez aussi mon engagement : je ne serai pas de ceux qui fuient leurs responsabilités une fois nommés ministres ! Si le budget du ministère de l'agriculture, comme tous les autres, apporte sa contribution au redressement de nos finances publiques, j'ai obtenu qu'il fasse partie des plus préservés.
Compte tenu des crises et des enjeux auxquels fait face le monde agricole, nous devions, en effet, respecter quatre impératifs.
La première exigence qui a guidé l'écriture du projet de budget a été de tenir la parole de l'État. J'ai un grand attachement pour la parole donnée en politique. C'est pourquoi j'ai accordé une attention particulière à ce que les promesses faites aux agriculteurs en début d'année soient bien tenues et intégrées au projet de loi de finances. C'est pour cela, d'abord, que je voulais que nous renoncions à la réduction prévue de l'avantage fiscal accordé au gazole non routier (GNR). C'est un gage de stabilisation.
En matière de compétitivité, il ne suffit toutefois pas de préserver l'acquis. Nous devons aussi l'améliorer, comme cela avait été promis. C'est chose faite. Ainsi, 50 millions d'euros seront dédiés à l'augmentation, de 20 % à 30 %, du taux de dégrèvement appliqué à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) sur les terres agricoles. Les préfets de région sont chargés de sa mise en oeuvre.
Alléger les charges de façon responsable, c'est également assumer de concentrer nos efforts sur les filières les plus en difficulté par un ciblage accru. C'est pourquoi nous proposons un avantage fiscal et social nouveau de 150 millions d'euros, destiné à la lutte contre la décapitalisation du cheptel bovin français et à son développement.
Pour cette même raison, nous avons inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) la pérennisation du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE). Cet effort de 163 millions d'euros, qui s'ajoute aux allègements généraux, enlève un poids à nos filières les plus intensives en main-d'oeuvre, qui sont aussi celles qui créent le plus d'emplois. Nous avons également travaillé avec les députés pour éviter tout effet de bord lié à la réforme des allègements généraux.
Une fiscalité efficace doit adapter l'ampleur des charges à la conjoncture. L'effort de 14 millions d'euros pour exonérer à hauteur de 30 % la réintégration de la déduction pour épargne de précaution (DEP) en cas de sinistre climatique ou sanitaire va, à cet égard, dans le bon sens. Toutes ces promesses sont donc tenues.
Nous nous étions également engagés à prendre en compte, dans le calcul du montant des retraites agricoles, les vingt-cinq meilleures années. Il était question de faire démarrer ce dispositif au 1er janvier 2028. J'ai obtenu que cette bonne réforme ne se transforme pas en mauvais feuilleton. Aussi, cette réforme des retraites agricoles sera mise en oeuvre à partir du 1er janvier 2026.
Le deuxième impératif pour le PLF était de maintenir une certaine ambition, malgré le nécessaire redressement de nos finances publiques, et que celui-ci ne se traduise pas par un abandon de l'engagement financier de l'État en faveur de l'agriculture. Certes, ce budget est en baisse, par rapport à la loi de finances pour 2024, de 287 millions d'euros en crédits de paiement sur le périmètre du ministère, mais nous ne nous contentons pas d'observer l'évolution d'une année sur l'autre. En effet, par rapport à l'année 2023, le PLF 2025 affiche une hausse significative de 900 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 700 millions d'euros en crédits de paiement.
Ce sont ainsi 6,79 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 6,6 milliards d'euros de crédits de paiement qui seront consacrés à l'agriculture et à l'enseignement agricole en 2025. Une fois intégrés, les financements européens de la politique agricole commune (PAC), pour 9,4 milliards d'euros, l'ensemble des dispositifs sociaux et fiscaux, à hauteur de 9,2 milliards d'euros, et les moyens du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar), le budget consacré au développement de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en 2025 s'élève à 25,6 milliards d'euros.
Cette trajectoire, fortement haussière, est la clé pour tenir les promesses faites et aller plus loin pour préparer la ferme France aux défis de demain. À titre d'exemple, le projet de loi de finances permettra de porter le budget dédié à l'assurance récolte à 600 millions d'euros, conformément à la loi que vous avez votée en 2022 pour améliorer la résilience face au changement climatique de nos exploitations, et de maintenir l'ambition du Gouvernement en matière de planification écologique, avec un budget dédié d'un demi-milliard d'euros.
La répartition qui a été indiquée dans le projet annuel de performance correspond à celle qu'avait proposée mon prédécesseur. Elle a vocation à être affinée. Je vous transmettrai les éléments précis dans les prochains jours. En tout état de cause, il ne faut pas considérer que les lignes qui affichent zéro euro resteront à ce niveau.
Nous voulons également poursuivre le soutien des filières ultramarines, par 206 millions d'euros, et renforcer le dispositif TO-DE, grâce au relèvement du seuil de dégressivité de 1,2 à 1,25 Smic.
La troisième condition pour que l'effort budgétaire soit juste et accepté consiste à conserver des marges de manoeuvre face à des aléas toujours plus nombreux en cours d'année. Depuis mon entrée en fonction, je n'ai pas passé une seule journée sans qu'un nouveau problème surgisse, accompagné d'une demande de soutien, notamment budgétaire. Il nous faut donc garder des marges de manoeuvre ! L'année budgétaire n'est pas encore commencée.
Ainsi, cette année, d'importants moyens ont été déployés pour venir en aide aux filières les plus en difficulté : 80 millions d'euros pour le fonds d'urgence en viticulture, 50 millions d'euros pour le fonds d'urgence MHE, 105 millions d'euros pour l'aide d'urgence pour les agriculteurs en agriculture biologique. Encore très récemment, la crise sanitaire dans l'élevage a mené au déblocage d'un fonds d'urgence de 75 millions d'euros, que j'ai annoncé aux côtés du Premier ministre au Sommet de l'élevage, pour indemniser la surmortalité des animaux liés à l'épidémie de FCO de sérotype 3. J'en fais d'ailleurs l'annonce ici : ce fonds était initialement dédié à répondre à la crise liée à la FCO de sérotype 3, mais la flambée du sérotype 8 nous pousse à en élargir le périmètre. Il est donc primordial de conserver une capacité à adapter notre réponse.
Il en est de même pour la gratuité de la vaccination contre la FCO de sérotype 3, étendue à toute la France. Sans marge de manoeuvre budgétaire, nous aurions laissé les éleveurs sans soutien.
Enfin, et c'est le quatrième impératif, ce budget doit améliorer les perspectives du monde agricole, aujourd'hui comme demain. Pour cela, le projet de loi de finances prépare activement le renouvellement des générations. Pour inciter les nouveaux agriculteurs, il réduit les barrières à l'entrée. L'effort de 20 millions d'euros pour revaloriser trois dispositifs fiscaux favorables à la transmission d'exploitation à un nouvel installé y contribue.
Sur ce sujet aussi, le PLFSS est un complément nécessaire. En effet, l'attractivité des métiers repose aussi sur des choses très concrètes. Nous devons permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur retraite. Renouveler les générations, c'est aussi favoriser l'embauche des jeunes, donc la transmission des compétences. Nous allons dans ce sens en permettant, pour 25 millions d'euros, le cumul de l'exonération de cotisations sociales de jeunes agriculteurs avec les taux réduits de cotisations maladie et famille.
J'aimerais enfin évoquer avec vous plusieurs éléments qui me paraissent essentiels, même s'ils sortent du périmètre strictement budgétaire de l'audition.
D'abord, le Premier ministre m'a donné, ce lundi, son accord pour la mise en place d'un dispositif de soutien bancaire à la trésorerie dans toutes les filières. L'architecture de ce dispositif, qui répond à la demande des professionnels, sera simple. Elle est constituée par deux types de prêts. D'une part, pour répondre à des demandes conjoncturelles, nous créons un prêt à court terme pour lancer la campagne 2025 et limiter les trous de trésorerie - j'ai ainsi obtenu de l'État et des banques qu'ils consentent mutuellement à un effort substantiel pour la bonification du taux. D'autre part, pour répondre à des demandes structurelles, nous avons défini un autre type de prêt, avec une garantie de l'État d'au moins 50 %, ce qui fera mécaniquement aussi diminuer les taux. Il s'agit de répondre à des besoins de restructuration et de consolidation des prêts. Vous le savez, la viticulture a été à 80 % bénéficiaire des prêts garantis par l'État (PGE) octroyés dans le cadre de la crise liée au covid-19. Un deuxième PGE a été lancé en ce sens, mais il ne me semble pas pertinent d'en relancer un troisième. C'est dans cet esprit que nous instaurons ce second type de prêt.
Ensuite, je tenais à vous informer que, au regard de la crise sur les trésoreries, j'ai annoncé, ce lundi, lors de mon déplacement en Occitanie, une enveloppe supplémentaire de 20 millions d'euros pour la prise en charge des cotisations de la Mutualité sociale agricole (MSA), qui s'ajoute aux 30 millions déjà débloqués sur l'année 2024.
J'en viens au calendrier législatif du projet de loi d'orientation agricole. Toutes les mesures budgétaires devront être complétées par d'autres mesures législatives. Je pense tout d'abord aux dispositions du projet de loi d'orientation agricole examinées dans votre chambre prochainement.
Je ne peux laisser dire que le projet de loi d'orientation aurait pu être inscrit avant le mois de janvier, car ce serait mentir aux agriculteurs et manquer de respect au Sénat. Le texte prête évidemment à discussion et fera l'objet d'amendements. Pour que nous ayons un débat serein et de qualité, permettant à chaque amendement d'être discuté, un temps suffisant doit être prévu. L'idée que trois jours auraient suffi est non seulement illusoire, mais elle témoigne surtout d'un manque de respect pour le travail sénatorial d'enrichissement du texte, auquel je suis profondément attachée.
Le Gouvernement a donc choisi d'inscrire ce texte lors du premier créneau disponible au Sénat. Nous proposons d'en débuter l'examen dès le 14 janvier, afin que vous puissiez reprendre vos travaux en commission en décembre.
Je suis bien consciente que ce projet de loi d'orientation ne résoudra pas tout, mais pourquoi faudrait-il faire courir un risque à certains acquis fondamentaux ? Ce qui a fait l'objet d'un consensus doit prospérer, tout en étant enrichi par la chambre haute. J'ai comme vous le sentiment que ce texte a besoin d'être complété sur différents volets, et je salue à cet égard le dépôt de la proposition de loi de MM. Duplomb et Menonville. Le Gouvernement participera à la discussion, sans tabou. Et je suis sûre que les débats seront, comme toujours au Sénat, apaisés et constructifs, afin d'élaborer un texte sécurisé juridiquement, volontariste et capable de dégager une position majoritaire à l'Assemblée nationale - j'y veillerai.
Madame la présidente, vous m'avez interrogée sur la simplification. Depuis mon arrivée au ministère, j'ai consulté les principales formations syndicales et branches professionnelles. La simplification est sans aucune hésitation le sujet qui est revenu le plus fréquemment dans nos échanges. En particulier, j'ai constaté que les agriculteurs vivaient la multiplication des contrôles comme une marque de défiance à l'égard de leur métier.
Aussi, le contrôle administratif unique consistera en un contrôle effectué par un agent physiquement présent dans l'exploitation, au maximum une fois par an dans chaque exploitation. Ce dispositif inclut bien les contrôles administratifs opérés par l'Office français de la biodiversité (OFB). Pour ce faire, chaque préfet de département sera tenu d'organiser une mission interservices pour organiser le plan de contrôle. Sont exclus du contrôle administratif unique les contrôles judiciaires, fiscaux et ceux qui sont relatifs au travail. Cette annonce a reçu un accueil très favorable de la profession, et je veillerai au « service après-vente », si j'ose dire.
Je travaille sur le sujet du loup depuis longtemps. La quasi-totalité des départements de France connaît la prédation lupine. Ce problème ne concerne donc plus uniquement la montagne, le pastoralisme, la filière ovine - les bovins sont aussi concernés - ou le milieu rural, puisque le loup est aux portes de Paris. Pendant des années, j'ai supplié le Gouvernement de prendre position au niveau européen pour réviser le niveau de protection du loup, car il me semble que nous devons également veiller à celle des éleveurs et de leurs bêtes. Nombre de rapports ont été produits par des sénateurs et des députés sur le sujet.
Un événement a toutefois eu lieu ces dernières semaines, et il me semble qu'il ne faut pas en minimiser la portée : les États membres sont parvenus à un accord sur le déclassement du loup, qui deviendrait espèce protégée au lieu de strictement protégée. Cela nous permettra de renégocier la convention de Berne, qui protège strictement le loup, ce qui nécessite une majorité qualifiée, que nous obtiendrons. Lors de sa réunion de décembre, le comité permanent de la convention de Berne devrait ainsi se prononcer en faveur du déclassement du loup.
Vient ensuite la question de sa déclinaison communautaire, la directive « Habitats ». Pour trouver la majorité nécessaire à sa modification, nous allons sans tarder entamer un travail de lobbying auprès du Portugal, de l'Espagne et de l'Irlande qui, pour l'heure, sont hostiles au déclassement du loup.
Nous devrons aussi trouver un accord sur le volume des prélèvements. Une autre difficulté est que le comptage officiel ne correspond pas aux observations de terrain.
Je crois important de rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que le monde agricole ne veut pas l'éradication du loup, pas davantage que le ministère de l'agriculture. Il s'agit simplement d'inverser la charge de la preuve et de penser à nos éleveurs, qui sont profondément attachés à leurs bêtes. Dans mon territoire, les attaques du loup contre les bovins sont d'une cruauté inimaginable. Je m'entretiendrai avec la préfète coordonnatrice très prochainement sur ce sujet. La prédation est un problème croissant. L'OFB m'a signalé, ce matin, que les animaux sont parfois dévorés au point de rendre invisibles les marques de la mâchoire du loup. Cela complique les indemnisations.
Pour conclure, les mesures d'économie supplémentaires auront un impact de 115 millions d'euros sur les crédits du ministère de l'agriculture, répartis entre le programme 149, pour 75 millions, le programme 206, pour 15 millions, le programme 143, pour 15 millions, le programme 142, pour 7 millions et le programme 215, pour 3 millions. J'y reviendrai en détail lors de la discussion budgétaire.
Ce projet de loi de finances est ambitieux. Malgré la période difficile, il poursuit l'effort budgétaire pour les transitions à l'oeuvre. La crise agricole nous impose d'être responsables et de travailler tous ensemble, avec l'intérêt de notre agriculture comme seule boussole.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Madame la ministre, je vous remercie de vos propos et vous félicite pour les travaux que vous avez déjà réalisés ces six dernières semaines. Nous entendons trop souvent qu'il faudrait sans cesse changer de méthode pour améliorer encore notre agriculture : je suis heureux que votre message soit différent.
Je vous remercie de tenir les promesses du Gouvernement par des actes concrets, d'abord au travers du projet de loi de finances.
Je vous remercie d'avoir renoncé à la hausse de la fiscalité sur le GNR.
Je vous remercie de l'augmentation du taux de dégrèvement de 20 % à 30 % sur la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Je vous remercie de l'exonération à hauteur de 30 % de la réintégration de la déduction pour épargne de précaution (DEP) en cas d'aléas sanitaires ou environnementaux. Je proposerai, dans mon rapport, d'étendre ce dispositif aux aléas économiques.
Je vous remercie de l'avantage fiscal et social pour lutter contre la décapitalisation du cheptel bovin, à hauteur de 150 millions d'euros. Il aurait été totalement injuste que les agriculteurs voient augmenter leur capital sans pouvoir le vendre, tout en subissant les conséquences fiscales afférentes.
Je vous remercie de l'entrée en vigueur prochaine de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années dans le calcul du montant des retraites agricoles. Je sais que vous n'êtes pas responsable des difficultés qui demeurent sur ce point. De fait, à partir de 2026, ne pourront être réévaluées sur les vingt-cinq meilleures années que les retraites des agriculteurs ayant eu une carrière complète. Or 90 % des agriculteurs ont plusieurs pensions ; seuls 10 % des agriculteurs seront donc concernés. Mais c'est à la MSA qu'il reviendra de faire en sorte que le délai pour faire appliquer ce dispositif à la totalité des agriculteurs soit le plus court possible.
Je vous remercie du combat que vous avez mené sur le TO-DE. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) souffrait d'un très grand paradoxe. En effet, son article 4 pérennisait le TO-DE grâce au relèvement du seuil de dégressivité de 1,2 à 1,25 Smic, afin de mieux exonérer le travail saisonnier - ce que je réclamais depuis six ans. Or l'article 6, en diminuant les exonérations sur les charges au niveau du SMIC, en annulait tout le bénéfice ! Vous avez fait le travail nécessaire pour gagner vos arbitrages au sein de votre ministère et auprès de Matignon pour éviter ce paradoxe. C'est un signal positif envoyé à la profession agricole.
Je vous remercie de l'exonération concernant les jeunes agriculteurs. Voilà sept ans que je dépose un amendement identique pour permettre le cumul, par les jeunes agriculteurs, de l'exonération partielle qui les concerne spécifiquement, avec l'exonération de cotisations familiales et maladie pour les agriculteurs ayant un revenu inférieur à un certain seuil. Cela corrige une injustice qui avait pour effet que, dans certains groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec), les jeunes agriculteurs pouvaient payer davantage de cotisations à la MSA que leurs associés, pourtant âgés de vingt à trente ans de plus qu'eux.
Nous vous ferons des propositions sur le montant du programme d'accompagnement à l'installation et la transmission en agriculture (AITA), non pas en augmentant vos crédits, mais par la reventilation de crédits non consommés.
Je salue également vos propos sur l'ouverture du fonds d'urgence de 75 millions d'euros à l'indemnisation des agriculteurs touchés par la FCO 8, sans limiter son application aux ovins. Les agriculteurs en seront très satisfaits.
Je vous remercie encore de votre alerte sur la question sanitaire. Je ferai une proposition tendant à l'évolution des organismes chargés de cette question. Nous devons tirer des enseignements de l'épidémie de FCO et réfléchir à une nouvelle stratégie sanitaire, afin que la France, comme elle a su le faire à certaines périodes, se dote d'une vraie politique de protection, de prophylaxie, de surveillance dans le domaine sanitaire avec de véritables vétérinaires ruraux sentinelles, pour garder un maillage sur l'ensemble du territoire en zone rurale : nous n'en comptons plus que 6 500 et nous ne pouvons plus continuer à en perdre davantage.
J'en viens à un sujet sur lequel il n'est, cette fois, pas question de remerciements.
M. Henri Cabanel. - On ne vous reconnaissait plus...
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Lors de votre discours d'investiture, vous avez dit : « Chaque fois que nous surinterprétons une norme européenne, nous nous glorifions d'être plus vertueux que les autres, mais, en réalité, nous nous tirons une balle dans le pied. Nous l'avons vu avec la filière de la betterave sucrière. »
Madame la ministre, la proposition de loi que j'ai écrite avec Franck Menonville répond à cette difficulté, mais aussi à celle de la surtransposition dans le domaine des phytosanitaires, des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), ou encore de l'eau. Nous ne vous demandons pas de faire plus que les autres, mais seulement autant qu'eux. Il ne s'agit pas de « laver plus blanc que blanc » !
Vous avez aussi dit avoir une immense admiration pour la profession d'agriculteur. Ce métier, c'est le mien. La stigmatisation que nous subissons, les entraves, la concurrence déloyale des contraintes de libre-échange - j'espère, à ce titre, que nous refuserons le traité avec le Mercosur - ne sont plus tolérables.
Madame la ministre, inscrivez notre proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale lors de la semaine du Gouvernement du 20 janvier 2025 !
En tant que rapporteur, je souhaite que le projet de loi d'orientation agricole soit un succès - c'est loin de l'être pour l'instant, mais notre travail permettra peut-être de parvenir à un résultat concret répondant aux besoins des agriculteurs. N'oubliez pas que, à partir du 15 novembre, ces derniers s'exprimeront bruyamment dans la rue.
Notre proposition de loi répondra aux attentes des exploitants et contribuera, je l'espère, à calmer leur colère, que ceux-ci résument en une phrase : « on marche sur la tête ».
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Madame la ministre, nous faisons face à un exercice budgétaire peu aisé. Malgré tout, les engagements sont tenus dans ce budget.
Je concentrerai mon propos sur le renouvellement forestier. La forêt fait partie de l'intitulé de votre ministère : c'est un message politique important.
Je me suis attaché à évaluer la politique de renouvellement forestier, unanimement saluée, au cours de nos auditions, par la filière et dans les territoires. Celle-ci a reçu le soutien financier des plans France Relance et France 2030 ; depuis l'an dernier, elle a été budgétisée au sein de la mission agriculture.
Toutefois, la filière est également unanime pour dire qu'il lui manque 20 millions d'euros pour assurer la viabilité à la fois du renouvellement, du soutien à la filière graines et plants, de la montée en charge de la défense de la forêt contre les incendies (DFCI) ou encore de l'adaptation des scieries à de nouvelles essences. Le déficit commercial de la filière s'élève à un montant compris entre 8 et 9 milliards d'euros, soit 10 % du déficit total de notre pays.
Le temps long de la forêt impose de la prévisibilité et de la continuité ; tout doute affaiblit le secteur privé et le maillon de la filière, qui est fragile.
Nous croyons aussi que les effectifs de l'Office national des forêts (ONF) et du Centre national de la propriété forestière (CNPF) gagneraient à être stabilisés. Nos auditions ont montré que l'ONF bénéficiait d'un climat social apaisé. En outre, sa dette s'établit désormais à environ 230 millions d'euros, contre 400 millions d'euros il y a peu.
Seriez-vous prête, en lien bien sûr avec Bercy, à consentir à porter le total des sommes allouées à la forêt à 250 millions d'euros, dont 150 millions d'euros pour le renouvellement forestier ? Il s'agirait d'un investissement rentable !
En contrepartie, nous souhaitons vous présenter quatre pistes pour améliorer l'efficience de la dépense.
Premièrement, nous souhaitons que l'enveloppe de 150 millions d'euros garantisse le financement des forêts privées isolées et des communes forestières, fortement touchées par les scolytes.
Deuxièmement, nous voulons réduire le déséquilibre forêt-gibier, qui a ponctionné le fonds de renouvellement forestier à hauteur de 18 % pour les seules mesures de protection s'agissant des dossiers concernés. Dans mon département, en ajoutant les dégâts de gibier, ce taux s'élève à 50 %. L'argent public devrait être davantage mobilisé dans la reconstitution même de la forêt !
Troisièmement, nous entendons faciliter les dérogations aux arrêtés matériels forestiers de reproduction (MFR) pour permettre un approvisionnement en graines venant d'autres régions, voire d'autres pays européens, afin d'accélérer l'adaptation de la forêt face au changement climatique.
Quatrièmement, nous voulons sécuriser l'exercice des missions des entreprises de travaux forestiers (ETF), notamment par le biais de l'article 13 du projet de loi d'orientation agricole.
Madame la ministre, je salue votre engagement en faveur de ce texte et de la proposition de loi que j'ai rédigée avec Laurent Duplomb.
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Comme mon collègue Laurent Duplomb, je vous remercie : merci de votre présence, madame la ministre.
Franck Menonville, Laurent Duplomb et moi-même essayons de dresser un tableau général de la résilience de la ferme France face aux crises, et un autre, plus spécifique, sur les crises sanitaires.
Un constat implacable se dessine au fil des auditions que nous menons depuis quelque temps : 1 euro investi dans la prévention et dans l'adaptation, c'est jusqu'à 7 euros économisés dans la gestion de crise.
Je ne m'attarderai pas sur la baisse de 64 % en autorisations d'engagement et de 50 % en crédits de paiement des moyens de la planification écologique, car nous ne sommes pas parvenus à un accord avec mes deux corapporteurs sur cette question. Le désengagement a d'ailleurs été souligné par le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, Vincent Trébuchet, qui a dénoncé des coupes budgétaires totalement arbitraires. On nous demande de trouver des économies : les dépenses d'adaptation au changement climatique seraient la mesure la plus intelligente et la plus structurante d'économies à long terme, car ces dépenses entrent dans la catégorie de celles qui rapportent !
Je voudrais toutefois recueillir votre avis sur trois propositions de traduction budgétaire du projet de loi d'orientation agricole. En effet, la résilience des exploitations face aux crises s'envisage dès l'installation.
Premièrement, on ne peut que déplorer la stagnation des crédits de l'AITA à 13 millions d'euros. Comme l'a esquissé Laurent Duplomb, nous voudrions les porter à 20 millions d'euros, éventuellement en récupérant les crédits de l'aide à la relance des exploitations agricoles (Area), dont la sous-consommation chronique finit par nous interroger.
Deuxièmement, nous voudrions traduire « l'aide au passage de relais » dans ce budget. Ce dispositif fait l'objet d'un large consensus, à la fois pour favoriser l'installation et pour donner une porte de sortie à des exploitants agricoles proches de la retraite en proie à des difficultés. Il devrait être introduit de façon programmatique dans le projet de loi d'orientation agricole.
Troisièmement, une ligne de la planification écologique consacrée au diagnostic carbone pourrait utilement être prolongée afin d'assurer le financement de ce que mes deux collègues entendaient renommer « diagnostics de viabilité économique et de viabilité des exploitations ». Cette ligne n'était programmée que pour une durée d'un an, mais elle a rencontré un fort succès, et le principe de la gratuité d'un tel outil, sous ce nom ou sous un autre, nous paraît indispensable.
À titre personnel, je souhaite en outre attirer votre attention sur deux points qui me semblent insuffisamment traités dans ce projet de budget. Le premier est la question des haies : il est prévu un rabotage de 80 millions d'euros du plan dédié. Cette baisse est difficilement acceptable, alors que le programme vient juste de commencer. Madame la ministre, le Gouvernement s'engagera-t-il de nouveau en faveur de ce plan ?
Le second est l'agriculture biologique : la troisième stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fait actuellement l'objet d'une consultation publique. On prévoit un taux de 21 % de grande culture en bio d'ici à 2030, alors même que la tendance est au repli, qui se traduit par des déconversions à hauteur de 10,4 % en 2023. Comment pensez-vous atteindre cet objectif ? Est-il possible d'inverser la tendance ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Monsieur Duplomb, merci pour vos remerciements ; j'y suis sensible.
J'ai bien noté votre proposition d'élargir le soutien aux aléas de nature économique. Au fond, nous y répondons par les deux dispositifs que je viens de décrire.
J'ai auditionné la MSA au sujet de la retraite des agriculteurs. À partir du 1er janvier 2026, les agriculteurs qui ne sont pas polypensionnés toucheront leur retraite, sur la base des vingt-cinq meilleures années - puis les autres, progressivement, d'ici à 2028.
Vous m'avez interrogée sur l'AITA. Hier, j'ai reçu au ministère les Jeunes Agriculteurs. Une mission d'inspection avait été demandée au sujet de l'installation et surtout de la transmission des exploitations. Le système actuel de l'aide aux installations a négligé la question de la transmission, donc la question du cédant. Le rapport, qui a reçu l'assentiment des Jeunes Agriculteurs, conduira sans doute à une modification de dispositifs fiscaux. Des changements prenant mieux en compte la situation du cédant seront dévoilés au cours de l'année 2025. Le cédant joue un rôle tout aussi important que le repreneur lors de l'acquisition d'une exploitation, d'autant que les repreneurs sont de moins en moins souvent issus du cercle familial : il faut donc se tourner vers les « non-issus du monde agricole », les Nima, envers lesquels les cédants ont parfois quelque prévention.
Monsieur Tissot, un amendement portant les crédits de l'AITA à 20 millions d'euros a été adopté par l'Assemblée nationale, conformément à l'engagement pris : nous ne pouvions nous cantonner à 13 millions d'euros.
Le Premier ministre et moi-même avons débloqué un fonds d'urgence de 75 millions d'euros pour tous les ovins et les bovins. Celui-ci s'applique sur les pertes directes, c'est-à-dire sur les mortalités. Le sénateur Duplomb se réjouit de ne pas amputer les crédits du fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) grâce à la création du fonds d'urgence, mais ce n'est pas exactement ainsi qu'il convient de voir les choses. Les évaluations dressées par les professionnels de l'équarrissage montrent que l'enveloppe de 75 millions d'euros du fonds d'urgence est suffisante pour indemniser les pertes directes.
Créé voilà une dizaine d'années, le FMSE vise à répondre aux problèmes créés par les crises sanitaires. Il est abondé à 65 % par l'État et dispose de réserves importantes. Si l'on peut ne pas le solliciter, nous ne le ferons pas, mais c'est tout de même sa vocation première.
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur. - Quel que soit le variant ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Le fonds d'urgence doit être ouvert à la FCO de sérotype 8, car la mortalité est trop importante, tant pour la filière bovine que pour la filière ovine. Le calibrage du fonds permet de répondre aux besoins, aussi bien pour la FCO 3 que la FCO 8.
Je suis d'accord avec le sénateur Duplomb sur la question du maillage vétérinaire : la présence de ces professionnels en tout point du territoire est indispensable.
Je ne peux qu'être d'accord sur la question des transpositions : certaines décisions prises au Parlement, surtout à l'Assemblée nationale, sont irresponsables. Les surtranspositions entraînent des difficultés immenses pour certaines filières. Je pense à la filière noisette, qui ne dispose d'aucun moyen pour traiter sa production, contrairement à d'autres pays européens - cela fend le coeur...
J'ai tenu même ce discours pour la filière de la cerise. Que n'avais-je dit là ? Chaque producteur de cerises que je rencontre m'en parle. Nous avons surtransposé, ou plus exactement antéposé des dispositions prises par l'Union européenne trois ans plus tard, ce qui a fragilisé nos filières.
Il faudra revenir sur les surtranspositions, les produits phytosanitaires ou encore la question de l'eau, mais le combat sera très difficile.
Nous inscrirons le projet de loi d'orientation agricole à l'ordre du jour du Sénat à la mi-janvier. La proposition de loi de MM. Duplomb et Menonville sera examinée dès que possible.
Monsieur Menonville, vous avez salué la politique forestière du Gouvernement ; je vous en remercie. En 2025, les crédits seront maintenus et répartis entre l'amont, l'aval, les graines et plants et la DFCI.
Nous sommes parvenus à récupérer des emplois au profit de l'ONF, qui est en effet entré dans un cercle plus vertueux. Certes, 13 équivalents temps plein (ETP) seront supprimés au CNPF, mais le Centre bénéficiera malgré tout de 8 ETP supplémentaires par rapport à 2023.
Vous espérez 150 millions d'euros pour le renouvellement forestier ; je comprends votre position. Vous souhaitez résoudre le morcellement de la forêt privée, problème endémique dans notre pays. La réduction du déséquilibre forêt-gibier est un enjeu majeur. Je serai également attentive à vos suggestions d'amélioration sur la question de l'approvisionnement en graines.
Je suis très sensible à la question des scieries : il faut protéger notre outil industriel. Je suis également très attentive à la captation de la ressource par la concurrence étrangère. Les marchés sont très concurrentiels et très agressifs.
Monsieur Tissot, j'ai acquis, en quelques semaines, la conviction que notre système sanitaire ne fonctionne plus : nous sommes le nez dans le guidon, raidis dans l'attente de la nouvelle crise. Résultat : nous n'avons pas le temps d'anticiper ni de faire de la prévention. Il faut remettre les choses à plat. Mais cela suppose de convaincre les éleveurs de vacciner - encore faut-il que nous ayons des vaccins : notre pays compte un seul laboratoire, qui est incapable de produire des vaccins contre la FCO 8, car toutes les lignes de production sont mobilisées pour d'autres sérums. Deux laboratoires espagnols produisent également ce vaccin, mais ils privilégient leur marché national, ce qui est compréhensible.
Je réunirai début janvier des assises du sanitaire, qui regrouperont l'ensemble des acteurs, pour déterminer une vraie stratégie efficace.
Le pacte en faveur de la haie disposera de 30 millions d'euros, sans oublier les actions en cours, telles que la mise en place d'un observatoire de la haie, entre autres. En outre, l'article 14 du PLOA protégera la haie, tout en reconnaissant son caractère dynamique et fonctionnel.
M. Frédéric Buval. - La situation de l'agriculture dans les outre-mer est particulièrement alarmante. En effet, les mouvements contre la vie chère qui ont récemment ébranlé la Martinique sont principalement la conséquence de prix 40 % plus élevés que ceux de l'Hexagone. De tels écarts sont inacceptables.
Le protocole d'accord envisage plusieurs pistes d'action en vue de protéger les filières existantes et de renforcer l'attractivité de notre agriculture. Mais cela suppose un engagement sans précédent de votre ministère.
Le Gouvernement est-il enfin favorable à la réforme nécessaire du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei), de sorte que les petites exploitations de moins de 5 hectares, qui représentent 70 % des exploitations martiniquaises, puissent davantage en bénéficier ? Il faut une gouvernance partagée entre l'ensemble des acteurs.
De même, la question du foncier agricole, et plus particulièrement l'installation des jeunes agriculteurs sans terre, doit être soulevée. Dans un contexte généralisé de pénurie du foncier disponible et d'indivisions multiples, votre ministère envisage-t-il de soutenir les initiatives locales ? Je pense notamment à celle développée par la collectivité territoriale de Martinique, qui vise à reconquérir les terres agricoles en friche, ou encore à l'instauration de contrats territoriaux d'expérimentation agroécologique, dont le but est de permettre à davantage de jeunes Martiniquais de vivre dignement d'une agriculture rentable, saine et vertueuse.
M. Gérard Lahellec. - Madame la ministre, je vous remercie pour vos engagements visant à soutenir la trésorerie de certains établissements en situation délicate. Nous avons aussi été rassurés sur la vaccination. Je tenais à le souligner.
Cela dit, j'éprouve parfois des difficultés à distinguer les événements conjoncturels et les raisons structurelles. Vous avez parlé d'une « conjonction de crises » : cette expression me convient.
Nous évoquons de nombreux sujets au cours de notre réunion. Mais rien n'a été dit sur l'élevage, qui représente pourtant une composante essentielle de l'agriculture. La Bretagne est une région d'élevage, mais nous perdons à peu près 120 vaches par jour ! Le seul département des Côtes-d'Armor a perdu la production de 10 millions de litres de lait en un an. Et je ne parle pas là des conséquences éventuelles de la stratégie de Lactalis. Je crains que, d'ici 2027, nous ne nous trouvions à importer du lait, ce qui serait singulier. Seulement un tiers des départs des producteurs de lait sont compensés. Nous assistons à la végétalisation de nos terres. Or elles ne sont pas faites pour cela.
La production de volaille de chair chute de 10 %. Nous importons 50 % de la volaille que nous consommons. Le porc chute de 8 %. Cette spirale peut mettre en cause notre souveraineté alimentaire.
Quand l'argent public est rare, il est bon qu'il soit bien utilisé. Le découplage des aides est une mauvaise chose.
Le retour de la valeur ajoutée à la ferme me taraude. Fondamentalement, il ne se fait pas...
Sur l'ONF : peut mieux faire ! Sur l'enseignement agricole : même chose.
M. Daniel Laurent. - La viticulture française traverse une période de turbulences majeures. Entre les aléas climatiques, la baisse de la demande, les coûts de production élevés et les tensions commerciales internationales, la situation est de plus en plus critique, menaçant les savoir-faire traditionnels et la viabilité de nombreuses exploitations. Des milliers d'hectares sont en cours d'arrachage. Contre les parcelles abandonnées ou en friche, qui sont d'importants foyers de contamination par la flavescence dorée ou les maladies fongiques, la filière propose des sanctions contraventionnelles plutôt que délictuelles. Y êtes-vous favorable ?
Comment accompagner la diversification des viticulteurs ? Ils se heurtent à des besoins de compétences et de financements.
La filière souhaite une accélération de l'allègement des démarches administratives, l'alignement des transmissions viticoles sur le pacte Dutreil, l'officialisation de plants de vigne résistants - cela existe en Italie, en Espagne et ailleurs, mais pas en France.
La pression foncière dans les vignobles d'appellation engendre une déconnexion entre le prix du foncier et la rentabilité, amputant ainsi la capacité d'investir pour moderniser l'outil de production ou innover dans la transition agroécologique. Or la fiscalité est un levier indispensable pour pérenniser l'exploitation viticole familiale. Que comptez-vous faire pour alléger la fiscalité des transmissions familiales ? La vigne est un patrimoine.
Nous connaissons les problèmes avec la Chine, puisque nous avons reçu les professionnels la semaine dernière.
La menace de la taxe Trump est également une épée de Damoclès.
J'espère que le Gouvernement sera très actif !
Mme Annie Genevard, ministre. - L'État accompagnera, en 2025 comme en 2024, les filières locales dans le cadre du Posei, à hauteur de 15 millions d'euros supplémentaires, soit 60 millions d'euros de crédits du comité interministériel des outre-mer (Ciom) dans le PLF.
Le Posei pour 2025 prévoit, pour Mayotte, une aide à la commercialisation de volaille congelée produite localement, et, pour la Martinique, un soutien aux cultures locales découplé des volumes de production. Cette aide doit contribuer à la structuration des filières locales avec un objectif de diversification des productions locales et d'amélioration de l'autonomie alimentaire des DOM. Elle est coconstruite par l'État et la collectivité territoriale de Martinique.
L'essentiel des productions des territoires d'outre-mer est destiné à l'exportation. Il nous faut impérativement soutenir les productions locales pour la consommation locale, et, pour ce faire, accompagner la diversification des productions. C'est un axe stratégique majeur.
Monsieur Lahellec, le premier outil de soutien à la trésorerie est destiné au conjoncturel : une mauvaise récolte, un engin agricole coûteux qui casse. L'outil structurel est très différent : il s'agit de la consolidation de dettes. Ces deux outils s'adressent à des profils différents.
Les crises sanitaires ont décapitalisé par la mortalité. Beaucoup de régions aident à la recapitalisation en complément des aides d'État. C'est intelligent, car, en aidant l'éleveur à reconstituer son troupeau, on le projette vers l'avenir.
Oui, on pourrait manquer de lait, car notre consommation est soutenue. La décision de Lactalis nous a tous plongés dans l'inquiétude. Je suis ce dossier de près. J'ai reçu le patron de Lactalis il y a quelque temps et, dès le soir de l'annonce, j'ai travaillé avec Yohann Barbe de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Lactalis s'est engagé à aider les producteurs de lait à trouver des laiteries. La FNPL est relativement optimiste.
Quand on ne compense pas les départs, on perd de la capacité de production de lait ou de viande, les terres se végétalisent et la vocation agricole du territoire change, en effet. Il nous faut encourager la compensation des départs. C'est tout le travail que nous menons avec les Jeunes Agriculteurs sur l'installation et la transmission.
En effet, la production de volaille et de porc baisse. On veut manger du poulet français, mais on ne veut pas de poulailler. Résultat : 80 % de la volaille consommée hors domicile vient de l'étranger. On doit restaurer un segment négligé : l'entrée de gamme.
La France s'est battue pour maintenir des aides couplées à la production. Elles représentent plus de 1 milliard d'euros dans le plan stratégique national (PSN), pour soutenir l'élevage via l'aide bovine et l'aide ovine. L'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) contribue à hauteur de 1,1 milliard d'euros au soutien à l'élevage.
La compensation du handicap naturel a tout son sens en montagne. J'y suis très attachée.
Je combats avec la dernière énergie la fusion des deux piliers de la PAC, qui serait une catastrophe, puisqu'elle affecterait directement l'aide au revenu des agriculteurs.
Monsieur Laurent, j'étais en Occitanie hier et avant-hier. La filière viticole s'est organisée pour penser son avenir par l'arrachage définitif. L'appel à projets sera clos le 13 novembre. La demande n'est pas énorme : les viticulteurs hésitent à sauter le pas. On se battra pour l'arrachage temporaire, même si l'Europe n'y souscrit pas pour l'instant, car il est moins violent : on doit attendre sept ans pour replanter.
Comment accompagner la diversification ? Il faut éviter les erreurs stratégiques telles que la coriandre, qui a été un engouement sans marché. S'il y a diversification, il faut qu'il y ait marché. Il faut des débouchés : c'est une loi universelle de l'économie.
Je vous avoue que je ne connais pas le sujet de l'officialisation des pieds de vigne résistants. Je vais m'y pencher.
Les transmissions viticoles bénéficient déjà d'une exonération importante. Le seuil au-delà duquel l'exonération de 75 % ne s'applique plus a été fortement relevé ces dernières années. Il est passé de 100 000 euros environ à 300 000 euros, voire 500 000 euros si le bénéficiaire conserve le bien reçu pendant au moins dix ans. Enfin, au-delà de la limite de 300 000 euros, ou 500 000 euros éventuellement, l'exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) ne disparaît pas, mais s'applique au taux de 50 %.
Les friches constituent un gisement de pathogènes et un facteur de risque d'incendie. Il faut traiter ce sujet. On ne peut pas arracher les vignes sans penser au devenir de ces terres. Sinon, de grands désordres sont à venir.
Mme Marie-Lise Housseau. - Madame la ministre, vous êtes venue en début de semaine dans l'une des dernières fermes d'élevage du Lauragais, dans le Tarn. Vous avez pu y mesurer l'inquiétude des éleveurs. Nos élevages sont confrontés à la MHE et à la FCO 8.
En 2023, 44 % des élevages tarnais, soit plus de 600 élevages, ont été touchés, ce qui a rendu 10 000 vaches improductives. Les vaccins coûtent cher : 5,50 euros par vaccin, soit 1 500 euros pour une exploitation moyenne.
Vous avez annoncé l'achat de 2 millions de doses supplémentaires contre la FCO 3, en plus des 12 millions de doses déjà prévues, mais cela ne concernera que les départements en zone vaccinale, dont l'Occitanie ne fait pas partie. Les éleveurs du sud de la France craignent une politique à deux vitesses, où seul le nord de la Loire serait indemnisé. Vous avez dit être attachée à la prévention. Plutôt que d'indemniser les conséquences économiques de ces maladies, ne serait-il pas plus important de proposer une vaccination gratuite pour tous sur tout le territoire ? Ce serait le meilleur moyen d'éviter la propagation de la maladie et de faire cesser les pertes économiques.
M. Daniel Salmon. - Des amendements au PLF ont été votés à l'Assemblée nationale pour abonder de 100 millions d'euros les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), simplement pour honorer la parole de l'État pour 2023. Soutiendrez-vous cet abondement ?
Par amendement, 100 millions d'euros ont aussi été ajoutés pour le plan Protéines, qui avait purement et simplement été supprimé, alors qu'il est essentiel à notre souveraineté.
Jean-Claude Tissot en a parlé : le pacte en faveur de la haie est passé de 110 millions d'euros à 30 millions d'euros. C'est un sacré coup de rabot sur les haies ! Au final, 20 millions d'euros ont été ajoutés par amendement. Qu'en pensez-vous ?
Que comptez-vous faire pour renforcer les organisations de producteurs qui se sont fait spolier par une décision unilatérale de Lactalis ? Vous dites que des efforts seront faits pour que personne ne reste en rade, mais c'est une question d'aménagement du territoire. Lactalis et d'autres veulent cantonner la collecte à proximité des centres de production et, demain, il n'y aura plus de collecte dans les territoires plus éloignés si l'on n'y prend pas garde.
M. Bernard Buis. - Qu'en est-il du statut des chiens de protection ?
Vous nous avez rassurés sur le fonds d'urgence, qui sera élargi à la FCO 8.
Le Rhône expérimente depuis plusieurs mois le service agricole unique, un guichet unique ouvert en juin dernier. Les professionnels de l'agriculture réclament plus de simplification. C'est aussi la raison d'être des guichets France Services Agriculture qui doivent être inaugurés en 2025. Que pourra-t-on en attendre ? Quel sera leur suivi ? Comment éviter la multiplication de guichets tiers, qui risquent de créer de la confusion ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Madame Housseau, les vaccins existent pour seulement une des trois maladies : la FCO 3. Ils sont indisponibles pour les autres. C'est pourquoi nous avons établi ce cordon sanitaire, avec 2 millions de doses contre la MHE et la FCO 8, afin de les contenir dans une zone vaccinale.
J'ai annoncé l'extension de la gratuité à tout le territoire national. Mieux vaut prévenir qu'indemniser. Cela coûte moins cher budgétairement, mais surtout humainement, car le préjudice moral des éleveurs est considérable. Perdre la moitié de son cheptel, voire davantage, est un déchirement. L'éleveur découragé peut être tenté d'arrêter. Je ne suis pas sûre que la gratuité suffise à inciter à la vaccination... Il faut vraiment tout mettre à plat. Ce sera l'objet des assises du sanitaire.
Monsieur Salmon, le budget prévu répond aux besoins. Il est en baisse, mais c'est lié au fait que 75 % des contrats Maec, dans les autorisations d'engagement, étaient déjà souscrits pour cette année. Il en reste très peu à souscrire. C'est mécanique.
Les 110 millions d'euros du pacte en faveur de la haie avaient pour but de lancer la dynamique, avec des dispositifs, payés en 2024, de recherche, de formation ou de conseil. En 2025, nous renforçons le fonctionnement en triplant le bonus haie à l'écorégime, de 7 à 20 euros par hectare. L'ambition reste inchangée, et l'enveloppe d'amorçage de 2024 ne peut servir d'unique référence.
Je suis d'accord avec vous sur Lactalis : il faut renforcer les organisations professionnelles. Deux types de producteurs sont concernés par le repli de Lactalis : les organisations de producteurs (OP) et ceux qui ont contractualisé directement avec Lactalis. Autant on a de la visibilité sur les OP, autant c'est plus compliqué pour les producteurs indépendants qui ont contractualisé directement. J'espère que, à la faveur de cet épisode, ils comprendront qu'on est plus fort dans une OP.
Ma crainte est exactement que les producteurs situés loin des sites de transformation soient en danger. Toute ma vigilance se porte sur eux.
Les crédits du plan Protéines sont prévus en 2025. Je vous en transmettrai la répartition très prochainement.
Monsieur Buis, le statut des chiens de protection est une demande parfaitement légitime. Il faut éviter les injonctions contradictoires. On oblige les éleveurs à avoir des patous pour toucher les aides, mais on les poursuit si ces chiens provoquent des nuisances.
Mesurons le PLOA à sa juste valeur. À l'article 1er, l'agriculture est reconnue comme intérêt fondamental de la nation. Juridiquement, cela pèse dans les conflits opposant les agriculteurs à certains. Le projet de loi comporte des volets sur la formation, l'installation, l'entretien des haies, la dépénalisation des atteintes non intentionnelles et non définitives à l'environnement. Il est faux de dire qu'il n'y a rien dans le PLOA.
France Services Agriculture est une avancée du PLOA à laquelle je suis très attachée et qui va dans le sens d'une simplification, en créant un guichet d'accueil et d'information unique par département pour toutes les personnes qui souhaitent s'installer ou transmettre leur exploitation. Il est crucial que ce guichet unique soit géré sur tout le territoire de la même façon, afin d'assurer transparence et équité de traitement à tous. Ces guichets devront respecter un cahier des charges très strict.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Début octobre, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et le syndicat Jeunes agriculteurs se sont félicités du projet de loi de finances présenté en Conseil des ministres, en s'en attribuant d'ailleurs la paternité, tout en regrettant que certains engagements de l'État pour le renouvellement des générations pris après les mobilisations du printemps dernier aient été abandonnés, en particulier la revalorisation, de 13 à 20 millions d'euros, de l'enveloppe de l'AITA, ainsi que des mesures d'accompagnement des cédants et d'aide à la transmission des exploitations à de jeunes repreneurs.
Face au défi démographique du secteur, le renouvellement des générations ne peut être dissocié du foncier agricole. Engagerez-vous des travaux sur une loi foncière, indispensable pour relever le défi de la pérennisation de notre modèle agricole ?
Êtes-vous prête, madame la ministre, à reprendre à votre compte la proposition de création d'une nouvelle école vétérinaire publique à Limoges, qui bénéficie d'un très fort soutien de la région Nouvelle-Aquitaine et de toutes les parties prenantes locales ?
M. Henri Cabanel. - Depuis quelques années, je défends un amendement au PLFSS pour que les cotisations des agriculteurs soient payées sur l'année n, comme cela avait été décidé pour les indépendants et les non-salariés dans la LFSS 2022. Nombre de syndicats, dont le syndicat majoritaire, sont d'accord avec moi, tout comme des dirigeants de la Mutualité sociale agricole. Êtes-vous prête, madame la ministre, à soutenir un tel amendement ?
Quand on a voté la loi sur l'assurance récolte, on espérait un taux de pénétration auquel nous ne sommes pas parvenus. Je crains que, si rien ne change, des gens ne s'assurent plus, parce que la moyenne olympique n'a pas bougé depuis l'accord de Marrakech de 1994. Quelle est votre stratégie pour convaincre vos collègues de réviser cet accord, de manière à tenir compte des nombreux aléas climatiques ?
Il manque un volet foncier au PLOA. L'article du texte initial sur les groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI) a été supprimé par l'Assemblée nationale. Êtes-vous favorable à sa réintroduction ?
M. Franck Montaugé. - Êtes-vous favorable à un fonds d'accompagnement à la restructuration des coopératives agricoles en difficulté ? L'êtes-vous également à l'extension du TO-DE aux coopératives, dont les coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma) ?
Lors d'un récent débat au Sénat, vous avez déclaré être ouverte à la reconnaissance des externalités positives de l'agriculture. Au-delà des Maec, êtes-vous favorable à des expérimentations de mise en oeuvre de paiements pour services environnementaux (PSE) ? Le Sénat a introduit ce concept dans le code rural et dans le code forestier il y a quelque temps. Comme vous, je suis attaché aux ICHN. N'oubliez pas les piémonts ! Dans le Gers, la révision de la carte a fait beaucoup de mal, alors qu'il était pleinement justifié que certains territoires y demeurent. Il a fallu que certains aillent au tribunal pour y être réintégrés. C'est d'autant plus justifié dans un contexte d'évolution des territoires et de changements culturaux.
Mme Annie Genevard, ministre. - Comme je l'ai dit, nous avons rétabli les 20 millions d'euros de l'AITA.
Les intérêts sur le foncier se percutent. Le rapport de mon inspection sur l'installation et la transmission qui a été remis hier, dont je vous ai parlé, montre que le poids du foncier dans l'actif agricole est de plus en plus faible par rapport à tout le reste, qu'il s'agisse des bâtiments ou des machines. J'en ai été très surprise, et cela m'a conduite à relativiser l'importance du foncier dans la transmission, que je jugeais capitale. C'est également un élément de réflexion pour les Jeunes Agriculteurs eux-mêmes, qui étaient présents hier. Cela ne signifie pas que le foncier m'est indifférent, notamment la question de la financiarisation des terres. C'est pourquoi nous n'avons pas voulu du GFAI dans le PLOA. Nous avons de bons outils, comme les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). La tendance à l'agrandissement est parfois justifiée, mais pas toujours. Sans foncier, pas d'agriculture.
Je comprends l'enjeu de la nouvelle école vétérinaire. Les étudiants ont actuellement un fort tropisme pour les soins vétérinaires aux chiens et chats. Un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sera bientôt présenté à ce sujet. Nous vous en dirons davantage à ce moment.
Monsieur Cabanel, les agriculteurs bénéficient déjà d'une assiette triennale pour lisser les mauvaises années. On ne peut pas opter pour l'année n quand cela arrange !
M. Henri Cabanel. - Il y a le calcul sur l'année n-1 ou l'assiette triennale, mais sur l'année n, cela n'existe pas.
Mme Annie Genevard, ministre. - La moyenne olympique ne dépend pas de nous, mais de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il est clair que c'est un sujet.
Le GFAI a été supprimé du PLOA, car on craignait la financiarisation des terres. Le sujet sera sûrement abordé à nouveau.
Monsieur Montaugé, je suis très attachée au fonctionnement coopératif, qui est très vertueux. Il y a de la place pour tout le monde en agriculture, les indépendants comme les coopérateurs. Dans la viticulture, les coopératives sont en grande souffrance. La décapitalisation engendrera moins de vin, donc répartira la charge de la coopérative sur moins d'exploitants. Cela rend nécessaire une réflexion stratégique sur le regroupement des coopératives. Vous plaidez pour un fonds d'accompagnement ; c'est sans doute légitime.
M. Franck Montaugé. - Il n'y a rien de spécifié. Nous ferons une proposition par amendement. Ce serait bien que l'on trouve des fonds d'accompagnement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Si la somme de 120 millions d'euros n'était pas consommée en totalité sur l'arrachage, je ne verrais a priori pas d'obstacle à en convertir une partie sur des instruments structurels, mais je ne peux pas trop m'avancer à ce stade. En outre, j'ai pris le parti que ce soit à la profession de dire quelles orientations elle souhaite.
Les Cuma sont très utiles, mais elles n'offrent pas un volume d'emplois considérable.
M. Franck Montaugé. - Il n'y a pas que les Cuma. D'autres coopératives n'ont pas accès au TO-DE.
Mme Annie Genevard, ministre. - On a déjà beaucoup rehaussé le TO-DE.
Une rencontre sur l'expérimentation du PSE doit être organisée rapidement entre votre conseillère et mes équipes, monsieur Montaugé.
Je viens de la montagne. Elle apporte beaucoup d'aménités positives et rend beaucoup de services environnementaux. Les ICHN sont aussi faits pour reconnaître l'apport de la montagne au reste de la nation ! Il serait évidemment souhaitable que les aménités positives soient rémunérées. J'avais plaidé pour une bonification pour services environnementaux rendus à la nation dans les dotations aux collectivités territoriales. Je vous avoue que mon succès a été relatif. Vous connaissez les contraintes budgétaires... Au reste, on peut considérer que chaque territoire apporte des aménités positives.
Enfin, la révision des ICHN a posé beaucoup de problèmes. Des jugements étant en instance, je ne peux pas me prononcer davantage.
M. Guislain Cambier. - Madame la ministre, je souhaite vous interpeller sur les distorsions de concurrence au sein de l'Union européenne. Dans le territoire frontalier qu'est le Nord, un jeune agriculteur est obligé de prendre un cabinet de gestion pour remplir le dossier de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), là où, en Belgique, il n'y en a pas, de perdre beaucoup de temps à remplir son cahier d'épandage déconnecté des variations climatiques, alors que celui qui est mis en place en Belgique est beaucoup plus pratique, d'attendre un tampon de la DDTM depuis fin janvier pour avoir des subventions sur l'irrigation, là où son voisin belge obtient automatiquement 40 % sur son achat de matériel, de louer un foncier acheté et sous-loué par ses voisins belges, de subir les compensations environnementales des aménagements urbains qui n'existent pas en Belgique, et enfin il ne peut pas utiliser les mêmes produits phytosanitaires que ses collègues wallons. Et je ne parle pas de la FCO, détectée en Belgique depuis le 10 octobre 2023 et que tout le monde voyait venir...
Pour donner de la visibilité à nos jeunes, plaiderez-vous pour une politique agricole commune forte, avec des outils de régulation renforcés et un article 44 de la loi Égalim enfin appliqué ?
M. Daniel Gremillet. - Merci, madame la ministre, de votre action concrète de ces dernières semaines, qui suscite l'enthousiasme dans le monde rural.
Il est vraiment temps de mobiliser en totalité le Casdar, qui est exclusivement alimenté par les cotisations des agriculteurs, en faveur de l'agriculture.
Quand la France aura l'ambition de faire de la prophylaxie sanitaire dans la forêt, ce qui a été une réussite dans l'élevage, il faudra vraiment une commande à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) pour une expérimentation. C'est très important pour l'avenir de nos massifs forestiers.
Nous savons tous que la propriété forestière privée est une ressource à mobiliser. Il faut une ambition forestière plus affichée.
Nous sommes frappés par le besoin de renouvellement des générations dans les entreprises de travaux forestiers, comme en agriculture. Il faut faire entrer des jeunes et assurer un tuilage. Nous avons mis beaucoup de moyens pour régénérer la forêt, et nous aurons besoin de beaucoup d'actes de sylviculture.
Je vous alerte : avec Anne-Catherine Loisier, nous travaillons sur Égalim, et nous voyons que la ferme France - les agriculteurs, mais aussi les entreprises agroalimentaires - sont en train de perdre pied. Nous ne sommes plus capables d'être compétitifs dans l'alimentaire. Or nous devrions pouvoir nourrir l'ensemble des populations et être compétitifs pour l'ensemble des produits.
Vous n'avez pas de chance, madame la ministre, car, à peine arrivée, vous cumulez les gros dossiers. Dès la mise en oeuvre de la loi Égalim, certains d'entre nous avaient dit de ne pas rester dans notre bulle française en oubliant ce qui se passe en Europe.
Enfin, il y a eu une proposition de résolution européenne sénatoriale très forte sur les nouvelles techniques génomiques (NTG). Nous devons garder notre souveraineté semencière en France et en Europe pour répondre aux besoins d'évolution de l'agriculture face au changement climatique.
Mme Viviane Artigalas. - Ma question porte sur l'abondement au régime spécifique d'approvisionnement (RSA), qui compense les surcoûts liés à l'éloignement des territoires ultramarins pour l'importation des matières premières entrant dans la production d'aliments pour animaux. Alors que tous les professionnels de l'agriculture réunionnaise se sont engagés dans le plan régional pour la souveraineté alimentaire portée par les services de l'État, ils s'interrogent sur le possible désengagement du Gouvernement de ce dispositif pivot. Depuis 2013, le quota d'importation subventionné par le RSA est resté plafonné à 190 000 tonnes. Dans le même temps, la consommation locale et les besoins se sont considérablement accrus, portés par la croissance démographique et les changements de modèles de consommation.
La Première ministre Élisabeth Borne s'était engagée, en 2023, à La Réunion, à soutenir les filières agricoles ultramarines et à abonder le RSA de 6 millions d'euros. Le gouvernement qui vous a précédé souhaitait prendre en charge seulement 4 millions d'euros, laissant 4 autres millions à la charge des collectivités territoriales, ce qu'elles n'acceptent pas. Un amendement à hauteur de 8 millions d'euros a été adopté en commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale il y a quelques jours. Le Gouvernement souhaite-t-il soutenir, par un abondement de 8 millions d'euros, l'engagement quotidien des agriculteurs ultramarins, encourager la sécurité alimentaire de millions de Français qui habitent dans ces territoires et contribuer à l'amélioration de leur pouvoir d'achat, alors que le coût de l'alimentation est jusqu'à 40 % plus cher que dans l'Hexagone ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Monsieur Cambier, vous habitez à côté de la Belgique. J'habite à côté de la Suisse. Nous vivons la distorsion de concurrence au quotidien, en matière d'emploi, mais aussi sur les terres agricoles.
Même à l'intérieur de l'Union européenne, les politiques nationales rendent l'agriculture différente selon les pays. On met parfois bien du poids sur les épaules de nos agriculteurs, en leur imposant beaucoup de choses. Il nous faut aller vers la simplification et l'allègement des normes. Quand il y a trop de normes, on perd le sens de leur hiérarchie. Certaines, importantes, doivent être conservées. L'une des premières mesures de simplification que j'ai suggérée au Premier ministre, c'est de ne plus tenir compte de dates préétablies pour épandre. Quand les champs sont inondés, on ne fait pas passer un engin, ni pour épandre, ni pour semer, ni pour récolter. Les agriculteurs travaillent avec la météo et la nature. Nous devons aussi nous adapter à eux et leur éviter de devoir s'adapter à des normes dont ils ne comprennent pas le sens. Il appartient au préfet, dans son pouvoir d'appréciation de l'application de la norme, de dire que là, à l'évidence, ce n'est pas possible. Je plaide pour qu'il soit le pilote de la politique de l'État au niveau départemental.
L'application de la directive européenne relative aux nitrates s'est traduite par le programme d'actions national 7 (PAN7), qui se décline dans les régions par les programmes d'actions régionaux 7 (PAR7). Personne n'y comprend rien. On a demandé aux préfets de région de réunir autour de la table un représentant de la profession, un représentant des ONG et les services de l'État, et qu'ils rendent intelligibles des textes qui ne le sont pas. En attendant la parfaite intelligibilité de la règle, voyons avant de réaliser des contrôles !
M. Guislain Cambier. - On l'a vue arriver : elle est venue de Belgique. On l'a signalée. Il fallait anticiper quand le cheptel était dans les étables.
Mme Annie Genevard, ministre. - Soyons humbles. La lutte contre les virus est compliquée. Il y a de la FCO 1 et de la FCO 12 en Europe, et pas de vaccin. Nous devons raisonner à l'échelle européenne. Avec mon collègue espagnol, puisque la MHE nous vient de l'Espagne, nous avons proposé à nos homologues une stratégie européenne.
Monsieur Gremillet, je crois beaucoup en la recherche. Elle nous apportera énormément. Je n'ai pas une conception décroissante de l'agriculture. La recherche nous apportera une croissance intelligente, respectueuse de l'environnement.
Dans la forêt : quelles espèces replanter ? Quelle prophylaxie ? L'Inrae a beaucoup à nous apprendre. Je rencontre bientôt ses représentants.
Nous avons besoin de la recherche fondamentale, mais aussi de la recherche appliquée.
Je vous rejoins tout à fait sur les NTG, à ne pas confondre avec les organismes génétiquement modifiés (OGM). La France a une très belle filière semencière, très concurrencée.
Je ne peux que souscrire à votre voeu que la France reconquière de l'autonomie et de la compétitivité alimentaires. Nous sommes très concurrencés dans tous les domaines. C'est pourquoi nous devons éviter d'entraver nos agriculteurs et réhabiliter la notion de production. Ce mot était absent de l'article 1er du PLOA ; nous l'y avons introduit.
Madame Artigalas, l'État a déjà renforcé de manière substantielle son soutien au Posei. Il appartient aux collectivités territoriales d'outre-mer de se saisir de cette possibilité d'abonder le budget du régime spécifique d'approvisionnement (RSA). Ce dispositif permet d'abaisser le prix des denrées sur le marché local, en compensant les surcoûts liés à l'éloignement des sources d'approvisionnement et à l'étroitesse des marchés locaux.
Cette aide est dotée d'une enveloppe de près de 30 millions d'euros, financée par le Fonds européen agricole de garantie (Feaga). À la suite d'une question soulevée par la France, la Commission européenne a confirmé qu'il était possible d'abonder ce budget. Pour autant, la clé réside, selon moi, dans le développement de la production destinée à la consommation locale, car une grande partie des aides est fléchée vers des productions à l'exportation.
M. Patrick Chauvet. - Je veux revenir sur le sujet de la simplification. Je vous remercie des premières actions que vous avez menées en la matière. Néanmoins, selon une enquête de l'Institut de recherches économiques et fiscales (Iref), un agriculteur passerait, en moyenne, 9 heures par semaine à remplir des formulaires, et jusqu'à 15 heures par semaine pour 12 % d'entre eux. Ces chiffres mettent en évidence une situation qui s'aggrave depuis des années. En effet, vos deux derniers prédécesseurs ont beau avoir pris conscience de ce problème et avoir fait preuve de bonne volonté, le problème a empiré.
Pour y répondre, rappelons-nous d'abord que, derrière une exploitation agricole, il y a des femmes et des hommes qui travaillent, et que la suradministration met en état de souffrance. Des agriculteurs en retraite me disent souvent qu'ils avaient aimé leur métier, à l'exception de sa dimension administrative. Ce sont désormais des trentenaires qui me tiennent de tels propos ! La suradministration soulève aussi une problématique de compétitivité. Il n'y a pourtant pas de fatalité ; au contraire, développons la simplification. C'est seulement un effort intellectuel à mener. Changeons de méthode, et faisons de la simplification un sujet spécifique à l'agriculture.
Au-delà des mesures que vous avez amorcées, êtes-vous prête à engager une action d'ampleur pour répondre à ce véritable fléau pour les agriculteurs ?
Mme Anne-Catherine Loisier. - Bien que je salue vos efforts, le budget sera difficile pour les acteurs de terrain. Cette logique de « go and stop » est particulièrement problématique dans des secteurs qui s'inscrivent dans le temps long : c'est notamment le cas de la forêt, ou de la recherche.
Le CNPF a été mobilisé pour engager des actions de renouvellement de notre patrimoine forestier face à son dépérissement et dans le cadre de la lutte contre les incendies, en lien avec l'abaissement à 20 hectares du plancher des plans simples de gestion (PSG). Ainsi, le CNPF va se retrouver avec près de 13 000 dossiers à traiter, ce qu'il lui sera impossible de faire au vu des effectifs réduits.
Cet effort ne relève pas de l'ONF. Le parc forestier privé a une superficie de 12 millions d'hectares. L'effort est colossal. Les emplois mis en cause au CNPF représentent un budget de 800 000 euros : les recettes pourront toujours être trouvées.
Un autre enjeu essentiel est que la filière forestière est en perte de compétitivité. Or sans entreprises de travaux forestiers (ETF), nous ne pourrons plus aller chercher le bois en forêt, alimenter les scieries et développer la construction. Je proposerai un amendement pour permettre aux ETF d'accéder au TO-DE. En effet, l'intervention en forêt est de plus en plus saisonnière, en raison de la législation. Aussi, les personnels saisonniers devraient avoir accès à ce dispositif.
Concernant la loi Égalim, aucune LOA ne pourra produire de véritable effet si nous n'assurons pas un contrôle efficace des dispositifs instaurés. Les agriculteurs demandent une application plus forte de cette loi. Les centrales d'achat sont en pleine croissance à l'étranger. Nous devons rappeler l'existence de l'article 44 de la loi Égalim et la nécessité de l'appliquer. Plus qu'un simple contrôle sur le formalisme, c'est l'économie des contrats qui doit être étudiée. Sans cela, la distorsion de la concurrence se poursuivra.
Enfin, j'attire votre attention sur les pertes indirectes liées à la prédation du loup. Dans mon territoire, elles sont bien plus importantes que les pertes directes, qui, seules, donnent droit à des indemnisations. Or les agriculteurs doivent faire face, après l'attaque, à des dizaines d'avortements, à des pertes de ressources ou encore à la nécessité de reconstruire des clôtures, et ils ne s'en sortent plus.
M. Daniel Fargeot. - Le taux d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) est passé de 20 % à 30 % ; c'est une bonne chose. Cette exonération est-elle pérenne ou temporaire ? La taxe additionnelle (TA-TFPNB) est-elle concernée ? Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) seront-ils affectés par cette mesure ?
En mars dernier, le Sénat a voté contre la ratification du traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (Comprehensive Economic and Trade Agreement - CETA). À la suite de cet épisode, le Président de la République avait déclaré, dans son second discours de la Sorbonne sur l'Europe : « Il ne faut pas qu'on tombe dans le rejet de tout accord commercial. » En tant que ministre de l'agriculture, quelle est aujourd'hui votre position sur cet accord ? Entendez-vous remettre à l'ordre du jour ce projet important pour notre pays - pas seulement, d'ailleurs, dans le domaine agricole ?
M. Vincent Louault. - La France est le seul pays d'Europe à avoir interdit l'acétamipride, en visant la molécule en particulier plutôt que la famille à laquelle elle appartient - une méthode que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a elle-même regrettée par la suite.
L'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), saisie à maintes reprises, a répété, le 15 mai dernier, que l'acétamipride ne devait pas être interdite, car il ne s'agissait pas d'un néonicotinoïde normal. La substance est abusivement classée dans cette famille en Europe.
Le Gouvernement aura-t-il le courage d'autoriser l'utilisation de l'acétamipride pour sauver nos filières ?
Mme Annick Jacquemet. - L'instruction des demandes de subvention au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pose problème dans la région Bourgogne-Franche-Comté - j'associe Nadia Sollogoub à ma question.
Les dossiers de nombreux agriculteurs sont bloqués au conseil régional. Ces derniers ont manifesté devant le siège de région le 18 octobre dernier, mais aucune réponse ne leur a été donnée. Quelle solution peut-on trouver pour régler le problème ?
On parle beaucoup des déserts médicaux, mais le monde vétérinaire est lui aussi touché. L'un de nos collègues a évoqué la création d'une nouvelle école ; peut-être est-ce une bonne solution. Il me semble surtout que c'est le recrutement trop sélectif qui pose problème.
Nous avons reçu un courriel de la filière des compléments alimentaires : ses représentants nous font part de leur surprise, car la direction générale de l'alimentation (DGAL) prévoit d'actualiser un arrêté, obligeant ces professionnels à modifier la composition de leurs produits. Or l'Union européenne envisage elle aussi des modifications après 2025. On manque de bon sens et de cohérence en imposant plusieurs modifications à la suite.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - En effet, plusieurs parlementaires ont plaidé pour que cet arrêté ne soit pas adopté, alors que de nouvelles règles sont prévues après 2025 au niveau européen.
M. Pierre Cuypers. - Notre collègue Henri Cabanel l'a évoqué tout à l'heure : compte tenu de la multiplication des accidents climatiques, les compagnies d'assurance ne voudront peut-être plus prendre en charge les risques agricoles. Qu'en pensez-vous ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Monsieur Chauvet, vous avez évoqué la question de la simplification. L'une de mes conseillères au sein du cabinet est entièrement affectée à cette tâche.
M. Henri Cabanel. - Elle a du travail !
Mme Annie Genevard, ministre. - En effet, mais elle s'est vaillamment mise au travail : ainsi, j'ai signé une circulaire instaurant le contrôle administratif unique. Je ne compte pas m'arrêter là.
Je vous rejoins sur la suradministration. C'est d'abord un sujet de compétitivité : quand un agriculteur est à son bureau, il ne travaille pas dans son exploitation. Je suis preneuse de vos suggestions.
Madame Loisier, la forêt, c'est du temps long. Je salue le travail du CNPF, qui n'est pas remis en cause. L'effort demandé revient à un équivalent temps plein (ETP) par centre. Certes, c'est un effort, mais celui-ci est mesuré.
Pas moins de 75 % de la forêt est privée. Les fonds de la planification écologique représentent près de 60 % des engagements. Grâce à France Relance, 120 millions d'euros ont été alloués au renouvellement, sur un total de 203 millions d'euros. Il n'y a donc pas de désengagement en la matière.
L'extension du dispositif TO-DE aux entreprises de travaux forestiers coûterait 25 millions d'euros. Or nous venons d'abonder de nouveau le dispositif et de relever le seuil à 1,25 Smic ; je ne peux rien vous promettre en la matière, car l'effort a déjà été très important.
Je souhaite compléter la réponse que j'ai faite à M. Gremillet. De nombreux rapports d'experts forestiers mettent en avant la fragilité de peuplements. Nous menons un travail conjoint avec l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) en vue d'établir une cartographie dynamique permettant de mieux anticiper les attaques parasitaires et les essences d'avenir à replanter.
Madame Loisier, je suis preneuse de votre expertise sur les lois Égalim. Le Parlement devra de nouveau légiférer avant avril prochain.
Le sujet du loup est prioritaire. Je souhaiterais que l'on aboutisse sur la territorialisation des tirs, sur le mode de comptage des loups et sur le statut des chiens de troupeau.
Monsieur Fargeot, le relèvement de 20 % à 30 % du taux de dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) est bien pérenne. En revanche, le Gouvernement n'a pas prévu de toucher à la taxe additionnelle sur le foncier non bâti (TA-TFNB).
La France n'est pas dans sa bulle : nous ne sommes pas isolationnistes. Nous ne pouvons pas être contre des accords internationaux, mais ceux-ci ne sauraient s'appliquer de manière inconditionnelle.
Le Ceta est peut-être bon pour certaines productions, il l'est moins pour d'autres. On ne peut pas toujours faire de l'agriculture la variable d'ajustement. C'est le cas pour l'agneau, touché par l'accord avec la Nouvelle-Zélande. Il n'est pas possible que ce soient toujours les mêmes qui paient le prix ! Nous sommes extrêmement mobilisés contre le Mercosur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous aussi !
Mme Annie Genevard, ministre. - Encore faut-il que nous ayons la possibilité de nous prononcer... Nous travaillons activement à l'instauration d'un droit de veto, mais c'est très difficile. La France est isolée.
Monsieur Louault, nous aurons incontestablement un débat très prochainement sur l'acétamipride. Nous aurons, les uns et les autres, beaucoup de choses à dire sur le sujet.
Monsieur Cuypers, la réforme de l'assurance récolte instaurée en 2023 avait un double objectif : inciter les agriculteurs à s'assurer pour mieux les protéger face aux aléas, et rétablir un modèle économique soutenable pour les assureurs. Un groupement de co-réassurance est en cours de constitution. Nous avons abondé le budget de cet organisme, mais le fonctionnement de ce dispositif novateur doit encore être perfectionné.
Madame Jacquemet, vous évoquez la gestion des demandes déposées au titre du Feader. La région Bourgogne-Franche-Comté n'est pas la seule concernée. C'est un dossier brûlant, que je suis de très près. J'ai demandé au nouveau préfet de région de reprendre les dossiers en cours.
Je suis également preneuse de votre expertise en matière vétérinaire, afin que davantage de professionnels s'installent en zone rurale pour s'occuper des gros animaux.
Je ne suis pas au courant du problème touchant la filière des compléments alimentaires. Je vous tiendrai au courant.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Madame la ministre, merci de nous avoir consacré autant de temps.
Nous vous remercions également pour les grandes avancées que vous avez déjà réussi à obtenir.
Examen en commission
(Mercredi
13 novembre 2024)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons aujourd'hui le rapport pour avis sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » de nos collègues Laurent Duplomb, Jean-Claude Tissot et Franck Menonville.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Le budget agricole 2025 contient des avancées et nous proposerons de l'adopter, mais non sans avoir préalablement proposé des améliorations au Gouvernement. Après une hausse exceptionnelle en 2024, ce budget diminue de 6,5 % en crédits de paiement (CP) - à 4,4 milliards d'euros - et de 13,5 % en autorisations d'engagement (AE), pour atteindre 4,6 milliards d'euros.
Ces chiffres pourraient inquiéter, mais replacés dans leur contexte, ils traduisent davantage une pause qu'un recul. La progression des crédits depuis 2023 demeure indéniable : plus 12 % en CP et plus 15 % en AE sur deux ans. Trois pas en avant en 2024, un pas en arrière en 2025 : le solde est donc toujours largement positif en 2025, même pour la planification écologique.
De plus, plusieurs promesses du précédent gouvernement ont été tenues par le gouvernement actuel, dans le PLF et le PLFSS : pérennisation et hausse du plafond du TO-DE (travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi), pour un montant prévisionnel de 163 millions d'euros ; maintien d'un avantage fiscal et social pour lutter contre la décapitalisation et soutenir le développement de l'élevage bovin, pour 150 millions d'euros ; passage de 20 à 30 % du dégrèvement sur la taxe foncière dont s'acquittent les propriétaires ruraux, pour 50 millions d'euros ; cumul des exonérations de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs et pour les agriculteurs aux revenus les plus faibles, pour 25 millions d'euros ; nouveaux relèvements des seuils d'exonération des plus-values pour faciliter la transmission ; enfin, réforme du calcul des retraites agricoles sur la base des 25 meilleures années, qui entrera plus lentement en vigueur que ce qu'en a dit la ministre pour les polypensionnés, mais qui constitue tout de même une avancée majeure. Toutes ces mesures sont un soutien direct à la compétitivité des exploitations, et j'en remercie la ministre.
« La première protection contre les aléas relève de la bonne gestion des agriculteurs », peut-on lire dans un rapport de 2017 du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et de l'inspection générale des finances (IGF) sur la gestion des risques. À cet égard, la meilleure des politiques est de desserrer l'étau fiscal qu'ils subissent.
Pour poursuivre sur les aléas économiques et les crises sanitaires, que nous avons étudiés conjointement avec Jean-Claude Tissot, je salue la montée en charge de l'assurance-récolte, à 600 millions d'euros dans ce budget, comme nous l'avions demandé lors de l'examen de la loi sur la gestion des risques climatiques.
Je salue également avec Franck Menonville le renforcement de la déduction pour épargne de précaution (DEP), par une exonération de 30 % de son montant au moment de la réintégration, en cas d'aléas climatiques ou sanitaires. Cependant, je crois qu'il faut aller plus loin, en étendant cette possibilité aux aléas économiques, ce qui permettrait davantage de souplesse et inciterait au recours à cet outil sain de lissage des revenus agricoles entre bonnes et mauvaises années ; c'est la première recommandation de nos quinze recommandations.
Sur la gestion des crises sanitaires, nous avons été alertés par le CGAAER sur le risque de saturation de nos capacités d'équarrissage « hors temps de paix », avec des dépenses exceptionnelles associées à l'enfouissement de sous-produits animaux en catastrophe, au plus fort de l'influenza aviaire.
Pour que cela ne se reproduise pas, nous souhaiterions profiter du statut de risque « négligeable » retrouvé par la France à l'été 2022 en matière d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), pour financer des surcapacités d'équarrissage - d'abord sur fonds publics à hauteur de 2,1 millions d'euros - avant que la charge ne soit transférée aux interprofessions et aux associations ATM.
Nous proposons d'acter la première tranche de financement de la dématérialisation de l'identification et de la traçabilité des animaux de rente, pour 5 millions d'euros, car les défaillances des systèmes d'information actuels sautent aux yeux et entravent la gestion de crise - je vous renvoie à notre rapport, qui est édifiant à ce sujet.
Sachant qu'un euro bien investi dans la prévention en économise sept en indemnisation et en gestion de crise, dépenser au total 7 millions d'euros, ce n'est pas cher payé ! La prévention vaut mieux que la gestion des crises dans l'urgence.
Avec un angle plus prospectif, nous croyons, avec Franck Menonville, que le fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux (FMSE), qui associe cotisations professionnelles et cofinancement aux deux tiers par l'État, doit jouer un rôle plus stratégique. Aujourd'hui organisme de financement, il gagnerait à jouer un rôle d'orientation, notamment par l'ajout d'un volet préventif, ce pour quoi le ministère a déjà plaidé au niveau européen.
Cela devrait aller de pair avec une hausse dès 2025 des cotisations professionnelles, aujourd'hui dérisoires, et un cofinancement de l'État qui pourrait aller jusqu'à 70 % dans le PLF pour 2026. Pour les maladies réglementées, telles que la tuberculose bovine ou la fièvre aphteuse, bien sûr, l'État resterait pleinement compétent.
Le FMSE pourrait ainsi utilement prendre en charge une politique de prophylaxie, laquelle n'est plus à la hauteur ces dernières années, en contribuant à assurer le maillage territorial des vétérinaires sanitaires spécialisés en élevage - au besoin par la mise en place d'équipes mobiles sur le modèle de la sécurité civile - et en contribuant plus largement à l'achat de vaccins, à des audits de biosécurité, ou encore à la formation des éleveurs.
Dans le cadre des assises du sanitaire annoncées par la ministre, une réflexion sur l'intégration aux chambres d'agriculture des groupements de défense sanitaire (GDS), compétents pour les maladies animales et, en miroir, des Fredon, compétents pour le végétal, serait gage de rationalisation.
Pour finir, un mot sur les outre-mer, alors que la situation est particulièrement explosive en Martinique : nous vous proposons d'endosser un amendement de 8 millions d'euros pour mieux financer le régime spécifique d'approvisionnement (RSA) afin d'améliorer à la fois le pouvoir d'achat et la souveraineté alimentaire de nos compatriotes ultramarins.
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Avec Laurent Duplomb, nous nous sommes intéressés à la résilience de l'agriculture française face aux crises, en particulier les crises sanitaires. Il nous est d'abord apparu important de profiter de l'étape critique de l'installation pour renforcer la résilience des exploitations, afin de doter nos agriculteurs, au plus tôt, d'outils pratiques pour adapter leurs structures de production aux défis climatiques et économiques de demain.
À cette fin, nous préconisons, au sein des crédits de planification écologique, de prolonger la ligne « Diagnostic carbone », qui n'était programmée que pour durer un an mais qui a connu trois fois plus de demandes qu'il n'y avait de crédits disponibles, en l'élargissant au financement de ce que mes deux corapporteurs entendaient renommer « diagnostics de viabilité économique et de vivabilité des exploitations », à l'article 9 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA). Le principe de la gratuité d'un tel outil pour les jeunes agriculteurs nous paraît en effet important, dans une logique d'anticipation. Pour ma part, je souhaite que la dimension environnementale de cet outil soit préservée en repérant les leviers de réduction des gaz à effet de serre dans chaque ferme.
Depuis 2018, les dépenses de gestion de crise continuent d'exploser. En 2022, elles ont dépassé 2 milliards d'euros, avec des aides pour le gel, les inondations et les maladies. En 2024 encore, comme l'a rappelé la ministre, 80 millions d'euros ont été ouverts pour aider le secteur viticole, notamment pour l'arrachage, 50 millions d'euros d'indemnisations ont été annoncées au bénéfice des éleveurs face à la maladie hémorragique épizootique (MHE) et, à la rentrée, un fonds d'urgence de 75 millions d'euros a été ouvert pour compenser la surmortalité liée à la fièvre catarrhale ovine sérotype 3 (FCO3) - que la ministre nous a dit étendre à celle de sérotype 8 (FCO8), une demande que nous portions de façon unanime.
Entendons-nous bien, nous ne remettons pas en cause la nécessité de réagir aux crises « en pompier » pour éteindre l'incendie lorsqu'il est déclaré - nous proposons simplement de concevoir davantage les dépenses de la mission « en architecte », afin de prévenir, en amont, autant que faire se peut, l'impact des crises. Comme l'a rappelé mon collègue Laurent Duplomb, chaque euro investi dans la prévention en économise sept en indemnisation et en gestion de crise. Cela vient notamment du fait que les aides de crise sont conçues dans l'urgence - dans notre rapport, nous donnons plusieurs exemples de mauvais calibrage. Par ailleurs, il n'y a pas eu cette année de loi de finances rectificative, alors que c'est ce type de véhicule qui porte habituellement ces aides, ce qui a créé des tensions inédites sur les moyens et les équipes du ministère.
L'accumulation des aides montre que nous ne faisons qu'absorber les chocs, sans chercher suffisamment à en réduire la fréquence ou l'impact. Une révision de la maquette budgétaire nous paraîtrait donc importante afin de mieux identifier les dépenses de prévention et de surveillance des aléas climatiques, par un programme miroir au programme 206 qui finance la prévention des aléas sanitaires - je défendrai avec mes collègues un amendement dans ce sens. Il y aurait, sur cette ligne, matière à financer une veille sur l'interaction entre changement climatique et risques sanitaires - les maladies vectorielles ou les étouffements dans les élevages nous le rappellent, hélas !
Il nous semble qu'un tel programme accueillerait logiquement les crédits de la planification écologique, qui sont aujourd'hui malaisément greffés au programme 206 et surtout au programme 149, cette architecture étant loin de garantir que la destination votée en loi de finances initiale soit pleinement respectée en cours de gestion. Ce programme accueillerait également avec profit une ligne transversale « accompagnement des agriculteurs à la transition », telle que nous l'avions déjà proposée l'an dernier. Les besoins en accompagnement des agriculteurs sont massifs : il faudra être au rendez-vous.
Malgré ces points d'accord, des désaccords profonds sur les orientations de ce budget et les choix de la ministre me conduisent à émettre à titre personnel un avis défavorable à l'adoption de ces crédits. Principale raison, ma profonde inquiétude quant à la réduction de moitié en CP et de deux tiers en AE des crédits alloués à la planification écologique par rapport au budget 2024. Cette diminution compromet nos capacités à anticiper les chocs à venir et à lutter contre le dérèglement climatique. Ainsi, malgré le fait que de nombreux agriculteurs se soient engagés dans des actions, le pacte en faveur de la haie est raboté de 80 millions d'euros. De même, le fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions verra sa dotation baisser de 85 millions d'euros. Le plan Protéines n'apparaît même plus. Toutes ces dépenses sont un coût immédiat, mais aussi un investissement sur le long terme.
Nos désaccords concernent aussi les groupements de défense sanitaire et le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE).
J'appelle donc personnellement à ne pas voter ce budget.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Je le dis tout de go : nous proposerons bien sûr l'adoption des crédits, si possible complétés par les propositions que nous faisons pour améliorer la résilience de notre agriculture et de nos forêts.
Le budget est très contraint cette année et nous ne pourrons pas tout financer. Pour autant, il serait dommage de ne pas traduire budgétairement, par anticipation, des mesures du PLOA qui pourraient être amenées à entrer en vigueur dès 2025.
Jean-Claude Tissot a évoqué les « diagnostics de viabilité économique et de vivabilité des exploitations », dont nous proposons la généralisation dans le PLOA - c'est un point important car, comme il l'a rappelé, l'installation est un moment clé pour reconcevoir les exploitations afin de les rendre plus résilientes face aux crises.
La ministre Annie Genevard a confirmé que le budget de l'aide à l'installation-transmission en agriculture (AITA) serait bien porté à 20 millions d'euros au Sénat, contre 13 millions dans le texte initial. Cela nous semblait indispensable pour accompagner la mise en place du guichet unique de l'installation, que nous voudrions renommer dans la loi d'orientation que nous examinerons bientôt « France Installations-Transmissions ». C'était, du reste, une promesse du précédent gouvernement.
Nous voudrions également financer la préfiguration de l'aide au passage de relais, qui serait introduite de façon programmatique dans le PLOA. Cette aide de cinq ans au maximum vise à favoriser le tuilage entre des exploitants agricoles en fin de carrière en proie à des difficultés et de jeunes agriculteurs désireux de s'installer. Pour les exploitants les plus en difficulté, sujets au mal-être, la transmission peut être la clé d'une résilience retrouvée de l'exploitation.
En vitesse de croisière, cette aide représenterait une dizaine de dossiers par département et par an, pour une enveloppe totale d'environ 13 millions d'euros. Pour ne pas augmenter la dépense publique, nous proposons de réallouer à la préfiguration de ce dispositif les crédits non utilisés de l'aide à la relance des exploitations agricoles (Area), également fléchés vers les agriculteurs en difficulté, mais dont la sous-consommation est chronique.
Pour le volet forestier, l'audition de la ministre a permis de relever des convergences, s'agissant notamment des moyens humains de l'Office national des forêts (ONF). La situation financière de l'établissement s'est améliorée, et nous ne jugeons pas opportune la suppression de 95 équivalents temps plein (ETP) initialement proposée : le désendettement de l'office se poursuit et le climat social permet de tracer des perspectives favorables.
Nous assumons toutefois deux légères divergences avec le Gouvernement.
La première a trait à la suppression de 13 ETP au Centre national de la propriété forestière (CNPF), en plein milieu d'une trajectoire de hausse de 50 ETP prévue sur trois ans, pour assumer les missions nouvelles confiées par la loi sur les feux de forêts de nos collègues Jean Bacci, Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin et Olivier Rietmann - et notamment la masse de travail supplémentaire engendrée pour cette organisation par la baisse du seuil nécessitant un plan simple de gestion de 25 à 20 hectares. Anne-Catherine Loisier a parlé de « go and stop » et je crois que c'est une bonne formule : un an après une évolution positive des moyens de l'établissement, il ne faut pas revenir dessus.
La seconde a trait aux crédits « forêt » de la planification écologique, qui sont divisés par deux en AE dans ce budget, de 509 à 228 millions d'euros. L'effort reste important, mais il nous semble qu'il faut maintenir une trajectoire stable et plutôt accélérer en début de cycle, en ajoutant 22 millions d'euros, pour que tous les acteurs, notamment les entrepreneurs de travaux forestiers, mais aussi ce maillon essentiel que sont les pépiniéristes, aient confiance dans l'engagement de l'État. Il nous semble particulièrement que les lignes « renouvellement forestier » et « graines et plants » devraient être préservées.
Cette somme peut paraître importante, mais il s'agit d'un investissement rentable : plus nous tardons, plus le taux de plantation en échec risque d'augmenter, avec les sécheresses et les évolutions climatiques. L'été 2022, qui pourrait être la norme d'ici à 2100, nous en a donné la primeur, avec une hausse subite de près de 60 % de ce taux d'échec.
En contrepartie, notre rapport présente quatre chantiers pour améliorer l'efficience des dépenses dans la forêt. Deux sont réglementaires : la sécurisation des exploitants au regard de la réglementation « espèces protégées » à l'approche des périodes de nidification et l'assouplissement des arrêtés relatifs aux matériels forestiers de reproduction (MFR), pour aider nos forêts à faire face à un changement climatique qui va malheureusement plus vite qu'elles.
Je voudrais m'attarder un instant sur le déséquilibre forêt-gibier qui, dans les forêts meusiennes d'Argonne et du Verdunois, a ponctionné près de la moitié des crédits du fonds de renouvellement forestier. C'est tout bonnement intenable ! Cela ne peut pas durer : les forestiers, les chasseurs, mais aussi les associations environnementales doivent se mettre autour de la table et assumer des mesures de correction dans les massifs les plus affectés.
Enfin, il nous semble important d'accompagner les communes forestières et les propriétaires privés isolés par un surcroît d'ingénierie - c'est là tout le sens du maintien des effectifs du CNPF et de l'ONF -, en ne rabotant pas de 3 millions d'euros le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). Leurs peuplements sont les plus sinistrés ; c'est donc dans ces forêts que les investissements sont à la fois les plus urgents, les plus pertinents et, en conséquence, les plus rentables.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je laisse la parole à notre collègue Christian Klinger, qui est l'un des deux rapporteurs spéciaux de la commission des finances sur cette mission.
M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - La commission des finances a adopté les crédits de la mission mardi dernier, avec la satisfaction de constater que le total des concours publics à l'agriculture avait été maintenu.
Si l'on compte la politique agricole commune (PAC), les dépenses sociales contenues dans le PLFSS, les dépenses fiscales et dépenses de ce PLF, y compris sur d'autres missions - je pense notamment au programme « Enseignement technique agricole » - ou via le compte d'affectation spéciale (CAS) « Développement agricole et rural », ce sont 25,6 milliards d'euros qui sont consacrés à l'agriculture, un effort comparable à celui de 2024.
Certes, la répartition n'est pas la même que l'an dernier : des crédits qui figuraient dans la mission sont placés ailleurs pour d'autres priorités. Les revendications du mouvement des agriculteurs du début d'année ont pris la forme de 3 000 demandes qui se sont traduites par 70 engagements gouvernementaux : crédits d'urgence, mesures fiscales, mesures sociales dans le PLFSS, dispositions du projet de loi d'orientation agricole (PLOA), qui sera examiné en janvier.
Certes, nous attendons toujours des précisions du Gouvernement, par exemple sur la planification écologique ou sur des sous-actions qui n'ont pas été budgétées, mais nous sommes globalement satisfaits.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Le budget consacré à la forêt est en diminution, baissant de 509 millions d'euros en 2024 pour atteindre 228 millions d'euros en 2025. Cet effort colossal peut « passer », dans la mesure où une bonne part de ces crédits étaient fléchés vers l'aval, avec des investissements lourds déjà engagés et des crédits non entièrement consommés. La filière comprend donc l'effort demandé.
Concernant l'ONF, rappelons que l'État ne subventionne pas des postes, mais des missions. S'il veut supprimer des postes, qu'il indique les missions qu'il veut supprimer ! Néanmoins, comme l'a rappelé l'un des rapporteurs, les ventes de bois ayant été positives, le budget de l'office est depuis quelque temps en excédent.
Ce n'est pas le cas du CNPF, qui va connaître une suppression de 13 postes, alors que 21 ont été créés l'année dernière pour améliorer la lutte contre l'incendie. Il s'agit, je le rappelle, de mobiliser des acteurs auprès des propriétaires privés - la forêt privée représente les trois quarts de la forêt en France. Ces postes sont nécessaires pour la prévention des incendies, mais aussi pour la lutte contre d'autres catastrophes naturelles - les inondations récentes ont rappelé le rôle des forêts sur l'eau. Il est important que l'État soit au rendez-vous ; ces postes ne représentent qu'environ 800 000 euros...
Par ailleurs, même si cela n'entre pas directement dans le périmètre de cette mission, un enjeu majeur est la consolidation des entreprises de travaux forestiers, qui sont en grande détresse. Du fait des contraintes environnementales, leur travail est devenu un travail saisonnier - en hiver, on risque de défoncer les chemins détrempés ; au printemps, les oiseaux nidifient... - et, parallèlement à cette réduction du temps disponible de travail, les équipements coûtent très cher. Or, comme je le rappelle chaque année, ces entreprises ne bénéficient pas du TO-DE. Si ce maillon disparaît, il n'y a plus de bois de construction, plus de bois-énergie. C'est donc un enjeu majeur.
Agissons avec discernement sur les groupements de défense sanitaire (GDS). Il y a des territoires où ils travaillent bien et sont très appréciés des présidents de chambres d'agriculture ; il y en a même où ils contrôlent les établissements de restauration. Il y a donc une réflexion à mener pour les améliorer là où ils ne sont pas structurés ; mais ne les cassons pas là où ils fonctionnent bien.
M. Daniel Salmon. - Merci aux rapporteurs pour leur vision diversifiée. Je note une large régression, voire une rupture quant à la transition agroécologique, avec de nombreuses économies faites à son détriment : planification écologique, plan Écophyto, plan Protéines, pacte en faveur de la haie, protection des forêts. Le rapporteur pour avis parle de pas en avant et en arrière : ce n'est vraiment pas le moment de faire des pas en arrière ! Je lisais encore hier dans Le Monde un article sur le flufénacet, un pesticide pour céréales qui se retrouve partout, notamment dans l'eau potable. Il faudrait à cet égard se demander s'il n'y aurait pas un lien entre, d'une part, les pesticides perturbateurs endocriniens et, d'autre part, les problèmes immunitaires et toutes les épizooties constatées...
La santé, bien primordial, n'apparaît pas dans ce budget. Pris dans la compétition internationale, le Gouvernement ne pense qu'au court terme. Nous voterons donc contre ces crédits.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Nous avons effectivement besoin de nous poser de vraies questions sur la politique sanitaire. Les épizooties ont toujours existé, qu'il y ait des pesticides ou non. N'oublions pas l'étymologie du mot pesticide, qui a à voir avec la lutte contre la peste.
Le problème est la situation de la prophylaxie à cause de la diminution drastique du nombre de vétérinaires ruraux : il n'y en a plus que 6 500 en France. Si nous ne les rémunérons pas pour assurer la veille sanitaire, nous irons au-devant de graves problèmes. En 2000, en même temps que l'ESB, la Grande-Bretagne et la France avaient connu une alerte à la fièvre aphteuse. Mais tandis que la France était restée à trois cas, il y en avait eu des centaines en Grande-Bretagne. Pourquoi ? Le maillage des vétérinaires ruraux y avait été détricoté. Le principe est de former un budget digne de ce nom, de 60 millions d'euros, en augmentant la cotisation des agriculteurs ; en tant qu'agriculteur, je cotise 20 euros - il y a de la marge ! Parallèlement, il faut passer de 65 % à 70 % la part de l'État. Il faut éviter autant que possible le transfert de ces vétérinaires vers les villes où ils soignent les chiens et les chats, ce qui est plus rémunérateur et moins contraignant.
Le but n'est pas de tuer les GDS, mais de trouver un système plus performant. Quoique classés organismes de veille sanitaire (OVS), les GDS n'ont pas été à la hauteur dans nombre de territoires sur la fièvre catarrhale. Ils auraient dû sonner l'alarme pendant l'hiver et favoriser la vaccination dans les territoires sains.
Anne-Catherine Loisier a raison : là où le système fonctionne, il faut le conserver. Ce que nous préconisons me fait penser aux associations départementales pour l'aménagement des structures et exploitations agricoles (Adasea) : qui se plaint aujourd'hui de leur fusion avec les chambres d'agriculture ?
M. Gérard Lahellec. - Merci aux rapporteurs, qui ont exprimé des désaccords, même si leurs remarques ne modifient pas le fond de mon appréciation. Nous ne partons pas du bon pied sur la crise structurelle que connaissent tant l'élevage que les fruits et légumes. Effectivement, s'agissant de la transmissibilité, il faut veiller à ne pas contrarier l'équilibre de certaines exploitations. Vous avez pointé à juste titre le risque foncier. Veillons à ce que les aides aillent à ceux qui en ont besoin.
Certains oublis ou imprécisions peuvent être dramatiques, comme sur l'agroécologie ou tout ce qui a été dit sur la forêt - on pourrait en dire autant de l'enseignement public agricole. Pour l'enseignement général, le Gouvernement nous oppose la chute démographique pour justifier les baisses d'effectifs, mais cela ne fonctionne pas dans l'autre sens pour l'enseignement agricole... Nous nous opposerons aux crédits de la mission.
M. Henri Cabanel. - Je m'associe aux remerciements. Je me pose des questions sur notre façon de traiter les crises agricoles successives. Il faudrait anticiper davantage les problèmes posés par le changement climatique. Nous consacrons énormément de budget à réparer - mais vu l'ampleur et l'accélération des catastrophes depuis une décennie, j'ai le sentiment que nous arrosons le sable ! Si nous ne changeons pas de paradigme en adoptant une vision prospective, rien n'y fera ! Pas même l'assurance récolte, qui n'apportera pas de résilience aux exploitations si nous ne changeons pas les règles fixées par les accords de Marrakech de 1994, notamment la moyenne olympique.
Ce budget n'est pas assez ambitieux. Certes, des décisions ont été prises en coordination avec les filières. Une enveloppe de 120 millions d'euros a été consacrée à l'arrachage des vignes, mais la campagne d'arrachage, terminée cette semaine, n'atteint pas 20 000 hectares sur les 30 000 prévus. Nous manquons de stratégies de filières.
M. Franck Montaugé. - Il est intéressant que vous en appeliez à une approche préventive pour le FMSE. Il faudrait l'élargir à d'autres sujets qui devraient s'inscrire dans la planification écologique - la grande absente de ce PLF. Je pense au diagnostic sur la qualité des sols ou à la politique de l'eau. Comme Henri Cabanel l'a rappelé, il faut adopter une démarche préventive territoire par territoire, car il faut faire de la dentelle même si certains aspects sont communs.
Je regrette que les externalités positives ne fassent pas l'objet de crédits spécifiques ; c'est un moyen qui pourrait être utile. Ce budget est l'occasion pour la majorité sénatoriale de pousser de bonnes idées - mais cela viendra peut-être par la suite.
Pas moins de 600 millions d'euros sont consacrés aux assurances - je m'en réjouis. Mais quid du calcul des moyennes ? Il faudrait une indexation des crédits en fonction du taux de pénétration filière par filière et territoire par territoire.
M. Daniel Gremillet. - Effectivement, concernant l'assurance, nous sommes au milieu du gué. Les situations de crise s'accumulent et l'intérêt d'être assuré est faible si l'assiette n'est pas plus large. On peut se souvenir du fonds des calamités agricoles : l'État donnait un et l'agriculteur un. Les Jeunes agriculteurs avaient proposé de rendre obligatoire l'assurance récolte. Il faudra être courageux sur ce point.
Le dossier sanitaire est complexe : la sécurité sanitaire dépend de l'État et des vétérinaires sanitaires - tous ne le sont pas. Il est vrai qu'un manque de vétérinaires sur un territoire peut poser problème. La sécurité sanitaire du cheptel peut influer sur la sécurité sanitaire humaine.
Le FMSE est un fonds de participation obligatoire organisé entre l'État et les agriculteurs ; mais il faudrait parler aussi des caisses de solidarité, gérées par les GDS. Cela me fait penser aux assurances des particuliers : elles se cumulent parfois sur les mêmes risques...
Nos débats de ce matin sont intéressants : il nous faudra faire preuve de courage politique pour ne pas déresponsabiliser l'État sur les questions sanitaires, ni opposer les indemnisations entre elles : des éleveurs doivent être libres de prendre une assurance supplémentaire - je pense à des risques qui ne relèvent pas de la politique sanitaire.
Je partage votre propos sur la forêt, monsieur Menonville. Alors que la France a des ressources forestières non utilisées, ce serait une erreur terrible d'opposer le bois de chauffage aux autres utilisations.
Cela me rappelle l'installation d'une grande usine à papier dans les Vosges - cela ne date pas d'hier, Philippe Séguin était encore député-maire d'Épinal. Certains nous prédisaient que la montagne vosgienne serait bientôt toute pelée ; aujourd'hui, la forêt est toujours là et l'usine aussi, créant beaucoup d'emplois sans parler de l'impact carbone positif.
M. Olivier Rietmann. - En 2022, avec Jean Bacci, Anne-Catherine Loisier et Pascal Martin j'ai rédigé un rapport sur les feux de forêts ayant donné lieu à une proposition de loi. L'idée était que ce n'est pas une fois qu'il pleut dans la voiture qu'il faut fermer les vitres. Il faut prévenir pour éviter les coûts pour la filière, pour la biodiversité, mais aussi pour l'économie en général. Un euro investi dans la prévention, c'est au minimum 25 euros de sauvé, nous disait-on au sujet des feux de forêt. Il faut donc voir ces dépenses comme un investissement.
Nous avions voté 50 créations de postes au CNPF sur trois ans ; 21 postes ont été créés l'année dernière. Je pourrais accepter qu'on étale ces créations, mais revenir en arrière pour 13 postes, cela me semble relever de l'opportunisme financier : certes il n'y a pas eu beaucoup d'incendies cette année, mais ce n'est qu'une parenthèse. Dans notre rapport, nous avions fait état que la zone considérée comme très à risque serait multipliée par 8 ou 10 ! C'est maintenant qu'il faut faire des efforts pour éviter que cela nous coûte des fortunes à l'avenir.
M. Yannick Jadot. - La question des transmissions d'exploitations est liée à l'enjeu - considérable - de la concentration des exploitations. Le débat est porté par les Jeunes agriculteurs : plus on concentre, plus il est difficile de transmettre. Dans certains territoires, les fermes, trop grosses, sont rachetées par des fonds d'investissement. Certains paysans parlent de cannibalisme : comme vous êtes payés à l'hectare, il faut parfois avaler le voisin pour survivre.
Concernant la planification, le recul des financements est une forme de déni de la réalité. Oui, il y a toujours eu des épizooties et des aléas climatiques, mais ne pas voir que la crise écologique amène une intensification des chocs est une erreur.
Enfin, nous devons nous donner les moyens de développer la filière bio - c'est un modèle à valoriser. Pourtant, certaines lois, dont la loi Égalim, ne sont même pas respectées. Si nous ne faisons rien, la crise du bio va continuer.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. - Je suis pleinement d'accord avec ce qui a été dit sur la politique forestière. Nous avons réussi à faire corriger le tir sur l'ONF et la ministre va intégrer des modifications à son budget. Notre proposition me semble raisonnable en ce qui concerne le CNPF : nous sommes d'accord pour suspendre la trajectoire prévue pour un temps, mais nous ne voulons pas revenir sur le pas déjà fait - la création de 21 ETP en 2024.
S'agissant de la planification écologique, souvenons-nous qu'un pas très important a été fait en 2024. Dans ces conditions, il me semble que le recul envisagé en 2025 ne casse pas la dynamique engagée, qui reste positive sur plusieurs années.
La ministre a veillé à concrétiser l'ensemble des engagements pris depuis les mobilisations agricoles : aides à la transmission et à l'installation, TO-DE, tarif réduit du gazole non routier (GNR), déduction pour épargne de précaution, soutien face aux crises sanitaires...
Je veux ajouter que les efforts pour la transition écologique ne se limitent pas au strict budget de l'agriculture : il faut aussi prendre en compte l'importance de la recherche pour faire émerger des solutions en faveur de la résilience.
S'agissant des crises sanitaires, il est clair que cet été nous avons connu des retards à l'allumage pour les anticiper et les gérer au mieux. Nous devons aussi améliorer la coordination européenne en la matière, parce que les épizooties ne s'arrêtent pas aux frontières. Nous avons en outre constaté des fragilités en matière d'interopérabilité des systèmes d'information et de transmission des données : alors que les éleveurs ont sept jours pour déclarer des naissances ou des décès d'animaux, l'État n'est pas en capacité de quantifier correctement et rapidement certains phénomènes, et nous devons nous en remettre aux tonnages d'équarrissage pour en déduire les pertes d'animaux.
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis. - Je veux d'abord saluer la bienveillance qui, malgré les désaccords avec mes corapporteurs, transparaît de nos échanges ce matin.
Le TO-DE pourrait peut-être répondre à certaines problématiques de la filière forêt-bois, comme l'a indiqué Anne-Catherine Loisier, mais il me semble que ce dispositif est parfois dévoyé. Nous devons donc faire attention.
Je ne suis pas d'accord avec les autres rapporteurs pour avis sur les GDS : s'il peut exister des difficultés dans tel ou tel département, nous ne devons pas tout mettre à la poubelle, parce que ce dispositif existe depuis très longtemps et que certains fonctionnent bien. Le fait qu'ils soient déconnectés des chambres d'agriculture leur donne de l'autonomie et leur permet d'être moins partisans d'un point de vue syndical. J'ajoute qu'en matière de veille sanitaire il faut lier végétal et animal.
En ce qui concerne le fonds de calamité et l'assurance récolte, nous devons trouver un système qui soit accessible à tous.
Enfin, il est dommage que la prise en compte des externalités positives ait complètement disparu de ce budget.
M. Christian Klinger, rapporteur spécial. - Regardons tout de même avec attention de quoi sont composés certains appels à projets du pacte en faveur de la haie : dans certaines régions, près de 40 % des crédits sont destinés à des études ou à de l'animation... Veillons à l'utilisation de l'argent public !
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis. - Il est logique qu'en début de programmation les crédits en faveur de l'animation soient élevés, puisqu'il faut faire connaître les dispositifs nouveaux aux différents acteurs. Ces crédits ont vocation à diminuer, il faut les lisser dans le temps.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en venons à l'examen des sept amendements proposés par nos rapporteurs pour avis.
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis. - Le premier amendement vise à créer, au sein de la mission, un nouveau programme consacré à la prévention et à la surveillance des aléas climatiques. Il serait le pendant de ce que fait le programme 206 pour les aléas sanitaires.
Mme Amel Gacquerre. - Je suis d'accord avec le principe, mais un tel programme ne serait-il pas redondant avec ceux qui sont mis en oeuvre par le ministère de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques ?
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis. - La Cour des comptes a souligné qu'une telle ligne budgétaire financerait utilement une veille sur l'interaction entre changement climatique et risques sanitaires. Chambres d'agriculture France le demande également. Nous pourrons interroger Mme Pannier-Runacher cet après-midi.
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. - Le deuxième amendement vise à accroître le financement du régime spécifique d'approvisionnement, qui permet la compensation des coûts liés au fret maritime dans les outre-mer. Le RSA est aujourd'hui financé, à hauteur de 27 millions d'euros, par le Fonds européen agricole de garantie (Feaga).
Alors que la situation est particulièrement tendue en Martinique, cet amendement permettrait d'améliorer, à la fois, le pouvoir d'achat et la compétitivité de nos filières ultramarines.
L'amendement AFFECO.2 est adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. - Le troisième amendement vise à acter la première tranche de financement de la dématérialisation de la traçabilité et de l'identification animales par un financement de 5 millions d'euros.
L'amendement AFFECO.3 est adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. - Le quatrième amendement vise à consacrer temporairement 2,1 millions d'euros au maintien de surcapacités d'équarrissage, avant d'en transférer la charge aux interprofessions.
L'amendement AFFECO.4 est adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. - Le cinquième amendement vise à majorer de 22 millions d'euros l'enveloppe de la planification écologique au bénéfice de la forêt.
L'amendement AFFECO.5 est adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. - Le sixième amendement vise à donner au Centre national de la propriété forestière les moyens d'assurer sa mission de dynamisation de la gestion de la forêt privée, qui représente les trois quarts de la forêt française, en revenant sur l'annonce du Gouvernement de baisser ses effectifs de 13 ETP.
L'amendement AFFECO.6 est adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. - Le septième amendement vise à abonder de 3 millions d'euros le FSFB.
L'amendement AFFECO.7 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » » et des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».