B. UN VERSEMENT CHAOTIQUE EN 2023 DU SOLDE DE LA TAXE D'APPRENTISSAGE AUX ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Jusqu'à cette année, le solde de la taxe d'apprentissage était directement versé par les entreprises aux établissements éligibles de leur choix.
Les modalités de collecte et de versement de la taxe ont évolué en 2023. Plutôt que d'envoyer leurs chèques et virements directement aux établissements, les entreprises versent désormais via l'URSSAF et la mutuelle sociale agricole leur contribution à une plateforme appelée SOLTéA. Elles indiquent également sur cette plateforme la répartition de leur contribution - en pourcentage et non en montant - entre les établissements. La plateforme se charge ensuite de procéder au virement.
SOLTéA
Crédits n'ayant pas pu être attribués (« fonds libre »)
SOLTéA, la nouvelle plateforme de collecte du solde de la taxe d'apprentissage
Cette première année de mise en oeuvre a été, pour reprendre les propos entendus en audition, « une catastrophe industrielle » pour plusieurs raisons :
- les établissements d'enseignement supérieur ont connu des difficultés pour se connecter à la plateforme et s'inscrire ;
- le processus a également été particulièrement compliqué pour les entreprises présentes sur plusieurs sites, avec une multiplication des SIRET à renseigner ;
- en raison de dysfonctionnements, la plateforme a été temporairement fermée au moment même où de nombreux établissements menaient leur communication auprès des entreprises pour le versement de ce solde ;
- face aux difficultés pour trouver l'établissement sur la plateforme, un certain nombre d'entreprises n'ont pas attribué leur solde, ou seulement une partie de celui-ci. Les fonds non attribués constitueront un « fonds libre », dont les modalités de répartition restent à déterminer. (cf ci-après). Il s'agit d'une problématique inédite ;
- le suivi des versements est particulièrement difficile pour les établissements d'enseignement : elles n'ont connaissance que du numéro de SIRET et pas du nom de l'entreprise leur ayant versé une contribution.
Par arrêté du 6 octobre 2023, le calendrier de la campagne de répartition a été prolongé jusqu'au 9 novembre, pour permettre d'une part aux établissements de s'inscrire sur la plateforme, compléter leurs dossiers et solliciter les entreprises, et d'autre part pour laisser plus de temps aux entreprises de répartir leurs soldes entre les établissements et ainsi limiter le « fonds libre ».
Un calendrier des versements profondément perturbé
Les établissements d'enseignement ont bénéficié d'un premier versement le 24 août. Une deuxième campagne d'allocation des fonds par les entreprises a été ouverte du 24 aout au 5 octobre. Un deuxième versement aux établissements a été fait vers le 15 octobre.
Une troisième campagne d'allocation des fonds par les entreprises a ouvert le 10 octobre et prolongé jusqu'au 9 novembre. Un troisième virement aux établissements d'enseignement doit être fait à partir du 2 décembre. Enfin, le 15 décembre, la dotation du fonds libre doit être attribuée, dans des conditions restant à définir.
L'ensemble de ces éléments ont entraîné un retard dans le versement de la taxe d'apprentissage aux établissements. Au 31 août 2023, à peine 20 % avaient été alloués par rapport à la même période en 2022. Or, les établissements d'enseignement supérieur doivent clôturer leur budget au 31 août. L'élaboration du budget s'est faite cette année dans un contexte d'incertitude sur les sommes qui seront in fine perçues. Ce versement tardif a conduit certains établissements à connaître des tensions dans leur trésorerie.
Par ailleurs, les deux versements de décembre seront difficilement utilisables pour des dépenses de fonctionnement, les règles de comptabilité publique imposant que la dépense ait lieu l'année civile d'attribution du solde.
Enfin les critères d'attribution du « fonds libre » restent inconnus. Pour le rapporteur, il ne peut pas s'agir d'une allocation forfaitaire : le nombre d'étudiants par établissement doit être pris en compte. Par ailleurs, il alerte sur une attribution de ce fonds prioritairement aux établissements qui forment aux métiers en tension. Un certain nombre d'« officines » aux formations non contrôlées ni reconnues par l'État se sont emparées de ce créneau, et en seraient alors les principales bénéficiaires7(*). À ce sujet, le rapporteur invite l'État à travailler avec l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur publics et privés pour permettre le développement rapide de nouvelles formations, afin ne pas laisser ce champ aux mains de structures ne faisant l'objet d'aucun contrôle.
* 7 Cf. compte rendu de la table ronde sur l'essor du secteur privé lucratif dans l'enseignement supérieur du 11 octobre 2023, commission de la culture du Sénat.