B. UNE REVALORISATION DU STATUT DES MAGISTRATS
BIENVENUE
AU REGARD DE LEUR CHARGE DE TRAVAIL
Les juridictions administratives demeurent soumises à une forte progression des entrées contentieuses depuis plusieurs années. Cette progression atteint, de 2017 à 2022, 22 % dans les TA et 15 % à la CNDA. Au premier semestre 2023, les entrées des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ont augmenté à nouveau, respectivement, de 5,3 % et 4,6 %.
Au sein des tribunaux administratifs, le taux de couverture global a été inférieur à 100 % en 2022 et a naturellement eu pour conséquence une augmentation du stock d'affaires en instance. Au 31 décembre 2022, ce stock a ainsi atteint 200 093 dossiers en données nettes, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à la situation observée au 31 décembre 2021. La part des affaires de plus de 2 ans augmente, elle, de 8,7 % et s'établit à 10,3 % comme en 2021.
Les perspectives en 2024 ne semblent pas apporter de signes de fléchissement. Selon le secrétaire général du Conseil d'État, la simplification du contentieux des étrangers en cours de discussion dans le cadre de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration aura peu d'effet sur le volume, mais plutôt sur le traitement. Quant à l'instruction « à 360° » des demandes de titres de séjour - que le Conseil d'État avait recommandée dans un rapport de mars 2020 relatif à la simplification du contentieux des étrangers -, elle ne serait dans un premier temps qu'une expérimentation.
Dans ce contexte qui nécessite une mobilisation soutenue, les mesures de réévaluation indiciaire qui ont procédé à un alignement de la grille des magistrats sur celle des administrateurs de l'État2(*) constituent une avancée importante, étant souligné leur caractère indispensable pour maintenir l'attractivité du corps qui constitue un enjeu de bon fonctionnement pour les juridictions administratives.
Pour achever l'adaptation du corps des magistrats de TA et CAA à la réforme de la haute fonction publique, restent encore à modifier le régime indemnitaire pour assurer une convergence avec les administrateurs de l'État et le régime des incompatibilités ; des discussions sont en cours avec les deux syndicats dans le cadre des réunions de dialogue social que le Conseil d'État organise.
Parallèlement, les conclusions du groupe de travail sur la charge de travail des magistrats menée sous l'égide de la cheffe de la mission d'inspection des juridictions administratives, ont également été saluées. Le rapport d'étude remis au vice-président du Conseil d'État le 3 juillet 2023 procède à différents constats qui confirment le ressenti des magistrats, notamment sur les effets indésirables de la dématérialisation, avec une inflation significative de la taille du dossier numérique et un amoindrissement du sens collectif du travail, ou encore sur la reconnaissance des charges annexes, en particulier la participation au collectif juridictionnel, qui comprend des missions variées comme les groupes de travail, les fonctions de référent, la participation au projet de juridiction, des activités de représentation...
Ce travail ouvre de nombreuses pistes d'amélioration, par exemple sur une fixation de la « norme » attendue des magistrats qui permette une répartition plus collective du travail au sein des juridictions, sur l'expérimentation de magistrats « placés » à l'instar de ce qui existe dans les juridictions judiciaires, pour atténuer les effets de la « volatilité » des effectifs3(*), ou encore sur l'élaboration avec les avocats d'une charte de présentation des écritures. Il conviendra d'en assurer la mise en oeuvre concrète, à l'instar du rapport du groupe de travail sur l'avenir des greffes dont les conclusions sont encore soumises à la réflexion collective.
Enfin, la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 instaure pour l'ensemble des membres de la juridiction administrative une prestation de serment qui était attendue de longue date.
* 2 Décret n° 2023-488 du 21 juin 2023 relatif à l'échelonnement indiciaire des magistrats administratifs.
* 3 L'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État instaure, pour les magistrats entrés dans le corps après le 1er janvier 2023, une obligation de mobilité statutaire pour accéder au grade de conseiller, transformant ainsi une incitation qui existait déjà en une obligation, et supprime la possibilité d'être dispensé de mobilité au deuxième grade en cas d'affectation pendant trois ans en cour administrative d'appel.