N° 130

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de financement
de la
sécurité sociale, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2025,

Par M. Vincent DELAHAYE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) :

325, 480 et 487

Sénat

129 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 porte sur près de 600 milliards d'euros de dépenses publiques. Comme chaque année, en raison de sa part dans les finances publiques, la commission des finances s'en est saisie pour avis.

I. EN 2024, UNE DÉGRADATION DRASTIQUE DU DÉFICIT PAR RAPPORT À LA PRÉVISION

Après avoir atteint en 2020 un niveau proche de 40 milliards d'euros, le déficit de la sécurité sociale s'était réduit et atteignait ainsi 10,8 milliards d'euros en 2023. En 2024, le déficit de la sécurité sociale se dégrade de nouveau, avec 18 milliards d'euros. L'essentiel est porté par la branche maladie (- 14,6 milliards d'euros) et la branche vieillesse (- 6,3 milliards d'euros), en particulier la CNRACL (- 3,4 milliards d'euros). La LFSS pour 2024 prévoyait pourtant un déficit de 10,5 milliards d'euros, donc plus faible de 7,5 milliards d'euros.

Évolution du solde des branches des régimes obligatoires de base et du FSV
entre 2018 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après le PLFSS pour 2025

A. DES RECETTES NETTEMENT MOINS ÉLEVÉES QU'ATTENDU

L'écart à l'anticipation de la LFSS pour 2024 s'explique en grande partie par la minoration de 6,6 milliards d'euros des recettes attendues.

En particulier, l'élasticité des recettes de TVA a été surestimée, la croissance française ayant été tirée moins par la consommation des ménages que par les exportations. Toutefois, la surestimation de la croissance économique, de 1,1 % et non de 1,4 % comme envisagé, a majoré les estimations des recettes. Or le Haut Conseil des finances publiques avait déjà estimé la prévision de croissance de 2024 « élevée » en septembre 2023.

Une partie de la surestimation des recettes aurait donc pu être évitée par des prévisions macroéconomiques moins optimistes.

B. UNE HAUSSE INCONTRÔLÉE DES DÉPENSES

L'autre explication tient à la hausse de 5,3 % des dépenses, contre + 3,1 % en 2023, portées notamment par la branche retraite et la branche maladie.

En particulier, la revalorisation des pensions de retraite a coûté 15,6 milliards d'euros. L'Ondam 2024 est également dépassé de 1,2 milliard d'euros par rapport à l'objectif voté en LFSS pour 2024. La principale cause est la sur-exécution du sous-objectif « soins de ville », en hausse de 4 % par rapport à 2023.

II. UN DÉFICIT ÉLEVÉ EN 2025, MAIS CONTENU GRÂCE AUX MESURES DU PLFSS POUR 2025

La prévision de déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV est de 16 milliards d'euros pour 2025, soit une baisse de 2 milliards d'euros par rapport à 2024.

Évolution du solde des branches de la sécurité sociale entre 2023 et 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de financement de la Sécurité sociale

A. UN RALENTISSEMENT TENDANCIEL DE LA CROISSANCE DES RECETTES

En 2025, les recettes de la Sécurité sociale augmenteraient de seulement 3,2 %, en raison notamment de la baisse de l'inflation, alors qu'elles devraient progresser de 4,2 %entre 2023 et 2024.

Les mesures en recettes du présent PLFSS portent essentiellement sur la refonte des allègements généraux (+ 5,1 milliards d'euros), minoré d'une baisse d'affectation de TVA de 1 milliard d'euros, ainsi que sur la hausse de 4 points du taux de cotisation de la CNRACL (+ 2,3 milliards d'euros).

Décomposition de la hausse des recettes de la Sécurité sociale pour 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe 3 du PLFSS pour 2025

Le déficit de la CNRACL serait de 4,8 milliards d'euros en 2025, si aucune nouvelle mesure n'est prise. Toutefois, il faut noter qu'en raison du dispositif de compensation démographique, la CNRACL a dû verser près de 700 millions d'euros en 2023, perçus essentiellement par les caisses de retraite agricoles. L'augmentation des cotisations employeur représenterait de plus un poids important pour les finances des collectivités territoriales. Le débat parlementaire doit permettre de trouver un compromis soutenable pour les collectivités.

B. UNE HAUSSE DES DÉPENSES, MAIS DES MESURES D'ÉCONOMIES SUBSTANTIELLES DANS LE PLFSS

Après une forte accélération en 2024 (+ 5,3 %), les dépenses n'augmenteraient en 2025 que de 2,8 %. Les mesures de baisse de dépenses portent essentiellement sur le décalage de la revalorisation des pensions de 2,3 % du 1er janvier au 1er juillet (3,1 milliards d'euros) et sur l'ONDAM (1,6 milliard d'euros), qui n'augmenterait que de 2,8 % par rapport à 2024.

À noter que, même si les dépenses de crise sanitaire ont disparu en tant que telles, celle-ci a entrainé une hausse structurelle des dépenses de l'ONDAM compte tenu de l'état constaté du système de santé français.

En particulier, les dépenses liées au Ségur représentent un surcoût de 13 milliards d'euros par an.

III. UNE REMONTÉE DES DÉFICITS JUSQU'EN 2028 : L'IMPASSE DU FINANCEMENT DE LA DETTE SOCIALE

Le déficit de la sécurité sociale continuerait à se dégrader, pour atteindre 19,9 milliards d'euros en 2028, soit un niveau presqu'équivalent à celui de 2022.

Solde des régimes obligatoires de base et du FSV entre 2019 et 2028

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les annexes du PLFSS pour 2025

Compte tenu du plafond de reprise fixé à 136 milliards d'euros par la loi organique du 7 août 2020, la Cades ne pourra plus recevoir de nouveaux transferts de dette en 2025. Or l'ACOSS n'a pas vocation à porter à long terme des montants élevés de dette sociale. Dans ces conditions, une nouvelle reprise de dette par la Cades apparait très probable.

IV. LE POIDS DU FINANCEMENT DES RETRAITES SUR LES DÉPENSES PUBLIQUES : UNE INFORMATION INSUFFISANTE DU PARLEMENT

À l'exception notable des régimes des professions libérales, des avocats et des clercs et employés de notaires, les cotisations ne permettent pas de couvrir l'ensemble des prestations servies pour la plupart des régimes de retraite de base.

Ratio de cotisations sur les pensions de retraites servies

(en pourcentage)

CRPCEN : caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires ; CNIEG : caisse nationale des industries électriques et gazières ; FSPOEIE : fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État ; ENIM : établissement national des invalides de la marine.

Source : commission des finances à partir des données de la Commission des comptes de la Sécurité sociale

Toutefois, concernant le régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État, afin d'équilibrer le système, l'État verse directement une cotisation dite « d'équilibre », mais à un taux de cotisation beaucoup plus élevé que dans le privé (98 % en moyenne, contre 15,5 % pour le régime général). Un même système est utilisé pour la CNRACL.

En distinguant les cotisations dites normales, relevant d'un taux de cotisation employeur de 28 %, soit le taux plafond légal aux cotisations, de ce qui relève de la subvention, les cotisations relevant d'un taux « normal » et les impôts et taxes affectées ne couvrent que 81 % du coût des retraites. Le besoin de financement du système des retraites s'élève ainsi à 72 milliards d'euros en 2023.

Il est particulièrement dommage que le PLFSS ne présente pas cette information de façon claire. Un couplage avec une présentation du solde des retraites pour l'ensemble de la sphère publique, comme le recommande ma collègue Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », serait bienvenu.

Réunie le 12 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat un avis favorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, sous réserve de l'adoption des amendements proposés par la commission des affaires sociales, après un avis de sagesse du rapporteur.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 couvre un champ considérable des finances publiques par ses dépenses (661,5 milliards d'euros en 2025) et ses recettes (645,4 milliards d'euros), celles-ci provenant à 50 % d'« impositions de toute nature » (CSG, impôts et taxes affectés) et de charges budgétaires (cotisations d'équilibre de l'État employeur, subventions aux régimes sociaux et de retraite, compensation d'exonérations sociales).

En raison du poids de ce texte dans les finances publiques et de son impact macro-économique, la commission des finances, comme chaque année, en est saisie pour avis.

Le présent rapport pour avis vise à établir un tableau synthétique de la situation financière de la sécurité sociale et à donner l'appréciation de la commission des finances, après les avoir présentés, sur les principaux arbitrages opérés par le projet de loi et leurs effets sur l'évolution des ressources, des dépenses et du solde de celle-ci en 2025 et au-delà.

En vertu de l'article 47-1, alinéa 2 de la Constitution, le projet de loi a été transmis au Sénat le vendredi 8 novembre 2024.

Il est complété par les articles 3 bis, 3 ter, 3 quater, 4 bis, 5 bis, 5 ter, 5 quater, 7 bis, 8 bis, 8 ter, 8 quater, 8 quinquies, 9 bis, 9 ter, 9 quater, 15 bis, 15 ter, 15 quater, 15 quinquies, 16 bis, 16 ter, 17 bis, 17 ter, 17 quater, 17 quinquies, 17 sexies, 17 septies, 17 octies et 17 novies.

I. LA SITUATION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE FIN 2024 : UNE DÉGRADATION DRASTIQUE ET MAL ANTICIPÉE DU DÉFICIT

Après avoir atteint en 2020 un niveau inégalé proche de 40 milliards d'euros, le déficit de la sécurité sociale s'est réduit les années suivantes : il atteignait ainsi 10,8 milliards d'euros en 2023. En 2024, ce déficit a subi à nouveau une forte augmentation et s'élève à 18 milliards d'euros.

Outre que cette dramatique aggravation des comptes de la Sécurité sociale est très inquiétante, elle a également été très mal anticipée. L'écart entre les prévisions établies dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et les prévisions actualisées présentées dans le présent projet de loi de financement interrogent quant à la fiabilité des prévisions qui avaient été présentées en 2024.

On constate en effet que les prévisions de solde sont dégradées de 7,5 milliards d'euros entre la loi de financement pour 2024 et le projet de loi de financement pour 2025, principalement du fait de recettes moindres qu'attendues. En particulier, les recettes fiscales ont été moins élevées que prévu, à hauteur de 4,5 milliards d'euros, essentiellement en raison d'une moindre dynamique des produits de TVA. Les cotisations sociales ont également été surestimées en LFSS pour 2024. Du côté des dépenses, l'aggravation du déficit de 1,2 milliard d'euros est due à la progression inattendue de l'ONDAM. À noter, le déficit de la Sécurité sociale serait même de 18,5 milliards d'euros en l'absence de mesures nouvelles intégrées par le PLFSS pour 2025.

Principaux écarts entre les prévisions de solde pour 2024 réalisées en LFSS
pour 2024 et en PLFSS pour 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'annexe n° 3 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025

A. DES RECETTES NETTEMENT MOINS ÉLEVÉES QU'ATTENDU, EN RAISON D'UNE SURESTIMATION DE LA TVA

1. Un ralentissement de la progression des recettes

Après la baisse de 2,1 % des recettes des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) en 2020, celles-ci ont bénéficié d'un fort effet rebond en 2021 et 2022 et leur dynamique s'est avérée supérieure à celle des dépenses, pourtant encore soutenue. Entre 2022 et 2023, les recettes des régimes de base et du FSV ont progressé de 4,8 %, soit un rythme ralenti par rapport à 2021 et 2022 (+ 5,4 %). En 2024, les recettes augmentent de 4,2 %, soit une hausse considérablement plus faible que les années précédentes, en raison de la normalisation de l'évolution des prix et d'une croissance modérée.

Les cotisations sociales sont principalement responsables de cette dynamique. Elles connaitraient en effet une augmentation importante (+ 4 %), en raison de la hausse des cotisations du secteur privé, portées par l'arrêt de la progression des allègements généraux. La masse salariale du secteur privé n'augmenterait que de 3,2 %. Les cotisations du secteur public demeurent également dynamiques, à hauteur de 3,4 %, en raison de l'attribution de 5 points d'indice à tous les agents publics au 1er janvier 2024 et de l'effet en année pleine de la revalorisation de 1,5 % du point d'indice de juillet 2023.

Les recettes de la contribution sociale généralisée (CSG) augmenteraient de 5,8 %, contre 4,5 % en 2023, en raison du transfert de 2,6 milliards d'euros de recettes de la CADES à la CNSA. Hors cette mesure de périmètre, la progression de la CSG serait ralentie par la moindre dynamique de la masse salariale du secteur privé, malgré une revalorisation importante des pensions de retraite de 5,3 %.

Enfin, les recettes fiscales connaitraient une augmentation de 2,9 %, soit un ralentissement par rapport à 2023, en raison de la baisse de l'inflation. En particulier, les recettes de TVA progresseraient deux fois moins qu'en 2023 (à hauteur de 1,6 %), tout comme la taxe sur les salaires (+ 3,7 %).

Évolution des recettes de la Sécurité sociale entre 2022 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après la commission des comptes de la Sécurité sociale, septembre 2024

2. Des recettes beaucoup plus basses que prévu

Les recettes de la Sécurité sociale en 2024 sont inférieures de 6,6 milliards d'euros aux prévisions de la LFSS pour 2024, ce qui explique l'essentiel de l'aggravation du déficit de la Sécurité sociale de 7,5 milliards d'euros. Les raisons expliquant l'écart de déficit sont les suivantes :

- d'une part, la surestimation de la croissance économique, de 1,1 % et non de 1,4 % comme envisagé initialement, et de la masse salariale, estimée à 3,9 % en LFSS pour 2024 et réévaluée à 3,2 % en PLFSS 2025, ce qui a majoré les prévisions à la fois des recettes de cotisations sociales et de TVA ;

- d'autre part, l'élasticité des recettes de TVA à la croissance serait de 0,3 en 2024, contre une estimation à 1 dans la LFSS pour 2024. En effet, fondamentalement, la croissance française a été tirée moins par la consommation des ménages que par les exportations, ce qui minore d'autant les recettes de TVA. Par ailleurs, les remboursements et dégrèvements de TVA dont bénéficient les entreprises auront un impact fort.

Il est à noter que le Haut Conseil des finances publiques avait estimé la prévision de croissance de 2024 « élevée » dans son avis du 27 septembre 2023 « la prévision de croissance (+ 1,4 %), [étant] supérieure à celles du consensus des économistes (+ 0,8 %) et des organismes qu'il a auditionnés ». Une partie de la surestimation des recettes par le Gouvernement aurait donc sans doute pu être évitée par une prévision moins optimiste et plus étayée de la croissance pour 2024.

Il faut toutefois constater que 2024 est la première année où les recettes seraient moins dynamiques que les dépenses depuis 2012 au moins. Cette nouvelle réalité a des conséquences importantes pour le solde de la sécurité sociale : des réformes structurelles doivent être conduites pour ne pas laisser cette situation perdurer.

Taux d'évolution des recettes et des dépenses de la Sécurité sociale
entre 2012 et 2024

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la commission des comptes de la Sécurité sociale, octobre 2024

B. UNE HAUSSE DES DÉPENSES TIRÉE PAR LES BRANCHES RETRAITE ET MALADIE

En 2024, les dépenses augmenteraient significativement plus qu'en 2023 (+ 5,3 % contre + 3,1 % en 2023), portées notamment par la branche retraite et la branche maladie.

Évolution des dépenses des branches de la Sécurité sociale
entre 2022 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après la commission des comptes de la Sécurité sociale, septembre 2024

Les dépenses de la branche retraite augmenteraient en effet de 6,8 %, soit une hausse de 19,9 milliards d'euros, et les dépenses de la branche maladie de 4 %, représentant 9,7 milliards d'euros.

1. Une hausse des dépenses de la branche vieillesse portée par l'indexation des pensions sur l'inflation

L'une des causes de la hausse massive des dépenses de la branche retraite est l'indexation des prestations sur l'inflation. Ainsi, les pensions de retraite ont été revalorisées de 5,3 % au 1er janvier 2024, et les autres prestations de 4,6 % au 1er avril 2024 (représentant une hausse de 3,9 % des prestations pour l'année 2024).

Par comparaison, en 2023, les pensions de retraite n'avaient augmenté que de 2,8 %. L'indexation des pensions de retraite sur l'inflation a représenté 5,3 points de l'augmentation de 6,8 % des dépenses de la branche retraite entre 2023 et 2024, soit un coût de 15,6 milliards d'euros pour la Sécurité sociale.

La réforme des retraites, entrée en vigueur au 1er septembre 2023, a également impliqué une hausse des charges de prestations de 0,4 milliards d'euros, en raison de la revalorisation du minimum contributif, qui l'emporterait sur les effets de décalage de départ à la retraite.

2. Un ONDAM largement dépassé en 2024, en raison de la hausse élevée des dépenses de soins de ville

L'Ondam 2024 connaît un dépassement de 1,2 milliard d'euros par rapport à l'objectif voté en LFSS pour 2024. Fixés à 254,9 milliards d'euros dans la LFSS, elles devraient atteindre un montant de 256,1 milliards d'euros en 2024, d'après le PLFSS 2025.

La principale cause de ce dépassement est la sur-exécution du sous-objectif « soins de ville ». Celles-ci, qui devraient représenter 109,5 milliards d'euros en 2024, auront progressé de 4 % par rapport à 2023. Elles sont supérieures de 1,1 milliard d'euros au sous-objectif voté dans la LFSS 2024, en incluant les surcoûts liés à la crise sanitaire, principalement du fait de la dynamique des dépenses versées au titre des indemnités journalières (+ 0,5 milliard d'euros), des produits de santé (+ 0,2 milliard d'euros) et des honoraires médicaux des spécialistes (+ 0,2 milliard d'euros).

Décomposition de l'écart de l'ONDAM pour 2024 anticipé
en LFSS 2024 et en PLFSS 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après la commission des comptes de la Sécurité sociale, septembre 2024

Les coûts bruts en lien avec la crise sanitaire (0,5 milliard d'euros pour 2024) sont transitoires et en diminution. Ils ont toutefois été sous-évalués d'au moins 0,3 milliard d'euros en LFSS pour 2024, notamment en raison de la montée en charge du recours au médicament Paxlovid (0,1 milliard d'euros). Les dépenses liées à la crise sanitaire sont constituées en plus des dotations de l'assurance maladie à l'Agence nationale de santé publique pour financer les achats de vaccins (0,1 milliard d'euros), des dépenses de dépistage (0,2 milliards d'euros), des indemnités journalières maladie (0,1 milliard d'euros).

Écarts entre les objectifs de dépenses entre la LFSS 2024 et le PLFSS 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après la commission des comptes de la Sécurité sociale, septembre 2024

Le dépassement du sous-objectif de l'ONDAM « établissements de santé » est lié dans une large mesure à une accélération plus rapide qu'anticipée des activités de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO), soit des opérations qui avaient été largement déprogrammées en 2020, 2021 et même 2022.

Enfin, le dépassement du sous-objectif de l'ONDAM « établissements et services médico-sociaux » est causée par la mobilisation des crédits mis en réserve en début d'année, en raison du dépassement global de l'ONDAM.

Ce dépassement a fait l'objet d'un avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie en date du 30 octobre 20241(*), qui juge ce dépassement de l'ONDAM « plausible » à condition qu'aucune dotation complémentaire ne soit attribuée aux établissements de santé peu avant l'arrêté des comptes de l'assurance maladie, « alors qu'il s'agit d'une pratique constante depuis l'exercice comptable 2017 ».

C. UNE HAUSSE IMPORTANTE DU DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET UNE DETTE SOCIALE DE 157,8 MILLIARDS D'EUROS

1. Un déficit porté même à 18,5 milliards d'euros en l'absence de mesures du PLFSS 2025

Comme depuis 2020, l'essentiel du déficit des comptes sociaux se concentre sur la branche maladie (- 14,6 milliards d'euros en 2024) et augmente fortement pour la branche vieillesse (- 6,3 milliards d'euros en 2024, ou - 5,5 milliards d'euros en tenant compte du FSV). Les branches famille et accidents du travail sont revenues à leur situation traditionnellement excédentaire dès 2021, à hauteur de 0,4 milliard d'euros et 0,7 milliard d'euros. La branche Autonomie est également excédentaire de 0,9 milliard d'euros.

Le déficit de la sécurité sociale en 2024 est porté également par le déficit de la Caisse2(*) nationale de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (CNRACL), qui s'élèverait à 3,4 milliards d'euros en 2024. En dehors de la CNRACL et du régime général, les autres régimes de base sont à l'équilibre.

Évolution du solde des branches des régimes obligatoires de base et du FSV
entre 2018 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après le PLFSS pour 2025

Alors qu'en 2023, le déficit commençait à se résorber après des années de crise sanitaire, tout en se maintenant à un niveau très élevé, en 2024 le solde de la sécurité sociale retrouve pratiquement son niveau de 2022. Il sera plus élevé de 68 % par rapport à 2023. Une telle augmentation du déficit, qui ne s'explique ni par une inflation plus élevée en 2024, ni par une crise, n'est pas acceptable et illustre la nécessité de réformes structurelles du financement de la Sécurité sociale.

Le PLFSS pour 2025 prévoit en ce sens des mesures pour contenir le déficit de la sécurité sociale en 2024, qui serait sinon de 18,5 milliards d'euros, selon la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). L'écart de 500 millions d'euros entre les évaluations du Gouvernement et de la CCSS est lié notamment à l'article 6 du PLFSS, qui augmente de 400 millions d'euros les recettes des régimes obligatoires de sécurité sociale. Cet article prévoit en effet l'intégration de la prime de partage de la valeur dans la détermination du taux d'allègements généraux.

2. Une dette sociale de 157,8 milliards d'euros fin 2024

Entre 2023 et 2024, le solde net de trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) devrait empirer, passant de 4 milliards d'euros fin 2023 à - 7,6 milliards d'euros fin 2024.

Le plafond d'emprunt de l'Acoss a été abaissé à 65 milliards d'euros en 2022, puis à 45 milliards d'euros en 2023 et en 2024. L'encours maximal mobilisé cette année a été de 38,4 milliards d'euros, en hausse par rapport à l'année 2023 (31,9 milliards d'euros).

La dégradation de la situation financière de l'Acoss, expliquée par l'augmentation du déficit de la Sécurité sociale, a pourtant été minorée par les reprises de ses dettes par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). En effet, en application des modalités de gestion de la dette sociale arrêtées en 20203(*), l'Acoss a reçu de la Cades 20 milliards d'euros en 2020, 40 milliards d'euros en 2021, 40 milliards d'euros en 2022, 27,2 milliards d'euros en 2023 et enfin 8,8 milliards d'euros en 2024. Ces montants incluent toutefois des dotations destinées au désendettement et à l'investissement des établissements de santé4(*). Le montant total de la dette sociale amortie au 31 décembre 2023 est de 242,6 milliards d'euros ; il lui restait ainsi 145,1 milliards d'euros à amortir début 2024.

La dette sociale, entendue comme la somme des déficits restant à amortir par la Cades et de ceux non repris par celle-ci et maintenus à l'Acoss, atteindrait, d'après les dernières évaluations de la Cour des comptes5(*), près de 157,8 milliards d'euros fin 2024, un niveau en baisse de 4 milliards d'euros par rapport à 2023 mais toujours bien supérieur au niveau de 115 milliards d'euros de fin 2019.

Évolution de la dette sociale entre 2019 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après la Cour des comptes

II. LES ÉVOLUTIONS PRÉVUES EN 2025 : UN DÉFICIT ÉLEVÉ, MALGRÉ DES MESURES D'AUGMENTATION DES RECETTES ET DE BAISSE DES DÉPENSES

La prévision du solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) s'élève pour 2025 à 0,2 milliard d'euros, après un solde nul en 2024. Il est toutefois à noter que les prévisions de recettes de la CADES, qui servent à financer le remboursement de la dette sociale passée, sont comptabilisées comme des excédents dans le solde des ASSO. Si on exclut les recettes de la CADES, alors le solde des ASSO serait en 2024 de - 16 milliards d'euros et en 2025 de - 16,1 milliards d'euros en 2025.

Prévision du solde des administrations de Sécurité sociale en 2024 et 2025,
avec et sans les excédents de la CADES

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le PLFSS pour 2025

La prévision de déficit de la Sécurité sociale pour 2025 s'établit à 16 milliards d'euros dans le texte provenant de l'Assemblée nationale, comme dans le texte initial.

Prévision de recettes, dépenses et solde des régimes obligatoires
de base et du FSV pour 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le PLFSS pour 2025

A. UN RALENTISSEMENT TENDANCIEL DE LA CROISSANCE DES RECETTES

L'évolution des recettes de la sécurité sociale résulte essentiellement des mesures décidées en PLFSS, ainsi que des hypothèses de croissance et d'évolution de la masse salariale. En 2025, les recettes de la Sécurité sociale augmenteraient de seulement 3,2 % et s'élèveraient à 645,4 milliards d'euros, alors qu'elles devraient progresser de 4,2 % entre 2023 et 2024.

Évolution des recettes de la Sécurité sociale entre 2022 et 2025

(en milliards d'euros)

Note : une différence peut être observée dans les prévisions de recettes de 2024 par rapport au I.A du présent rapport. En effet, il s'agit ici des prévisions de recettes du Gouvernement, intégrant les mesures en recettes du PLFSS pour 2025 ayant un impact en 2024, et non des estimations de la CCSS qui ne prennent pas en compte les nouvelles mesures annoncées.

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe 3 du PLFSS pour 2025

1. Une hausse des recettes ralentie en raison de prévisions macroéconomiques toujours optimistes

Au total, l'évolution des recettes en 2025 (+ 3,2 % contre + 4,8 % en 2024) résulterait surtout de l'évolution attendue de la masse salariale, près de 65 % des ressources de la sécurité sociale étant assises sur les revenus d'activité. Hors mesures nouvelles, les recettes progresseraient en effet de 2,3 % par rapport à 2024. La progression de la masse salariale du secteur privé serait de 2,8 % en 2025 après 2,9 % en 2024, tout comme celle du secteur public.

Dans son avis6(*) du 8 octobre 2025, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé « un peu élevées » les prévisions de croissance du Gouvernement en 2025, compte tenu de « l'orientation restrictive du scénario de finances publiques associé ». Les prévisions d'évolution de la masse salariale sont considérées comme « optimistes » et l'inflation serait « un peu élevée au regard de l'ampleur du mouvement de désinflation observé depuis le début de cette année ». La prévision de croissance est en effet de 1,1 %, soit un niveau identique à celui anticipée pour 2024 par le présent projet de loi. L'inflation s'élèverait à 1,8 % en 2025.

Évolution des recettes de la Sécurité sociale entre 2022 et 2025
hors mesures nouvelles introduites par le PLFSS 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la commission des comptes de la Sécurité sociale, octobre 2024

Les cotisations sociales rapporteraient en tendanciel, hors mesures nouvelles, 310,33 milliards d'euros à la Sécurité sociale, soit une hausse de 2,5 % par rapport à 2025. Les recettes de contribution sociale généralisée augmenteraient de 2,5 %, suivant la progression de la masse salariale soumise à cotisations.

Les impôts et taxes affectés à la Sécurité sociale s'élèveraient à 97,8 milliards d'euros en 2025, dont 49,3 milliards d'euros de TVA, 17,8 milliards d'euros de taxe sur les salaires et 13,1 milliards d'euros d'accise sur les tabacs. La hausse de 7 % des impôts et taxes anticipée ici traduit toutefois essentiellement un effet de périmètre, 5,2 milliards d'euros de recettes fiscales étant affectées à la CNAV en application de la réforme des retraites pour équilibrer les régimes spéciaux de retraite fermés. Hors de cet effet de périmètre, les recettes des impôts et taxes n'augmenteraient que de 1,6 %.

Par ailleurs, les produits de la TVA affectée à la sécurité sociale devraient diminuer de près de 1 ,7 milliards d'euros en 2024 sous l'effet tant d'une minoration de la fraction de TVA qui lui est affectée au titre de la compensation des exonérations de cotisations sociales7(*) que d'une diminution supplémentaire de 750 millions d'euros de la fraction affectée à l'Acoss, qui correspond à une reprise des excédents de l'Unédic. En effet, la réforme des allègements généraux de cotisations sociales, prévue à l'article 6 du PLFSS, devrait causer une perte de 1 milliard d'euros de recettes de l'impôt sur les sociétés. Les recettes de TVA affectées à la sécurité sociale sont réduites à due concurrence de 1 milliard d'euros.

Cette reprise d'excédents de l'Unédic, qui se traduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale par un plafonnement de la part de TVA que l'Acoss verse à l'organisme gestionnaire de l'Assurance chômage8(*), a donné lieu à d'importantes contestations des partenaires sociaux. Au total, elle s'élève à 3,35 milliards d'euros en 2025.

La moindre progression tendancielle des recettes en 2025 par rapport à 2024, hors mesures nouvelles, provient sans doute d'un effet base, les recettes en 2023 restant amputées du fait de la crise sanitaire.

2. Les mesures portées par le PLFSS 2025 majorent les recettes de 7,6 milliards d'euros

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte plusieurs mesures en recette avec un impact financier pour 2025, à hauteur de 7,6 milliards d'euros. Les dispositions de l'articles 6 sont sources de recettes nouvelles, de même que, plus marginalement, les dispositions des articles 4 et 7.

Effet des mesures en recettes contenues dans le PLFSS pour 2025
sur les recettes des branches de la Sécurité sociale

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe 3 du PLFSS pour 2025

Les deux mesures contribuant le plus à l'augmentation des recettes de la sécurité sociale sont la refonte des allègements généraux, pour un rendement brut de 5,1 milliards d'euros, minoré d'une baisse d'affectation de TVA de 1 milliard d'euros, ainsi que la hausse de 4 points du taux de cotisation de la CNRACL (2,3 milliards d'euros).

Décomposition de la hausse des recettes de la Sécurité sociale pour 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe 3 du PLFSS pour 2025

a) La refonte prévue des allègements généraux

La refonte des allègements généraux de cotisations sociales, prévue à l'article 6 du PLFSS, en particulier, permettrait à la Sécurité sociale d'augmenter ses recettes de 5,1 milliards d'euros, réparties entre la branche maladie (2,2 milliards d'euros) et la branche retraite (2,7 milliards d'euros). Fondé sur les recommandations du rapport9(*) Bozio-Wasmer, l'article 6 prévoit :

- une réforme paramétrique pour 2025, en diminuant le montant maximal d'exonération de la réduction générale de 2 points, au bénéfice de l'assurance vieillesse. En outre, les points de sortie des dispositifs de réduction proportionnelle des taux des cotisations patronales d'assurance maladie et d'allocations familiales seront respectivement ramenés à 2,2 et 3,2 SMIC (contre 2,5 et 3,5 SMIC actuellement) ;

- une réforme structurelle pour 2026, dont l'objectif est de créer un dispositif unique de réduction générale dégressive des cotisations sociales qui s'appliquera à l'ensemble des salaires de montant inférieur à 3 SMIC, en supprimant en contrepartie les dispositifs de réduction proportionnelle des taux des cotisations patronales d'assurance maladie et d'allocations familiales.

Les allègements généraux de cotisations sociales représentent en effet un coût de 66,85 milliards d'euros pour la Sécurité sociale en 2025. Or, le choix récent de faire bénéficier de la réduction générale des cotisations et contributions patronales tous les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC a entrainé une très forte hausse de 31 % du coût des exonérations de cotisations sociales pour la Sécurité sociale depuis 2021.

Une telle perte de recettes pour la Sécurité sociale, concomitante d'une augmentation forte de ses dépenses suite aux mesures liées à la crise sanitaire et au Ségur de la santé, n'est pas viable à long terme pour sa bonne santé financière.

Évolution du coût des exonérations de cotisations sociales
pour la Sécurité sociale

(en milliards d'euros)

Note : il s'agit ici du coût des exonérations de cotisations sociales pour la Sécurité sociale. Le coût monte à près de 90 milliards d'euros en 2023 pour l'ensemble des ASSO.

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe 4 du PLFSS pour 2025

Par ailleurs, l'un des effets négatifs constatés de l'exonération de cotisations sociales jusqu'à 1,6 SMIC est le fait de concentrer les salaires autour du SMIC, conduisant à une « smicardisation » des emplois. La réforme des allègements généraux a également pour objectif de « désmicardiser » les salaires.

b) Une hausse des cotisations de la CNRACL qui pèsera sur les collectivités territoriales

Les prévisions de recettes du PLFSS pour 2025 sont assises sur une hausse de 4 points du taux de cotisation employeur de la CNRACL, chaque année entre 2025 et 2027, qui rapporterait jusqu'à 2,3 milliards d'euros en 2025 à la branche retraite.

Il est exact que les déficits de la CNRACL sont déjà élevés et ont vocation à augmenter dans les années à venir. Ils s'élevaient déjà à 2,5 milliards d'euros en 2023, et devraient représenter 3,4 milliards d'euros en 2024 et même 4,8 milliards d'euros en 2025, si aucune nouvelle mesure n'est prise. Le déficit pourrait même s'élever à 11 milliards d'euros en 2030, selon un rapport10(*) de l'IGF, de l'IGAS et de l'IGA.

Le relèvement d'un point du taux de cotisation employeur au 1er janvier 2024, porté ainsi à 31,65 %, n'a pas suffit à limiter les déficits pour 2024. Le ratio démographique est en effet maintenant défavorable : le régime compte 2,2 millions de cotisants pour 1,3 million de bénéficiaires.

Solde de la CNRACL entre 2019 et 2025, hors mesures proposées en PLFSS

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la commission des comptes de la Sécurité sociale

À noter, toutefois, le poids représenté par le mécanisme de compensation démographique ces dernières années pour la CNRACL. Ce mécanisme vise à effectuer des transferts entre régimes, en fonction de la situation démographique relative et de la capacité contributive de ceux-ci. Or la CNRACL est en réalité dans une situation moins dégradée que les autres régimes au vu de ces critères et est donc contributrice à ce titre, jusqu'en 2027. Elle a dû verser près de 100 milliards d'euros constants à ce titre depuis 1974, dont 16,7 milliards d'euros entre 2012 et 2022. En 2023, la CNRACL a ainsi versé 656 millions d'euros, et le régime général 4,37 milliards d'euros au titre de la compensation démographique, alors que le régime des travailleurs agricoles non-salariés a perçu 2,62 milliards d'euros.

Une telle situation est difficile à comprendre et à justifier, et une révision des règles du mécanisme de compensation démographique devrait être envisagée.

Montants de compensation concernant divers régimes entre 2017 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les inspections ministérielles

L'augmentation des cotisations employeur de la CNRACL représenterait un poids important pour les finances des collectivités territoriales. Le débat parlementaire doit pouvoir permettre de trouver un compromis concernant le financement de la CNRACL qui serait soutenable pour les collectivités.

B. UNE HAUSSE STRUCTURELLE DES DÉPENSES, QUE DES PROPOSITIONS D'ÉCONOMIES LIMITENT

1. Des propositions d'économies de 4,9 milliards d'euros

Après une forte accélération en 2024 (+ 5,3 %), les dépenses n'augmenteraient en 2025 que de 2,8 %, notamment grâce aux mesures d'économies proposées par le présent PLFSS.

La situation est contrastée entre les branches : la branche vieillesse (+ 2,2 %) et la branche maladie (+ 2,8 %) contribuent modérément à l'augmentation des dépenses en proportion, à l'inverse de la branche famille (+ 3,1 %) et surtout de la branche Autonomie (+ 6,6 %). En volume toutefois, ce sont les branches vieillesse et maladie qui contribuent le plus à l'augmentation des dépenses de la sécurité sociale.

Évolution des dépenses des branches de la sécurité sociale entre 2021 et 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la CCSS et le PLFSS pour 2025

Le ralentissement de l'évolution des dépenses de la Sécurité sociale est dû tant à la conjoncture qu'aux mesures d'économies substantielles présentées dans le PLFSS pour 2025, pour un montant de 4,9 milliards d'euros. L'essentiel des mesures d'économies est lié au décalage de la revalorisation des pensions de retraite au 1er juillet (3,1 milliards d'euros) et aux mesures portant sur l'ONDAM via la hausse du ticket modérateur sur les médecins et sage-femmes, la baisse du plafond des indemnités journalières de 1,8 à 1,4 SMIC et des mesures de maitrise tarifaire des produits de santé (1,6 milliards d'euros).

Mesures en dépenses proposées par le PLFSS pour 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la CCSS et le PLFSS pour 2025

2. Des économies substantielles sur la branche retraite grâce au report de la revalorisation des pensions de retraite

La hausse des prestations de la branche vieillesse en 2025 (+ 2,1 %) est fortement ralentie par rapport à 2024 (+ 6,9 %). Le décalage de la revalorisation des pensions de 2,3 %, correspondant à l'inflation atteinte entre octobre 2023 et octobre 2024, du 1er janvier au 1er juillet, contribuerait grandement à la décélération de la hausse des pensions de retraite. Selon l'annexe 3 du PLFSS, la mesure permettrait de baisser de 1,4 point les dépenses de la branche retraite entre 2024 et 2025, soit une économie de 3,1 milliards d'euros.

Le ralentissement de l'inflation, après une revalorisation des pensions de retraite à 5,3 % en 2024, explique également cette décélération.

Si cette réforme peut avoir des conséquences non négligeables en particulier sur les petites retraites, que le débat au Parlement peut conduire à minorer, les mesures d'économies permettant de limiter les dépenses des retraites sont tout de même bienvenues, au vu de la dégradation des finances publiques.

L'effet « noria », c'est-à-dire la croissance de la pension moyenne des salariés, contribuerait à l'augmentation des prestations de la branche à hauteur de 1,1 à 1,4 point.

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) finance la part non contributive des prestations vieillesse, principalement les cotisations correspondant aux périodes validées gratuitement par les régimes de retraite, et en premier lieu les périodes de chômage, ainsi que les prestations relevant du minimum vieillesse. L'évolution de ses dépenses ralentirait en 2025 (+ 3 %, contre + 6,8 % en 2024 selon la CCSS) du fait de la baisse des prises en charge de cotisations chômage, mais resterait dynamique, notamment au titre du minimum vieillesse (+ 6,8 % contre + 9,8 % en 2024).

La réforme des retraites adoptée en 202311(*) n'aura d'effets financiers favorables que progressivement, la montée en charge des mesures d'accompagnement étant plus rapide que celle des mesures d'âge. Selon la Cour des comptes, le gain net resterait limité à 1 milliard d'euros en 2025 et à 2 milliards d'euros en 2026.

3. Des dépenses structurellement élevées de la branche maladie, malgré des mesures tendant à les réduire

La hausse des prestations de la branche maladie en 2025 (+ 2,2 %) est fortement ralentie par rapport à 2024 (+ 4,1 %), grâce à une baisse de l'inflation qui devrait minorer le coût des indemnités journalières et aux mesures proposées par le présent PLFSS.

a) Une hausse contenue des dépenses de l'ONDAM

Avant mesures nouvelles du PLFSS 2025, les dépenses dans le champ de l'Ondam augmenteraient de 3,7 % en 2025 à champ constant, soit 7,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Cette évolution intègre une économie de 0,3 milliard d'euros au titre de la montée en charge en année pleine du doublement des participations forfaitaires et des franchises et 2,3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires au titre notamment des revalorisations conventionnelles.

Après mesures nouvelles, l'Ondam s'élève à 263,9 milliards d'euros pour 2025, soit une hausse de 2,8 % par rapport à 2024.

Évolution des sous-objectifs de l'Ondam pour 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les articles 2 et 27 du PLFSS pour 2025

Évolution de l'ONDAM entre 2017 et 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), octobre 2024

Les difficultés liées à la crise semblent ainsi dépassées. Aucune dépense de crise sanitaire n'est par exemple prévue pour 2025.

Toutefois, cette vision peut être trompeuse. Comme le démontre le graphique ci-dessus, la trajectoire de l'Ondam hors-crise sanitaire et hors Ségur de la santé est largement inférieure à la trajectoire constatée. En effet, si les dépenses directement liées à la crise sanitaire se sont résorbées, celle-ci a conduit à la mise en oeuvre des dépenses pérennes du Ségur et qui établissent l'Ondam à un niveau supérieur de 22,1 milliards d'euros au-dessus de son niveau « naturel ».

Quoique l'on pense de la justification des dépenses liées au Ségur au regard de l'état du système de santé français, force est de constater que leur montant est très élevé : elles représentent un surcoût de 13 milliards d'euros en 2024 et de 12,7 milliards d'euros en 2025.

Coût des mesures du Ségur de la Santé

Note : ESMS signifie établissements et services médico-sociaux ; BAD : branche de l'aide à domicile, CTI : complément de traitement indiciaire.

Source : Direction de la Sécurité sociale

b) Le PLFSS pour 2025 propose de minorer l'ONDAM de 2,6 milliards d'euros

Le PLFSS pour 2025 prévoit plusieurs mesures d'économies pour minorer les dépenses de l'ONDAM de 2,6 milliards d'euros.

L'article 15 du PLFSS a en particulier pour objectif la régulation des dépenses d'assurance maladie en ville.

Il prévoit que, dans le cas où les conventions fixées dans le domaine de l'imagerie et de la biologie médicale entre l'Assurance maladie et les organisations professionnelles ne permettent pas de respecter l'objectif de dépenses, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie peut procéder à des baisses de tarifs des actes unilatéralement. Il en est attendu un gain de 100 millions d'euros pour l'Assurance maladie.

Les autres mesures d'économies sur lesquelles est assis le PLFSS (hausse du ticket modérateur, baisse de la prise en charge des indemnités journalières) sont de niveau réglementaire. En particulier, la hausse du ticket modérateur des médecins et des sages-femmes devrait rapporter 1,1 milliards d'euros. Par exemple, la part non remboursée par la Sécurité sociale devrait passer de 7,95 euros à 12 euros pour une consultation de médecine générale. La baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières de 1,8 à 1,4 SMIC permettrait également une économie de 600 millions d'euros.

Une réforme vient toutefois minorer de 1 milliard d'euros les économies proposées sur le champ de l'ONDAM. L'article 21 prévoit le transfert des dépenses d'accompagnement à la perte d'autonomie des départements à la sécurité sociale, en généralisant l'expérimentation déjà en cours à terme. Il s'agit d'une réforme de la tarification des EHPAD et des unités de soins de longue durée (USLD), qui devrait simplifier le financement et la gouvernance de ces établissements.

Une clarification des modalités d'appel et de calcul de la clause de sauvegarde

Depuis sa création par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 1999, la clause de sauvegarde a été conçue comme une corde de rappel budgétaire, destinée à permettre le respect de l'ONDAM dans le cas où les outils de régulation microéconomique du secteur ne permettraient pas de respecter le niveau de dépenses d'assurance maladie prévues.

L'assiette de la clause de sauvegarde est assise sur le montant remboursé par l'assurance maladie, et non plus sur le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année civile en France, depuis la loi12(*) de financement de la sécurité sociale pour 2024, à partir des montants dus au titre de l'année 2025.

Depuis la loi de financement de 2019, lorsque le montant remboursé par l'assurance maladie excède le montant M, le montant de la contribution sera égal à 90 % de la différence entre le montant remboursé par l'assurance maladie et le montant M. Celui-ci sera réparti entre les entreprises redevables :

- à concurrence de 70 %, au prorata du montant remboursé par l'assurance maladie au titre des médicaments qu'elles exploitent, importent ou distribuent ;

- à concurrence de 30 %, en fonction de la progression de ce montant remboursé par rapport à l'année précédente.

Le montant prélevé est plafonné à 12 % des remboursements de l'assurance maladie.

Un dispositif semblable a été créé par la loi13(*) de financement de la sécurité sociale pour 2020 pour les dispositifs médicaux. La clause de sauvegarde se déclenche lorsque le chiffre d'affaires dépasse un montant nommé « Z ».

L'article 9 du PLFSS pour 2025 prévoit :

- de fixer le montant de la clause de sauvegarde « M » à 23,3 milliards d'euros, qui auraient correspondus à 27,9 milliards d'euros, soit une hausse de 5,7 % par rapport à 2024 ;

- de fixer le montant de la clause de sauvegarde « Z » à 2,27 milliards d'euros, soit une baisse de 1,8 % par rapport à 2024.

L'objectif est de maintenir un rendement constant de la clause de sauvegarde pour l'État. Toutefois, veiller à ce que la clause de sauvegarde n'impacte pas trop fortement le marché des entreprises pharmaceutiques en France est important, pour éviter des pénuries trop fortes de médicaments. D'autres mesures, notamment de rationalisation de la consommation des médicaments ou encore d'extension des médicaments fournis sans prescription obligatoire, pourraient constituer des gisements d'économies.

Source : commission des finances

4. Les branches « Famille » et « AT-MP » en hausse modérée, tandis qu'un transfert de compétences augmente le périmètre de la branche « Autonomie »
a) Les dépenses de la branche « AT-MP » en hausse en raison d'un transfert à la branche maladie

Les dépenses de la branche accidents du travail - maladies professionnelles augmenteraient de 6,4 % en 2025. Cette progression résulte principalement de la hausse du transfert de la branche « AT-MP » à la branche maladie de 400 millions d'euros au titre de la sous-déclaration des accidents du travail (souvent déclaré en arrêts maladie). Les transferts vers les autres branches de la sécurité sociale sont comptés comme des dépenses supplémentaires. Hors mesures nouvelles, les dépenses de la branche « AT-MP » n'augmenteraient que de 3,9 %.

b) La croissance des dépenses de la branche famille s'explique, en l'absence de mesure nouvelles pour 2025, par leur évolution tendancielle

Les dépenses de la branche famille augmenteraient à un rythme modéré (+ 3,1 %). En effet, en l'absence de mesures nouvelles ayant des effets en 2025, elles sont portées par l'inflation constatée en 2024. La revalorisation des prestations légales de 1,9 % prévue pour le 1er avril 2024 aurait, selon les prévisions, un effet à la hausse de + 2,6 %.

c) Un tiers de la progression de 6 % des dépenses de la branche autonomie s'explique par des mesures nouvelles

Les dépenses de la branche autonomie enregistreraient en 2025 une progression de 6 %, soit 2,4 milliards d'euros, dont 800 millions d'euros de mesures nouvelles.

L'article 21 du PLFSS prévoit en effet le transfert des dépenses d'accompagnement à la perte d'autonomie des départements à la branche « autonomie », en généralisant l'expérimentation déjà en cours à terme. Cette expérimentation, pour laquelle 27 départements se sont portés candidats, sera généralisée à 23 départements, et non plus à 8 départements comme initialement prévu. Un transfert de recettes est toutefois prévu, à hauteur de 500 millions d'euros, pour compenser ces dépenses nouvelles.

C. UN SOLDE TRÈS IMPORTANT EN 2025, MÊME S'IL EST EN RECUL PAR RAPPPORT À 2024

1. Un déficit de 16 milliards d'euros du solde des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du FSV

Établie à 16 milliards d'euros pour 2024, la prévision de déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV est de 16 milliards d'euros pour 2025, soit une amélioration de 2 milliards d'euros par rapport à 2024 mais une dégradation de 5,2 milliards d'euros par rapport à 2023, liée essentiellement à la branche maladie, dont le solde se dégrade de 2,3 milliards d'euros, et à la branche retraite.

Évolution du solde des branches de la sécurité sociale
entre 2023 et 2025

(en milliard d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de financement de la Sécurité sociale

Le déficit de l'ensemble des régimes vieillesse de base et du FSV atteindrait 2,4 milliards d'euros, soit une aggravation du déficit de 900 millions d'euros par rapport à 2023.

2. Une gestion à saluer de la dette sociale, malgré des conditions d'endettement de moins en moins favorables

Les reprises par la Cades de dettes des branches maladie et vieillesse du régime général et du FSV contribuent à améliorer le solde de trésorerie du régime général.

Fin 2024, le solde net de l'Acoss devrait toutefois redevenir déficitaire, pour un montant approchant 7,6 milliards d'euros. En réaction, le présent projet de loi propose de rehausser le plafond d'emprunt de l'ACOSS pour 2025 à 65 milliards d'euros à son article 13. Par ailleurs, la durée maximum d'emprunt autorisée pour l'ACOSS est étendue à 24 mois, même si la durée moyenne des emprunts doit être de douze mois. L'objectif est de permettre une sécurisation des emprunts de trésorerie, alors qu'aucune reprise de dette par la CADES ne sera possible.

Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis, le taux de refinancement de la Cades, c'est-à-dire le taux moyen pondéré des emprunts en cours, a connu une hausse inquiétante depuis 2021 (passant de 1,93 % fin 2021 à 2,21 % mi-2024). Les intérêts des taux révisables, qui représentent 20 % de l'endettement de la Cades, ont connu la plus forte hausse, leur taux s'établissant à 3,61 % fin 2024. Il est à noter toutefois le resserrement de l'écart de taux d'endettement entre l'État et la CADES en 2024.

Évolution du taux de refinancement de la Cades
jusqu'au 31 août 2024

(en pourcentage)

Source : Commission des comptes de la Sécurité sociale, octobre 2024

En 2023, les ressources de la Cades représentaient 21,1 milliards d'euros et sont constituées de la CRDS au taux de 0,5 % pour un montant net de 8,9 milliards d'euros, de la CSG au taux de 0,6 % pour un montant net de 10,1 milliards d'euros et d'un versement annuel du FRR pour un montant de 2,1 milliards d'euros.

Or, en vertu de la loi du 7 août 202014(*), les ressources attribuées à la Cades diminuent ainsi à partir de 2024 pour abonder les branches et renforcer la trajectoire d'équilibre de la sécurité sociale :

en 2024, la fraction de CSG affectée à la Cades passera de 0,6 à 0,45 point, notamment pour financer des dépenses nouvelles liées à la prise en charge de la perte d'autonomie par la CNSA ;

en 2025, le versement annuel du Fonds de réserve des retraites (FRR) passera de 2,1 milliards d'euros à 1,45 milliards d'euros, faute de réserves suffisantes.

La baisse des ressources affectées à la CADES rend plus difficile le remboursement de la dette sociale sur les marchés, même si la fixation de ce niveau de ressources par la loi, et ce depuis 2020, a permis aux marchés d'intégrer ce risque dans les emprunts contractés.

III. UNE REMONTÉE DES DÉFICITS JUSQU'EN 2028 : UN REPORT DE L'EXTINCTION DE LA DETTE SOCIALE PRATIQUEMENT INÉVITABLE

Selon les prévisions pluriannuelles du Gouvernement, le déficit de la sécurité sociale continuerait à se dégrader, pour s'établir à 17,7 milliards d'euros en 2026, 17,2 milliards d'euros en 2027 et 19,9 milliards d'euros en 2028, soit un niveau presqu'équivalent à celui de 2022.

Solde des régimes obligatoires de base et du FSV entre 2013 et 2028

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les annexes du PLFSS pour 2025

Cette trajectoire pour les années 2026 à 2028 parait pourtant optimiste au Haut Conseil des finances publiques, dans son avis précité. Il juge en effet qu'elle repose sur une augmentation de la consommation des ménages, expliquée par une baisse du taux d'épargne « possible mais pas acquise », ainsi que sur le maintien du taux d'investissement des entreprises « à son plus haut historique [...], une prévision qui semble aussi optimiste ».

A. UNE TRAJECTOIRE DÉPENDANT DES ÉVOLUTIONS DES BRANCHE MALADIE ET RETRAITE

1. Des dépenses de la branche « Autonomie » à surveiller

Les dépenses de la branche autonomie seraient marquées par les effets de l'objectif de création, à l'horizon 2030, de 50 000 postes supplémentaires d'aides-soignants et d'infirmiers dans les EHPAD, et de l'accroissement des moyens consacrés au maintien à domicile, ainsi que par les mesures nouvelles décidées en 2024.

Le déficit de cette branche est voué à s'accentuer structurellement, sous l'effet du vieillissement de la population. Il devrait représenter 1,9 milliard d'euros en 2026, 1,8 milliard d'euros en 2027 et jusqu'à 2,5 milliards d'euros en 2028.

2. Des économies insuffisantes pour endiguer structurellement le déficit de la branche « maladie »

Le déficit de la branche « maladie » se maintiendrait à des niveaux très élevés dans les années à venir, à hauteur de 14,2 milliards d'euros en 2026, de 14,3 milliards d'euros en 2027 et de 14,9 milliards d'euros en 2029.

Comme le relève également la Cour des comptes15(*), les mesures prises en PLFSS pour 2025 ne permettent pas de combler le déficit creusé en 2024, qui devient structurel. La Cour estime d'ailleurs que l'effort « doit s'inscrire dans la durée d'ici à 2028 et porter en priorité sur la branche maladie ».

Surtout, le respect de cette trajectoire suppose des capacités de régulation des dépenses de l'Ondam. En tout état de cause, il apparaît nécessaire que cette régulation ne porte pas, comme avant la crise sanitaire, essentiellement sur l'hôpital. Le rapporteur pour avis réitère donc sa déception que le Gouvernement en place en 2023 n'ait pas souhaité entendre les propositions du Sénat visant à ce que les mesures de régulation des dépenses de santé concernent également l'Ondam « soins de ville »16(*), de même que le retour de la réserve prudentielle appliquée à l'Ondam de ville en 2019 et en 2020, avant la crise sanitaire.

3. Une hausse du déficit de la branche vieillesse, malgré les mesures proposées

Enfin, le déficit porté par la branche vieillesse serait contenu en 2026 à 1,7 milliard d'euros, et représenterait 2,7 milliards d'euros et 6,1 milliards d'euros, sous l'effet du vieillissement de la population.

Il est à noter toutefois que les mesures prises par le présent PLFSS concernant notamment les relèvements successifs de cotisations à la CNRACL de quatre points en 2025, 2026 et 2027, le décalage de la revalorisation des pensions de retraite et les effets de la réduction des allègements généraux améliorent significativement le solde de la branche retraite. Sans ces mesures, le déficit aurait été plus élevé de presque 7 milliards d'euros en 2026 et de plus de 10 milliards d'euros en 2027.

Trajectoire financière de la branche « vieillesse » et de la branche « maladie »
entre 2023 et 2028

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes, octobre 2024

B. FACE À L'ACCUMULATION PRÉVISIBLE DE NOUVEAUX DÉFICITS, UN OBJECTIF D'EXTINCTION DE LA CADES DE PLUS EN PLUS LOINTAIN

Compte tenu du plafond de reprise fixé à 136 milliards d'euros par la loi organique du 7 août 2020, la Cades ne pourra plus recevoir de nouveaux transferts de dette, après celui de 8,8 milliards d'euros opéré en 2024.

Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, la Cades a élaboré un indicateur de performance qui lui permet de suivre au cours du temps l'évolution du niveau des dettes restant à amortir. Dans le scénario médian, la Cades amortirait au cours de l'année 2032 l'intégralité de la dette qui lui aura été transférée. Selon un scénario plus optimiste, la CADES pourrait amortir l'intégralité de la dette en 2031, contre 2033 pour un scénario plus pessimiste.

La capacité d'amortissement de la Cades semble donc, à ce stade, préservée. Toutefois, elle tient aussi à l'ampleur des déficits à venir, dont la tenue dans les limites fixées par les projections pluriannuelles du Gouvernement est loin d'être garantie. La question du partage de la charge des déficits sociaux entre l'Acoss et la Cades et de leurs conditions de financement et d'amortissement se reposera donc très certainement l'année prochaine, compte tenu, à ce stade, d'absence de perspective de réduction de ces déficits.

Or malgré les propositions de rehaussement du plafond de l'ACOSS et d'allongement de la durée maximale d'emprunt possible en PLFSS 2025, cette dernière n'a pas vocation à porter à long terme des montants élevés de dette sociale. La Cour des comptes évoque à ce sujet une « impasse du financement » de la dette sociale.

Dans ces conditions, une nouvelle reprise de dette par la Cades n'est pas à exclure, ce qui aura nécessairement pour conséquence de prolonger - encore - la longévité déjà impressionnante de cet établissement pourtant créé pour rapidement disparaître.

IV. LE POIDS DU SYSTÈME DES RETRAITES SUR LES DÉPENSES PUBLIQUES, UN ANGLE MORT DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE

A. UN FINANCEMENT DU SYSTÈME DES RETRAITES FONDÉ SUR DES SUBVENTIONS ET NON UNIQUEMENT SUR DES COTISATIONS

1. Une dégradation à venir du déficit lié au système des retraites

En 2023, les dépenses de l'ensemble du système des retraites, c'est-à-dire incluant les pensions versées par les régimes de retraite complémentaires, s'élèvent à 378,3 milliards d'euros, soit 13,4 % du PIB. Elles représenteraient 13,8 % du PIB en 2024 selon le scénario de référence du Conseil d'orientation des retraites17(*) (COR), soit une hausse de 3 %, en raison essentiellement de l'indexation des pensions sur l'inflation. Le décalage de cette indexation de 2,3 % du 1er janvier 2025 au 1er juillet devrait atténuer cette hausse des dépenses.

La part des dépenses de retraite dans le PIB devrait rester relativement stable dans le temps, représentant 13,7 % du PIB en 2030, 13,4 % du PIB en 2050 et 13,2 % du PIB selon le scénario de référence du COR.

Les ressources du système des retraites s'élèvent quant à elles en 2023 à 382 milliards d'euros, représentant 13,5 % du PIB. Le solde du système des retraites est donc légèrement positif en 2023, à hauteur de 1 % du PIB, représentant 3,8 milliards d'euros. Cet excédent provient dans une large mesure « des régimes complémentaires des salariés du secteur privé, des contractuels de la fonction publique et des indépendants », selon le COR. Le régime de base des salariés du secteur privé et des indépendants est en effet à l'équilibre en 2023. Le régime des fonctionnaires de l'État et les régimes spéciaux sont par construction à l'équilibre, en raison des contributions et des subventions de l'État. En revanche, le régime de la CNRACL est fortement déficitaire, à hauteur de 2,5 milliards d'euros (voir supra).

En 2024, les ressources du système des retraites devraient représenter 13,6 % du PIB, impliquant un déficit de 0,2 % du PIB.

La part des ressources du système des retraites dans le PIB devrait diminuer encore davantage dans le temps, notamment en raison des évolutions démographiques. Elle ne représenterait que 13,3 % du PIB en 2030, 12,6 % du PIB en 2050 et 12,4 % du PIB en 2070.

Le solde du système des retraites devrait donc être de plus en plus déficitaire. Il serait de - 0,4 % en 2030 et de - 0,8 % en 2050 et en 2070. Cette situation est d'autant plus inquiétante pour les finances publiques que le financement des retraites repose déjà sur des subventions des administrations publiques.

Évolution du solde du système des retraites entre 2000 et 2070

(en pourcentage du PIB, prévisions à partir de 2024)

Source : commission des finances d'après le COR

2. Un financement des retraites dépendant des subventions publiques

Le financement des régimes de retraite obligatoires de base en France n'est pas assuré exclusivement par les cotisations sociales. Celles-ci, selon le Conseil d'orientation des retraites, représentent 66,5 % des ressources du système des retraites, à hauteur de 256,8 milliards d'euros, hors cotisations dites « employeurs » de l'État au bénéfice des fonctionnaires.

Les contributions d'équilibre de l'État au régime des fonctionnaires, représentent quant à elles 45 milliards d'euros, soit 11,6 % des ressources.

Les impôts et taxes affectés correspondent à 54,5 milliards d'euros, soit 14,1 % des ressources.

Enfin, 25,7 milliards d'euros, soit 6,6 % des ressources, correspondent à des subventions versées au système de financement des retraites. Elles recouvrent :

11,7 milliards d'euros versés par l'État, dont 7,8 milliards aux régimes spéciaux déficitaires au titre d'une « subvention d'équilibre » et 3,9 milliards d'euros versés aux différents régimes de base en raison des exonérations de cotisations qui sont compensées ;

10,3 milliards d'euros versés par la CNAF, excédentaire ;

3,7 milliards d'euros versés par l'Unédic, également excédentaire.

Sans ces subventions, le système des retraites serait déficitaire à hauteur de 21,9 milliards d'euros, soit un déficit plus élevé que celui de l'ensemble de la Sécurité sociale en 2023, qui s'élève à 10,8 milliards d'euros.

Structure des ressources des régimes obligatoires de base de retraite
de la sécurité sociale en 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après le COR

3. Des cotisations insuffisantes pour financer les pensions servies pour la quasi-totalité des régimes de base

On constate qu'à l'exception notable des régimes des professions libérales, des avocats et des clercs et employés de notaires, les cotisations ne permettent pas de couvrir l'ensemble des prestations servies pour la plupart des régimes de retraite de base, y compris le régime général. Ainsi, les cotisations ne représentent que 70 % des pensions servies par le régime général, 62 % des pensions des industries électriques et gazières (IEG) ou encore 93 % des pensions des fonctionnaires des collectivités territoriales. Le ratio démographique est en effet en général insuffisant pour couvrir les besoins des régimes : à l'exception du régime de retraite des avocats, le nombre de cotisants ne représente jamais le double du nombre de pensionnés.

Régimes de base de retraite

Source : commission des finances à partir des données de la Commission des comptes de la Sécurité sociale

Ratio de cotisations sur les pensions de retraites servies

(en pourcentage)

CRPCEN signifie caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires ; CNRACL : caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ; CNIEG : caisse nationale des industries électriques et gazières ; FSPOEIE : fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État ; ENIM : établissement national des invalides de la marine.

Source : commission des finances à partir des données de la Commission des comptes de la Sécurité sociale

Il faut toutefois noter ici que pour le régime des fonctionnaires de l'État, seules les cotisations salariales et les cotisations « employeur » des opérateurs l'État sont décomptées, et non les cotisations versées par l'État lui-même en tant qu'employeur (voir supra pour davantage de précisions sur les cotisations « employeurs » de l'État, ainsi que le rapport18(*) budgétaire sur la mission « Régimes sociaux et de retraites » de la loi de finances pour 2024 et du PLF 2025).

B. UNE INFORMATION INCOMPLÈTE MISE À LA DISPOSITION DU PARLEMENT CONCERNANT LE POIDS RÉEL DES RETRAITES POUR LES DÉPENSES PUBLIQUES

1. La cotisation « employeur » de l'État et des collectivités territoriales permet de pallier les déficits des régimes de retraite des fonctionnaires

Le financement de la plupart des régimes de base de retraite ne repose donc pas exclusivement sur les cotisations versées mais sur une subvention versée par l'État. Toutefois, le régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État constitue un cas particulier : l'État étant lui-même l'employeur, plutôt que de verser une cotisation « employeur » qu'il complèterait par une subvention permettant d'équilibrer le système, il verse directement une cotisation dite « d'équilibre ». Un même système est utilisé pour le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (CNRACL).

Ainsi, les taux de cotisation dits « employeurs » de l'État et des collectivités territoriales sont très supérieurs aux autres taux de cotisation des autres caisses de retraites. Le taux de cotisation dit « employeur » est de 74,28 % pour les fonctionnaires civils de l'État et de 126,07 % pour les militaires ; celui de la CNRACL est de 31,65 %19(*). Pourtant, le taux de cotisation employeur pour les entreprises dont les salariés sont affiliés au régime général, soit les trois quarts des cotisants, n'est que de 8,55 % sur les revenus inférieurs au plafond de la sécurité sociale (PASS, valant 43 992 euros en 2023). Les revenus au-delà du plafond annuel de la sécurité sociale sont prélevés à hauteur de 2,02 % et n'ouvrent pas de droit à retraite.

Il apparait ainsi que l'État et les collectivités territoriales abondent très largement les systèmes de retraite des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière. Ces subventions déguisées n'apparaissent pourtant qu'au titre de la contribution d'équilibre de l'État, ce qui constitue un obstacle à la compréhension des équilibres globaux du système. L'inconvénient de ce système est qu'il contribue à masquer le coût réel du système des retraites pour les finances publiques. Le rapport du PLF 2025 « Régimes sociaux et de retraites » explicite également ce dispositif.

Taux de cotisation salarial et patronal de certains régimes de base de retraites

(en pourcentage)

PASS : plafond de la sécurité sociale, valant 43 992 euros en 2023.

Source : commission des finances à partir des données de la Commission des comptes de la Sécurité sociale

Il serait intéressant de distinguer parmi les cotisations « employeur » d'équilibre versée par l'État et par la CNRACL la part qui relève d'un taux de cotisation employeur normal, proche du régime général, et la part qui relève en réalité d'une subvention de ces régimes par les dépenses publiques.

Une évaluation a été effectuée en ce sens notamment par M. Jean-Pascal Beaufret20(*) en 2023 dans la revue Commentaires, ainsi que par le Haut-Commissariat21(*) au plan en 2022. Conformément au décret du 20 juin 201422(*), il est possible de retenir un taux de cotisation (employeur et salarié), de 28 %, qui correspond au plafond maximum possible. Ce taux de 28 % appliqué aux traitements des fonctionnaires de l'État et des collectivités permet d'obtenir un montant de cotisations dit « normal » qui correspond à ce que verseraient l'État, les opérateurs de l'État et la CNRACL si elles n'abondaient pas ces cotisations pour équilibrer le système des retraites. Le restant de ce qui est versé correspond en réalité aux subventions versées par l'État et les collectivités en plus des cotisations dites « normales ».

Cotisation « normale » et subvention aux régimes des fonctionnaires
de l'État et des collectivités

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances

Il apparait ainsi que le montant de cotisations dit « normal » versé à titre d'employeur s'élève à 18,1 milliards d'euros pour l'État et ses opérateurs et à 15,62 milliards d'euros pour la CNRACL. Le montant de subvention versé par l'État et ses opérateurs correspond à 41,6 milliards d'euros, dont 36,1 milliards d'euros au titre de l'État seul. Les collectivités verseraient 8,2 milliards d'euros de subvention pour financer le système des retraites. Ainsi, au total, le système des retraites des fonctionnaires serait subventionné par les administrations publiques à hauteur de 49,9 milliards d'euros. Seuls 33,8 milliards d'euros constitueraient des cotisations « employeur » proches de ce que versent les employeurs privés. Pour la fonction publique d'État, il s'agit d'un surcoût annuel de 18 400 euros par bénéficiaire.

Une telle analyse permet de comprendre l'ampleur des dépenses publiques que représente le système des retraites.

2. Un système largement déficitaire dont le financement repose sur l'endettement de l'État et des administrations publiques

Le subventionnement par l'État et les collectivités des régimes de retraite implique que le poids des retraites pour les dépenses publiques est autrement plus important que ce qui est habituellement présenté. Ainsi, selon ce calcul, les cotisations dites « normales » représenteraient 252,6 milliards d'euros, soit 67 % des dépenses du système des retraites. Les subventions des administrations publiques au système des retraites s'élèveraient à 75,5 milliards d'euros, décomposées ainsi :

l'État subventionnerait le système des retraites à hauteur de 53,3 milliards d'euros, dont 41,6 milliards d'euros pour le système de retraites des fonctionnaires, 7,8 milliards d'euros de subventions aux autres régimes spéciaux et 3,9 milliards d'euros au titre des compensations d'exonérations de cotisations sociales ;

les collectivités subventionneraient à hauteur de 8,2 milliards d'euros ;

- Et enfin la CNAF et l'UNEDIC subventionneraient le système à hauteur respectivement de 10,3 milliards d'euros et 3,7 milliards d'euros.

Une telle observation peut être généralisée aux années récentes : ainsi, depuis 2014, le montant des subventions des administrations publiques au système des retraites, hors cotisations jugées « normales », oscille entre 66 et 75 milliards d'euros.

Évolution des différentes recettes et des dépenses du système des retraites
depuis 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Ainsi, si l'on considère que les subventions des administrations publiques (État, collectivités et administrations de sécurité sociale) ne doivent pas être comptabilisées dans les ressources du système du financement des retraites, le besoin de financement s'élève à 72 milliards d'euros en 2023. Il était déjà de 68 milliards d'euros en 2022.

Évolution des recettes, des dépenses et du déficit du système des retraites
hors subventions des administrations publiques

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Considérée sous cet angle, la vision d'ensemble du solde du système des retraites change fondamentalement. Il est très regrettable que le Parlement ne dispose pas, à ce jour, d'une analyse complète dans un document unique présenté au vote lors de la période budgétaire et portant sur le coût de l'ensemble du système des retraites, tous régimes confondus.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 12 novembre 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Vincent Delahaye sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons cet après-midi le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, sur le rapport de notre collègue Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. - Le PLFSS 2025 nous a été transmis vendredi dernier. Son importance pour les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques - plus de 600 milliards d'euros -, et par conséquent son impact macroéconomique, justifient que nous nous saisissions pour avis.

La crise sanitaire a provoqué en 2020 un déficit record de la sécurité sociale - de l'ordre de 40 milliards d'euros -, alors qu'elle finissait à peine d'absorber les conséquences du choc de la crise financière de 2008-2009. Depuis, les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) se sont légèrement redressés, mais restent très déficitaires - 10,8 milliards d'euros en 2023. On constate une forte et inquiétante aggravation du déficit en 2024, qui devrait atteindre 18 milliards d'euros, contre 10,5 milliards initialement prévus.

Deux raisons expliquent cette situation : des recettes inférieures de plus de 6,6 milliards d'euros aux prévisions, trop optimistes ; et des dépenses supplémentaires, notamment 1,2 milliard d'euros de dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) - essentiellement sur les soins de ville - et 15,6 milliards d'euros liés à la revalorisation des prestations de 5,3 % en raison de l'inflation.

Ce déficit est aussi la conséquence des hausses de dépenses non financées. Si les surcoûts de la crise sanitaire se sont réduits, une partie du déficit actuel est imputable au Ségur de la santé, pour quelque 13 milliards d'euros en 2024 et en 2025.

L'aggravation du déficit de la sécurité sociale n'est pas acceptable. Des réformes structurelles des dépenses sociales sont indispensables pour retrouver un solde budgétaire positif.

Pour 2025, le Gouvernement anticipe un déficit de 16 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros de moins qu'en 2024, grâce à des baisses de dépenses et à des hausses de recettes.

En ce qui concerne les recettes, le ralentissement de la masse salariale du secteur privé devrait conduire à une moindre progression des recettes de l'ordre de 3,2 %, alors qu'elles progressent de 4,2 % entre 2023 et 2024. Pour augmenter les recettes, le Gouvernement propose notamment une refonte des allègements généraux de cotisations sociales, pour 2025 et 2026. L'objectif est de lisser les exonérations de cotisations sociales, afin d'éviter une trop grande concentration des salaires autour du Smic, et de les diminuer entre 1,8 Smic et 3 Smic, pour un rendement net attendu de 4,1 milliards d'euros.

Le Gouvernement propose également d'augmenter le taux de cotisation employeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) de 4 points chaque année entre 2025 et 2027. La CNRACL sera en effet en déficit de 4,8 milliards d'euros en 2025. Toutefois, une telle réforme pèsera très fortement sur les collectivités territoriales. Alors qu'en raison du dispositif de compensation démographique, la CNRACL a dû verser plus de 650 millions d'euros aux autres régimes de retraite en 2023 - au bénéfice principalement des caisses de retraite agricoles -, l'effort demandé aux collectivités est difficile à comprendre. Espérons que le débat parlementaire permettra d'aboutir à un compromis acceptable pour les collectivités.

L'objectif de dépenses pour 2025 ne devrait augmenter que de 2,8 %. Les dépenses des branches accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), autonomie et famille devraient augmenter modérément, sous l'effet de la conjoncture et de mesures nouvelles, a priori compensées.

L'augmentation des dépenses de la branche maladie devrait être également modérée, avec un Ondam pour 2025 fixé à 264 milliards d'euros, en hausse de 2,8 % par rapport à 2024. Des mesures d'économies sont proposées pour un montant de 1,6 milliard d'euros, dont notamment la hausse du ticket modérateur des consultations de médecin et de sage-femme.

Le déficit de la branche vieillesse devrait être contenu à 3,1 milliards d'euros, contre plus de 6 milliards d'euros anticipés pour 2024. En particulier, le report de la revalorisation des retraites de janvier à juillet représenterait une économie - de court terme - de 3,1 milliards d'euros.

Le déficit de la sécurité sociale devrait continuer à se dégrader, de 17,7 milliards d'euros en 2026 à 19,9 milliards d'euros en 2028. Les branches famille et AT-MP, de même que le FSV, devraient demeurer excédentaires. En revanche, la situation des branches maladie, vieillesse et autonomie ne laisse pas d'inquiéter.

La hausse continue des dépenses de la branche maladie et les dépassements réguliers de l'Ondam de ville mériteraient de faire l'objet d'une réflexion, afin d'envisager sérieusement une régulation des soins de ville et de répartir les efforts d'économies.

Concernant la branche vieillesse, l'impact net de la réforme des retraites sera vraisemblablement moindre qu'escompté - 7 milliards d'euros à l'horizon 2030. C'est d'autant plus inquiétant que la gestion de la dette sociale pose question : les conditions de refinancement et d'amortissement de cette dette se sont dégradées ces dernières années. La remontée des taux d'intérêt pèse sur Urssaf Caisse nationale, dont le résultat devrait redevenir négatif en 2024. De même, le taux moyen de refinancement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a connu une forte hausse, de 0,62 % début 2022 à 2,21 % aujourd'hui. Or, en l'absence d'une nouvelle loi organique, aucune reprise de dette par la Cades n'est possible à partir de 2025. Urssaf Caisse nationale bénéficie pourtant de conditions d'emprunt moins avantageuses, même si le présent PLFSS prévoit de remonter son plafond et de rehausser la durée maximale de ses emprunts à 24 mois. Ces mesures ne sont pas suffisantes, et une réflexion de fond doit être menée sur la gestion de la dette sociale, pour aller vers son extinction.

En tant que rapporteur pour avis du PLFSS, j'ai choisi d'approfondir la question du poids du système des retraites sur la dépense publique. En effet, depuis des années, dans la plupart des régimes, les cotisations ne suffisent pas à couvrir les pensions. En particulier, dans les régimes de retraite des fonctionnaires publics, l'État augmente artificiellement chaque année les taux de cotisation employeur afin de combler les déficits. Il en est de même à la CNRACL. Si un taux de cotisation identique à celui du secteur privé était appliqué, le niveau des cotisations employeur serait beaucoup plus bas.

Les cotisations de niveau « normal » et les impositions et taxes affectées représentent près de 80 % des pensions versées par l'ensemble du système de retraite. Au total, les administrations publiques - État, CNRACL, mais aussi branche famille et Unedic - comblent les besoins de financement du système de retraite de près de 72 milliards d'euros en 2023. Cela interroge sur l'équilibre à long terme du système. Une présentation unifiée serait nécessaire. Notre collègue Sylvie Vermeillet recommande d'ailleurs d'améliorer l'information sur les retraites de la sphère publique dans le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » : je salue et soutiens cette idée.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, j'ai été tenté de donner un avis défavorable, mais, compte tenu de l'arrivée récente d'un gouvernement qui n'est pas forcément responsable de la situation, des engagements qu'il a pris et des propositions de notre commission des affaires sociales, je vous propose de donner un avis de sagesse.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Notre rapporteur dit clairement ce qu'il pense. J'irai un peu plus loin que lui, par esprit de responsabilité comme lui, et pour accompagner le Gouvernement dans ses efforts pour redresser une situation difficile.

Le déficit de la sécurité sociale se maintiendra en effet à un niveau élevé en 2025. Toutefois, le Premier ministre hérite d'une situation dont il n'est pas responsable. Il lui est de surcroît très difficile de revenir sur certaines décisions récentes, comme les augmentations salariales du Ségur de la santé. Enfin, ce PLFSS prévoit des hausses de recettes et des baisses de dépenses très significatives - sans elles, le déficit aurait atteint 28 milliards d'euros.

La réforme des allègements généraux, avec un rendement net d'un peu plus de 4 milliards d'euros, permet d'augmenter structurellement les recettes de la sécurité sociale en baissant des exonérations moins utiles. Les mesures qui portent sur la consommation des produits de santé sont aussi des pistes intéressantes pour limiter le gâchis ou les prescriptions à mauvais escient.

Le PLF 2025 présente lui aussi, facialement, un déficit plus élevé que le PLF 2024 : - 5 %, contre - 4,4 %. Mais, comme pour le PLFSS, il fait enfin la vérité sur la situation très dégradée des comptes, en même temps qu'il amorce le nécessaire redressement.

J'entends les réserves de notre rapporteur, mais, compte tenu des amendements envisagés par la commission des affaires sociales, je propose que la commission émette un avis favorable sur ce PLFSS.

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. - Notre avis doit porter sur le texte, en l'état, avant la séance publique.

Je considère que, malheureusement, les prévisions de recettes sont trop optimistes et les prévisions de dépenses bien volontaristes - l'Ondam dérive toujours... Le déficit risque donc d'être supérieur aux 16 milliards d'euros annoncés.

Si mon avis n'est pas défavorable, c'est au seul motif que ce nouveau gouvernement vient d'arriver et qu'il a des propositions de modifications.

Mme Sylvie Vermeillet. - Merci à notre rapporteur. Je l'ai dit mardi dernier, nous avons besoin de plus de lisibilité en matière de retraite.

Notre système de retraite est complexe, avec des régimes déficitaires et des régimes excédentaires selon leur démographie, des régimes ouverts et des régimes fermés - SNCF et RATP, par exemple. Certains régimes sont intégrés - ils servent tant la pension de base que la pension complémentaire -, contrairement à ce qui existe dans le privé. Pour les agents publics, les acteurs sont multiples : service des retraites de l'État, CNRACL, Ircantec, Agirc-Arrco, Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). Les modes de financement sont divers, avec des transferts et des taxes affectées. Sans parler de la capitalisation ! Il faut se garder de porter un jugement trop rapide, mais nous devons travailler à une plus grande lisibilité.

Le taux moyen employeur de 98 % intègre les 126 % du régime des militaires, compte tenu de leurs carrières plus courtes. Et c'est heureux, car c'est le prix de notre armée ! Il est donc délicat de comparer avec le privé.

Nous sommes d'accord sur la nécessaire amélioration de la lisibilité. Que préconisez-vous en matière de retraites ? Faudrait-il constituer des réserves ?

Mme Isabelle Briquet. - Merci à notre rapporteur. Le groupe SER ne partage pas l'enthousiasme du rapporteur général, ou bien plutôt son fatalisme positif...

M. Claude Raynal, président. - Sa confiance différée !

Mme Isabelle Briquet. - Comme le rapporteur, nous sommes réservés, pour des raisons différentes. Nous en débattrons en séance et le groupe SER fera des propositions, notamment sur le financement. Hors inflation et compensation de l'augmentation des cotisations CNRACL, l'Ondam n'augmente presque pas et les droits des assurés sociaux sont encore réduits - augmentation du ticket modérateur, décalage de la revalorisation des pensions de retraite, baisse des indemnités journalières, etc. Nous émettons donc bien plus que des réserves et ne voterons pas ce PLFSS en l'état.

M. Pascal Savoldelli. - J'imagine combien le travail de notre rapporteur a dû être difficile ! Nos conditions de travail sont mauvaises, avec notamment l'utilisation de l'article 47-1 à l'Assemblée nationale. Certains ont voulu éviter l'article 23 du PLFSS sur la revalorisation des retraites... Avec mon collègue Pierre Barros, nous ne participerons pas au vote, car tout est fait pour empêcher notre travail.

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. - S'agissant de la réforme des retraites, je n'ai pas eu le temps d'aller au bout du travail complexe que je souhaitais faire et je n'ai pas encore suffisamment de clarté sur le sujet pour pouvoir faire des propositions, mais je suis partant pour travailler avec Sylvie Vermeillet et aller vers plus de lisibilité et le rétablissement des équilibres.

La commission émet un avis favorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, sous réserve de l'adoption des amendements de la commission des affaires sociales.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la santé (DGS)

- Mme Sarah SAUNERON, directrice générale adjointe ;

- M. Émilien ROGER, sous-directeur de l'appui au pilotage et ressources ;

- Mme Kadija BRAHMI, cheffe du bureau du budget et du pilotage.

Direction de la sécurité sociale

- Mme Delphine CHAMPETIER, cheffe de service, directrice adjointe de la sécurité sociale ;

- M. Antoine IMBERTI, adjoint sous-directeur de la direction des études et des prévisions financières.

Caisse nationale de l'Assurance Maladie (CNAM)

- M. Thomas FATÔME, directeur général ;

- Mme Sophie KELLEY, responsable du département des produits de santé ;

- M. Grégoire de LAGASNERIE, adjoint au directeur de la stratégie, des études et de la statistique ;

- M. Imanuel LECLERCQ, élève directeur d'hôpital et actuellement en stage au cabinet du directeur général ;

- Mme Véronika LEVENDOF, directrice adjointe de la médiation et mission prévention des conflits d'intérêts, chargée des relations avec le Parlement.

Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale (CADES)

- M. Jean-Louis REY, président du conseil d'administration ;

- Mme Geneviève GAUTHEY, secrétaire générale.

Comité économique des produits de santé

- M. Philippe BOUYOUX, président ;

- M. Bernard CELLI, vice-président de la section des produits LPP et des prestations (dispositif médical) ;

- M. Jean-Patrick SALES, vice-président de la section du médicament.

Les Entreprises du médicament (le Leem, syndicat)

- Mme Laurence PEYRAUT, directrice générale ;

- Mme Juliette MOISSET, directrice des affaires économiques et de l'accès ;

- M. Laurent GAINZA, directeur des affaires publiques ;

- Mme Anna METCALFE, chargée de mission des affaires publiques France.

Expert

- M. Jean-Pascal BEAUFRET, spécialiste des finances publiques.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/plfss2025.html


* 1 Avis du Comité d'alerte n° 2024-3 du 30 octobre 2024 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

* 2 Pour plus d'explications sur le déficit de la CNRACL, voir le II.

* 3 Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.

* 4 5 milliards d'euros en 2021 puis à nouveau en 2022 destinés au désendettement et à l'investissement des établissements de santé, un solde 3 milliards d'euros étant prévu en 2023.

* 5 Rapport annuel sur les lois de financement de la sécurité sociale - mai 2024.

* 6 Haut Conseil des finances publiques , avis n° 2024-3 relatifs aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2025, 8 octobre 2024.

* 7 L'article 38 du projet de loi de finances pour 2024 propose de porter de 23,39 % à 22,96 % la fraction de TVA destinée à la branche maladie du régime général de sécurité sociale. Toutefois, cette majoration est neutre pour les ressources globales de la branche maladie puisqu'elle correspond à la compensation d'exonérations de cotisations.

* 8 Il y est procédé au 3° du I de l'article 10 du PLFSS pour 2024.

* 9 Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, A. Bozio et E. Wasmer, octobre 2024.

* 10 Situation financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, bilan et perspectives, mai 2024.

* 11 Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 12 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

* 13 Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

* 14 Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.

* 15  La situation financière de la sécurité sociale, Cour des comptes, octobre 2024.

* 16 En ce sens, la commission des finances a adopté un amendement COM-47 de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, supprimé à l'Assemblée nationale, réintroduit en nouvelle lecture par un amendement COM-23 du rapporteur général.

* 17 Rapport annuel du COR, juin 2024.

* 18 Rapport général n° 128 (2023-2024), tome III, annexe 25, Mme Vermeillet, déposé le 23 novembre 2023.

* 19 Ce taux est appliqué sur le traitement indiciaire hors prime des fonctionnaires.

* 20 Retraites obligatoires et déficits publics, Commentaires, été 2023 ; Les trois singes et les finances publiques, Commentaires, automne 2024.

* 21  Retraites, une base objective pour le débat civique, Haut-Commissariat au plan, décembre 2022.

* 22  Décret n° 2014-654 du 20 juin 2014 relatif au comité de suivi des retraites.

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