B. UNE HAUSSE STRUCTURELLE DES DÉPENSES, QUE DES PROPOSITIONS D'ÉCONOMIES LIMITENT
1. Des propositions d'économies de 4,9 milliards d'euros
Après une forte accélération en 2024 (+ 5,3 %), les dépenses n'augmenteraient en 2025 que de 2,8 %, notamment grâce aux mesures d'économies proposées par le présent PLFSS.
La situation est contrastée entre les branches : la branche vieillesse (+ 2,2 %) et la branche maladie (+ 2,8 %) contribuent modérément à l'augmentation des dépenses en proportion, à l'inverse de la branche famille (+ 3,1 %) et surtout de la branche Autonomie (+ 6,6 %). En volume toutefois, ce sont les branches vieillesse et maladie qui contribuent le plus à l'augmentation des dépenses de la sécurité sociale.
Évolution des dépenses des branches de la sécurité sociale entre 2021 et 2025
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après la CCSS et le PLFSS pour 2025
Le ralentissement de l'évolution des dépenses de la Sécurité sociale est dû tant à la conjoncture qu'aux mesures d'économies substantielles présentées dans le PLFSS pour 2025, pour un montant de 4,9 milliards d'euros. L'essentiel des mesures d'économies est lié au décalage de la revalorisation des pensions de retraite au 1er juillet (3,1 milliards d'euros) et aux mesures portant sur l'ONDAM via la hausse du ticket modérateur sur les médecins et sage-femmes, la baisse du plafond des indemnités journalières de 1,8 à 1,4 SMIC et des mesures de maitrise tarifaire des produits de santé (1,6 milliards d'euros).
Mesures en dépenses proposées par le PLFSS pour 2025
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après la CCSS et le PLFSS pour 2025
2. Des économies substantielles sur la branche retraite grâce au report de la revalorisation des pensions de retraite
La hausse des prestations de la branche vieillesse en 2025 (+ 2,1 %) est fortement ralentie par rapport à 2024 (+ 6,9 %). Le décalage de la revalorisation des pensions de 2,3 %, correspondant à l'inflation atteinte entre octobre 2023 et octobre 2024, du 1er janvier au 1er juillet, contribuerait grandement à la décélération de la hausse des pensions de retraite. Selon l'annexe 3 du PLFSS, la mesure permettrait de baisser de 1,4 point les dépenses de la branche retraite entre 2024 et 2025, soit une économie de 3,1 milliards d'euros.
Le ralentissement de l'inflation, après une revalorisation des pensions de retraite à 5,3 % en 2024, explique également cette décélération.
Si cette réforme peut avoir des conséquences non négligeables en particulier sur les petites retraites, que le débat au Parlement peut conduire à minorer, les mesures d'économies permettant de limiter les dépenses des retraites sont tout de même bienvenues, au vu de la dégradation des finances publiques.
L'effet « noria », c'est-à-dire la croissance de la pension moyenne des salariés, contribuerait à l'augmentation des prestations de la branche à hauteur de 1,1 à 1,4 point.
Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) finance la part non contributive des prestations vieillesse, principalement les cotisations correspondant aux périodes validées gratuitement par les régimes de retraite, et en premier lieu les périodes de chômage, ainsi que les prestations relevant du minimum vieillesse. L'évolution de ses dépenses ralentirait en 2025 (+ 3 %, contre + 6,8 % en 2024 selon la CCSS) du fait de la baisse des prises en charge de cotisations chômage, mais resterait dynamique, notamment au titre du minimum vieillesse (+ 6,8 % contre + 9,8 % en 2024).
La réforme des retraites adoptée en 202311(*) n'aura d'effets financiers favorables que progressivement, la montée en charge des mesures d'accompagnement étant plus rapide que celle des mesures d'âge. Selon la Cour des comptes, le gain net resterait limité à 1 milliard d'euros en 2025 et à 2 milliards d'euros en 2026.
3. Des dépenses structurellement élevées de la branche maladie, malgré des mesures tendant à les réduire
La hausse des prestations de la branche maladie en 2025 (+ 2,2 %) est fortement ralentie par rapport à 2024 (+ 4,1 %), grâce à une baisse de l'inflation qui devrait minorer le coût des indemnités journalières et aux mesures proposées par le présent PLFSS.
a) Une hausse contenue des dépenses de l'ONDAM
Avant mesures nouvelles du PLFSS 2025, les dépenses dans le champ de l'Ondam augmenteraient de 3,7 % en 2025 à champ constant, soit 7,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Cette évolution intègre une économie de 0,3 milliard d'euros au titre de la montée en charge en année pleine du doublement des participations forfaitaires et des franchises et 2,3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires au titre notamment des revalorisations conventionnelles.
Après mesures nouvelles, l'Ondam s'élève à 263,9 milliards d'euros pour 2025, soit une hausse de 2,8 % par rapport à 2024.
Évolution des sous-objectifs de l'Ondam pour 2025
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances d'après les articles 2 et 27 du PLFSS pour 2025
Évolution de l'ONDAM entre 2017 et 2025
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances d'après la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), octobre 2024
Les difficultés liées à la crise semblent ainsi dépassées. Aucune dépense de crise sanitaire n'est par exemple prévue pour 2025.
Toutefois, cette vision peut être trompeuse. Comme le démontre le graphique ci-dessus, la trajectoire de l'Ondam hors-crise sanitaire et hors Ségur de la santé est largement inférieure à la trajectoire constatée. En effet, si les dépenses directement liées à la crise sanitaire se sont résorbées, celle-ci a conduit à la mise en oeuvre des dépenses pérennes du Ségur et qui établissent l'Ondam à un niveau supérieur de 22,1 milliards d'euros au-dessus de son niveau « naturel ».
Quoique l'on pense de la justification des dépenses liées au Ségur au regard de l'état du système de santé français, force est de constater que leur montant est très élevé : elles représentent un surcoût de 13 milliards d'euros en 2024 et de 12,7 milliards d'euros en 2025.
Coût des mesures du Ségur de la Santé
Note : ESMS signifie établissements et services médico-sociaux ; BAD : branche de l'aide à domicile, CTI : complément de traitement indiciaire.
Source : Direction de la Sécurité sociale
b) Le PLFSS pour 2025 propose de minorer l'ONDAM de 2,6 milliards d'euros
Le PLFSS pour 2025 prévoit plusieurs mesures d'économies pour minorer les dépenses de l'ONDAM de 2,6 milliards d'euros.
L'article 15 du PLFSS a en particulier pour objectif la régulation des dépenses d'assurance maladie en ville.
Il prévoit que, dans le cas où les conventions fixées dans le domaine de l'imagerie et de la biologie médicale entre l'Assurance maladie et les organisations professionnelles ne permettent pas de respecter l'objectif de dépenses, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie peut procéder à des baisses de tarifs des actes unilatéralement. Il en est attendu un gain de 100 millions d'euros pour l'Assurance maladie.
Les autres mesures d'économies sur lesquelles est assis le PLFSS (hausse du ticket modérateur, baisse de la prise en charge des indemnités journalières) sont de niveau réglementaire. En particulier, la hausse du ticket modérateur des médecins et des sages-femmes devrait rapporter 1,1 milliards d'euros. Par exemple, la part non remboursée par la Sécurité sociale devrait passer de 7,95 euros à 12 euros pour une consultation de médecine générale. La baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières de 1,8 à 1,4 SMIC permettrait également une économie de 600 millions d'euros.
Une réforme vient toutefois minorer de 1 milliard d'euros les économies proposées sur le champ de l'ONDAM. L'article 21 prévoit le transfert des dépenses d'accompagnement à la perte d'autonomie des départements à la sécurité sociale, en généralisant l'expérimentation déjà en cours à terme. Il s'agit d'une réforme de la tarification des EHPAD et des unités de soins de longue durée (USLD), qui devrait simplifier le financement et la gouvernance de ces établissements.
Une clarification des modalités d'appel et de calcul de la clause de sauvegarde
Depuis sa création par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 1999, la clause de sauvegarde a été conçue comme une corde de rappel budgétaire, destinée à permettre le respect de l'ONDAM dans le cas où les outils de régulation microéconomique du secteur ne permettraient pas de respecter le niveau de dépenses d'assurance maladie prévues.
L'assiette de la clause de sauvegarde est assise sur le montant remboursé par l'assurance maladie, et non plus sur le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année civile en France, depuis la loi12(*) de financement de la sécurité sociale pour 2024, à partir des montants dus au titre de l'année 2025.
Depuis la loi de financement de 2019, lorsque le montant remboursé par l'assurance maladie excède le montant M, le montant de la contribution sera égal à 90 % de la différence entre le montant remboursé par l'assurance maladie et le montant M. Celui-ci sera réparti entre les entreprises redevables :
- à concurrence de 70 %, au prorata du montant remboursé par l'assurance maladie au titre des médicaments qu'elles exploitent, importent ou distribuent ;
- à concurrence de 30 %, en fonction de la progression de ce montant remboursé par rapport à l'année précédente.
Le montant prélevé est plafonné à 12 % des remboursements de l'assurance maladie.
Un dispositif semblable a été créé par la loi13(*) de financement de la sécurité sociale pour 2020 pour les dispositifs médicaux. La clause de sauvegarde se déclenche lorsque le chiffre d'affaires dépasse un montant nommé « Z ».
L'article 9 du PLFSS pour 2025 prévoit :
- de fixer le montant de la clause de sauvegarde « M » à 23,3 milliards d'euros, qui auraient correspondus à 27,9 milliards d'euros, soit une hausse de 5,7 % par rapport à 2024 ;
- de fixer le montant de la clause de sauvegarde « Z » à 2,27 milliards d'euros, soit une baisse de 1,8 % par rapport à 2024.
L'objectif est de maintenir un rendement constant de la clause de sauvegarde pour l'État. Toutefois, veiller à ce que la clause de sauvegarde n'impacte pas trop fortement le marché des entreprises pharmaceutiques en France est important, pour éviter des pénuries trop fortes de médicaments. D'autres mesures, notamment de rationalisation de la consommation des médicaments ou encore d'extension des médicaments fournis sans prescription obligatoire, pourraient constituer des gisements d'économies.
Source : commission des finances
4. Les branches « Famille » et « AT-MP » en hausse modérée, tandis qu'un transfert de compétences augmente le périmètre de la branche « Autonomie »
a) Les dépenses de la branche « AT-MP » en hausse en raison d'un transfert à la branche maladie
Les dépenses de la branche accidents du travail - maladies professionnelles augmenteraient de 6,4 % en 2025. Cette progression résulte principalement de la hausse du transfert de la branche « AT-MP » à la branche maladie de 400 millions d'euros au titre de la sous-déclaration des accidents du travail (souvent déclaré en arrêts maladie). Les transferts vers les autres branches de la sécurité sociale sont comptés comme des dépenses supplémentaires. Hors mesures nouvelles, les dépenses de la branche « AT-MP » n'augmenteraient que de 3,9 %.
b) La croissance des dépenses de la branche famille s'explique, en l'absence de mesure nouvelles pour 2025, par leur évolution tendancielle
Les dépenses de la branche famille augmenteraient à un rythme modéré (+ 3,1 %). En effet, en l'absence de mesures nouvelles ayant des effets en 2025, elles sont portées par l'inflation constatée en 2024. La revalorisation des prestations légales de 1,9 % prévue pour le 1er avril 2024 aurait, selon les prévisions, un effet à la hausse de + 2,6 %.
c) Un tiers de la progression de 6 % des dépenses de la branche autonomie s'explique par des mesures nouvelles
Les dépenses de la branche autonomie enregistreraient en 2025 une progression de 6 %, soit 2,4 milliards d'euros, dont 800 millions d'euros de mesures nouvelles.
L'article 21 du PLFSS prévoit en effet le transfert des dépenses d'accompagnement à la perte d'autonomie des départements à la branche « autonomie », en généralisant l'expérimentation déjà en cours à terme. Cette expérimentation, pour laquelle 27 départements se sont portés candidats, sera généralisée à 23 départements, et non plus à 8 départements comme initialement prévu. Un transfert de recettes est toutefois prévu, à hauteur de 500 millions d'euros, pour compenser ces dépenses nouvelles.
* 11 Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
* 12 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
* 13 Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.