B. LE SÉNAT : UNE CROISSANCE DE LA DOTATION DE L'ÉTAT DANS UNE PROPORTION INFÉRIEURE À L'INFLATION PRÉVISIONNELLE
Les crédits demandés par le Sénat pour 2024 sont en hausse de 2,07 % par rapport à l'exercice précédent (353,47 millions d'euros contre 346,29 millions d'euros en 2023), en raison d'une hausse des dépenses de fonctionnement (+ 2,51 %, soit + 8,74 millions d'euros) que ne compense pas la baisse des dépenses d'investissement (- 13,43 %,soit - 2,53 millions d'euros).
La progression des dépenses de fonctionnement est principalement liée à la hausse de 1,5 % du point de la fonction publique à compter du 1er juillet 2023, dont l'effet, en année pleine, est évalué à 3,7 millions d'euros d'une part, et à l'inflation, dont le taux a été anticipé à 2,6 % dans la construction du budget pour 2024 d'autre part.
Évolution des dépenses du Sénat entre 2022 et 2024
Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024
1. Des dépenses de fonctionnement en progression, compte tenu de l'inflation et des mesures de revalorisation indiciaire
Les dépenses de fonctionnement augmentent de 2,51 % en 2024 (356,33 millions d'euros contre 347,59 millions d'euros l'année précédente), celles-ci étant principalement constituées des charges parlementaires23(*) (159,82 millions d'euros) et des dépenses de personnel (140,53 millions d'euros).
Les indemnités des sénateurs augmentent (+ 1,67 % en 2024) sous l'effet de la revalorisation du point de la fonction publique à compter du 1er juillet 2023. Les charges sociales, qui comprennent notamment les charges de sécurité sociale, de prévoyance et de retraite, connaissent une progression plus marquée (+ 3,65 %) en raison de l'augmentation des charges contributives de sécurité sociale des sénateurs pensionnés24(*).
Les différents postes de dépenses constituant les aides à l'exercice du mandat parlementaire présentent une évolution contrastée. Les diminutions sont liées à l'effet baissier du cycle électoral :
· les dépenses de l'association pour la gestion des assistants de sénateurs (AGAS) atteignent généralement leur plus bas niveau l'année qui suit le renouvellement électoral, ce qui explique la diminution de 4,38 % de la subvention octroyée (67,7 millions d'euros en 2024) ;
· l'enveloppe triennale relative aux frais informatiques des sénateurs (2,46 millions d'euros) ayant été entièrement inscrite au budget pour 2023, les dépenses de 2024 (1,53 million d'euros) correspondent à une estimation du reliquat non consommé qui sera réattribué aux sénateurs l'année prochaine.
A contrario :
· le montant inscrit au titre de l'AFM augmente de 1,5 million d'euros (25,05 millions d'euros en 2024) en raison de l'anticipation d'une meilleure consommation des droits cette année compte tenu de l'inflation ;
· les subventions aux groupes politiques (12,61 millions d'euros) augmentent dans la mesure requise pour l'application, aux collaborateurs, de l'augmentation de la valeur du point d'indice de la fonction publique.
Les dépenses de personnel et charges afférentes (140,53 millions d'euros) se répartissent entre celles des personnels des services (131,32 millions d'euros, soit 93,45 % de la dépense globale) et des personnels des jardins (9,21 millions d'euros).
Les dépenses de rémunération, hors charges, des personnels des services, fonctionnaires et contractuels, s'élèveraient à 105 millions d'euros en 2024 contre 101,41 millions d'euros en 2023 (+ 3,54 %), en raison de la hausse du point de la fonction publique d'une part, et de l'effet du glissement vieillesse-technicité appliqué à des effectifs quasiment constants d'un exercice à l'autre d'autre part.
Les dépenses de rémunération, hors charges, des personnels des jardins présentent une légère diminution (7,41 millions d'euros en 2024 contre 7,70 millions d'euros l'année précédente) du fait d'une « prévision affinée »25(*) de ce poste de dépenses.
2. Une baisse conjoncturelle des dépenses d'investissement qui ne saurait masquer d'importants besoins de financement dès 2025
Les dépenses d'investissement concernent principalement les opérations de travaux sur les bâtiments et la mise à niveau d'installations et d'équipements techniques. Pour 2024, elles s'élèveraient à 16,29 millions d'euros, soit une baisse de 13,43 % (- 2,53 millions d'euros) par rapport à l'exercice précédent.
Cette baisse résulte principalement du caractère cyclique de la politique d'investissement du Sénat : des chantiers d'ampleur engagés en 2022 (rénovation de la salle Clemenceau, rénovation des bureaux des sénateurs dans le bâtiment J du 20 rue de Tournon, restructuration du 26-36 rue de Vaugirard, etc.) entreront en phase d'achèvement l'année prochaine, générant ainsi moins de dépenses que les années précédentes.
À compter de 2024, plusieurs projets d'investissement pluriannuels majeurs seront entrepris : la rénovation de la salle d'accueil du 15 rue de Vaugirard (3,31 millions d'euros), la poursuite de la rénovation des façades et couvertures du Palais (10,38 millions d'euros) et le lancement de la restructuration du Petit Luxembourg Est (bâtiment C) ainsi que de la salle d'accueil du 15 ter rue de Vaugirard (38,54 millions d'euros). En ce qui concerne le jardin du Luxembourg, le principal projet d'investissement l'an prochain concernera la poursuite des travaux de restauration des grilles et des murets.
Comme l'illustre le tableau présenté infra, les besoins de financement liés à ces projets d'ampleur seront particulièrement importants à compter de 2025.
Projection des dépenses sur certains projets d'investissement d'ampleur
(en millions d'euros)
Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024
3. Une maîtrise de la hausse de la dotation de l'État compensée par un prélèvement sur disponibilités, dont les limites pourraient être atteintes à l'horizon 2026
Les ressources budgétaires du Sénat se composent de la dotation de l'État, de ses réserves et, de manière plus marginale, de recettes propres. Cette dernière catégorie représenterait 6,43 millions d'euros en 2024 contre 6 millions d'euros en 202326(*).
De 2012 à 2021, le montant de la dotation versée par l'État au Sénat est resté constant à hauteur de 323,58 millions d'euros. Afin de répondre à d'importants besoins en investissement et de compenser une partie de l'inflation prévisionnelle, la dotation a augmenté une première fois de 4,64 % en 2022 (+ 15 millions d'euros). Pour 2023, l'accélération de l'inflation et la hausse du point d'indice de la fonction publique de 3,5 % à compter du 1er juillet 2022 ont conduit à une nouvelle augmentation de la dotation de 2,28 % (+ 7,71 millions d'euros).
En 2024, la dotation augmenterait à nouveau de 2,07 % pour atteindre 353,47 millions d'euros, afin de couvrir le surcroît de dépenses résultant de l'effet, en année pleine, de la hausse du point de la fonction publique à compter du 1er juillet 2023 et d'une inflation « dont la décrue annoncée tarde à se manifester. »27(*) Les dépenses de fonctionnement s'élevant à 356,33 millions d'euros, celles-ci seront couvertes quasi intégralement par la dotation de l'État.
Depuis 2012 et à l'exception de l'année 2022, les dépenses d'investissement ont systématiquement été financées par un prélèvement sur disponibilités et, dans une moindre mesure, par les recettes propres.
Tel sera également le cas en 2024 : les dépenses d'investissement, qui s'élèvent à 16,29 millions d'euros, seront financées par un prélèvement sur les disponibilités à hauteur de 12,73 millions d'euros, complété par une partie des recettes propres (6,43 millions d'euros au total).
Source : Annexes aux projets de loi de finances depuis 2018
Toutefois, la soutenabilité de ce mode de financement pourrait être remise en question au cours des exercices futurs, et en particulier à compter de 2026. Dans un contexte où des investissements coûteux devront être réalisés28(*), le maintien, à niveau constant, de la dotation de l'État conduira mécaniquement à une dégradation du solde budgétaire et, par suite, des réserves du Sénat à un niveau inférieur au niveau prudentiel adapté.
Projection triennale des dépenses et des ressources du Sénat
(en millions d'euros)
Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024
Compte tenu de ces projections, le Sénat serait favorable à « l'établissement d'une analyse budgétaire fonctionnelle sous la forme d'une action spécifique permettant d'identifier les travaux relevant de la mission d'entretien patrimonial confié au Sénat par la Nation » afin de « mieux appréhender les besoins de financement nouveaux suscités par cet entretien ». Dans ce contexte, une évolution de la dotation pour les années à venir est envisagée « en fonction du double impératif d'entretien du Palais du Luxembourg et de la nécessité de maintenir les disponibilités à un niveau prudentiel adapté. »29(*)
* 23 Les charges parlementaires comprennent les indemnités et charges sociales des sénateurs d'une part (48,94 millions d'euros), et les aides à l'exercice du mandat - dotation versée à l'Association pour la gestion des assistants de sénateurs, AFM, subvention aux groupes politiques, etc. - d'autre part (110,88 millions d'euros).
* 24 Celles-ci sont affectées à la hausse par l'augmentation du nombre de pensionnés à la suite du renouvellement et par la mesure générale de revalorisation des pensions à compter du 1er janvier 2024, entraînant une hausse de l'assiette des contributions à la charge du Sénat.
* 25 Page 44 de l'annexe de la mission « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024.
* 26 Ses composantes principales sont les redevances annuelles de gestion versées au Sénat par les caisses autonomes de sécurité sociale et de retraites et la redevance d'affectation versée par Public Sénat.
* 27 Page 45 de l'annexe de la mission « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024.
* 28 La restructuration du Petit Luxembourg Est (bâtiment C) et de la salle d'accueil du 15 ter rue de Vaugirard, dont le coût prévisionnel global est évalué à hauteur de 38,54 millions d'euros, entraînera des « dépenses significatives » à compter de 2026.
* 29 Page 46 de l'annexe de la mission « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024.