N° 134

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution,
pour
2024,

TOME III

OUTRE-MER

Par M. Thani MOHAMED SOILIHI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 16801715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Constatant la hausse notable des crédits de la mission « Outre-mer », la commission des lois a, sur le rapport de Thani Mohamed Soilihi, émis un avis favorable à l'adoption des crédits.

Suite à l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi de finances pour 2024, la mission « Outre-mer » est dotée de 2,96 milliards d'euros en autorisations d'engagement - soit une hausse de près de 9 % par rapport à 2023 - et de 2,66 milliards d'euros en crédits de paiement - en hausse de 5 % par rapport à 2023.

La commission salue cette hausse de crédits, dans un contexte encore marqué par des tensions inflationnistes et un accroissement des inégalités.

Elle se félicite plus particulièrement du renforcement de la lutte contre l'habitat indigne et des actions en faveur de l'insertion professionnelle (plan « SMA 2025+ », extension du programme « Cadres d'avenir »), ainsi que des mesures nouvelles en faveur de la politique de continuité territoriale, dans la continuité des propositions formulées par le comité interministériel des outre-mer en juillet 2023.

Elle appelle toutefois le Gouvernement à améliorer le pilotage budgétaire de la mission et à poursuivre le travail d'apurement des restes à payer, à davantage adapter les dispositifs créés aux spécificités des territoires ultramarins pour en garantir l'efficacité et à consolider l'effort budgétaire engagé dans la durée afin d'atteindre les objectifs fixés, notamment en matière de résorption de l'habitat insalubre.

I. L'EFFORT FINANCIER GLOBAL DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES OUTRE-MER APPARAÎT EN HAUSSE EN 2024, DANS UN CONTEXTE TOUJOURS INCERTAIN

A. LES CRÉDITS EN FAVEUR DES OUTRE-MER SONT EN NETTE HAUSSE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2024

L'action globale de l'État en faveur des outre-mer est portée par 105 programmes budgétaires - dont 9 prélèvements sur recettes - relevant de 32 missions. L'ensemble des crédits concourant à l'action de l'État en faveur des outre-mer est retracé dans le document de politique transversale « outre-mer », articulé autour de cinq axes stratégiques pour l'année 2024. La commission salue à cet égard les modifications apportées à ce document par le ministère en charge des outre-mer, dont la présentation a été nettement améliorée à la suite de critiques récurrentes formulées par la Cour des comptes, et appelle à poursuivre ce mouvement.

L'effort financier global de l'État en faveur des outre-mer apparaît en nette hausse dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Il s'élève ainsi à 21,5 Mds€ en autorisations d'engagement (AE) et 22,81 Mds€ en crédits de paiement (CP), contre 20,1 Mds€ en AE et 21,7 Mds€ en CP dans le PLF 2023 - soit une hausse de 7 % en AE et 5 % en CP.

Comme les années passées, les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une petite partie de l'effort financier global de l'État en faveur de l'outre-mer (13,5 % des AE et 11,7 % des CP).

Source : Commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

B. LE CONTEXTE DANS LEQUEL S'INSCRIT LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2024 DEMEURE INCERTAIN EN RAISON DE L'INFLATION ET DES TENSIONS SOCIALES

1. Une inflation toujours forte en 2023, qui devrait se maintenir à un niveau élevé en 2024

Le PLF 2024 s'inscrit dans un contexte marqué par une inflation toujours forte en outre-mer, en dépit des dispositifs visant à freiner la hausse des prix. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, l'inflation s'est établie en 2022 à 4,9 % en moyenne et a même atteint 7 % sur la même période à Mayotte. Elle devrait s'établir à 4,5 % sur un an à la fin décembre 2023 (contre 2,6 % sur un an à la fin décembre 2021), principalement du fait de la forte hausse des prix de l'énergie liée à la guerre en Ukraine, amplifiée par la dépréciation de l'euro face au dollar, et de la hausse des prix de l'alimentation, laquelle s'établit à près de 10 % en 2022 dans les outre-mer.

Régions

Inflation

Alimentation

Énergie

Guadeloupe

+ 3,7 %

+ 5,2 %

+ 15 %

Guyane

+ 3,3 %

+ 7,7 %

+ 14,8 %

Martinique

+ 4,2 %

+ 5,5 %

+ 15 %

La Réunion

+ 3,9 %

+ 5,6 %

+ 18,2 %

Mayotte

+ 7,1 %

+ 12,7 %

+ 16,6 %

Nouvelle-Calédonie

+ 4,9 %

+ 10,9 %

+ 11,3 %

Polynésie française

+ 8,5 %

+ 8,6 %

+ 12,4 %

Wallis-et-Futuna

+ 4,8 %

+ 4 %

+ 12,6 %

Source : Commission des lois du Sénat à partir des réponses aux questionnaires

Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour freiner l'inflation. Le bouclier qualité prix, instauré en 2012 et qui garantit aux consommateurs ultramarins l'accès à une liste de produits de consommation courante à des prix modérés, a ainsi été élargi à de nouveaux produits en 2023 (produits de bricolage et services de téléphonie en Guyane par exemple). En outre, afin d'éviter des dérives en termes de marges, les prix des carburants sont fixés mensuellement par arrêté préfectoral. Les collectivités ultramarines ont également pu bénéficier, pour faire face à la hausse des prix de l'énergie, du filet de sécurité introduit par la loi de finances rectificative de juillet 2022 et prolongé par la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

Si le rapporteur se félicite de la mise en oeuvre de ces mesures, il constate toutefois qu'elles demeurent encore trop peu adaptées aux spécificités des outre-mer. Ainsi, seules 19 collectivités ultramarines ont bénéficié du filet de sécurité, pour un montant total de 13,9 M€, alors que le ministre Christophe Béchu, entendu par la commission des lois le 10 novembre 2022 dans le cadre de l'examen du PLF 2023, s'était engagé à améliorer le dispositif en 2023 après avoir déclaré être « édifié par les chiffres (...) entendus ».

Le rapporteur regrette par ailleurs la disparition en 2024 de certains dispositifs, tels que l'aide exceptionnelle aux entreprises ultramarines destinée à compenser la hausse des coûts d'approvisionnement énergétiques, alors que l'inflation demeure à un niveau élevé.

2. Des tensions sociales persistantes

L'accélération de l'inflation dans les territoires ultramarins, qui intervient alors que les prix sont déjà structurellement plus élevés qu'en métropole (entre 28 et 33 % plus élevés en moyenne) et que les revenus des ménages sont inférieurs, aggrave les inégalités existantes et donne lieu à une multiplication des tensions sociales.

Celles-ci ont été exacerbées dans certains territoires, notamment à Mayotte, qui traverse une crise liée à l'accès à l'eau potable en raison d'une sécheresse persistante. À l'heure actuelle, 6 % des habitants de Mayotte n'auraient aucun accès à l'eau potable.

Face à ces tensions sociales, les présidents des régions de Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, Martinique, Saint-Martin et Guyane ont lancé, en mai 2022, l'appel de Fort-de-France, afin que l'État modifie les politiques d'aide au développement dans les territoires ultramarins. À la suite de cette initiative, un comité interministériel des outre-mer (CIOM) s'est réuni, en juillet 2023, afin de formuler des mesures visant à améliorer le quotidien des habitants d'outre-mer.

Le comité interministériel des outre-mer (CIOM)

À l'issue de la réunion du CIOM le 18 juillet dernier, 72 mesures ont été formulées afin d'améliorer le quotidien des habitants ultramarins. Elles s'articulent autour de six axes :

1. Transformer les économies ultramarines pour créer de l'emploi et lutter contre la vie chère ;

2. Améliorer la vie quotidienne dans les outre-mer, notamment en luttant contre l'habitat indigne, en compensant l'éloignement et en renforçant l'offre médico-sociale ;

3. Mieux accompagner les enfants, les jeunes et les étudiants à grandir, créer, se former, se cultiver et enrichir en compétences les outre-mer ;

4. Garantir un environnement normatif adapté aux spécificités des outre-mer ;

5. Construire l'avenir avec des équipements et infrastructures adaptés aux nouveaux défis ;

6. Assurer un suivi interministériel régulier, en instaurant un rendez-vous annuel du Gouvernement autour des outre-mer. 

La commission salue l'annonce de ces mesures et souligne la nécessité de les mettre en oeuvre rapidement. Elle se réjouit à cet égard de la réunion d'un comité de suivi en présence des élus ultramarins, dès novembre 2023, chargé d'examiner la mise en place des mesures dans chaque territoire, ainsi que de la reprise de certaines mesures dans le PLF 2024, tels que le renforcement de la continuité territoriale (article 55) et l'extension d'Action logement à Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon (article 55 bis).

II. LA MISSION « OUTRE-MER », QUI NE REPRÉSENTE QU'UNE PART MINIME DE L'EFFORT FINANCIER DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES OUTRE-MER, CONNAÎT UNE HAUSSE IMPORTANTE DE SES CRÉDITS

A. LA MISSION « OUTRE-MER » : DES CRÉDITS EN HAUSSE ET UN PILOTAGE BUDGÉTAIRE TOUJOURS PERFECTIBLE

1. Des crédits en hausse

Dans la version du PLF transmise par l'Assemblée nationale, la mission « outre-mer » est dotée de 2,96 Mds€ en AE et 2,66 Mds€ en CP - contre 2,72 Mds€ en AE et 2,54 Mds€ en CP dans la LFI 2023, soit une hausse de près de 9 % en AE et 5 % en CP. Le rapporteur salue cette augmentation, supérieure au taux d'inflation anticipé par le Gouvernement dans les outre-mer en 2024, qui devrait s'établir à 2,5 %.

La mission « Outre-mer » se décompose en deux programmes budgétaires :

- le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », doté de 1,1 Md€ en AE et 817 M€ en CP, composé de huit actions et qui tend à financer principalement le logement, l'accompagnement des collectivités et la continuité territoriale ;

- le programme 138 « Emploi outre-mer », doté de 1,86 Md€ en AE et 1,85 Md€ en CP, composé de quatre actions, et qui vise à renforcer la compétitivité des entreprises et à améliorer l'insertion et la qualification professionnelle des actifs ultramarins, en particulier des jeunes.

Évolution par programme des crédits de la mission entre 2023 et 2024
(en M€)

 

AE

CP

 

LFI 2023 2023

PLF 2024 2024

Variation

LFI 2023

PLF 2024

Variation

P. 123

953

1 102

+ 15,6 %

784

817

+ 4,2 %

P. 138

1 765

1 855

+ 5,1 %

1 759

1 847

+ 5 %

Total

2 719

2 956

+ 8,7 %

2 543

2 664

+ 4,8 %

Source : Commission des lois à partir des documents budgétaires et du PLF 2024 dans sa version transmise au Sénat par l'Assemblée nationale

2. Un pilotage budgétaire perfectible, en dépit des améliorations apportées

Le pilotage budgétaire de la mission « outre-mer » connaît des améliorations depuis plusieurs années. Dès 2022, la Cour des comptes saluait, dans sa note d'exécution budgétaire (NEB) relative à la mission « outre-mer » portant sur l'exercice 2021, « un pilotage budgétaire en voie d'amélioration » avec une amélioration de la consommation des crédits et une exécution davantage lissée sur l'année. Dans sa NEB sur l'exercice 2022, la Cour des comptes a rappelé une nouvelle fois qu'un effort de sincérisation budgétaire avait été effectué et devait être accentué.

Source : Commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

S'il se félicite de ces améliorations, le rapporteur note toutefois que le pilotage budgétaire de la mission reste largement perfectible et appelle donc le Gouvernement à poursuivre ses efforts.

En premier lieu, comme relevé par la Cour des comptes, la gestion 2022 a été marquée par une sous-consommation des AE. Celle-ci s'élève à 75 M€ pour le programme 123, en grande partie portée par la ligne budgétaire unique (sous-consommation de 41 M€ en AE), suivie du fonds exceptionnel d'investissement (sous-consommation de 10 M€) et du soutien aux collectivités territoriales (sous-consommation de 11 M€). S'agissant du programme 138, la sous-consommation s'établit à 30 M€, essentiellement portée par le service militaire adapté (SMA), dont 28 M€ n'ont pas été exécutés.

L'exercice 2022 a en deuxième lieu été marqué par un calibrage insuffisant des besoins en CP comme en témoigne l'importante sur-exécution de la mission (248 M€ en AE=CP, soit 17 % de plus que la dotation initiale), en grande partie portée par l'action 1 du programme 138, relative à la compensation des exonérations de cotisations sociales patronales dont bénéficient les entreprises ultramarines. La gestion 2023 devrait elle aussi être marquée par une sur-exécution de 244 M€ en AE et 226 M€ en CP d'après les estimations de la direction générale des outre-mer (DGOM). Si la DGOM explique cette sur-exécution par les difficultés de prévision auxquelles est confrontée l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), la Cour des comptes estime que « les méthodes d'estimation [des crédits budgétaires nécessaires] sont visiblement défaillantes ». Le rapporteur rappelle donc la nécessité de fiabiliser les prévisions de l'Acoss.

Enfin, la Cour des comptes a alerté sur le volume des restes à payer concernant le programme 123, qui représentent « un risque avéré pour la soutenabilité à long terme de la mission "outre-mer" ». Ces restes à payer s'établissaient à plus de 2 Mds€ à la fin de l'année 2022. Le rapporteur relève toutefois que le travail d'apurement engagé par la DGOM en 2019 a repris en 2023, ce qui a permis de faire diminuer le montant des restes à payer de 20 % entre le 1er janvier 2023 et le 30 septembre 2023 et appelle à poursuivre et amplifier ce mouvement.

B. LE PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » : UNE HAUSSE BIENVENUE DES CRÉDITS PRINCIPALEMENT DESTINÉE À FINANCER LE LOGEMENT ET LA POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE

Dans le PLF 2024 transmis au Sénat par l'Assemblée nationale, le programme 123, composé de huit actions, est doté de 1,1 Md€ en AE et 817 M€ en CP (contre 953 M€ en AE et 783 M€ en CP dans la LFI 2023).

1. La hausse sensible des crédits alloués à la ligne budgétaire unique (LBU)

La LBU (action 1) voit ses crédits augmenter de 49 M€ en AE et 10 M€ en CP, pour s'établir à 291 M€ en AE et 193 M€ en CP. Ce renforcement des crédits vise à financer la construction de logements sociaux (+ 19M€), la réhabilitation et l'adaptation des logements au vieillissement (+ 13,5 M€) et la lutte contre l'habitat indigne (+ 16 M€).

Le rapporteur salue cette augmentation indispensable des crédits alloués à la LBU, alors que le nombre estimé de logements indignes et insalubres dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) s'élève à 150 000 d'après une évaluation conduite par la DGOM au printemps 2022. Les logements insalubres et indignes représenteraient ainsi près de 18 % des logements en outre-mer, contre 1,2 % en France métropolitaine.

Il insiste toutefois sur le besoin de poursuivre cet effort budgétaire dans la durée et sur la nécessité d'accélérer les livraisons de logements neufs pour atteindre l'objectif, fixé par la loi dite « EROM1(*) », de 150 000 logements neufs construits et livrés d'ici 2027. Il rappelle par ailleurs la nécessité d'améliorer la consommation des crédits alloués à la LBU, dans la lignée de la NEB sur l'exercice 2022 établie par la Cour des comptes.

2. La stabilité des crédits dédiés à l'aménagement du territoire

Les crédits de l'action 2, dédiés à l'aménagement du territoire, s'établissent à 210 M€ en AE et 161 M€ en CP et demeurent stables par rapport à l'exercice 2023.

Ces crédits ont notamment vocation à financer les nouveaux contrats de convergence et de transformation (CCT), qui couvriront la période 2024-2027 et qui devraient être signés à la fin de l'année 2023 pour permettre une mise en oeuvre dès le début de l'année 2024. Le montant des crédits consacrés à ces nouveaux CCT, tous ministères confondus, devrait s'établir à 2,3 Mds€ pour la période 2024-2027, soit une légère augmentation par rapport au montant prévu pour la précédente génération de CCT, qui était de 1,9 Md€.

Les contrats de convergence et de transformation (CCT)

Introduits par la loi dite « EROM » de 2017, les CCT se sont substitués aux contrats de plan État-région dans les DROM et aux contrats de développement dans les collectivités d'outre-mer (COM). Ils ont pour objectif de réduire les écarts de développement persistants avec la métropole. Les premiers CCT couvraient la période 2019-2022, et ont finalement été prolongés jusqu'au 31 décembre 2023.

Le rapporteur salue la hausse des moyens alloués aux CCT, qui permettront notamment de financer les réseaux d'eau et d'assainissement, les infrastructures de transports et les écoles.

Il constate toutefois la sous-consommation des montants contractualisés sur la période 2019-2022, malgré la prolongation des CCT jusqu'à la fin 2023 et souligne la nécessité de mettre en place des dispositifs pour améliorer la consommation de ces crédits.

Source : Commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

3. L'augmentation bienvenue des crédits destinés à soutenir la politique de continuité territoriale

L'action 3, relative à la continuité territoriale, voit ses crédits augmenter de manière notable pour s'établir à 73 M€ en AE et CP (+ 23 M€).

Cette hausse des moyens dédiés à la continuité territoriale doit d'abord financer l'élargissement des publics éligibles à l'aide à la continuité territoriale, via une hausse du seuil de ressources exigé, qui passera de 11 991 € à 18 000 € par part de quotient familial. Le rapporteur se félicite de cet élargissement, qui reprend une proposition formulée par la délégation sénatoriale aux outre-mer2(*) et qui permettra de porter le taux de population éligible dans les DROM de 62 % à 77 %.

Cette augmentation des crédits vise également à renforcer les aides à la mobilité, notamment pour les étudiants dont le quotient familial est inférieur à 26 000 € à travers la prise en charge d'un aller-retour par an jusqu'à 28 ans et d'un aller-retour supplémentaire la première année, ainsi que pour les talents du monde de la culture et du monde sportif et pour les situations d'urgence (continuité funéraire, violences intrafamiliales etc.).

Enfin, ces crédits ont vocation à financer trois mesures nouvelles, issues des propositions du CIOM et prévues par l'article 55 du PLF, pour un coût estimé à 21,6 M€ :

- la création d'un « passeport pour l'installation professionnelle en outre-mer », qui a pour objectif de faciliter l'installation durable d'actifs métropolitains ayant un projet professionnel en lien avec les besoins des entreprises ultramarines, ainsi que le retour des habitants ultramarins partis effectuer leurs études en métropole, via la prise en charge de tout ou partie des frais de transports et la fourniture d'une allocation d'installation ;

- la création d'un « passeport pour la mobilité des actifs salariés », qui permettra de faciliter la formation des actifs ultramarins, notamment lorsque les formations ne sont pas proposées dans le territoire où vit l'actif concerné, et qui répond à une demande forte des actifs ultramarins ;

- la création d'un « passeport pour la mobilité des entreprises innovantes », qui vise à financer les déplacements professionnels réalisés par les salariés d'une entreprise ultramarine innovante, pour participer à des salons ou à des réunions avec des financeurs, afin de favoriser le développement de cette dernière.

4. L'évolution contrastée des moyens consacrés aux collectivités territoriales

Les crédits dédiés aux collectivités territoriales, portés par l'action 6, sont fixés à 278 M€ en AE et 237 M€ en CP. Par rapport à la LFI 2023, les AE augmentent ainsi de 3 %, tandis que les CP diminuent de 13 %.

Ces crédits financeront notamment la pérennisation des contrats de redressement outre-mer (COROM), qui seront dotés de 49 M€ en AE et 27 M€ en CP. 

Les contrats de redressement outre-mer (COROM)

Créés par la loi de finances pour 2021 , les COROM sont destinés à soutenir les communes ultramarines volontaires confrontées à de graves difficultés financières. Ces contrats triennaux conclus avec l'État garantissent aux communes signataires un appui technique ainsi qu'un appui financier prenant la forme du versement d'une subvention exceptionnelle et d'une aide à la résorption des dettes à l'égard des fournisseurs. En contrepartie, les communes ayant conclu un tel contrat s'engagent à mettre en oeuvre des réformes pour mieux maîtriser leurs dépenses, déployer des procédures de gestion et améliorer la qualité comptable.

Neuf communes ont signé un COROM dans le cadre de la première vague 2021-2023 et treize communes ont été sélectionnées dans le cadre de la deuxième vague. Le premier bilan tiré de ce dispositif apparaît plutôt positif, comme la délégation de la commission en Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin a pu le relever lors de son déplacement en avril 20233(*)

. La plupart des communes signataires sont désormais engagées dans une dynamique vertueuse, ont apuré une partie des dettes contractées auprès de leurs fournisseurs et retrouvé une capacité d'autofinancement. Ce dispositif a également permis une montée en compétences des agents communaux, notamment dans le domaine des finances.

Face à la persistance des difficultés financières auxquelles sont confrontées les collectivités d'outre-mer et compte tenu du bilan positif des premiers COROM, la commission juge bienvenue cette pérennisation et soutient le lancement d'un nouvel appel à candidatures pour la période 2024-2026, afin de signer des contrats avec de nouvelles communes.

Ces crédits financeront également la pérennisation du soutien au syndicat mixte de gestion et d'assainissement des eaux de Guadeloupe (SMGEAG), avec une dotation de 20 M€.

5. L'évolution des crédits des autres actions financées par le programme 123

L'action 8, qui concerne le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), est dotée de 160 M€ en AE et 87 M€ en CP. Créé en 2009, ce fonds apporte une aide financière aux personnes publiques réalisant des investissements qui portent sur des équipements publics collectifs participant de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local. Les crédits alloués au FEI ont été majorés par plusieurs amendements adoptés par l'Assemblée nationale et retenus par le Gouvernement, afin de financer des opérations relatives aux réseaux d'eau et d'assainissement, notamment à Mayotte, ainsi que des opérations relatives aux traitements des déchets et à la lutte contre les sargasses.

Les crédits de l'action 9, dédiés à l'appui aux financements bancaires, sont en baisse et s'établissent à 46 M€ en AE et 33 M€ en CP (contre 53 M€ en AE et 36 M€ en CP dans la LFI 2023). D'après les réponses au questionnaire budgétaire, la baisse de 7 M€ en AE est due à « un engagement pluriannuel réalisé en 2023 pour la société de gestion des fonds de garantie d'outre-mer (SOGEFOM) et le dispositif KIWA, qui vise à financer des projets de lutte contre le réchauffement climatique ».

Enfin, le montant des crédits dédiés à l'action sanitaire et sociale, à la culture, à la jeunesse et aux sports (action 4) ainsi qu'à l'insertion économique et à la coopération régionales (action 7) est identique aux montants prévus par la LFI 2023.

C. LE PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » : UNE EXTENSION SOUHAITABLE DES DISPOSITIFS D'INSERTION PROFESSIONNELLE

Dans le PLF 2024 transmis au Sénat par l'Assemblée nationale, le programme 138, composé de quatre actions, est doté de 1,86 Md€ en AE et 1,85 Md€ en CP (contre 1,76 Md€ en AE et 1,75 Md€ en CP dans la LFI 2023).

1. Une hausse des moyens dédiés au soutien des entreprises, après une année marquée une nouvelle fois par une sur-exécution des crédits

L'action 1, qui rassemble les crédits de soutien aux entreprises, est dotée de 1,54 Md€ en AE=CP, soit une augmentation de 126 M€ par rapport à la LFI 2023.

Ces crédits correspondent aux compensations des exonérations sociales dont bénéficient les entreprises ultramarines (dispositif « LODEOM ») afin de réduire le taux de chômage dans les outre-mer et d'améliorer la compétitivité de ces entreprises4(*). Ils représentent près de 83 % des crédits du programme 138 dans le PLF 2024. Leur montant est établi sur la base des prévisions fournies par l'Acoss.

Ces exonérations feront d'après la DGOM l'objet d'une évaluation associant les parlementaires et les entreprises avant la fin de l'année 2023 pour estimer leurs effets sur l'emploi et proposer le cas échéant des évolutions du dispositif.

Face à un phénomène de sur-exécution récurrent lié au fait que les dépenses de cette action constituent des dépenses de guichet, la commission rappelle par ailleurs la nécessité de fiabiliser les prévisions de l'Acoss, dans un souci de sincérité budgétaire.

2. L'extension des dispositifs d'aide à l'insertion et à la qualification professionnelles

L'action 2, relative à l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelles, est dotée de 315 M€ en AE et 304 M€ en CP. Ces crédits sont stables par rapport à l'année 2023.

Ces crédits financeront en premier lieu le service militaire adapté (SMA), qui voit sa dotation augmenter de 12 M€ en AE et 7 M€ en CP, pour s'établir à 72 M€ en AE et 68 M€ en CP, après une forte augmentation des crédits en LFI 2023, qui visait à permettre le déploiement du plan « SMA 2025+ » au-delà du seul territoire de Mayotte. La nouvelle augmentation des crédits prévue dans le PLF 2024 permettra de continuer le déploiement du plan « SMA 2025+ ».

Le service militaire adapté (SMA) et le plan « SMA 2025+ »

Créé en 1961, le SMA est un dispositif militaire qui vise à améliorer l'insertion professionnelle des jeunes ultramarins âgés de 18 à 25 ans, en ciblant particulièrement les décrocheurs scolaires. À cet effet, il propose aux bénéficiaires un accompagnement socio-éducatif pour leur permettre d'acquérir des compétences professionnelles et sociales qui renforceront leur employabilité. Chaque année, 6 000 volontaires bénéficient en moyenne de ce programme.

Le plan « SMA 2025+ » est une expérimentation qui tend à améliorer le dispositif et prévoit à cet effet :

l'élargissement du dispositif à de nouveaux publics (parents isolés, mineurs décrocheurs entre 16 et 18ans) ;

l'allongement d'un mois de la durée moyenne de formation des volontaires ;

le renforcement de l'acquisition des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter) ;

le renforcement de l'acquisition des compétences professionnelles, notamment via le développement des formations en apprentissage ;

l'enrichissement du contenu du programme (prévention, formation à la santé, maîtrise des outils numériques) ;

un accompagnement vers des formations diplômantes pour amener les volontaires vers des emplois plus qualifiés (mise en place de formations de chefs d'équipe).

Le rapporteur ne peut que saluer la poursuite du déploiement du plan « SMA 2025+ », qui constitue un dispositif particulièrement efficace, comme en atteste le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat, supérieur à 80 % depuis 2017.

L'action 2 finance également le programme « Cadres d'avenir », doté dans la version initiale du PLF 2024 de 8,5 M€ en AE et 7 M€ en CP pour l'année 2024, ce qui permettra notamment l'extension de ce dispositif à la Martinique, après son déploiement en Guadeloupe et à Saint-Martin en 2023. La commission se félicite également des amendements retenus par le Gouvernement après engagement de sa responsabilité, qui permettront de déployer ce dispositif en Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon dès l'année 2024.

Cadres d'avenir

Le programme « Cadres d'avenir » permet à des étudiants de bénéficier d'un accompagnement financier (prise en charge des frais de transport et versement d'une allocation) pour leurs études, en contrepartie de leur retour dans leur territoire d'origine pour travailler pendant une période donnée. L'objectif de ce dispositif est, d'une part, de soutenir la formation de cadres moyens et supérieurs et, d'autre part, de répondre aux besoins en recrutement des entreprises ultramarines. Ce dispositif est déployé en Nouvelle-Calédonie depuis 1998, à Wallis-et-Futuna depuis 2003, à Mayotte depuis 2018 ainsi qu'en Guadeloupe et à Saint-Martin depuis 2023.

Enfin, les crédits de l'action 2 comprennent la subvention pour charges de service public s'élevant à 10 M€ et destinée à l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), seul opérateur du programme, qui finance des dispositifs en faveur de la qualification professionnelle des actifs ultramarins.

3. La relative stabilité des crédits dédiés au pilotage des politiques des outre-mer

Les crédits dédiés au pilotage des politiques des outre-mer (action 3), qui s'élèvent à 3,6 M€ en AE et 3,4 M€ en CP, sont en légère baisse, après un doublement des crédits en 2023 par rapport à 2022. Ces crédits sont notamment destinés au financement des dépenses de fonctionnement du cabinet du ministre délégué ainsi que de la DGOM.

4. La forte baisse des crédits alloués au soutien de l'économie

Enfin, les crédits dédiés au soutien de l'économie (action 4) connaissent une baisse importante et s'établissent à 25 M€ en AE et 21 M€ en CP (après 34 M€ en AE et 32 M€ en CP).

Ces crédits financent entre autres les prêts de développement outre-mer (PDOM), mis en place par Bpifrance, qui financent les besoins en fonds de roulement des entreprises, ainsi que l'aide au fret destinée à couvrir les surcoûts de transport de marchandises au profit d'entreprises ultramarines, dont les crédits resteraient stables.

La baisse des crédits de l'action 4 s'explique par la non-reconduction de l'aide exceptionnelle de 10 M€ aux entreprises ultramarines, destinée à compenser la hausse des coûts d'approvisionnement énergétiques, introduite par la LFI 2023. Le rapporteur regrette la non-reconduction de cette aide, dans un contexte économique encore difficile pour les entreprises ultramarines, mais salue en revanche l'abondement de 2 M€ en AE et 0,2 M€ en CP des crédits de l'action 4 par l'Assemblée nationale, qui vise à soutenir l'installation en outre-mer de très petites entreprises et de petites et moyennes entreprises.

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La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », inscrits au projet de loi de finances pour 2024.

EXAMEN EN COMMISSION

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MARDI 21 NOVEMBRE 2023

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis. - Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, il me revient de vous présenter les crédits de la mission « Outre-mer » ainsi que les articles qui y sont rattachés, dont notre commission s'est saisie pour avis.

Le budget de l'État pour l'année 2024 s'inscrit à nouveau dans un contexte marqué par l'inflation, qui devrait s'établir à 4,5 % en 2023 dans les outre-mer et demeurer à un niveau élevé en 2024.

Face à la forte hausse des prix, déjà structurellement bien plus élevés dans les outre-mer qu'en métropole, le Gouvernement a adopté plusieurs mesures, dont je me félicite. À titre d'exemple, le bouclier qualité-prix a été élargi pour intégrer des produits de bricolage et des services de téléphonie.

En revanche, contrairement aux engagements pris l'an dernier par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, certains dispositifs demeurent trop peu adaptés aux spécificités des outre-mer. C'est le cas du filet de sécurité ayant pour objectif de protéger les collectivités territoriales face à la hausse des prix de l'énergie, dont seules 19 collectivités ultramarines ont bénéficié depuis juillet 2022. J'appelle donc une nouvelle fois le Gouvernement à mieux prendre en compte les spécificités des territoires ultramarins pour garantir l'efficacité des dispositifs créés.

L'inflation persistante aggrave les inégalités existantes et donne lieu à une multiplication des tensions sociales. Face à cette situation, un comité interministériel des outre-mer (CIOM) s'est réuni en juillet dernier et a formulé 72 propositions visant à améliorer le quotidien des habitants ultramarins. Certaines de ces propositions ont déjà été reprises dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, qui prévoit notamment un élargissement et un renforcement de la politique de continuité territoriale, ce que je salue. Nous serons attentifs à la mise en place rapide des mesures proposées par le comité, qui sont indispensables.

Dans ce contexte caractérisé par une forte inflation et par des tensions sociales, l'effort financier global de l'État en faveur des outre-mer est en forte hausse et s'établit à 23 milliards d'euros en crédits de paiement, ce dont je ne peux que me réjouir, tant les enjeux auxquels nous devons faire face sont nombreux.

J'en viens désormais à la présentation des crédits de la mission « Outre-mer » qui, comme chaque année, ne représentent qu'une part minime de l'effort financier global de l'État en faveur des outre-mer.

Après engagement de la responsabilité du Gouvernement, les crédits de la mission s'établissent à 2,96 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,66 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse respective de 9 % et de 5 %, dont je me félicite.

Avant de détailler ces ouvertures de crédits, je souhaiterais m'attarder au préalable sur la question du pilotage budgétaire de la mission « Outre-mer », qui constitue un véritable point faible.

Plusieurs ajustements ont été mis en oeuvre ces dernières années pour améliorer la consommation des crédits de la mission. La Cour des comptes elle-même a noté qu'un effort de sincérisation budgétaire avait été effectué.

Malgré ces progrès, le pilotage budgétaire de la mission reste largement perfectible. La gestion de la mission reste marquée par une sous-consommation des crédits, notamment sur la ligne budgétaire unique (LBU). Face à l'ampleur des enjeux autour de l'habitat insalubre en outre-mer, il est inacceptable que tous les crédits votés ne soient pas consommés dans leur intégralité afin d'améliorer la situation. A contrario, j'ai constaté une importante surexécution des crédits concernant la compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises ultramarines, liée aux méthodes de prévision utilisées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), encore trop peu fiables. Enfin, le volume de restes à payer, très élevé, représente un risque avéré pour la soutenabilité de la mission budgétaire, comme l'a relevé la Cour des comptes.

J'appelle donc le Gouvernement à poursuivre l'amélioration de la consommation des crédits, à fiabiliser les prévisions de l'Acoss et à intensifier les efforts d'apurement des restes à payer.

Ces constats dressés, j'en viens aux trois priorités financées par les crédits de la mission « Outre-mer ».

La première concerne le logement. Les crédits qui lui consacrés connaissent une hausse sensible de 49 millions d'euros en AE et 10 millions d'euros en CP, principalement pour financer la construction de logements sociaux et la lutte contre l'habitat indigne. Il s'agit d'un enjeu capital pour les habitants ultramarins, puisque les logements insalubres et indignes représentent 18 % des logements en outre-mer, contre 1 % en France métropolitaine. Je ne peux donc que me réjouir de cette augmentation des crédits. Cependant, j'insiste sur la nécessité de poursuivre cet effort budgétaire dans la durée et d'accélérer les livraisons de logements neufs pour donner un logement décent à chaque habitant.

La deuxième priorité gouvernementale concerne le renforcement de la politique de continuité territoriale, dont les crédits augmentent de 23 millions d'euros en AE comme en CP. Ce renforcement passe par un élargissement des publics éligibles à l'aide à la continuité territoriale via une hausse du seuil de ressources exigé pour en bénéficier. Cet élargissement reprend une proposition de la délégation sénatoriale aux outre-mer, formulée dans un rapport d'information sur la continuité territoriale outre-mer publié en mars 2023. Il permettra de faire passer le taux de population éligible dans les départements et régions d'outre-mer de 62 % à 77 %.

La hausse des crédits dédiés à la continuité territoriale permettra par ailleurs de renforcer l'aide à la mobilité, en premier lieu pour les étudiants les moins aisés, qui pourront bénéficier de la prise en charge d'un aller-retour par an jusqu'à 28 ans et d'un aller-retour supplémentaire la première année. Cette aide sera aussi renforcée pour les talents du monde de la culture et du monde sportif ainsi que pour les situations d'urgence telle que la continuité funéraire.

Enfin, trois mesures nouvelles, prévues par l'article 55 du PLF et issues des recommandations du CIOM, seront financées par ces ouvertures de crédits.

Ces crédits permettront d'abord la création d'un passeport pour l'installation professionnelle en outre-mer, à destination des actifs métropolitains ayant un projet professionnel en lien avec les besoins des entreprises ultramarines ; ce dispositif facilitera également le retour des ultramarins partis suivre leurs études dans l'Hexagone.

Ensuite, un passeport pour la mobilité des salariés sera créé et facilitera la formation des actifs ultramarins en leur permettant d'aller suivre des formations dans d'autres territoires.

Enfin, un passeport pour la mobilité des entreprises innovantes sera également mis en place et fera bénéficier ces entreprises d'une aide financière pour les déplacements, afin que leurs salariés puissent participer à des salons ou à des réunions avec des investisseurs. Ce dispositif favorisera ainsi le développement de ces entreprises.

Je suis favorable à la création de ces dispositifs, qui répondent par ailleurs à une demande forte des habitants d'outre-mer.

Enfin, la troisième priorité concerne l'insertion professionnelle. Les crédits ouverts permettront de poursuivre le déploiement de plusieurs dispositifs en la matière.

Ainsi, l'expérimentation « SMA 2025 + », qui vise à améliorer le service militaire adapté (SMA) en l'élargissant aux parents isolés et mineurs décrocheurs ou en l'enrichissant avec des formations aux outils numériques, sera étendue à de nouveaux territoires. Je m'en félicite, car le SMA est un dispositif efficace avec un taux d'insertion des volontaires en fin de contrat supérieur à 80 % depuis 2017.

De même, le programme Cadres d'avenir, qui permet à des étudiants de bénéficier d'un accompagnement financier pour leurs études en contrepartie de leur retour dans leur territoire d'origine pour travailler pendant une période donnée, sera étendu en 2024 à la Martinique, la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon.

En plus des trois priorités évoquées, les crédits de la mission « Outre-mer » permettront également de maintenir le soutien aux collectivités territoriales, à travers la signature de nouveaux contrats de convergence et de transformation pour la période 2024-2027, qui financeront, entre autres, les réseaux d'eau et d'assainissement et les transports. Les contrats de redressement outre-mer et le soutien au syndicat mixte de gestion et d'assainissement des eaux de Guadeloupe seront par ailleurs pérennisés.

Le budget pour 2024 pour l'outre-mer est donc un budget ambitieux, qui améliorera concrètement le quotidien de ses habitants. Nous devrons évidemment rester attentifs à la mise en oeuvre effective de ces mesures, et plus particulièrement au décaissement des crédits nécessaires.

Compte tenu de ces éléments positifs, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Mathieu Darnaud. - Il n'y a rien à envier à bénéficier du filet de sécurité dont on a pu mesurer en métropole l'inefficience et qui fut au mieux un prêt relais pour certaines collectivités. Par ailleurs, je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi nous n'arrivons pas à mieux consommer les crédits de la mission. Il est anormal, compte tenu des besoins exprimés dans le domaine du logement notamment, que les efforts restent si insuffisants pour améliorer la consommation des crédits. On peut déplorer un manque d'agilité tant les dispositifs semblent pensés à l'aune des réalités métropolitaines et sont donc inadaptés aux besoins de l'outre-mer. Une réflexion sur ce sujet doit être menée.

Je rejoins notre rapporteur sur le SMA. Il est des réussites qu'il convient de souligner, voire de dupliquer, car il s'agit d'un véritable levier d'insertion professionnelle. Je félicite les personnes qui ont contribué au succès de ce programme sur lequel peuvent compter la plupart de nos territoires ultramarins.

M. Alain Marc. - Concernant la continuité territoriale, j'aimerais savoir combien d'étudiants sont concernés. Car s'il s'agit bien de 24 millions d'euros pour des billets d'avion, cela me semble peu.

Mme Lana Tetuanui. - Je devrais en principe demander à mes collègues centristes de s'abstenir sur les crédits alloués à l'outre-mer en raison de l'écart entre ce qui est annoncé depuis Paris et ce que nous observons malheureusement sur nos territoires en 2023. Mais par amitié pour l'éminent sénateur de Mayotte, nous serons favorables à l'adoption de ces crédits au stade de la commission, et nous en rediscuterons en séance publique.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis. - Je souhaite remercier Lana Tetuani pour son extrême indulgence. Sa réflexion sur la différence entre les annonces et la réalité rejoint celle de Mathieu Darnaud sur la sous-consommation des crédits. Il est intolérable en effet de voir à quel point certaines de nos populations souffrent et de constater le manque d'efforts pour mettre en oeuvre les mesures que nous votons.

Ce constat soulève la question de l'accès à l'ingénierie, sur laquelle l'État et les collectivités se renvoient la balle. Il y a eu des tentatives pour sortir de ce cercle vicieux. La création d'une entité ad hoc réunissant tous les acteurs concernés a notamment été évoquée, pour mener à bien ces réalisations. L'idée a été émise pour Mayotte dans un avant-projet de loi rejeté par le conseil départemental - mais un deuxième est en préparation -, notamment parce que cette entité était perçue par les élus locaux comme une instance de contrôle. Le sujet est important, et la délégation sénatoriale aux outre-mer pourrait contribuer à engager une réflexion sur cet outil qui permettrait de mieux consommer les crédits, sur demande des collectivités. Pour l'avoir dénoncée ici à plusieurs reprises, cette sous-consommation ainsi que l'écart entre les crédits que nous votons et la réalité demeurent, malgré des améliorations mineures chaque année.

Monsieur Marc, il s'agit d'une augmentation de 23 millions d'euros, la totalité des crédits atteignant 73 millions d'euros. Je ne peux malheureusement pas vous indiquer le nombre d'étudiants concernés, mais je vais me renseigner.

M. Alain Marc. - Tous les crédits sont consommés ?

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis. - On ne déplore aucun problème particulier concernant la continuité territoriale.

S'agissant du filet de sécurité, j'ai bien compris des propos de Mathieu Darnaud qu'on ne devait pas en attendre d'amélioration puisqu'il s'agit d'une usine à gaz... Mais en outre-mer, les besoins sur ces sujets sont plus criants que dans l'Hexagone, il est donc crucial d'améliorer ces dispositifs en profondeur.

M. François-Noël Buffet, président. - Lors du déplacement d'une délégation de la commission aux Antilles au printemps dernier, nous avons pu constater qu'il n'y avait pas de problème financier majeur, mais que la mise en oeuvre des mesures votées était catastrophique, avec des problèmes d'ingénierie et d'organisation. Il y a un enjeu majeur quant aux moyens auxquels ont accès les collectivités ultramarines pour exercer leurs prérogatives. Un tel travail pourrait être engagé sur ce point pour alimenter votre prochain rapport.

M. Mathieu Darnaud. - Je ne résiste pas à la tentation d'ajouter quelques précisions. Nos territoires ont la chance d'avoir des préfets, des sous-préfets et des hauts-commissaires à l'oeuvre au quotidien pour faire en sorte que ces crédits puissent être consommés. Mais il nous faut davantage d'agilité et de souplesse dans la consommation et le montage des projets, par exemple quand il s'agit de la réfection d'un établissement scolaire et qu'il faut aller au-delà de la règle de subventionnement classique de 80 %, ou encore quand il faut faire des montages avec l'Agence française de développement (AFD) ou recourir au Fonds Barnier alors que cela ne correspond pas nécessairement aux demandes de subvention. Certains risques majeurs n'existent que dans ces territoires, comme les lahars en Martinique. Les sous-préfets que nous avons rencontrés, à Saint-Laurent-du-Maroni par exemple, composent avec des situations très compliquées et ont une lecture qui permettrait d'atteindre cet objectif d'une meilleure consommation des crédits votés.

Mme Cécile Cukierman. - Je vous rejoins sur le besoin d'adaptabilité des réglementations et sur la nécessaire prise en compte de réalités différentes pour augmenter la consommation des crédits. Mais il faut aussi améliorer la capacité d'ingénierie et d'accompagnement à l'utilisation des fonds existants, ce qui soulève la question de la fonction publique. J'entends que l'État met en place des dispositifs temporaires d'accompagnement, mais ils n'ont pas vocation à être durables. Il me semble que la délégation aux outre-mer a lancé une réflexion sur l'utilisation des fonds européens et des aides régionales, mais il faut aller plus loin et travailler en cohérence : le problème n'est pas simplement « qui consomme quoi ? ». Voyons quels sont les freins et quelles réponses doivent être apportées. On pourrait aussi souhaiter moins de centralisation et une meilleure prise en compte de l'environnement local de ces territoires pour leur redonner du souffle.

Mme Lana Tetuanui. - Je souscris aux propos de mes collègues. Ce n'est pas faute d'avoir alerté, mais en vain. De plus, si l'on examine les crédits promis à l'outre-mer que trouve-t-on ? La continuité territoriale, le SMA, la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes. Mais - et c'est la vraie question que nous évoquions hier avec certains collègues de la délégation aux outre-mer - on a besoin de savoir quels sont les crédits prévus pour la justice, l'administration pénitentiaire, l'éducation. Non seulement le document présentant les crédits alloués aux outre-mer est peu clair, mais en outre, il faut aller s'adresser à une multitude d'acteurs différents. Je me suis même posé la question de l'utilité d'un ministère des outre-mer aujourd'hui. Car, si on veut parler d'éducation, il vaut mieux aller voir le ministre de l'éducation plutôt que de s'adresser au ministre des outre-mer, alors qu'il est censé être notre relais ici à Paris. Il en est de même pour la justice. Je n'hésite pas à le dire, si l'on veut faire des économies, et il semble que ce soit une préoccupation du Gouvernement, alors on peut peut-être s'en passer !

M. François-Noël Buffet, président. - Justement, cet après-midi, nous auditionnerons le ministre délégué chargé de l'outre-mer, Philippe Vigier. Nous lui poserons donc quelques questions.

Mme Lana Tetuanui. - Rassurez-vous, monsieur le président, j'espère pouvoir lui poser demain une question lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement (QAG), afin de soulever cette problématique.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

COMPTE RENDU DE L'AUDITION EN COMMISSION
DE M. PHILIPPE VIGIER, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ET DES OUTRE MER,
CHARGÉ DES OUTRE-MER

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MARDI 21 NOVEMBRE 2023

M. François-Noël Buffet, président. - Monsieur le ministre délégué, vous allez porter seul la charge de présenter l'ensemble des budgets liés au ministère de l'intérieur. Je tenais à vous faire part de notre regret, qui ne vous vise pas personnellement, que le ministre de l'intérieur ne soit pas parmi nous aujourd'hui. Nous comprenons qu'il n'ait pas pu être présent, mais son absence nous interpelle, compte tenu de l'importance des budgets concernés et de la nature de certaines questions qui seront sans doute posées. Nous respectons néanmoins la mission qui est la vôtre.

Des questions importantes vous seront certainement posées concernant votre portefeuille, l'outre-mer ; pour le reste, vous ferez votre présentation au nom du Gouvernement.

J'indique que l'audition est retransmise sur le site internet du Sénat.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur chargé des outre-mer. - Je tiens tout d'abord à excuser l'absence de Gérald Darmanin, qui résulte d'une bonne raison : il est actuellement entendu à l'Assemblée nationale au sujet d'un texte sur lequel le Sénat a beaucoup travaillé, le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. En tant que ministre délégué à l'outre-mer, je suis rattaché au ministère de l'intérieur : c'est la raison pour laquelle il m'a demandé de le représenter devant vous. Connaissant votre exigence, je serai attentif à vous apporter tous les éléments de réponse souhaités.

Les missions « Immigration, asile et intégration » et « Administration générale et territoriale de l'État » sont très importantes, car jamais l'État et nos compatriotes n'ont eu autant besoin de sécurité. Il faut donc déployer les moyens nécessaires pour répondre à ce besoin. Bien entendu, il y a, d'un côté, les moyens budgétaires et, de l'autre, celles et ceux qui mettent en oeuvre quotidiennement cette action de protection des populations : ils ont pour mission essentielle, dans des conditions extrêmement difficiles, de faire régner l'ordre public.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) du 24 janvier 2023 prévoyait 15 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans pour mieux protéger les Français, avec une exigence : faire en sorte que ce ne soit pas uniquement de l'affichage de crédits. L'ancien parlementaire que je suis sait que seule l'exécution compte. Malgré la revalorisation du point d'indice et l'inflation, cette somme sera bien dédiée à la protection de la population.

Nous avons quatre priorités : renforcer la présence des forces de sécurité intérieure (FSI) sur la voie publique, ce que l'on peut constater au quotidien ; lutter contre le terrorisme, qui est un combat de longue haleine qu'il nous faudra malheureusement poursuivre de longues années encore ; conforter l'administration territoriale ; et assurer le grand rendez-vous des Jeux Olympiques et Paralympiques, pour lequel la mobilisation intergouvernementale est totale.

Pour répondre aux multiples menaces, un effort de sécurité intérieure est mené partout sur le territoire. Ainsi, sur la voie publique, la présence de forces de sécurité a été doublée, notamment par la fin des gardes statiques, qui ont fait l'objet d'un long débat. Celles-ci n'étaient pas suffisamment efficaces, et ces personnels actifs ont donc été remplacés par des personnels administratifs, sur la demande réitérée des deux chambres. Gérald Darmanin a pris au sérieux cette demande. En 2023, 2 850 FSI ont été déployées, soit un total de 7 400 FSI supplémentaires en cinq ans. Je n'ai pas oublié qu'entre 2007 et 2012, le nombre de FSI a été réduit de 8 950. L'effort que déploie actuellement le Gouvernement est donc essentiel.

À cela s'ajoutent onze créations d'unités - sept pour la gendarmerie nationale et quatre pour la police nationale, soit 1 640 personnes supplémentaires, ainsi que le financement de 1 266 équivalents temps plein (ETP) pendant les deux premières années.

Ce renforcement de notre présence passe aussi par un affermissement de notre ancrage territorial. Ainsi, 239 brigades seront ainsi créées sur cinq ans, en concertation avec les élus. Le maillage n'oublie pas l'outre-mer - je le dis à l'attention de la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer -, qui en accueillera 22. Ces brigades, fixes et mobiles, sont rapidement déployées ; les premières ont ainsi été lancées dès 2023 et l'année 2024 marquera une grande accélération. Les Français demandent à « voir du bleu », des uniformes, à bénéficier de cette protection quotidienne.

Par ces deux dimensions, nous répondons à leurs attentes.

Merci, monsieur le président, d'avoir évoqué l'outre-mer. Les efforts de sécurité y sont une exigence absolue. Depuis la prise de fonction du ministre de l'intérieur, l'outre-mer a fait l'objet d'un déploiement considérable de 1 400 policiers et gendarmes supplémentaires. Actuellement, 21 escadrons de gendarmes mobiles, soit 20 % des effectifs nationaux, sont déployés sur l'ensemble des territoires ultramarins. L'effort est donc considérable. En Guyane, l'opération Harpie mobilise de nombreux fonctionnaires.

La mission « Outre-mer » bénéficie de 180 millions d'euros supplémentaires, soit une hausse de 7 % des crédits - 4,4 % après prise en compte de l'inflation. Après l'engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale, ce sont 90 millions d'euros supplémentaires qui seront déployés, ce qui permettra de franchir le seuil des 3 milliards d'euros d'intervention pour les outre-mer. Tous périmètres ministériels confondus, ce sont près de 23 milliards d'euros qui sont alloués aux outre-mer. Les outre-mer sont passés de 2 à 3 milliards d'euros en cinq ans ; rares sont les périmètres ministériels à avoir connu une telle augmentation. Voilà qui illustre la volonté du ministère de l'intérieur et des outre-mer de faire cet effort particulier.

Évoquons la politique du logement en outre-mer : la ligne budgétaire unique (LBU) atteindra 292 millions d'euros. Je serai très honnête, car la remarque m'a été adressée à l'Assemblée nationale : cette somme marque un retour au niveau de 2013. L'année 2023 a été marquée par des sous-consommations, mais 50 millions d'euros supplémentaires sont prévus l'année prochaine. Hors quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), 20 millions d'euros supplémentaires seront ainsi alloués à la construction de logements sociaux. Les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) passeront de 30 % à 50 %. Les aides porteront non seulement sur les logements neufs, mais aussi sur les logements anciens faisant l'objet d'une défiscalisation. Les sommes allouées aux contrats de convergence et de transformation augmenteront sur la période 2024-2027 de 400 millions d'euros, passant de 2,4 milliards à 2,8 milliards d'euros, tous ministères confondus. Notre effort est donc multiple.

Nous avions signé neuf contrats de redressement outre-mer (Corom) en 2021-2022 et douze en 2022-2023 : nous continuerons dans cette voie, car il existe toujours des attentes. Ce concept de coresponsabilisation est efficace.

L'année 2024 marquera aussi une augmentation sensible de l'aide à la continuité territoriale, qui passera de 70 millions à 93 millions d'euros. Les jeunes primo-étudiants, qu'ils soient boursiers ou non, pourront rentrer chez eux dès les prochaines vacances de Noël grâce à la prise en charge de leur billet d'avion. Par ailleurs, nous avons élargi les publics bénéficiaires de cette aide aux domaines culturel et sportif, aux demandeurs d'emploi et personnes en reconversion professionnelle.

Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) va également voir ses crédits augmenter. J'imagine que le Sénat déposera un certain nombre d'amendements pour renforcer le soutien aux communes, et le Gouvernement les acceptera bien volontiers. Le FEI, doté de 110 millions d'euros, a prouvé sa pertinence. Des amendements ont été acceptés à l'Assemblée nationale, et je serai favorable à ce que nous allions plus loin. Le soutien technique apporté aux communes passera, quant à lui, de 10 à 20 millions d'euros.

Revenons-en aux questions de sécurité et aux investissements annoncés. Plus de 4 800 véhicules légers ont été acquis pour la police et la gendarmerie en 2023 ; ils seront 3 600 en 2024, pour un coût total de 130 millions d'euros. Le plan « caméra-piéton » permettra d'installer 35 000 caméras d'ici à la fin de l'année 2024.

À la suite des annonces du Président de la République consécutives aux importants feux de forêt de l'année 2022, un amendement portant sur le renforcement des moyens dédiés à la sécurité civile a été déposé et adopté à l'Assemblée nationale le 30 octobre 2023. Pas moins de 140 millions d'euros seront inscrits au budget du programme 161, qui permettront l'installation d'une quatrième unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) à Libourne, la création de 163 ETP, l'allocation de 39 millions d'euros aux pactes capacitaires, de 32 millions d'euros pour les Canadair et de 23 millions d'euros pour la location de moyens aériens. Vous le constatez, en matière de sécurité civile, l'année 2024 marquera une forte inflexion. Il est nécessaire que nous soyons au rendez-vous, car des incendies se produisent fréquemment malgré les moyens de détection et d'anticipation. Nous devons être à la hauteur de ces enjeux.

Notre flotte d'hélicoptères sera renouvelée et complétée pour atteindre 40 appareils, en cours d'acquisition, pour un coût d'un peu moins de 500 millions d'euros. Nous avons pris conscience de la nécessité de renforcer notre flotte, notamment dans la lutte contre les incendies.

Pour mieux répondre à la cybercriminalité, 1 500 « cyberpatrouilleurs » ont été recrutés, soit une hausse de 50 %. En parallèle, le numéro numérique d'urgence « 17 cyber » a été mis en place. Des investissements d'ampleur sont prévus pour moderniser les services numériques accessibles aux citoyens. Après les succès de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos) et du traitement harmonisé des enquêtes et signalements pour les e-escroqueries (Thésée), le portail dit « Ma Sécurité » permettra d'assurer « le dernier kilomètre d'application de la loi », car on s'aperçoit malheureusement qu'une loi n'est efficace que si elle atteint la personne concernée.

On a connu des années où les moyens d'intervention et de présence territoriale de l'État étaient malheureusement en baisse. Nous avons commencé à mettre fin à cette spirale. Avec la Lopmi, sont dégagées plusieurs priorités : le renforcement de nos capacités numériques et cyber, avec le réseau Radio du futur (RRF) adossé à l'Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (Acmoss) ; le réarmement de l'État territorial grâce à la création de 350 emplois, dont 110 en 2024, pour continuer à soutenir les missions préfectorales les plus en tension, notamment celle de la gestion des titres de séjour des étrangers, la gestion de crise et l'accueil des usagers. Les actions de prévention de la délinquance et de la radicalisation, comme la vidéoprotection, seront également augmentées : 25 millions d'euros en 2024, contre 22 millions d'euros en 2023, soit un effort substantiel de plus de 10 %.

Huit millions d'euros seront alloués en 2024 à la création de sous-préfectures. Il fut un temps où l'on fermait les gendarmeries, les sous-préfectures ; on les rouvre aujourd'hui. Il y a quelques jours à peine, j'étais ravi d'assister en Guyane à la réouverture d'une sous-préfecture et à la prise de fonction d'une jeune sous-préfète ! Cette réouverture, sur un territoire aussi grand que le Portugal, est un signal fort envoyé par l'État. Certaines sous-préfectures seront par ailleurs labellisées maisons France Services. Ces dernières, dont le maillage géographique s'est considérablement renforcé depuis quelques années, sont très appréciées par nos concitoyens et rappellent la présence de l'État au plus près de chacun d'entre eux, notamment dans les territoires ruraux.

La Coupe du monde de rugby s'est très bien déroulée. Des opérations ont été conduites à la demande du ministre de l'intérieur : 4 800 opérations « zéro délinquance » ; 781 interpellations, 475 gardes à vue, des saisies de drones. En effet, les drones marquent l'émergence de nouveaux dangers, en ce qu'ils peuvent nuire aux dispositifs de sécurité. Les jeux Olympiques constituent un enjeu considérable de par leur durée de cinq semaines, le nombre de sites concernés, qui sont une trentaine, l'arrivée de 10 000 athlètes représentant 206 nations. Nous aurons sur nous les projecteurs du monde entier, c'est pourquoi nous devons faire de cette merveilleuse fête du sport un outil d'attractivité et de développement économique, mais le faire dans des conditions de sécurité absolues. Pour cette raison, pas moins de 35 000 personnels des forces de sécurité intérieures (FSI) seront déployées tout au long de l'évènement, pour un budget de 200 millions d'euros.

La mission « Immigration, asile, intégration » disposera en 2024 d'un budget en hausse de plus de 7 %, soit 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce montant représente 10 % de l'ensemble des crédits du ministère de l'intérieur sur le périmètre de la Lopmi. Cette augmentation inclut les crédits découlant de cette dernière pour la période 2022-2027, soit 109 millions d'euros, y compris ceux du plan « CRA 3000 » (centres de rétention administrative). Il marque notre volonté de maîtriser les flux migratoires, de lutter contre l'immigration irrégulière, de garantir l'exercice du droit d'asile et de renforcer l'intégration des étrangers en situation régulière - les primo-arrivants. Ce débat s'inscrit pleinement dans le cadre de la Lopmi, avec une programmation budgétaire inédite : en cinq ans, les crédits affectés à cette mission, c'est-à-dire à la politique migratoire, auront progressé de façon inégalée.

Naturellement, pour être équilibrée, une politique migratoire doit être plus efficace, mais aussi plus humaine. Vous le savez parfaitement, puisque le texte du Gouvernement, et en particulier l'article 3, a sensiblement été modifié par le Sénat.

Enfin, évoquons le budget des collectivités territoriales, alors même que se tient actuellement à Paris le salon des maires. La dotation globale de fonctionnement (DGF) connaîtra une augmentation de 220 millions d'euros, soit un peu plus de 500 millions d'euros d'augmentation sur les deux dernières années. Je rappelle qu'entre 2012 et 2017, les dotations aux collectivités territoriales ont connu une baisse de 13,5 milliards d'euros. Il faut toujours effectuer ces comparaisons, qui permettent de mettre en évidence une volonté politique. La dotation de solidarité rurale (DSR) progresse, quant à elle, de 100 millions d'euros, la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 90 millions d'euros et les dotations d'intercommunalité de 30 millions d'euros.

J'ai été maire pendant seize ans, je sais donc qu'il fut un temps où l'on attendait plusieurs mois la délivrance des titres sécurisés. Aujourd'hui, cette attente est comprise entre quinze et dix-huit jours. Cette volonté est difficile à mettre en oeuvre, car elle suppose d'avoir des moyens humains formés, des dispositifs qui fonctionnent, des créneaux horaires d'ouverture suffisamment larges. On a progressé, et il nous faut maintenir ce niveau de progression. C'est pour cette raison que 100 millions d'euros seront alloués aux titres sécurisés en 2024.

Ma collègue Dominique Faure est très attachée à la question des agressions contre les élus. Vous avez devant vous un ministre qui a été menacé de mort trois fois, je peux donc en parler légitimement. Un fonds de 5,5 millions d'euros est en cours d'ouverture et le plan national de prévention et de lutte contre la violence aux élus du 7 juillet 2023 permettra, enfin, de contrer avec efficacité les menaces toujours plus nombreuses que reçoivent les maires, lesquels sont pourtant les piliers de la République, en première ligne.

Je rappelle enfin que le budget des collectivités s'élève à 11,7 milliards d'euros, dont 7,1 milliards de TVA. Le soutien à l'investissement représente, quant à lui, 4,6 milliards d'euros, et comprend notamment le fonds vert, qui est désormais doté de 2,5 milliards d'euros. Voilà qui illustre un verdissement du budget. D'ailleurs, une partie des dotations habituelles, entre 20 % et 30 % selon les dotations, sera fléchée en direction de la transition écologique. Ainsi, au-delà des mots, nous serons dans la réalisation, dans la concrétisation de la transformation progressive de l'économie afin qu'elle réponde aux enjeux de la transition écologique.

Enfin, nous n'oublions pas les plus fragiles et souhaitons renforcer l'attractivité de tous les territoires. Une simplification des zonages au sein de France Ruralités Revitalisation (FRR) sera amorcée. Cette demande revenait souvent dans certains territoires, notamment celui dont je suis élu. Nous accentuerons également la déconcentration, qui permet de faire preuve d'une meilleure adaptation et d'être au plus proche de celles et ceux qui sont tous les jours en action. Les territoires nécessitant un accompagnement renforcé seront également pris en compte.

Je sais que Dominique Faure se fera un plaisir, au vu de son attachement pour les collectivités territoriales, de venir répondre à vos questions, vous qui êtes les représentants des élus dans les territoires.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis. - Merci, monsieur le ministre, pour vos explications.

Je souhaite vous soumettre deux séries de questions. La première concerne la sécurité à Mayotte, et la seconde porte sur les crédits outre-mer, sur lesquels la commission des lois a émis un avis favorable ce matin.

En ce qui concerne la sécurité, vous avez évoqué l'augmentation des escadrons de gendarmerie mobile, qui est réelle. J'en profite pour souligner le début de succès et l'espoir suscité à Mayotte par l'opération Wuambushu. La crise de l'eau a marqué une reprise des violences. Celles-ci sont perpétrées par des bandes de jeunes qui se donnent rendez-vous sur les réseaux sociaux pour commettre des saccages dans des villages et brûler des voitures et des habitations. Pour les Mahorais, cette situation est dure à vivre.

Vous êtes venu plusieurs fois à Mayotte pour constater les conditions de vie difficiles et douloureuses de la population. Ce qui peine les habitants de ces villages, c'est que la réponse à ces méfaits repose sur l'utilisation de gaz lacrymogène de manière indiscriminée. Or des personnes vulnérables ou âgées ainsi que des enfants vivent dans ces villages. Je n'avais pas prévu d'évoquer ce sujet aujourd'hui, mais je rebondis à votre propos sur l'augmentation des effectifs des forces de l'ordre. Cette dernière est louable, mais n'est-il pas nécessaire de changer la doctrine d'intervention ? L'utilisation du gaz lacrymogène ne peut pas être une réponse satisfaisante à cette recrudescence des violences. Chaque fois qu'un évènement de ce type se produit, et pas plus tard qu'avant-hier, les habitants appellent leurs élus le soir même pour se plaindre de l'utilisation de gaz lacrymogène, alors même que les voyous sont déjà partis au moment où le gaz est utilisé.

En ce qui concerne la mission « outre-mer », la hausse des crédits permettra de financer le renforcement de la lutte contre les habitats indignes, l'insertion professionnelle et la continuité territoriale.

Cependant, certaines interrogations demeurent.

En ce qui concerne d'abord la lutte contre l'habitat indigne, j'ai été alerté sur des problèmes de sous-consommation des crédits finançant la ligne budgétaire unique (LBU) : 150 000 logements seraient encore insalubres en outre-mer. Quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de garantir le décaissement de la totalité des crédits dédiés à la résorption de l'habitat insalubre et l'accélération des livraisons de logements neufs ?

Par ailleurs, votre collègue, Christophe Béchu, s'était engagé l'an passé à prendre des mesures pour remédier au manque d'adaptation de certaines mesures aux spécificités des territoires ultramarins, et notamment du filet de sécurité visant à protéger les collectivités de la hausse des prix de l'énergie. Or, un an plus tard, force est de constater que les mesures annoncées n'ont pas été prises, puisque seules dix-neuf collectivités ultramarines ont bénéficié de ce dispositif depuis sa mise en place, pour un montant de 14 millions d'euros. Quelles dispositions prendre pour remédier à cette situation et enfin adapter les dispositifs nationaux aux spécificités des outre-mer ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis. - Monsieur le ministre, permettez-moi de commencer par déplorer l'absence du ministre de l'intérieur et des outre-mer et de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Je sais que le Gouvernement est une équipe et que vous êtes donc capable de les représenter. J'estime cependant que, pour une audition qui vise à préparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, et notamment les missions relatives à la sécurité, l'immigration, l'asile, les collectivités territoriales, l'administration générale et territoriale de l'État, les outre-mer, plusieurs voix auraient été pertinentes ou, du moins, nous auraient permis de rentrer dans les détails de ces questions.

En effet, le premier travail au sein d'une commission n'est pas simplement de faire du déclaratif, mais d'avancer ensemble. Je regrette donc ces absences. Sans doute la date n'est-elle pas idéale, mais il n'est pas nouveau que cette audition corresponde au mardi du Congrès des maires, et nous faisons en sorte d'y assister malgré tout.

Concernant la mission « Administration générale et territoriale de l'État », je souhaite tout d'abord saluer le renforcement des moyens humains que ce PLF entend dédier à l'administration territoriale de l'État (AGTE), après une décennie de coupes budgétaires draconiennes, ou d'augmentations en trompe-l'oeil. Vous avez rappelé les 232 postes créés, dont 110 pour renforcer les missions préfectorales en tension, qui sont nombreuses.

Cependant, il m'est malheureusement impossible de considérer que ce schéma d'emplois offre une réponse satisfaisante à la crise profonde que traverse l'État de proximité, lequel a vu ses effectifs fondre de 14 % entre 2010 et 2021. Le PLF pour 2024 ne prévoit en effet qu'une augmentation de 0,41 % des effectifs de l'administration territoriale de l'État, évolution dont nous ne pouvons pas nous satisfaire au regard du bilan de la décennie passée, d'une part, et des défis que l'État territorial doit relever, notamment à l'approche des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, d'autre part.

Parmi ces défis, le maintien d'une très forte demande de titres sécurisés fait craindre l'aggravation des dysfonctionnements constatés dans l'exercice de cette mission, bien que la situation ne soit plus aujourd'hui aussi dramatique qu'elle l'était en 2022. De manière un peu plus précise que vous ne l'avez fait dans votre propos introductif, pouvez-vous nous expliquer comment vous entendez réduire au maximum les délais de délivrance ? Ne craignez-vous pas une nouvelle mise sous tension de la chaîne de production du fait du déploiement de l'identité numérique régalienne qui nécessitera, pour en bénéficier, de disposer de la nouvelle version de la carte nationale d'identité ?

À ce sujet, il conviendrait également de dresser un premier bilan de l'expérimentation de la certification des comptes de l'identité numérique par les mairies, qui ne concerne aujourd'hui qu'une poignée de communes volontaires. Comment entendez-vous pouvoir la déployer ? La détention d'un compte certifié étant l'une des conditions pour pouvoir établir une procuration de manière totalement dématérialisée, êtes-vous en mesure d'évaluer le nombre d'électeurs qui pourront bénéficier de cette modalité de vote en vue des élections européennes de juin 2024 ?

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Monsieur le ministre, je souhaite aborder avec vous la question de la sécurité civile.

La commission des lois a examiné mercredi dernier les crédits du programme 161, relatif aux moyens nationaux de la sécurité civile. Nous avons émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme et avons salué l'effort budgétaire significatif qui a été effectué ces deux dernières années.

Vous vous en doutez, cependant, cet avis favorable n'est pas pour autant un chèque en blanc. De nombreuses interrogations demeurent sur plusieurs sujets. Nous avons ainsi adopté deux amendements de crédits. Ils concernent, d'une part, l'acquisition des deux hélicoptères lourds promis par le Président de la République lors de son discours du 28 octobre 2022 et, d'autre part, la consommation intégrale des autorisations d'engagement destinées aux pactes capacitaires que nous avons votées dans la précédente loi de finances et dont le calendrier est pour le moins opaque. Nous en débattrons la semaine prochaine. 

Je souhaite vous interroger sur deux sujets très précis.

En premier lieu, j'aimerais que vous explicitiez la position du ministère de l'intérieur quant au dimensionnement du plan de renouvellement et d'extension de la flotte de Canadair qui nous a été annoncé l'année dernière. Vos services m'ont confirmé explicitement que le calendrier initial annoncé par le Président de la République, à savoir le renouvellement intégral de nos douze Canadair et l'achat de quatre Canadair supplémentaires d'ici la fin du quinquennat était irréalisable compte tenu des difficultés de mise en place d'une chaîne de production. Ils m'ont alors indiqué que, dans un scénario « optimiste », les quatre appareils permettant d'étendre la flotte à seize appareils pourraient être livrés en 2027 pour le premier et, pour le dernier, au cours de la première moitié de la décennie 2030. Ils sont en revanche restés très évasifs quant à la passation d'une commande, même tardive, des douze appareils permettant de renouveler notre flotte actuelle.

Vous comprendrez donc aisément ma vive préoccupation face à cette apparente inertie, alors que les délais de livraison se chiffrent presque en décennie. Ma question est donc la suivante : le plan de renouvellement
- je parle bien du plan de renouvellement, et non pas du plan d'extension de la flotte - est-il toujours d'actualité ? Pouvez-vous vous engager à sa mise en oeuvre effective ?

Ma seconde question porte sur la méthode de construction du budget opérée par le ministère de l'intérieur. À deux reprises l'année dernière, le Gouvernement a déposé des amendements de crédits sur le programme 161, l'augmentant très significativement, de l'ordre de 40 %. De nouveau, cette année, un amendement gouvernemental représentant un tiers des autorisations d'engagement du programme, et qui ne précisait pas la ventilation détaillée des crédits, a été adopté en octobre à l'Assemblée nationale, afin de financer des mesures pourtant annoncées par le Président de la République en octobre 2022, c'est-à-dire il y a plus d'un an.

Une telle méthode de construction du budget, pour des mesures connues de longue date, est à mes yeux insatisfaisante au regard de l'impératif de sincérité budgétaire et du respect du débat parlementaire, d'autant que les sommes débloquées ne font l'objet d'aucune évaluation dans le projet annuel de performances qui est annexé au PLF.

Pouvez-vous donc vous engager à éviter autant que possible de recourir à ce procédé lors des prochaines années ?

Mme Nathalie Delattre. - Je souhaite poser deux questions en ma qualité de de rapporteure pour avis sur la mission budgétaire « direction de l'action du gouvernement », ainsi que deux questions au sujet de mon département de la Gironde.

J'aimerais vous entendre, monsieur le ministre délégué, sur la coordination des actions de cybersécurité du ministère de l'intérieur avec les services du Premier ministre, dont font notamment partie l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum). En 2024, celui-ci bénéficiera de dix transferts d'emplois en provenance de votre ministère. Si le service peut détecter des ingérences, il n'est pas chargé de la réponse répressive, et plus généralement des mesures de contre-influence ou de contre-ingérence. Le ministère de l'intérieur a par ailleurs affirmé que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) demeure seule compétente pour attribuer les manipulations à des puissances étrangères. Ainsi, quels réseaux de coopération ont été mis en place afin d'articuler les actions de ces différents services ?

Il convient de souligner que les collectivités territoriales sont la cible de 23 % des attaques de rançongiciels. Un plan national de financement est-il envisagé pour répondre à la vulnérabilité de leurs systèmes d'information ? Le cas échéant, cette stratégie nationale d'envergure serait-elle portée par l''Anssi ou les services du ministère de l'intérieur. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous a parlé d'une enveloppe estimée à plusieurs centaines de millions d'euros. Quant aux moyens humains, Cécile Augueraud, cheffe de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), a souligné, dans un article paru dans la presse, que les enquêteurs les mieux formés en cybersécurité tendent à se diriger vers le secteur privé en raison d'une rémunération jusqu'à trois fois plus élevée. Ainsi, quelles sont les réflexions en cours pour recruter et fidéliser des experts dans le domaine ? Avez-vous envisagé des actions communes de formation et de recrutement avec l'Anssi, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ou d'autres administrations concernées ?

Vous avez cité l'UIISC de Libourne. Pouvez-vous nous confirmer les crédits 2024 pour engager les travaux ?

Par ailleurs, vous avez évoqué le sujet des jeux Olympiques. Je souhaite parler de leurs dommages collatéraux sur nos territoires, en particulier concernant la surveillance par les CRS maîtres-nageurs sauveteurs (MNS) de nos plages. Il est impensable que nous n'ayons pas de renfort pendant la période estivale. Nous avons encore été confrontés à des décès dus aux baïnes dans l'Atlantique. Gérald Darmanin s'était engagé à réunir les maires en septembre dernier, mais d'autres priorités ont émergé. Pouvez-vous m'assurer que cette réunion se tiendra, afin de rassurer les maires sur cette question ?

M. François-Noël Buffet, président. - Ma question portera sur l'outre-mer, et en particulier sur l'aide à l'ingénierie locale. Vous avez dit, monsieur le ministre, que celle-ci serait augmentée de 10 à 20 millions d'euros. Cette hausse est louable, mais quelle sera la méthode adoptée pour garantir un déploiement effectif ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. - Monsieur Mohamed Soilihi, je vous remercie d'avoir souligné notre entière mobilisation dans le cent unième département français, qui est actuellement confronté à une crise hydrique sans précédent, caractérisée par 54 heures de tour d'eau, ce qui signifie que pendant 54 heures continues, les Mahorais et Mahoraises sont privés d'eau. L'eau est ensuite remise pendant 18 heures.

Depuis le 2 septembre, date de mon premier déplacement sur place, nous produisons 7 500 mètres cubes supplémentaires d'eau par jour, les besoins étant de 43 000 mètres cubes par jour. Le manque d'eau est lié au réchauffement climatique, qui vide les deux grandes réserves de Mayotte. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, le 2 septembre, de distribuer des bouteilles d'eau aux 51 000 personnes les plus fragiles. Depuis hier, cette action est élargie à l'ensemble de la population.

Nous avons également déployé une campagne de forage inédite. Je rappelle que 6 millions d'euros avaient été provisionnés par l'État entre 2017 et 2022 mais qu'aucun forage n'a été conduit. Or, depuis le 2 septembre 2023, un forage est lancé. Par ailleurs, un appel d'offres pour une usine de désalinisation est en cours d'analyse. Nous devrions retrouver une situation normale, si la pluviométrie est à la hauteur, en février ou mars 2024. L'autonomie de la production d'eau sera, quant à elle, effective au plus tôt en mars 2025. La situation vous est décrite sans concessions, mais le Gouvernement finance tout. Au 31 décembre prochain, Mayotte aura bénéficié de la part de l'État de près de 97 millions d'euros en lieu et place des collectivités.

Bien entendu, cet investissement est visible, notamment sur le plan de la sécurité. Ainsi, la rentrée des classes s'est bien déroulée, notamment car une protection totale a été assurée. Telle était la volonté du ministre de l'intérieur, du ministre de l'éducation nationale et de moi-même, pour que nos enfants soient protégés lorsqu'ils se rendent à l'école, et ce d'autant qu'ils ne s'y rendent qu'une matinée sur deux en raison de problèmes d'infrastructures.

À l'hôpital de Mamoudzou, les forces de sécurité permettent au personnel soignant d'assurer sa mission. Certains évènements violents se sont produits et des cars transportant du personnel soignant ont par exemple été caillassés, conduisant les professionnels concernés à invoquer leur droit de retrait. Il me semblait naturel de rencontrer des délégations de ces salariés, ce que j'ai fait à plusieurs reprises. Le retour à la normale est progressif et nous mènerons l'opération Wuambushu lancée par Gérald Darmanin à son terme. Plus de 680 bidonvilles ont d'ores et déjà été rasés, mais c'est une oeuvre de longue haleine. Cette montée de l'insécurité sur place a motivé le déploiement de cinq escadrons de gendarmes mobiles, sur les 22 engagés à l'échelle du pays. Bien entendu, d'autres FSI ont aussi été déployées, soit un peu plus de 1 200 personnels.

J'ai bien pris en compte votre remarque, monsieur Mohamed Soilihi, concernant les gaz lacrymogènes. Je discuterai donc de la question de la doctrine d'intervention avec le ministre de l'intérieur et attirerai son attention sur vos propos. Puisque vous faites référence aux évènements graves qui se sont produits, je tiens à rappeler qu'une gendarme a été gravement blessée il y a quelques jours. Il ne faut pas laisser les forces de l'ordre se faire encercler, caillasser et tirer dessus impunément. Nous déployons donc les moyens nécessaires avec mesure, mais il est des moments où des solutions de désencerclement sont nécessaires, d'où le recours aux gaz que vous évoquiez.

Nous mettons donc les moyens humains nécessaires, mais nous comprenons bien qu'à la crise de l'eau s'agrègent d'autres crises. Je serai d'ailleurs à Mayotte la semaine prochaine pour avancer avec les élus, que je remercie de nous accompagner au quotidien, parce que leur tâche est difficile.

Monsieur le sénateur, vous m'avez également interrogé sur les questions liées au logement. Je rappelais dans mon propos introductif que, concernant les crédits de la LBU, nous étions revenus au niveau de 2013 et avions constaté des sous-consommations. Ces dernières s'expliquent par un déficit d'ingénierie, ce qui me permet de répondre en même temps à votre question, monsieur le président. Les causes des sous-consommations sont multiples : manque d'ingénierie, désordre foncier, manque d'opérateurs, même si l'opérateur public présent à Mayotte marche plutôt bien.

Des décisions ont été prises au-delà de l'augmentation budgétaire évoquée précédemment. La norme de régions ultrapériphériques (RUP) sera prochainement mise en place et remplacera la norme CE. Ce sera un élément de compétitivité très important. Par ailleurs, en Guyane, les opérations d'intérêt national (OIN) permettront de renforcer notre présence et l'extension du champ du fonds régional d'aménagement foncier et urbain (Frafu), indispensable pour l'aménagement urbain, nous fera gagner en efficacité.

On progresse, même si la crise du logement est aussi bien hexagonale qu'ultramarine. Un sénateur et un député vont se voir confier par le gouvernement une mission sur la question du logement dans les territoires ultramarins, car il est nécessaire que nous soyons capables d'appréhender la situation du logement dans ces territoires. Il est inconcevable de procéder à une refonte de ces niches fiscales sans en mesurer l'incidence. Il faut nous doter des outils les plus adaptés à la situation particulière que nous vivons.

Vous m'avez également interrogé sur le filet de sécurité pour les communes. Celui-ci a été mis en place en 2022 à hauteur de 14 millions d'euros, pour 19 communes bénéficiaires. Il est vrai que les communes bénéficiaires du dispositif Corom n'étaient pas éligibles, car le Sénat avait voté contre l'amendement déposé sur ce point. Je sais donc que quatre communes ont fait des avances et obtenu des acomptes. Nous analyserons comment trouver des solutions pour mieux les aider. Les Corom vont évoluer en 2024 : leur enveloppe budgétaire augmentera, car il s'agit d'un acte de coresponsabilité entre le Gouvernement, qui aide les communes en difficulté financière, et les communes, qui acceptent ce schéma. L'aide sera progressive sur trois ans, durée du Corom, et d'un montant intéressant de 2,1 millions d'euros.

Enfin, un travail sera accompli sur les normes. Un ancien sénateur, Éric Doligé, avait beaucoup travaillé sur cette question et rédigé un excellent rapport qui, malheureusement et comme nombre de rapports, est resté sans effet. On ne peut pas traiter les territoires ultramarins comme les territoires hexagonaux, et la Première ministre a pris des engagements en ce sens. Je rappelle d'ailleurs un élément nouveau : chaque loi donnera désormais lieu à une déclinaison ultramarine. C'est la raison pour laquelle un délai d'application a été accordé aux territoires ultramarins pour l'application du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Sans cette tolérance, la situation est intenable pour ces territoires, qui sont isolés, privés des outils de production, dans une situation de forte dépendance économique, soumis à des importations toujours plus grandes et confrontés à des pénuries de matériaux. Nous essayons donc d'apporter des solutions au plus près des réalités du terrain.

Madame Cukierman, j'ai analysé la baisse des effectifs en prenant en compte que les acronymes et le périmètre des programmes de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », ont parfois changé entre 2007 et 2012, puis entre 2012 et 2017. L'État était dépouillé quotidiennement. C'est pourquoi nous sommes actuellement en train de remettre des moyens. Entre 2012 et 2017, environ 2 500 ETP ont été supprimés dans les préfectures. Je parle des préfectures, mais regardez ce que sont devenues les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ! Dans ma région, la plupart des services techniques sont rattachés à la DREAL Normandie, car nous manquons de moyens. C'est pourquoi nous sommes en train de renverser la tendance. Bien entendu, refaire le chemin inverse prendra un peu de temps. Nous dédions des moyens pour mettre fin à cette baisse des effectifs, et peut-être faudrait-il en dédier plus. Avec les 350 ETP programmés, nous allons avancer.

Nous sommes passés de plus de soixante jours à quinze jours pour obtenir un titre sécurisé. L'objectif fixé par la Première ministre était de vingt jours. Je sais que ce seuil n'est pas encore atteint dans certains endroits, mais sachez que nous allons suivre cette question attentivement. Cet objectif requiert d'ailleurs un engagement des communes. Quelques difficultés ont été rencontrées, notamment dans ma région, pour les mobiliser. Il faut donner du temps, former, trouver des locaux, adapter les horaires pour apporter le meilleur service public, et c'est la raison pour laquelle nous mobilisons 100 millions d'euros en 2024.

Vous évoquiez aussi le bilan de la certification des comptes pour les collectivités territoriales. Je crois que des progrès considérables ont été faits sur la qualité des comptes. Le bilan fait par le Gouvernement en 2023 l'a montré. Nous souhaiterions généraliser ces progrès, ce qui ne pourra être fait à marche forcée. Nous visons l'atteinte de cet objectif en 2026, ce qui laisse le temps aux collectivités territoriales de faire en sorte que leurs comptes soient certifiés, gage de transparence vis-à-vis des concitoyens. Le délai de 2026 permet de laisser le temps aux collectivités de s'adapter aux changements de nomenclatures, que je sais complexes pour avoir été confronté à la question en tant qu'élu local. Cette volonté politique de porter la certification des comptes est la nôtre et nous irons jusqu'au bout.

Madame Dumont, vous avez pu comprendre dans mon propos liminaire que j'ai été marqué dans ma vie d'élu local par des drames liés à des incendies. Votre question sur les Canadair était très précise, je vais donc vous répondre par des chiffres tout aussi précis. Vos chiffres sont exacts : deux Canadair supplémentaires en 2027-2028 et douze nouveaux Canadair après 2030. Que fait-on avant cela ? J'ai souligné le fait que des moyens étaient consacrés à la location de matériel. Nous allons ainsi louer chaque année dix hélicoptères bombardiers d'eau au cours de cette période intermédiaire. Entre les dates de commande et de livraison, le temps est incompressible. Oui, le renouvellement est lancé, mais nous sommes confrontés à un problème majeur : nous n'avons pratiquement plus de fabricants. Nous n'avons pas de consortium portant cette question, mais je puis vous assurer de l'engagement ferme du ministre en la matière.

Vous avez raison au sujet de l'amendement gouvernemental et j'ai bien entendu votre préconisation qui est de faire en sorte que les amendements ne soient pas déposés tardivement. Oui, les crédits pour Libourne sont inscrits pour 2024. La ventilation des 140 millions d'euros annoncés est la suivante : 45 millions d'euros pour la quatrième UIISC, 39 millions d'euros pour le pacte capacitaire et 32 millions d'euros pour les Canadair.

Madame Delattre, en matière de cybersécurité, la coopération entre services relève bien de Matignon. La formation de professionnels compétents sera accélérée. D'ailleurs, le ministre chargé de la transition numérique a mis en lumière des points de coordination pour une montée en puissance et en effectifs, car cette compétition est aussi liée à l'intelligence artificielle. La question de la cybersécurité est incontournable et doit être confortée ; les moyens sont sur la table pour ce faire. Il est toujours possible d'aller plus vite, mais 2024 permettra de franchir une étape importante.

En ma qualité de ministre chargé des outre-mer, je m'occupe des régiments du service militaire adapté (RSMA). Dans le cadre de la formation de huit mois suivie par ces jeunes, je proposerai la possibilité de valider le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa), ainsi que le brevet d'état d'éducateur sportif aux activités de la natation (Beesan) ou le brevet national de secourisme (BNS). Il faut profiter de ces formations complémentaires, notamment dans les territoires. Je serai très heureux que les jeunes des RSMA puissent avoir un diplôme d'animateur ou passer le permis de conduire. Le taux de réussite, au sein des RSMA, est de 87 % pour le permis de conduire ! Ce panel de formation sera un début de passeport pour la vie. En dépit des primes mises en place avec les collectivités, le déficit de personnes formées demeure considérable. Dans ma région, nous avons essayé de former 50 personnes au Beesan, en finançant l'intégralité de la formation, mais il est difficile de trouver des volontaires. Le Gouvernement doit donner une impulsion et les collectivités territoriales doivent davantages'engager sur ce sujet.

Pour vous répondre, monsieur le président, je ne tiens pas à être responsable d'un ministère où l'on met trois fois plus de temps qu'ailleurs pour lancer un projet ; je n'en veux à personne, je connais les difficultés en matière de soutien technique et d'ingénierie.

Dans le cadre du comité interministériel des outre-mer (Ciom), 72 mesures ont été annoncées, avec une enveloppe de 10 millions d'euros ; un premier bilan de ces mesures sera dressé dans les prochains jours.

Comment procédons-nous ? Nous passons par l'Agence française de développement (AFD), les recensements s'effectuent dans les territoires et, en fonction des besoins des communes, nous décidons d'intervenir. Nous allons nous orienter vers quelque chose de plus formel, à la main des préfets. Je souhaite que des équipes se projettent sur des durées de 6, 12 ou 18 mois. Nous allons également nous appuyer sur les structures ayant les compétences requises pour aider les élus des territoires ultramarins
- l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la direction générale des collectivités locales (DGCL), l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), etc. -, afin d'intervenir dans les meilleurs délais.

Une forme de découragement s'installe lorsque les délais sont trop longs. Dans certaines communes des territoires ultramarins, des projets attendent depuis dix ans de voir le jour. Pour remédier à cela, nous allons déployer des moyens considérables. D'ici à la fin du mois de janvier 2024, nous serons en mesure d'obtenir la projection demandée. Ensuite, je réunirai tous les préfets afin de voir comment assurer un déploiement efficace, et je rendrai également compte au Sénat.

Je souhaite présenter des solutions adaptées, en concertation avec le ministre de l'intérieur et Dominique Faure, afin d'accompagner la transition énergétique et l'évolution des constructions dans les meilleurs délais. Les situations sont, le plus souvent, très complexes. Se pose d'abord le problème du foncier ; en Guyane par exemple, en dépit de la loi Letchimy, nous sommes encore loin du compte concernant les disponibilités foncières. Un autre problème concerne les matériaux ; sur ce sujet, l'adoption d'une norme spécifique RUP devrait être un atout. Notre volonté est bien de consommer les crédits.

Concernant les fonds européens, alors que nous étions les derniers de la classe, nous avons effectué une remontée notable. Le taux de consommation de ces fonds dans les territoires ultramarins a beaucoup progressé. Je suis à l'écoute des préconisations du Parlement pour améliorer l'accompagnement de nos territoires ultramarins.

Vous m'avez interpellé sur la violence à l'égard des élus. Je vous renvoie au plan national du 7 juillet dernier. Nous avons également étendu le dispositif de protection juridique aux élus des communes de moins de 10 000 habitants. Enfin, des opérations de proximité sont conduites par la gendarmerie nationale, de manière à ce qu'aucune violence ne reste impunie. Récemment, j'ai animé une association des maires dans un département de ma région et, sur la demande de Gérald Darmanin, je leur ai demandé de relayer ce message de fermeté. Les consignes données aux gendarmeries et aux commissariats sont très claires, nous ne laisserons rien passer ; toucher à un élu, c'est toucher à la République.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis. - Monsieur le ministre, ma question portait sur la certification des comptes de l'identité numérique dans quelques communes volontaires, et non sur la certification des comptes budgétaires des collectivités territoriales ; nous interpellerons les services pour obtenir des données plus précises.

Je souhaite revenir sur vos propos concernant les normes et le fonds vert. Depuis plusieurs années, nous déplorons une inflation des normes tout en cherchant à sécuriser l'initiative publique dans les territoires par la multiplication de règles et de procédures. Car, au-delà de la question des menaces et des agressions, les élus sont étouffés par la multiplication des normes, une camisole qui empêche toute action.

Concernant le fonds vert, lorsque nous avions auditionné Christophe Béchu il y a près d'un an, le déploiement du dispositif devait être d'une grande simplicité ; je note les efforts budgétaires pour cette année mais, si l'on s'en tient à la formalisation des dossiers, on ne peut pas parler de simplicité. Un même dossier peut être présenté pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), mais il en faut un différent pour le fonds vert...

On peut également s'interroger sur les demandes d'expertise de gains énergétiques concernant les bâtiments des années 1980 ; or, nous savons aujourd'hui que ces bâtiments sont des passoires énergétiques : les travaux qui seront faits amélioreront forcément la performance énergétique. Sans doute pouvons-nous simplifier les choses sur ce sujet.

Les préfets et sous-préfets ayant fait un service après-vente un peu trop alléchant, un certain nombre de communes ayant monté des dossiers ont eu des déconvenues en apprenant cet été qu'elles n'étaient pas éligibles. Le fonds vert peut aider au développement de nos territoires ; encore faut-il qu'il ne devienne pas une usine à gaz, loin de la réactivité et de la simplicité attendues.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. - Lorsqu'on a été élu local, on a forcément été confronté au sujet des normes. La volonté de la Première ministre de ne pas traiter les territoires ultramarins comme ceux de l'Hexagone apporte un élément de réponse. Une mission sur ce sujet vient d'être confiée à Éric Woerth ; son expertise à la fois d'ancien président de la commission des finances, d'ancien ministre du budget et d'élu local le qualifie pour faire un rapport sans complaisance, susceptible d'éclairer le Gouvernement et de favoriser la compréhension de ces normes.

Concernant le fonds vert, je n'étais pas encore ministre lorsque j'ai fait le tour des communes, en tant que député, pour expliquer le fonctionnement du dispositif. Vous m'accorderez que beaucoup de souplesse a été donnée. En dépit des 2 milliards d'euros engagés - 2,5 milliards d'euros l'année prochaine -, certains ont pu arriver un peu trop tard, mais cela se passe souvent ainsi pour les appels à projets. Un élu local doit toujours avoir trois projets dans ses tiroirs... En outre, des instructions seront données afin établir une meilleure articulation entre tous ces outils : fonds vert, DETR et DSIL.

Dominique Faure est très attachée à la simplification administrative. Inutile d'écrire dix pages ; une note de présentation et un budget consolidé doivent suffire. Il y va de la crédibilité de l'action publique. À un moment, sans doute que trop d'appels à manifestation d'intérêt (AMI) ont nui à l'efficacité locale ; le Gouvernement a décidé de simplifier les choses.

Au sujet de la certification des comptes, il est bon que l'on parvienne, sur la base du volontariat, à cette qualité. C'est aussi une question de confiance vis-à-vis de nos concitoyens, toujours plus demandeurs. Avec les moyens numériques à leur disposition, nos concitoyens ont la possibilité de tout consulter. Le fait de rendre des comptes est un gage de démocratie, et je tiens beaucoup à cette démocratie.

M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le statut des élus locaux, Dominique Faure avait annoncé un texte : à quelle date sera-t-il déposé, sachant que nous avons voté une proposition de loi portant sur la protection des maires au mois d'octobre 2023 ? Si nous avons bien compris, le texte du Sénat sera examiné à l'Assemblée nationale en janvier prochain...

M. Philippe Vigier, ministre délégué. - Les travaux de la Convention nationale de la démocratie locale (CNDL) se sont tenus le 7 novembre dernier, et le texte devrait arriver lors du premier semestre 2024.

Le Parlement est libre de l'organisation de ses travaux, et il arrive parfois, comme aujourd'hui, que les auditions du Sénat et de l'Assemblée nationale soient concomitantes...

M. François-Noël Buffet, président. - Pour être tout à fait transparent, je vous indique que le ministre de l'intérieur nous avait récemment informés de son indisponibilité, en raison de son audition à l'Assemblée nationale.

Je vous remercie, monsieur le ministre.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère des outre-mer

Cabinet du ministre délégué

M. Guillaume Vaille, conseiller budget et finances locales

Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques

M. Etienne Guillet, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État

Direction générale des outre-mer (DGOM)

Mme Karine Delamarche, Adjointe au directeur général des outre-mer

M. Olivier Benoist, sous-directeur des affaires juridiques et institutionnelles

Fédération des entreprises d'outremer (FEDOM)

M. Hervé Mariton, président

M. Laurent Renouf, délégué général


* 1 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.

* 2 Rapport d'information de M. Guillaume Chevrollier et Mme Catherine Conconne, « La continuité territoriale outre-mer », 30 mars 2023.

* 3 Rapport d'information de François-Noël Buffet, Philippe Bonnecarrère, Henri Leroy et Marie-Pierre de La Gontrie et Cécile Cukierman, « Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy et Saint-Martin : 4 territoires de la République dans la Caraïbe », 12 juillet 2023.

* 4 Articles L. 752-3-1, L. 751-3-2, L. 751-3-3, L. 756-4 et L. 756-5 du code de la sécurité sociale.

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